Otros artigos deste número | Versión en inglés | Versión en francés
L'autre et l'etranger dans la tradition chrétienne
Eglises protestantes de la Suisse, Conférence des évêques suisses, Conseil Synodal de l-Eglise catholique-Chrétienne de la Suisse
Nous savons, par l'Evangile, que ceux qui croient en Jésus partagent avec le peuple juif les mêmes commandements essentiels:
"Le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur; et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et le second commandement est: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là » (Mc 12, 29-31; Dt 6, 4-9).
Le critère pour juger de notre amour envers Dieu est l'amour que nous portons au prochain.
On ne trouve dans le Nouveau Testament aucun fondement à des attitudes discriminatoires envers certaines personnes, que ce soit au nom de la race ou de la religion, et cependant le société chrétienne a été rarement exempte de telles attitudes. A chaque génération, l'Eglise a dû répéter l'enseignement de l'Evangile, et en notre génération cela est bien nécessaire encore.
La déclaration commune des trois Eglises de Suisse intitulée: Aux Côtés des Opprimés - Pour un Avenir Commun illustre cet enseignement pour le temps où nous vivons.
Nous ne donnons ici que des extraits de ce beau texte. On trouvera le document complet dans la Doc. Cath. du 21.7.1991, N. 2032.
Aux côtes des opprimés
Pour un avenir commun
Memorandum des 3 Eglises nationales de Suisse
I. XÉNOPHOBIE ET RACISME S'ÉTENDENTDéclarations xénophobes et violences racistes ont gagné de l'importance chez nous aussi. Dans beaucoup d'endroits, il est devenu acceptable d'afficher des idées racistes et un comportement xénophobe en société. Les personnes et les institutions qui ont à faire avec des gens d'aures cultures se plaignent notamment d'une véritable vague de racisme et de xénophobie dans le public. Les violences contre les demandeurs d'asile ont fait les manchettes ces derniers mois: des réfugiés ont été agressés et roués de coups, leur vie volontairement mise en danger et leurs logements endommagés ou détruits. Les barbouillages antisémites, les profanations de sépultures et les menaces contre des institutions juives se multiplient. Et nous nous habituons de plus en plus à des termes méprisants comme "renvoi dans le pays d'origine", "faux réfugiés", "réfugiés économiques".
Une telle évolution menace, en Suisse également, la paix entre personnes d'origines diverses...
II. LES CAUSES PROFONDES DE LA XÉNOPHOBIE
A la recherche de Boucs émissairesSi beaucoup de ces personnes ignorent ou ne connaissent que partiellement les causes de leur peur croissante face à la vie, c'est chaque jour qu'elles rencontrent des étrangers vivant dans notre pays ou cherchant à y gagner leur existence. Dans une conception sommaire de la réalité, les étrangers semblent être les responsables de la crise helvétique. La tentation est alors grande de chercher des boucs émissaires et d'attribuer une culpabilité aux « étrangers ». Car il est facile de se décharger sur autrui de sa propre impuissance et de sa faiblesse, de tout ce qu'on ne peut combattre, de tout ce qui nous menace. D'autant plus que nombre d'entre nous, ayant perdu depuis longtemps leur identité culturelle, se sentent encore davantage menacés par les modes de vie inhabituels des immigrants.
La peur de l'avenir inconnu et donc « étranger » devient alors la peur des personnes étrangères. Cette peur cachée de l'étranger se manifeste chez certains d'entre nous par une haine ouverte de l'étranger, et cela d'autant plus que les oppositions sociales se font plus aiguës...
III. RESPONSABILITÉ DES CHRÉTIENS ET DES EGLISES
Nous avons tous une grande responsabilitéNous les Eglises, nous voulons reconnaître les causes de la détresse individuelle et de la colère d'une partie de notre population et les combattre à la racine.
Nous les Eglises, nous voulons prendre position clairement et nettement en faveur des victimes du racisme et de la xénophobie et les protéger de préjudices ultérieurs.
Nous les Eglise, nous voulons faire en sorte que les lois et les institutions de notre pays soient humaines et en accord avec l'esprit des droits de l'homme.
Nous croyons que Dieu a créé chaque être humain à son image (On 1,27) Cette image de Dieu n'a pas seulement la peau blanche, une nationalité occidentale, ne fait pas uniquement partie de la classe moyenne ou aisée. L'image même de Dieu est aussi noire, jaune ou métissée, africaine ou asiatique, pauvre et humiliée... Dieu connaît la valeur et la dignité de tout être humain. Dieu a scellé avec Noé et ses fils une alliance qui s'étend à toute la terre: « J'établis mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les être animés qui sont avec vous... Je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre » (On 9, 9-13).
Nous croyons que Dieu est venu en Jésus-Christ, afin de sauver et d'unir tous les êtres humainsJésus de Nazareth est entré en contact avec les êtres humains les plus divers et il les a tous acceptés. Il s'est particulièrement tourné vers les exclus de son époque. Il s'est tellement identifié à eux qu'il nous a annoncé: « Ce que vous avez fait à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40).
Nous croyons que sommes unis par la mort de Jésus-ChristL'apôtre Paul a écrit aux Galates: « Il n'y a plus ni juif ni non-juif, ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu'un en Jésus-Christ » (Ga 3,28). La communauté chrétienne est invitée à donner chaque fois de nouvelles formes à la vie commune dans la paroisse, afin que nul ne soit l'objet de discrimination et que tous soient pleinement acceptés. Nous sommes appelés à voir dans nos différences un enrichissement et non une menace.
