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Revista SIDIC XIII - 1980/3
La liberté religieuse (Pages 04 - 09)

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Le droit à la liberté religieuse
Franco Biffi, Recteur de l'Univesité du Latran, Rome

 

Cette conférence a été présentée à la 8ème réunion annuelle du Comité international de liaison entre l'Eglise catholique romaine et le judaïsme, à Regensburg, Bavière, en octobre 1979.1 Elle tente de souligner les enseignements de l'église catholique sur le droit à la liberté religieuse, telle qu'elle est exprimée dans le texte de Vatican II et dans les déclarations suivantes de la papauté... Cette conférence donne les éléments essentiels du droit à la liberté religieuse et indique le rôle que doit remplir l'autorité civile pour sauvegarder le droit à la liberté religieuse des citoyens.

Une des affirmations les plus importantes de Vatican II est celle du droit fondamental de la personne humaine à la liberté religieuse. Ce droit est affirmé dans la déclaration Dignitatis Humanae dont le premier chapitre commence par ces mots:

« Le Concile du Vatican déclare que le personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience, ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres ».2

Cette déclaration montre bien le progrès réalisé l'intérieur de l'Eglise catholique et elle est en même temps un pas en avant pour le progrès de la civilisation de toute l'humanité. Yves Congar, l'un des plus brillants théologiens du Concile, parle d'une « incontestable nouveauté dont le vrai nom est développement ».

Nous étudierons tout d'abord les éléments essentiels du droit à la liberté religieuse, puis le rôle actif et le rôle négatif des pouvoirs public vis-à-vis de ce droit.

I. ELEMENTS ESSENTIELS DU DROIT A LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

Il faut être attentif à distinguer entre la liberté religieuse et tout ce qui n'en est qu'une image trompeuse. Il ne peut s'agir, en effet, de cet indifférentisme religieux pour lequel « toutes les religions se valent ». Ce n'est pas non plus un relativisme philosophique, niant l'existence d'un critère objectif de vérité. Ce n'est pas davantage cette conception erronée de la liberté religieuse selon laquelle l'homme n'est pas obligé en conscience de chercher la vraie religion, n'est soumis à aucune loi divine et peut se borner à respecter les lois morales établies par la société. Loin d'être un désengagement religieux et moral, cette liberté demande à tous les hommes

«de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Eglise; et, quand ils l'ont connue, de l'embrasser et de lui être fidèles. Le Concile déclare que ce double devoir concerne la conscience de l'homme et l'oblige, et que la vérité ne s'impose que par la forme de la vérité elle-même qui pénètre l'esprit avec autant de douceur que de puissance ».3

Qu'est-ce donc que la liberté religieuse? Elle n'est ni tolérance, ni liberté de conscience, ni liberté de croire ce qu'on veut, elle est devoir, responsabilité de chercher la vérité avec cette liberté qui convient à la dignité de la personne.

Un droit naturel: la liberté religieuse

La liberté religieuse n'est pas un droit conféré aux hommes par l'Etat dont ils sont citoyens. Il s'agit d'un droit naturel que l'Etat doit leur reconnaître parce qu'il leur appartient déjà en tant que personnes: il appartient à tous, aujourd'hui, toujours, partout:

«liberté religieuse qui, pour tous les hommes et toutes les communautés, doit être reconnue comme un droit et sanctionnée par l'ordre juridique».4

Fondement: dignité et responsabilité de la personne

« Le Concile déclare que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle qu'elle est connue par la Parole révélée de Dieu et par la raison elle-même ».5

Il est intéressant de constater combien, de nos jours, l'accent est mis de plus en plus sur la dignité de la personne humaine:

« la dignité de la personne humaine est, en notre temps, l'objet d'une conscience toujours plus vive; toujours plus nombreux sont ceux qui revendiquent pour l'homme la possibilité d'agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité; non pas sous la pression d'une contrainte mais guidé par la conscience de son devoir »6

Nous voyons ainsi, dans une perspective historique, comment le développement de la civilisation se manifeste dans la prise de conscience progressive de la dignité de la personne. Ainsi les hommes, peu à peu, sont portés à exiger qu'on les considère non comme des instruments, mais comme des sujets libres et responsables. Ils découvrent ensuite la responsabilité qui leur incombe, de pax leur nature même, d'entrer en relation avec Dieu, et, avant tout, de trouver une réponse aux grandes interrogations que pose l'existence humaine. Quand l'homme arrive à distinguer le bien du mal, le vrai du faux, il devient alors l'artisan da son destin éternel, et même si cette aptitude est pur don de Dieu, elle n'en reste pas moins un acte profondément humain, le signe d'une grande dignité.

