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Revista SIDIC XIII - 1980/1
Rév. C.A.Rijk: In memoriam (Pages 09 - 10)

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L'Homme de dialogue - Israël
Uriel Tal

 

La rencontre vivante avec Israël — l'Israël de la tradition biblique, le peuple, la terre, l'État — était devenu pour Cornelis Rijk, partie intégrante de sa personnalité. Cornelis éprouvait peu d'intérêt pour la théologie abstraite et ses enseignements sans lien avec la vie contemporaine; une fois, lors d'une conférence donnée à Tantur pour un « Dope Seminar », il se définit lui-même « ... un croyant, de là, nécessairement, un réaliste critique... » La pierre de touche de la religion vraie, pensait-il, devait être la réalité et les faits, l'être humain concret ayant une vie intellectuelle libre au sein d'un société juste; moins la transcendance divine que l'immanence personnelle et authentique, dans le sens de la première Epitre de Paul aux Corinthiens 3, 21-23: « ... car toutes choses... la vie et la mort, les choses présentes et celles à venir » sont au Christ; par suite, ajoutait Cornelis, « ... elles devraient être importantes dans la vraie vie chrétienne ». Le sort présent de l'homme, ses luttes économiques, ses tensions politiques, ses expressions esthétiques, ses rêves, ses aspirations, sa vie personnelle en entier, tout l'aspect terrestre de la création, — plutôt qu'une spiritualité abstraite — devraient toucher de très près l'homme religieux.

C'est sur ce terrain-là, disait souvent Cornelis, que le christianisme a besoin de rencontrer le judaïsme et Israël. Il voyait dans la tradition juive, et spécialement celle que l'on appelle à tort Spatjudentum, une sauvegarde contre tout excès de spiritualisation et « toute forme excessive de piété et d'institutionnalisation ». La Bible — et les ouvrages post-bibliques — qui voient l'homme dans tout le réalisme de sa situation, ses faiblesses et sa force, ses inclinations naturelles et sa vie quotidienne, devraient rappeler au chrétien qu'il était nécessaire de réprimer une tendance trop forte à la spiritualisation de la tradition biblique de peur que l'homme ne se décharge de ses responsabilités en ce qui concerne la vie des hommes, la société, la politique.

Un jour, lorsqu'il visitait Israël pour la fête des semailles, le Shavuot, qui commémore à la fois la révélation de la Torah au mont Sinaï et l'offrande des prémices de la moisson, Cornelis parla de la différenceentre le Shavuot et la fête chrétienne de la Pentecôte. La Torah s'intéresse à la vie quotidienne, et les fruits offerts le jour même de cette fête sont réellement les fruits de la fatigue et du travail de la terre. Selon la tradition concernant la Pentecôte, le fruit est celui de l'Esprit, et la fête commémore l'effusion de l'Esprit Saint, de l'esprit de Jésus comme Christ. D'où les lectures assignées à la Pentecôte, telles que les Actes, 2, 1-11 et Jean, 14, 23-31, qui sont un enseignement sur le Saint-Esprit qui remplit tous les hommes afin qu'ils voient « les merveilles de Dieu ». Cornelis concluait: c'est précisément cette différence qui rend si aidante, si inspirante, si instructive pour le chrétien, sa rencontre personnelle avec la Jérusalem terrestre et avec le Bikkurim, ou la cérémonie d'offrande des prémices des Kibbutzim.

Une autre fois, après avoir assisté à la cérémonie du Shabbat dans une petite synagogue de Jérusalem, Cornelis remarqua que le fait même d'avoir incorporé le Psaume 145 dans la liturgie juive au point que ce Psaume soit récité trois fois par jour, lui faisait prendre conscience de la dimension éthique, humaine, de la prière juive; car ce psaume constitue un paradigme de l'Imitatio Dei actuelle, exhortant les juifs à faire ce que Dieu fait: « relever tous ceux qui tombent », prendre soin de ceux qui sont dans le besoin « au moment opportun », « ouvrir sa main », être « loyal » dans toutes ses démarches, « proche de tous ceux qui appellent ». La vie humaine aurait pu être tellement plus digne, concluait Cornelis, si les hommes avaient suivi des exhortations de ce genre.

Du point de vue théologique, ou plutôt « parlant comme un simple chrétien » selon la manière préférée de s'exprimer de Cornelis, l'État d'Israël possède deux dimensions: la dimension humaine et la dimension religieuse. D'abord, et avant tout, après l'Holocauste, ainsi que Cornelis avait l'habitude de l'expliquer à des groupes de pélerins qu'il conduisait d'Italie en Israël, il n'existe pas le moindre doute quant à la légitimité d'un État juif fort, stable, vital, un État dans lequel les relations entre juifs et Arabes trouveront une solution paisible et équitable. Mais, ajoutait Cornelis, il ne fallait pas forcer la note sur l'Holocauste à propos du dialogue judéo-chrétien. A la suite du Cardinal Bea, Cornelis s'efforçait de considérer le fait de l'Holocauste d'une manière analytique plutôt que sentimentale. En conséquence, le chrétien doit encore une fois réfléchir sur le texte de Matthieu 27, 25: « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants » et voir pourquoi et comment il a pu être interprété faussement et transfomé en une éducation au mépris; pourquoi et comment des traditions et des enseignements tels que ceux de Paul: « Que chacun soit soumis aux autorités supérieures..., ces autorités qui sont établies pat Dieu » (Rm, 13, 1s.), aient pu être transformés en une idéologie séculière et une politique de centralisation, d'absolutisme et de despotisme.

Mais il ne faudrait pas construire le dialogue judéo-chrétien uniquement à l'ombre du passé; il faudrait l'édifier à la lumière d'un avenir meilleur, possible sans doute, et aussi d'une théologie de l'espérance. Le progrès social, une rencontre de ce qui est humain avec la religion, voilà qui ne dépasse pas les capacités de l'être humain. Le Christianisme devrait être plus conscient de ses racines juives, insistait Cornelis; mais en même temps, c'était la conviction de l'inébranlable vérité du testament de l'amour du Christ qui était au coeur de sa foi.

 

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