Pour la Bible, la communauté des êtres humains est l'expression de la fraternité des soeurs et des frères. La communauté s'efforce au respect mutuel ainsi qu'à la protection réciproque de ses membres. L'hospitalité est une expression fondamentale de la communauté humaine. Elle englobe les exclus, les pauvres, les marginaux, et aussi les sans-patrie, les déracinés, les étrangers. L'hospitalité éveille l'imagination créatrice, le courage et l'ouverture, elle combat la paralysie due à l'indifférence, à la résignation ou à la peur.
Nous croyons que l'esprit du Christ est parmi nous et qu'il nous libèreIl nous libère, lorsque nous le reconnaissons, des peurs qui nous paralysent. Il remplit d'espoir. A la Pentecôte, il a permis aux disciples de comprendre le langage de chacun!
Pourtant, les Eglises ont été coupables, à plusieurs reprises, de racisme et de xénophobie. Elles n'ont pas toujours lutté résolument et de toutes leurs forces contre le racisme quel qu'il fût. Oui, les Eglises elles-mêmes ont eu parfois un comportement raciste. Afin de ne pas nous charger d'une nouvelle faute, nous voulons tirer la leçon de l'histoire. Et nous ne pouvons le faire sans nous rappeler le message de l'Evangile...
IV. CE QUE NOUS DEMANDONS AUX EGLISES
Surmonter notre faiblesseNous les Eglises — conscientes d'attitudes antisémites et parfois racistes dans notre propre passé — nous sommes appelées à nous engager sans compromis en faveur de tous les persécutés, opprimés, défavorisés et marginalisés. Nous devons nous efforcer d'abandonner des attitudes nationalistes, eurocentristes et paternalistes, précisément envers les êtres humains d'autres continents. La communauté chrétienne est appelée à aider les personnes en difficulté, à vivre une existence digne de ce nom à l'intérieur et non en marge de la société. Les chrétiennes et les chrétiens devraient aller à la rencontre des étrangers et des exclus et les accepter.
Accepter les étrangersEglises et paroisses sont appelées à accepter aussi des étrangères et des étrangers en qualité de membres de leur communauté. Elles doivent s'ouvrir davantage aux préoccupations de leurs semblables étrangers et marginalisés, et se confronter à leurs problèmes et à leurs souhaits. Les Eglises et les paroisses sont également invitées à améliorer les contacts avec les étrangers non chrétiens, et à mettre à leur disposition, en cas de besoin, des locaux et des installations, afin de les aider à retrouver un coin de patrie à l'étranger...
V. CE QUE NOUS ATTENDONS DES ECOLES ET DES INSTITUTS DE FORMATION
Découvrir d'autres culturesLes écoles comptent toujours plus d'enfants de toutes origines grandissant ensemble. L'école multiculturelle représente un défi, mais aussi un chance extraordinaire! Elle donne à des représentants de cultures différentes l'occasion de vivre en commun et de vaincre leurs préjugés, l'une des causes principales de la xénophobie et du racisme. L'école a un rôle-clé dans ce domaine, car on peut apprendre à s'ouvrir aux autres tout comme on apprend à être raciste!
Surmonter les préjugésLa convention contre le racisme oblige tous les Etats signataires à organiser leur système de formation de telle sorte que les préjugés reculent et que l'ouverture, la tolérance et la compréhension entre les peuples soient encouragées.
Les programmes et les méthodes d'enseignement de toutes les écoles et de tous les instituts de formation doivent faire l'objet d'un examen systématique, afin de savoir si leurs contenus suscitent ou renforcent des préjugés xénophobes ou racistes. Si c'est le cas, un changement doit intervenir aussi rapidement que possible.
L'enseignement devrait permettre d'aller à la rencontre de l'environnement et du pays de tous les élèves, afin de faire disparaître les préjugés et naître la compréhension. Cela s'applique aux enfants étrangers comme aux enfants suisses.
Nous saluons les réalisations de tous ceux qui dans le domaine de l'éducation — et particulièrement dans les écoles professionnelles — s'efforcent de répondre aux besoins et aux difficultés d'enfants d'autres pays dans un environnement étranger pour eux, et d'améliorer la compréhension à leur égard...
VI. CE QUE NOUS ATTENDONS DES HABITANTS DE NOTRE PAYS
L'ouverture des coeursNous remercions ceux qui, dans notre société et dans nos Eglises, s'engagent en faveur des opprimés et des persécutés. Mieux accepter et comprendre les hommes dans leurs différences, reconnaître leur droit à d'autres modes de vie et de pensée, voilà des étapes importantes pour surmonter la xénophobie et le racisme. Pour y arriver, il faut faire l'expérience de rencontres personnelles, recevoir de façon différenciée des informations multiples concernant, par exemple, les raisons qui ont poussé les demandeurs d'asile à fuir leur pays pour se réfugier chez nous.
L'ouverture des frontièresMême s'il nous est difficile de regarder les faits en face, la Suisse ne peut fermer ses frontières. Sa richesse et le fossé Nord-Sud contribuent à la migration croissante des populations. Et même s'il nous reste difficile de regarder les faits en face, notre pays ne comptera pas moins d'étrangers à l'avenir. Vous aussi, encouragez dans notre pays la compréhension et la solidarité pour nos semblables étrangers et rejetés en marge de la société! Engageons-nous pour un avenir commun aux côtés de tous les opprimés de notre pays!
Berne et Fribourg, le 14 mai 1991.
Le Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de la Suisse - Heinrich Rusterhoz, président
La Conférence des évêques suisses - Joseph Candolgi, président
L'évêque et le Conseil synodal de l'Eglise catholique-chrétienne de la Suisse - Hans Gerny Urs Stolz.