Cette décision et cet engagement doivent être exempts de pressions extérieures (D.H. 11), car une telle pression ne pourrait avoir aucun effet positif sur l'établis. siment d'un rapport personnel avec Dieu, bien au contraire, elle pourrait constituer un élément de trouble.

Le droit à la liberté religieuse est donc la garantie pour la personne de pouvoir accomplir le devoir qui lui incombe de chercher le sens ultime de sa vie. Comme l'écrit Pavan:

«/em> L'impossibilité oh se trouve tout être humain de se soustraire à la responsabilité, et donc au devoir d'établir personnellement ses rapports avec Dieu, constitue la racine la plus profonde du droit à la liberté religieuse ».

Enfin, la dignité de la personne doit être envisagée du point de vue de son rapport avec la vérité. L'homme est fait pour chercher la vérité, pour y adhérer, pour la traduire en action. Connaître, aimer, vivre la vérité, ce sont trois moments à travers lesquels les hommes se reconnaissent, se développent et s'achèvent en tant que personnes. Mais la vérité ne peut être connue que « dans la lumière de la vérité »: la force extérieure ne peut pas suppléer à l'évidence intérieure. L'adhésion à la vérité comporte un acte d'amour et l'amour ne peut pas être imposé.

Une vie, cohérente en apparence, n'a de valeur que si elle manifeste une décision personnelle libre; sinon elle n'est qu'hypocrisie et formalisme.

Pour bien des croyants, cette disponibilité à la vérité se double d'une ouverture à la Vérité subsistante, personnelle et transcendante, qui propose une adhésion libre (DH. 3). Pour nous chrétiens, cette vérité s'est révélée dans le Christ.

Objet du droit: Affranchissement de toute contrainte

On admet généralement que les droits n'ont pas comme sujets, immédiatement et formellement, des valeurs spirituelles, comme par exemple la vérité, le bien moral, la justice etc... puisque les sujets du droit sont les personnes, et seulement les personnes (physiques ou morales). En conséquence, les rapports entre les personnes et les valeurs spirituelles ne sont pas des rapports juridiques, mais des rapports — suivant les cas —métaphysiques, logiques ou moraux. Les rapports juridiques, sont, toujours et seulement, des rapports intersubjectifs, c'est-à-dire de personne à personne, et non de personne à valeur.

Dès lors, la base du droit à la liberté religieuse n'est pas la conception (très répandue avant le Concile) selon laquelle « seule la vérité a des droits », alors que « l'erreur ne peut avoir aucun droit ». En effet, de ces affirmations on a vite fait de déduire que ceux-là seuls qui « possèdent » la vérité ont le droit de la communiquer et de la répandre, tandis qu'à ceux qui sont dans l'erreur ce droit est refusé. On fait alors appel aux pouvoirs civils pour qu'ils mettent leur force au service de la vérité, et c'est tout juste si l'erreur est tolérée. Cette conception a conduit, au long de l'histoire, à la violation flagrante des droits des personnes ou des groupes.

Plus précisément, dans les milieux catholiques, la conception de la liberté religieuse avant Vatican II se formulait ainsi: « seule la religion catholique — étant la vraie et l'unique religion — doit avoir des droits dans la société ».

Lors du Concile, au contraire, la doctrine catholique est ainsi définie:

«La réponse de foi donnée par l'homme à Dieu doit être volontaire: en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu'en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes ».7

Le grand changement de perspective consiste dans le fait qu'on a heureusement « redécouvert » que la liberté religieuse ne concerne pas le contenu de la religion, ni les rapports des êtres humains avec la vérité ou l'erreur, et d'abord avec Dieu, au sens de rapports « existentiels » (métaphysiques et moraux) — mais uniquement l'exercice social du pouvoir d'agir librement en matière religieuse. Autrement dit, la liberté religieuse concerne les rapports entre citoyens, en ce qui touche la liberté d'adhérer intérieurement à une religion, de la pratiquer en privé ou en public, seul ou en groupe, d'en témoigner devant les autres, d'influencer par elle les structures temporelles.

