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Présentation
Les editeurs
Les Orientations du Vatican pour les relations religieuses avec les juifs (Déc. 1974) expriment le souhait que « les chrétiens apprennent par quels traits essentiels ~les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue». S'il est vrai que, pour les chrétiens, « le Nouveau Testament met en lumière la pleine signification de l'Ancien», id est également vrai que ceux-ci doivent pouvoir connaître et apprécier la manière dont le peuple juif, auteur et interprète de la Bible hébraïque, vit ses propres Ecritunes. C'est dans cet esprit que nous présentons ce numéro de 'la revue sur: Le Cantique des Cantiques: diverses interprétations.
Lorsque nous étudions les commentaires juifs du Cantique, il est intéressant de constater comment ce poème d'amour, intensément humain, comme le notent plusieurs de nos auteurs, a été constamment lu dans une perspective pascale. Quel était en effet, le dessein du Seigneur lorsqu'il libérait de l'Egypte une horde d'esclaves et en faisait Son peuple, sinon de les attirer à Lui, tel un époux s'attache son épouse, un amant son aimée? La force de ce poème lyrique, son attrait, vient de ce que le sens spirituel ne peut être séparé du sens littéral, l'amour humain qui rapproche l'homme et la femme est « le symbole le plus expressif de ~1'amour réciproque » de Dieu et de Son peuple? Combien émouvant est ce langage de l'amour divin qui s'exprime sous des mots humains, en sorte que le physique et le spirituel, l'humain et le divin, ne font plus qu'un!
Evidemment cela suppose que cette lecture se fasse dans la foi, cette for qui amenait le peuple juif à reconnaître dans un poème passionné ne parlant pas explicitement de Dieu une parabole de l'amour divin, et à l'intégrer dans le canon de ses Ecritures. « Si toutes les Ecritures sont saintes, Shir Hashirim est le saint des saints », disait déjà Rabbi Akiba.
Il est significatif que ce poème ait été choisi comme « megillah » ou rouleau spécial pour la lecture synagogale de la Pâque. Parce qu'il a ce sens pascal, le Cantique est bien plus qu'un petit livre de 1a littérature sapientielle; on le considère souvent comme résumant, englobant tous les 'livres de
la Bible, « le plus complet, le plus universel et peut-être le plus parfait d'entre eux ».(1) Et si cela est vrai pour les juifs, cela nous concerne aussi en tant que chrétiens, car nous vivons, nous aussi, en Jésus Christ, 1e mystère pascal; nous sommes, comme le peuple juif, un peuple libéré de l'exil et racheté, appelé à la jubilation de noces éternel-les.
L'Eglise primitive n'a pas interprété autrement le Cantique. Origène, dès da fin du 2e siècle, décrit le cheminement de la vie spirituelle du chrétien -en diverses étapes, divers « cantiques », dont le premier exige de « sortir de la terre d'Egypte et de traverser la Mer rouge... ». La tradition monastique per pétuera cette exégèse spirituelle et « pascale »; et les mystiques, tels Jean de la Croix et Thérèse d'Avila, trouveront dans le langage, les images, le mouvement, la passion de l'amour du Cantique, le symbole le plus expressif de leur propre amour, de leur union à Dieu.
Replongeons-nous donc dans le plus beau des cantiques. Réapprenons de nos frères juifs comment le prier, comment y retrouver « le chant mystique de l'amour divin, dans ses révélations successives, au coeur de l'histoire d'Israël »; comment y retrouver la bonté, la tendre sollicitude (Hesed) de notre Dieu, « le visage terrible et merveilleux de l'amour absolu » qui a brillé pour nous, chrétiens, sur la face du Christ; comment y retrouver finalement le coeur même de toute la Bible.
La Rédaction.
1. Le titre: Cantique des Cantiques est une forme de superlatif (notre forme du superlatif n'existe pas en hébreu; on le rende par des circonlocutions). Le sens serait donc: « le plus important des cantiques », « le plus beau » ou « le plus sublime », en hébreu: Shir Hashirim. Un autre titre donné à ce poème est: Cantique de Salomon.
2. Voir R.J. Tournay: Quand Dieu parle aux hommes le langage de l'amour, éd. Gabalda, Paris 1982.
3. Cette citation et celles insérées ci-dessous sont extraites du Liminaire du livre de A. Chouraqui: Le Cantique des Cantiques suivi des Psaumes, éd. PUF, Paris 1970.
De plus, le texte biblique que nous citerons dans cette revue sera généralement celui de la traduction de A. Chouraqui dans ce même livre.