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Revista SIDIC XXXI - 1998/3
Voix de jeunes (Pages 12-13)

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Susciter la relève... 50 ans d'Amitiè judéo-chrétienne en France
Nolet , Bénédicte

 

A Paris, il y a plus d’un an, il sembla à quelques membres de l’Amitié judéo-chrétienne de France (Colette Kessler, Bruno Charmet et une équipe) que l’organisation d’une journée destinée aux jeunes pourrait bel et bien faire partie de la célébration de l’anniversaire de 50 ans du mouvement.

Après longue et soigneuse préparation, cette journée a eu lieu, le 22 mars passé.
Une semaine avant, à peine quelques talons d’inscription étaient parvenus au secrétariat; la question se posait d’annuler tout au moins certaines interventions (les rabbins Gilles Bernheim et Gabriel Farhi, le père Jean Dujardin, le pasteur Michel Leplay, sœur Bénédicte, des Soeurs de Notre Dame de Sion...); l’option fut prise de faire confiance.

Le matin du dimanche 22 mars, 70 jeunes, juifs et chrétiens, étaient rassemblés.
Tout avait été prévu pour conjuguer enseignement et convivialité: une alternance de conférences, de carrefours thématiques par petits groupes, de chants et danses d’Israël, un délicieux repas kasher, tout cela dans un lieu très agréable et facile d’accès.

Pour ma part, j’ignorais l’existence de cette journée jusqu’à ce qu’une sœur de Sion me demande de venir le matin lui rendre des photos. Saisie par ce qui s’y vivait, j’ai lâché mon planning, je suis restée jusqu’au soir, et je ne l’ai pas regretté. Ce qui m’a le plus frappé fut la qualité des interventions; les jeunes conviés étaient manifestement pris au sérieux dans leur attente.

En tant que chrétienne, le dialogue avec le peuple juif m’attire depuis longtemps, comme un appel, comme une nécessité de la vérité de mon identité chrétienne. Quatre années de théologie m’ont permis de creuser ma soif.

En tant que responsable d’une aumônerie étudiante à Paris depuis octobre, j’avais en février décidé de proposer aux étudiants une ouverture en ce sens. La journée du 22 mars m’a permis en quelques heures de rencontrer Vanessa, une étudiante juive prête à accueillir, mettre à l’aise, piloter dans la synagogue de sa communauté, enseigner tout étudiant qui le lui demanderait; de faire connaissance de son rabbin; d’être encouragée et orientée dans ma démarche; de percevoir par ce que je voyais vivre que mon souhait pouvait devenir réalité.

La suite ne tarda pas: proposition de participer à la célébration du shabbat à la synagogue libérale de la rue Gaston Cavaillet. Je ne voulais pas proposer aux chrétiens qui viendraient une démarche facile, qui risquerait d’être superficielle. Il m’a semblé important de leur permettre de se situer dans la démarche plus large de leur propre Eglise. Nous sous sommes donc retrouvés à une douzaine dans un local de la paroisse voisine de la synagogue, pour lire ensemble des passages de Nostra Aetate et des textes officiels qui ont suivi. Vanessa nous a ensuite donné quelques explications sur la célébration que nous allions vivre avec elle, puis nous nous sommes rendus à la synagogue. Les participants ont été très heureux du vécu.

D’autres propositions ont été faites par Vanessa: visite guidée de sa synagogue, participation à l’office de Yom ha Shoah... Elle-même, répondant à l’invitation d’une jeune chrétienne de l’accompagner à la célébration de l’office du dimanche des Rameaux, en est sortie très étonnée de tant d’éléments de sa propre tradition intégrés par les chrétiens.

Au fil des semaines s’est dessiné un petit groupe de cinq étudiants (deux juifs, trois chrétiens) qui -voulant persévérer dans la lancée – a décidé de vivre l’an prochain un rythme de réunions mensuelles. Pour une première année, le choix est fait d’approfondir le sens de nos fêtes mutuelles, ceci par des exposés faits à tour de rôle, après information à l’aide d’une bibliographie consistante. L’invitation sera lancée à d’autres jeunes, en tâchant de garder un certain équilibre en nombre entre juifs et chrétiens, et de ne pas dépasser le nombre d’une vingtaine. Ils souhaitent également prendre la relève de l’organisation d’une journée mensuelle – d’amplitude plus large – qui serait animée comme cette année par des “alpinistes avertis”. A la demande de Colette Kessler et du groupe, Michel Elbaz (juif) et moi-même (chrétienne) serons participants de cette équipe. Notre option générale sera – avec la grâce de Dieu – d’avancer “doucement mais sûrement”.

Pourquoi proposer à des jeunes juifs et chrétiens de s’ouvrir les uns aux autres?
Plus d’une fois, de la bouche d’un rabbin comme de celle de prêtres, j’ai entendu cette objection: “Qu’ils commencent par approfondir leur propre foi”.

La réalité du vécu, si bref ait-il été, m’a enseigné ceci:

1. Certains jeunes, en particulier du côté chrétien, répondent à l’invitation de la rencontre judéo-chrétienne alors qu’ils se situent en marge de toute pratique et disent qu’ils n’auraient pas répondu à un autre type d’invitation.

Pour eux, c’est alors qu’ils voient l’Eglise se mettre en position de dialogue avec son “voisin”, qu’elle commence à devenir plausible. C’est la porte d’entrée qui leur convient; pourquoi ne pas la leur offrir?

2. Du côté juif comme du côté chrétien, je vois des jeunes devenir motivés pour approfondir leur propre foi à partir du dialogue: d’une part, ils s’y sentent responsables de pouvoir témoigner de leur foi; d’autre part, la multitude de questions qui leur sont posées – auxquelles ils n’avaient pas songé – deviennent autant d’hameçons qui les mènent à chercher des éléments de réponse. J’en ai vu décider de mettre à profit les vacances pour lire, se décider à prendre des cours de Bible l’an prochain, une se remettre à apprendre l’hébreu délaissé depuis le Talmud Tora...

3. Une de mes motivations concernant l’aumônerie dont j’ai la charge a été de m’inquiéter d’en voir certains patauger dans un univers étriqué, dans des débats de cuisine interne sans envergure...

L’ouverture à l’autre dans sa différence, mais aussi dans sa ressemblance, mène un bon nombre à se sentir concernés ensemble par les grands enjeux du monde actuel (questions éthiques ...). La sortie de soi dans la rencontre va souvent de pair avec la prise de conscience de responsabilités communes.

4. Après l’accueil chaleureux d’étudiants chrétiens par une communauté juive pour la célébration du shabbat, certains ont fait part de leur prise de conscience: les mots des psaumes qu’ils prononcent dans leur liturgie ne leur sont pas venus directement du ciel... Ils ont réalisé qu’ils étaient redevables à un peuple de la transmission de son histoire la plus intime.

5. Ce dernier point est personnel. Je réalise que dans ce dialogue, je ne puis imaginer trouver de réponses en moi-même, par moi-même. Je ne puis qu’attendre de Dieu: “Je conduirai les aveugles par un chemin qu’ils ne connaissaient pas...” Ce dialogue est lieu de cette déstabilisation inéluctable pour celui qui veut en venir à marcher humblement avec son Dieu.

Qui parlait de commencer par approfondir sa propre foi?... Une condition cependant à mon sens: celle d’être mis, comme ce fut le cas le 22 mars, d’emblée en contact avec de “bons alpinistes”!


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* Bénédicte Nolet est étudiante en maîtrise de théologie à l’Institut catholique de Paris. Elle responsable pastorale dans un lycée de la banlieue parisienne.





 

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