La droit à la liberté religieuse signifie l'affranchissement de toute contrainte religieuse dans la vie sociale et ceci dans un double sens: personne, en matière religieuse, ne peut être forcé d'agir contre sa conscience, personne ne peut être empêché d'agir selon sa conscience. Et comme conscience signifie d'abord responsabilité, l'affirmation précédente doit être comprise ainsi: « Personne, en matière religieuse, ne peut être forcé d'agir d'une manière différente de celle qu'il a lui-même décidée. »

En second lieu, conscience signifie rectitude morale, de sorte que l'affirmation prend un nouveau sens: « Personne, en matière religieuse, ne peut être forcé à agir d'une manière différente de celle qu'il pense être son devoir ». Il faut préciser que le droit à la liberté religieuse n'a rien à voir avec le fait que la conscience soit orientée vers le bien ou vers le mal, qu'elle soit droite ou erronée: ces problèmes regardent les rapports homme/vérité, tandis que la liberté religieuse regarde les rapports de personne à personne. La droit à la liberté religieuse a donc pour objet l'absence de contrainte en matière religieuse de la part des individus, des corps intermédiaires et des pouvoirs publics.

C'est pour cette raison qu'on peut considérer la liberté religieuse comme le facteur essentiel qui garantit l'inviolabilité d'un espace humain, au sein duquel la personne peut satisfaire à son devoir d'approfondir ses rapports avec Dieu et avec la vérité, en dehors de toute pression extérieure. Elle est la garantie que la société, quand il s'agit dcs décisions les plus importantes de l'existence, respecte la personne. Tout ce que nous venons de dire se trouve résumé en D.H. 2, a, que nous venons de citer.

Les sujets du droit à la liberté religieuse:

— avant tout, les êtres humains en tant que par-sonnes ou individus: c'est un droit qui concerne tous les hommes, croyants ou non-croyants, L'athée donne au problème religieux une réponse négative, mais celle-ci fait partie déjà du domaine religieux. C'est aussi un droit qui intéresse les actes religieux privés ou publics, individuels ou collectifs (cf. D.H. 3);

— en second lieu, sont sujets de ce droit les collectivités religieuses:

« la liberté ou l'affranchissement de toute contrainte qui revient aux individus, doit aussi leur être reconnue lorsqu'ils agissent ensemble. Des groupes religieux, en effet, sont requis par la nature sociale tant de l'homme que de la religion elle-même »;°

— en troisième lieu, les familles au sein desquelles la vie religieuse relève normalement des parents: c'est à eux qu'appartient le droit de décider de l'éducation religieuse de leurs enfants et donc de choisir à cet effet les écoles et tous les autres moyens d'éducation. Les pouvoirs publics sont tenus de reconnaître et de respecter ce droit, sans en rendre l'exercice trop lourd (D.H. 5).

Le droit à la liberté religieuse suppose évidemment qu'au sein de la famille les parents ne puissent pas imposer à leurs enfants leur loi religieuse: ils doivent veiller à ce que ceux-ci puissent la recevoir avec une conscience toujours plus éclairée.

Etendue du droit à la liberté religieuse

En principe général, on doit reconnaître aux individus ou groupes toute la liberté possible et ne la restreindre qu'en cas de nécessité (Dit 7, e). Ce point sera développé dans la partie II de cet article.

Comme il s'agit d'un droit naturel de la personne, c'est de la nature même du droit envisagé et de la dignité de la personne que découle son étendue. On a déjà parlé de ce droit comme du facteur essentiel garantissant l'inviolabilité de l'espace vital nécessaire à la personne ou au groupe. Cette inviolabilité de l'espace dans lequel chacun devient conscient qu'il ne peut se soustraire à sa propre responsabilité requiert que ses décisions ne rencontrent pas d'obstacles suscités par des agents extérieurs.

L'étendue de cet espace doit se déduire de ce qui vient d'être affirmé à propos de la relation personnevérité/personne-Dieu. La raison d'être de la liberté religieuse, en effet, est qu'on ne mette pas d'obstacle à l'exercice de la responsabilité, qui est celle de tout être humain, d'entrer en relation avec Dieu et d'accomplir les devoirs qu'entraîne cette relation.

Pour chaque individu, le principe suivant permet d'estimer l'étendue de ce droit: il doit garantir l'inviolabilité d'un espace suffisant pour que l'individu ne soit pas forcé d'agir contre sa conscience ou empêché d'agir selon sa conscience. Il doit donc être libre dans les actes de culte privés ou publics, dans le témoignage ou la diffusion des vérités religieuses, libre d'agir selon ses principes religieux.

Pour les communautés, l'espace de liberté doit se référer à la vie religieuse proprement dite, à l'organisation interne du groupe, et, comme cela est clairement indiqué en D.H. 4, à la diffusione de la foi et à l'animation religieuse des activités et institutions temporelles.

