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Présentation
La rédaction
Dans un récent commentaire des Orientations et Suggestions, publiées en janvier 1975 par la commission du Vatican pour les relations judéo-chrétiennes, Henry Siegman, rabbin du Synagogue Council of America, déclare que «l'aspect sans doute le plus important du document est l'invita tion faite aux Chrétiens de chercher à apprendre 'par quels traits essentiels les Juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue'. Ainsi donc grâce à une authentique ouverture aux catégories de la pensée juive quand elle se définit elle-même, un dialogue honnête et fécond sera rendu possible entre l'Eglise et la Synagogue».
Chaque numéro de Sidic traite de l'un ou l'autre aspect de ce lent processus d'écoute et d'étude, et par conséquent tente d'avancer sur le chemin qui doit mener à un véritable dialogue. Le thème de ce numéro est la complexe réalité du judaïsme. Il semble que ce soit une question fondamentale dans les relations judéo-chrétiennes. En effet, ceux qui ont quelque expérience de ces relations savent que la tradition chrétienne et la tradition juive diffèrent beaucoup entre elles aussi bien dans leurs catégories de pensée que dans leur approche du réel. Et ceci bien souvent est cause de malentendus qui peuvent, même inconsciemment, bloquer tout progrès dans la relation. D'une façon très générale on pourrait dire que l'approche chrétienne est plus théologique et dogmatique en face d'une approche juive plus historique et pragmatique. Ceci, bien sûr, révèle des identités différentes. Or le respect de l'autre, dans son identité propre, est une condition de dialogue et cela exige une grande ouverture au pluralisme des personnes et des opinions pour éviter le risque de généralisations hâtives et figées à partir de nos catégories personnelles. L'histoire des relations judéo-chrétiennes illustre ces attitudes: les Juifs voient trop souvent le christianisme ou du moins l'Eglise catholique comme un bloc monolithique. Les Chrétiens considèrent le judaïsme comme n'importe quelle autre religion et souvent comme la religion de « l'Ancien Testament » remplacée, au moins au plan théologique, par le christianisme. Même ceux qui éprouvent une sympathie pour les Juifs n'arrivent pas à comprendre l'identité juive et la voient comme une religion. D'ailleurs, les Juifs eux-mêmes ont du mal à définir leur propre identité et ils ne sont pas d'accord entre eux à ce sujet. Il reste pue, pour la plupart, ils ne se présentent pas comme les fidèles d'une religion mais comme les membres d'un peuple qui vit une relation d'alliance avec Dieu et dont le destin est lié à une terre promise par Dieu. De ce fait découlent d'importantes conséquences qui, selon l'expression du professeur Werblowshy, rendent «a-symétriques» les relations entre l'Eglise et la Synagogue; et ceci explique que soient différentes leurs vues sur la vie, la foi et le dialogue.
La conscience de ces différences est donc la condition indispensable pour un véritable, quoique difficile, dialogue entre Juifs et Chrétiens. Notons, à ce propos, que le dialogue des Chrétiens et des Musulmans pose des problèmes semblables comme l'a bien montré la rencontre de Tripoli en février dernier. Mais ces différences au lieu d'apparaitre comme des obstacles pourraient être abordées comme un défi face à certaines vues traditionalistes et comme une invitation à une nouvelle étude de questions fondamentales telles que: religion et vie, foi et histoire, sacré et profane etc...
En publiant ce numéro de Sidic sur la complexe réalité du judaïsme nous avons bien conscience qu'il est impossible de rendre compte de sa profondeur et de sa richesse. Deux auteurs, un juif et un chrétien, donnent chacun une vue de cette question si vaste. L'un d'eux, le rabbin Magonet espère, fort modestement, que son article «dit quelque chose d'une approche juive (à tout le moins l'approche d'un juif) de la question». Nous remercions vivement les deux auteurs de leur contribution qui aura la mérite, nous en sommes convaincus, de favoriser une meilleure compréhension entre Juifs et Chrétiens.