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Chrétiens et Juifs: Document d'Etude sur l'Eglise Evangélique en Allemagne
L'église Evangélique en Allemagne
Alemania (1976)
Une traduction anglaise du texte intégral de «Chrétiens et Juifs: Document d'Etude sur l'Eglise Evangélique en Allemagne » est disponible au Conseil Oecuménique des Eglises, l'Eglise et le Peuple Juif. P.O. Box N. 66, 1211 Genève 20. Ce qui suit est une traduction du Sommaire et de la section 111/6, reprise du Bulletin W.C.C.: The Church an the Jewish People. Bulletin N. 1, 1976, pp. 16-18.
Sommaire
I - Racines Communes
1. Le même Dieu
2. Les Saintes Ecritures
3. Le Peuple de Dieu
4. Le culte
5. Justice et Amour
6. Histoire et Accomplissement
II - Chemins Divergents
1. La foi et Jésus Christ
2. L'interprétation des Saintes Ecritures
3. L'Eglise Chrétienne et le Peuple de Dieu
4. Développement de l'Essence du Judaïsme et du Christianisme
5. Ligne de démarcation entre Judaïsme et Christianisme 26
III. - Juifs et Chrétiens aujourd'hui
1. La variété des Structures à l'intérieur du Judaïsme et du Christianisme
2. Les deux formes de l'Existence juive
3. L'Etat d'Israël
4. Juifs - Chrétiens - Allemands
5. Tâches Communes
6. Rencontre et Témoignage
RENCONTRE ET TEMOIGNAGE
Face à la question d'un témoignage mutuel à donner, Juifs et Chrétiens se demandent comment rendre fructueux les différents aspects de leur foi commune au même Dieu. Continuellement les Chrétiens doivent examiner la justification qu'ils donnent de leur témoignage vis-à-vis des Juifs.
Chrétiens et Juifs croient au même Dieu qui s'est révélé lui-même dans l'histoire. Mais leur interprétation respective de la compréhension qu'ils ont de cette foi et du témoignage qu'ils en donnent est différente. Le centre de la foi, pour les Juifs, est la Torah, vue comme dessein de Dieu et instrument pour modeler le monde et le conduire à son achèvement; pour les Chrétiens, c'est Jésus-Christ, avec son message de salut pour toute l'humanité. Etant donné ces différences et ces similitudes, les rencontres entre Chrétiens et Juifs ne peuvent demeurer au niveau d'une simple recherche de connaissance mutuelle. Elles offrent aux uns et aux autres l'occasion d'enrichir et de purifier leur propre foi par l'écoute qu'ils font ensemble des Saintes Ecritures. Plus ces rencontres seront ouvertes et denses, plus les facteurs décisifs qui sont en cause auront libre jeu pour se manifester.
Ni les Juifs ni les Chrétiens ne peuvent renoncer à témoigner de leur foi. Dieu réclame du croyant ce témoignage pour que son identité de Chrétien ou de Juif se révèle effectivement en paroles et en actes. Mais des rencontres réalisées sur cette base n'auront pourtant de sens que si elles se déroulent dans une atmosphère de considération attentive pour la longue et douloureuse histoire des relations mutuelles entre Juifs et Chrétiens.
Au temps de Jésus, l'une des caractéristiques du Judaïsme était l'expansion de cette foi parmi les nations. La première communauté chrétienne fit de même pour suivre l'appel du Seigneur ressuscité à la mission. C'est ainsi qu'une activité missionnaire chrétienne de grande envergure se développa parmi les Juifs et les Gentils, aboutissant à la fondation de communautés dont les membres étaient en partie Juifs et en partie Gentils.
Tout au début de l'histoire de l'Eglise, le baptême de Juifs au nom de Jésus était encore compatible avec l'appartenance au peuple juif. Eglise et Judaïsme, cependant, se séparèrent peu à peu et, se convertir à la foi chrétienne, signifia de plus en plus, pour un Juif, perdre son identité juive.