Regard sur la réalité sociale

Dans les communautés politiques à régime totalitaire on remarque la prétention à a dicter » ce que le citoyen est, ce qu'il doit penser, comment il doit agir: cela découle de la conception du totalitarisme: l'homme est un instrument, c'est-à-dire le contraire d'une personne (D.H. I). Il en résulte la prétention à limiter la liberté religieuse aux actes de culte privé, ou, au mieux, aux actes individuels faits en public. Cela, dans l'idée que la religion finira ainsi par s'éteindre, à la fois chez les individus et dans le groupe social.

Mais il est inscrit dans la nature des choses que, lorsqu'on ne reconnaît pas le droit à la liberté religieuse, on creuse un abîme entre peuple et pouvoir. Cela suscite des réactions d'opposition et de violence. Empêcher l'homme de manifester ses convictions religieuses et deles laisser animer sa vie est une violation de la dignité humaine (Mi 3).

Tout se tient en effet: l'identité de la personne forme un tout où sont étroitement liées les trois démarches indiquées: l'homme est fait pour connaître la vérité; connue, celle-ci demande à être aimée: aimée, la vérité demande à être incarnée dans les structures de l'existence. C'est ainsi que la personne se développe harmonieusement. Cette cohérence est nécessaire. Si on empêche cette continuité, il y a violation de la dignité de la personne. Empêcher la personne d'être elle-même en public, c'est la détruire.

Dans les régimes démocratiques, en général, on constate que la liberté religieuse est accordée sans restrictions, ce qui convient à sa nature, et on constate que le libre exercice de la liberté religieuse est à la racine de tous les doits. En effet, la liberté religieuse signifie l'exercice de la responsabilité la plus grande qu'on ait, celle qui regarde les fins dernières; et lorsque la personne est libre de se déterminer à ce point de vue, elle exige et pratique toutes les autres libertés, dans le respect de la liberté des autres, ce qui est la base de toute démocratie.

Toutefois, on est obligé de constater en même temps que, dans certaines communautés politiquement démocratiques, la liberté manque de dynamisme et ne jouit pas de tout le respect auquel elle a droit. C'est le cas de l'état laïque ou neutre, qui se limite aux aspects négatifs de ses devoirs. Ceci sera précisé un peu plus loin.

Un regard sur la réalité nous amène aussi à considérer des groupes religieux très fermés ou même intolérants. Il suffit de dire que leur manière de faire est analogue à celle des régimes totalitaires: ils se substituent à la personne dans la détermination de ses rapports avec Dieu et la vérité, et oublient que la force et la violence ne sont jamais des arguments qui entraînent la conviction. Ils font du tort à « leur » vérité religieuse, comme si celle-ci n'avait pas les moyens de s'imposer elle-même.

Recourir à des moyens de contrainte, ce n'est pas servir la vérité, c'est lui faire injure, car cela implique un manque de confiance en la puissance qu'a cette vérité d'éclairer l'esprit humain de sa propre lumière.

II. LIBERTÉ RELIGIEUSE ET POUVOIRS PUBLICS

Le pouvoir civil ne doit jamais oublier que les actes religieux transcendent, de par leur nature même, le domaine des fins terrestres et temporelles auquel est restreinte sa compétence propre. L'Etat regarde la personne des citoyens dans toutes ses dimensions, mais la dimension spirituelle n'est respectée que si les citoyens sont pleinement autonomes.

Toutefois, la liberté religieuse s'exerce dans un contexte social, celui du bien commun, dont la responsabilité incombe aux pouvoirs publics. Ceux-ci doivent suivre, en la matière, la norme générale indiquée dans l'encyclique Pacem in Terris:

«Le bien commun réside surtout dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine; dès lors, te rôle des gouvernants consiste surtout à garantit la reconnaissance et le respect des droits, leur conciliation mutuelle, leur défense et leur expansion, et en conséquence, à faciliter à chaque citoyen l'accomplissement de ses devoirs ».•

Reconnaissance et respect de la liberté religieuse

L'Etat doit s'incliner devant le droit à la liberté religieuse, car il n'en est pas l'origine: le citoyen le porte inscrit dans sa personne dont la dignité est inviolable. C'est même un droit qui soustrait, en partie, le citoyen au pouvoir civil.

L'Etat doit « reconnaître et respecter » ce droit naturel, c'est-à-dire s'abstenir d'intervenir pour « diriger ou contrôler les actes religieux » et ne pas dépasser ses compétences.10

Protection de la liberté religieuse par l'Etat

« Protéger et promouvoir les droits inviolables de l'homme est du devoir essentiel de tout pouvoir civil » (D.H. 6). C'est pourquoi, continue le texte, les pouvoirs publics sont donc tenus

d'« assumer efficacement, par de justes lois et autres moyens appropriés, /a protection de la liberté religieuse de tour les citoyens » 11

L'organisation juridique des Etats ne peut donc être considérée comme conforme à la justice si elle n'offre pas aux citoyens des moyens juridiques efficaces pour faire valoir leurs droits.

