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Enseignement et éducation: L'attitude à l'égard du méchant - Un commentaire de Matthieu 5,43-48
Louise Marie Niesz
Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait (Mt 5A8).
Par ce verset final du 5e chapitre de son Evangile, Matthieu nous renvoie au grand «Code de sainteté » du Lévitique (ch. 17 à 26): «Soyez saints car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint » (Lv 19,2).
Dieu choisit le peuple d'Israël pour révéler son Nom aux hommes. Ce choix entrains pour lui une exigence morale. Il est mis à part et appelé à se sanctifier en toutes ses actions, afin de manifester aux yeux des nations la sainteté de son Dieu. La « sanctification du Nom », par les plus humbles gestes de la vie quotidienne, constitue l'attitude fondamentale du peuple juif.
C'est bien à cet enseignement traditionnel que Matthieu se réfère (Mt 5,16-17-18), et c'est sur ce fond de tableau que nous devons entendre résonner les conseils de Jésus sur l'attitude à l'égard du méchant.
« Vous avez entendu qu'Il a été dit: "Oeil pour oeil et dent pour dent"».
Cette loi, déjà mentionnée dans le code d'Hammourabi (environ 1750 av. J.-C.) et qui était appliquée matériellement, est reprise par la tradition biblique pour mettre fin aux excès d'arbitraires de la vengeance de sang,et assurer une compensation pour toute injustice commise envers quelqu'un.
Abandonner la justice à la victime ou a ses proches, c'est donner libre cours à l'aveuglement de la colère, de la rancune, de la vengeance. Dans la Bible, «oeil pour oeil » devient une règle de droit social (Ex 21,1) dont l'application est confiée au pouvoir public, à des luges qui doivent se prononcer sans haine et sans parti pris, et se conformer à des critères objectifs: on allouera à la victime une indemnisation pécuniaire juste et équitable. Ainsi, en cas de blessure, il faut tenir compte de cinq éléments: de l'importance de la blessure, de la souffrance, du coût des soins médicaux, de la perte du temps (par incapacité de travail) et de la honte (préjudice moral) ". (Notre code civil prévoit — par la loi des « dommages et intérêts» — le dédommagement le plus juste possible envers une personne lésée par les agissements d'autrui).
Nous sommes loin, dans le « talion », d'une «loi de vengeance» comme l'avance une exégèse courante, coupée de la tradition juive qui appelle la loi du talion: la « loi de la mesure», cf. Rachi, le plus autorisé et le plus classique des commentateurs bibliques (12e siècle):
«Oeil pour oeil: s'il a fait perdre un oeil à quelqu'un, il doit lui donner la valeur de son oeil, en évaluant combien il a diminué de valeur... mais il ne s'agit pas d'amputer effectivement le même organe chez celui qui a frappé».
Dans la visée de la Loi hébraïque, cette perspective de stricte justice est déjà dépassée:
«Tu aimeras ton prochain comme tol-même » (Lv 19,18 - Mt 5,43).
« Qu'il tende sa jour à qui le frappe, qu'il se rassasie d'humiliations » (Lm de Jr 3.30 - Mt 5,39).
Jésus appelle, à son tour, à dépasser la stricte justice, «à ne pas tenir tête au méchant », à « laisser même son manteau à qui veut prendre sa tunique» (Mt 5,39-40).
Et tout cela en vue « d'être fils du Père qui est dans les cieux » et (donc) « parfaits comme lui est parfait » (Mt 5,45-48).
L'article ci-dessus a paru dans la revue «La Bible et son message». N. 157, nov. 1981.
1. Mishna, Baba Kamma 8,1.