La diffusion croissante du christianisme réduisit progressivement les Juifs à l'état de minorité. En fin de compte, le Judaïsme fut la seule minorité religieuse à être tolérée dans un système d'Eglise-Etat qui dominait tous les aspects de la vie sociale. En raison de cette balance des pouvoirs, il s'exerça sur les Juifs au cours des siècles de fréquentes pressions, y compris dans le domaine religieux. Parallèlement aux persécutions et aux expulsions, il y eut des conversions forcées, des entretiens religieux imposés, destinés à prouver la supériorité du Christianisme. Le sens primordial du témoignage des Chrétiens à l'égard des Juifs s'est ainsi trouvé obscurci et même renversé.
Il faut attendre les changements survenus dans les conditions spirituelles et sociales des temps modernespour que les Protestants tentent sérieusement de retrouver la signification première du témoignage chrétien face aux Juifs. Cela est vrai surtout de la période qui suivit la montée du piétisme qui, se référant à la Réforme, avait réinterprété la liberté évangélique et converti son idée en action. Ainsi donc, ce changement conscient d'orientation vers un témoignage personnel de Chrétiens individuels à l'égard de Juifs individuels fit perdre au Christianisme quelque chose de la supériorité sociale dont il avait joui davantage dans le passé. Ce sont de tels motifs, joints à la foi, qui permirent la naissance de la Mission pour les Juifs. Il s'ensuivit de fructueuses rencontres entre Chrétiens et Juifs. Un intérêt nouveau pour le Judaïsme s'éveilla chez les Chrétiens surtout chez les Universitaires. S'il est vrai que depuis le Siècle des Lumières on a vu croître le nombre de Juifs devenus Chrétiens pour des raisons surtout sociales, ce fait n'a qu'un lien très relatif avec la Mission pour les Juifs.
Après une période d'anti-sémitisme accru aux 19e et 20e siècles, période pourtant durant laquelle des Chrétiens isolés prirent position en protégeant des Juifs après les terribles événements de la persécution nazie contre les Juifs, la situation a changé à bien des égards. L'Eglise, dans la vie publique, a perdu beaucoup de son importance passée; son énorme échec durant la persécution juive l'a renouvelée dans l'impartialité de son témoignage vis-à-vis des Juifs et l'a secouée dans toutes ses fibres.
Pour qu'une rencontre porte du fruit, il est nécessaire que chacun soit un convaincu dans sa propre foi. Une telle conviction a grandement été ébranlée dans le passé par des négligences et des façons d'agir chrétiennes mal conçues. Même aujourd'hui, il existe encore certaines pratiques missionnaires qui fournissent aux Juifs des raisons bien fondées de défiance; elles sont d'ailleurs résolument rejetées par l'Eglise et par ceux qui soutiennent le témoignage missionnaire vis-à-vis des Juifs.
Ces abus ne dispensent pas les Chrétiens d'un réel effort pour rendre compte de l'Evangile en relation avec « l'espérance qui est en vous » (I P. 3,15). La foi ne peut rester silencieuse.
Après tout ce qui est arrivé, il existe une grande variété d'opinions à propos de la question suivante: comment le témoignage chrétien envers les Juifs peut-il se poursuivre de façon valable? Il y a quelques années, la discussion à ce sujet tournait autour de deux concepts: « mission » et « dialogue »; mots que l'on comprenait souvent comme des contraires s'excluant mutuellement. Depuis lors, cependant, l'idée s'est développée que mission et dialogue sont deux dimensions du même témoignage chrétien; cette interprétation rejoint complètement la compréhension moderne de ce qu'est la mission chrétienne.
Non seulement le concept de « Mission », mais aussi celui de « Dialogue » sont, en tant qu'ils décrivent le témoignage chrétien, des termes lourds de sens pour les Juifs. Les Chrétiens sont donc affrontés au devoir de considérer comment, par rapport aux Juifs, ils comprennent ce témoignage que « Jésus Christ veut dire Salut pour tous les hommes » et quels mots ils devraient employer pour l'exprimer et le rendre significatif.
L'Eglise n'a pas le droit d'ignorer tout cela; mais elle doit avouer franchement qu'elle a besoin, elle aussi, de dialoguer avec le Judaïsme; car la voici confrontée aux expériences du Dieu de la Bible, qui peuvent aider chaque chrétien à approfondir considérablement la compréhension qu'il a de sa propre identité. Ceci est d'une importance fondamentale pour que les rencontres entre Juifs et Chrétiens continuent d'être possibles.