| |

Revista SIDIC XVI - 1983/2
Le Témoignage: aspects juifs et chrétiens (Pages 22 - 23)

Otros artigos deste número | Versión en inglés | Versión en francés

Liturgie: La proclamation de la sainteté de dieu, forme de témoignage
Carmine Di Sante

 

Bien des définitions peuvent être données du phénomène liturgico-cultuel. L'une d'elles, qui tient compte avant tout des aspects linguistique et anthropologique, est celle-ci: il s'agit d'un langage particulier, de caractère symbolico-rituel, qui exprime le rapport de foi d'une communauté croyante avec Dieu. A ce point de vue la liturgie, comme tout autre langage, ne peut pas ne pas être, par sa logique interne, un témoignage. Nous entendons par témoignage l'expérience directe et personnelle qu'a l'individu d'un objet ou d'un événement, expérience qui s'oppose à d'autres formes de connaissance, indirectes ou médiates. Quiconque est témoin d'un accident ou s'engage dans une entreprise devient automatiquement un « témoin »: il connaît personnellement, et non par personnes interposées ou par information indirecte. Le témoignage donne la sensation profonde que toute distance s'efface entre l'événement et le sujet et place le sujet au coeur de cet événement.

La liturgie, juive comme chrétienne, par un ensemble de formules eucologiques, de symboles et de rites, place les croyants face à Dieu et en fait des « témoins », ayant part à son mystère et à sa miséricorde. La communauté croyante ne parle plus alors de ce qu'elle connaît par oui-dire; elle parle de ce qu'elle perçoit et expérimente (cf. le célèbre « ho-die » de la liturgie).

L'une des plus importantes et des plus belles prières de la liturgie juive est la « kedushah » sur laquelle repose, selon la tradition talmudique, l'édifice total du monde (cf. Talm. Sota 49a: » Comment l'univers peut-il se maintenir? — Uniquement par la vertu de la Kedushah... »). Partie intégrante du Shemoneh Esreh (ou tefilah), la Kedushah est la troisième des 18 bénédictions qui constituent le texte fondamental de la Plut.- gie juive:

Lecteur: « Nous sanctifierons Ton Nom dans le monde, de même qu'on le sanctifie au plus haut des cieux, selon qu'il est écrit par la main de Ton prophète: l'un appelle l'autre et s'écrie:

Assemblée: Saint, saint, saint est le Seigneur Cebaot (1)
remplie est toute la terre de Sa gloire.

Lecteur: Ceux qui sont devant eux disent:

Assemblée: Bénie! Bénie la gloire du Seigneur depuis Son lieu!

Lecteur: Et en Tes paroles saintes, il est ainsi écrit:

Assemblée: Le Seigneur règnera pour l'éternité, ton Dieu, Sion, d'âge en âge — Mlelouyah! »

Dans cette prière, Israël proclame la sainteté de Dieu en unissant sa voix à celle des anges qui, depuis toujours et pour l'éternité, proclament la souveraineté ineffable de Dieu: Saint, Saint, Saint est le Seigneur Cebaot. Toute la terre est pleine de sa gloire » (Is. 6,3). Quel est le sens de cette sainteté quIsraël proclame et dont, par cette proclamation, devient le témoin? La « sainteté » (de la racine k - d - sh, interprétée habituellement dans le sens de: séparer, diviser, exprime le caractère insondable du mystère de Dieu et, de ce fait même, sa liberté et son autonomie face à l'intelligence et aux projets de l'homme. Dieu est saint, face à l'homme, parce qu'irréductible à sa volonté et à la prétention qu'il a de Le posséder, Le dominer. Le sens profond de cette sainteté de Dieu (qui appelle normalement l'interdiction de Le représenter et de Le nommer) se trouve exprimé tout entier dans cette simple affirmation: l'homme ne peut se servir de Dieu, mais il doit au contraire Le servir; affirmation bien simple, semble-t-il, et pourtant révolutionnaire si l'on songe combien l'homme religieux a souvent utilisé Dieu au lieu de Le servir.

Cette affirmation en appelle une autre, plus importante encore: la sainteté divine est toute différente de la notion philosophique de transcendance; elle ne signifie pas la froideur lointaine mais la proximité totale, intime. Dieu est « séparé » de l'homme non parce qu'Il lui est distant, mais parce que c'est Lui qui, par la force de Son amour, lui donne d'exister. Comme la racine transcende le tronc qu'elle nourrit ou la matrice, le foetus qu'elle contient, Dieu transcende l'homme et l'histoire parce qu'Il les crée et les inspire. Aussi la sainteté de Dieu, dans la perspective biblique, n'invite-t-elle pas à la spéculation ou à la contemplation, mais à l'imitation et à l'action: « Soyez saints parce que moi, le Saint, je suis saint » (Lv 19,2); imitation de Sa sainteté que les rabbins commentent ainsi: « De même qu'Il revêt ceux qui sont nus, revêtsiles toi aussi; de même qu'Il visite les malades, fais de même 'toi aussi; de même qu'Il console les affligés, réconforte toi-même ceux qui sont dans la peine... »

Ces deux aspects de la Kedushah (transcendance et don de la vie) qui témoignent de la liberté et de la créativité de l'amour divin, se retrouvent aussi au coeur de la liturgie chrétienne, dans ce que nous appelons la Prière Eucharistique, prière qui intègre en le reprenant à la lettre le texte d'Isaïe. La communauté croyante ytémoigne de la sainteté de Dieu qui, en Jésus mort et ressuscité, a vaincu la mort et confirmé le triomphe de la vie. Le lien entre résurrection et sainteté se trouve déjà dans la 2ème bénédiction du Shemoneh Esreh, celle qui précède la Kedushah et qui, jusqu'à cinq fois, parle de Dieu comme de Celui qui « ressuscite -les morts et qui fait vivre ». Ce lien se trouve explicité dans le Sanctus/Kedushah de la liturgie chrétienne, situé entre la Préface (célébrant le Dieu de la vie vainqueur de la mort) et l'anamnèse/épiclèse (rappelant la mort et la résurrection de Jésus). La sainteté de Dieu est reconnue dans son acte de rappeler à la vie. Il est proclamé trois fois Saint (Kadosh) parce qu'Il «a ressuscité Jésus d'entre les morts ».

Pour être témoin, il faut être personnellement impliqué dans un événement, y participer. Dans la liturgie, et surtout par la prière de la Kedushah, les deux peuples de la Promesse, juif et chrétien, participent à la sainteté de Dieu. Ils témoignent ainsi qu'il est « le Dieu vivant » et « la Source de la vie » (Jos. 3,10 et Ps. 36,10), non seulement pour eux-mêmes mais pour toute l'humanité.


Cebaot: traduit souvent par « armées », « légions »; il s'agit du Dieu « de l'univers » qui est mû à chaque instant par Lui.

 

Inicio | Quiénes somos | Qué hacemos | Recursos | Premios | Únete a nosotras | Noticias | Contáctanos | Mapa del sito

Copyright Hermanas de Sion - Casa General, Roma - 2011