On souligne, à juste titre, que vu la nature de l'homme et la réalité des choses, il est presque impossible que les droits de la personne trouvent une protection juridique efficace, si les pouvoirs fondamentaux de l'Etat sont concentrés entre les mains d'une seule personne ou d'un seul groupe de personnes. On doit donc souhaiter une claire distinction et même « une convenable division » des pouvoirs,comme le demande l'encyclique Pacem in terris.

Promotion de la liberté religieuse

Les pouvoirs publics sont tenus de promouvoir la liberté religieuse et d'en rendre l'exercice plus facile (D.H. 6). Ils sont aussi tenus de veiller à ce que ne manquent pas aux citoyens les moyens d'accomplir leur devoir en matière religieuse. En effet, la seule raison qui justifie l'existence des pouvoirs publics, c'est la réalisation du bien commun, c'est-à-dire la création d'une ambiance sociale dans laquelle les hommes trouvent les moyens et les stimulants nécessaires à leur développement intégral.

Or, la liberté religieuse est une composante fondamentale de cet épanouissement et elle exerce une influence positive sur la vie sociale. En effet, la profession sincère et vivante de la foi religieuse nourrit le sens moral qui incite les citoyens à agir en tous domaines dans un esprit de responsabilité, de compréhension mutuelle et de collaboration féconde (D.H. 6 et 8,b).

Les pouvoirs publics dépasseraient leur compétence s'ils prétendaient déterminer le contenu de la croyance ou les modalités du culte. Cela ne signifie pas qu'ils puissent se désintéresser des moyens à fournir (il faut, par exemple, un plan d'aménagement du territoire qui prévoie le terrain nécessaire pour bâtir une église).

Pas de discrimination

Nous vivons à une époque de pluralisme religieux, et, en général, sous un régime de séparation entre l'Eglise et l'Etat.

Cela n'empêche pas telle ou telle communauté politique d'accorder « une reconnaissance civile spéciale » à une communauté religieuse donnée (D.H. 6). L'histoire est riche en exemples de ce genre et nous en rencontrons de nos jours. On attendait donc de l'Église catholique qu'elle envisageât cette situation. Considérant ce cas, le Concile déclare: « il est nécessaire qu'en même temps le droit à la liberté religieuse soit reconnu et respecté pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses (D.H. 6). Dans une pareille situation, il est normal que soient plus fortes les pressions sociales qui poussent à léser l'égalité juridique des citoyens: c'est pourquoi le document conciliaire demande qu'en ce cas les pouvoirs publics veillent avec attention à préserver cette égalité juridique (D.H. 6).

Problème des limitations du droit à la liberté religieuse

L'homme peut abuser de la liberté religieuse comme il peut abuser de tous les autres droits. C'est aux pouvoirs publics qu'il revient d'empêcher les abus et d'y porter remède (D.H. 7). Mais l'intervention des pouvoirs ne doit pas se produire de façon arbitraire. D'où la délicate question du choix des critères selon lesquels les pouvoirs publics jugeront si et quand ils ont le devoir ou le droit d'intervenir pour empêcher un abus.

Il y a deux écueils opposés à éviter:

— éviter que les individus et/ou les groupes, sous prétexte de liberté religieuse, puissent commettre des actes lésant les droits d'autrui et nuisibles au bien de la société humaine et civile,

— éviter que les pouvoirs publics, invoquant de prétendues exigences de justice, procèdent à des limitations arbitraires du droit à la liberté religieuse.

La déclaration du Concile a adopté le critère de l'ordre public, en précisant nettement les éléments requis pour que cet ordre soit assuré: il demande la protection efficace des droits, la défense de la moralité publique, la sauvegarde de la paix, toutes choses qui sont les composantes fondamenales du bien commun; il requiert une existence fondée sur une vraie justice afin que les hommes vivent ensemble dans l'harmonie. Mais on doit viser surtout une coexistence s'inspirant des exigences de l'ordre moral objectif. On ne doit pas oublier qu'en empêchant les abus de la liberté religieuse, on attire l'attention des citoyens sur la vraie nature de la foi religieuse qui doit être confessée pour elle-même, à cause de l'esprit qui l'inspire, et non en violation des droits d'autrui ou aux dépens de la société.

Critère fondamental

Après avoir énuméré les facteurs de l'ordre public, le texte de D.H. 7, ajoute avec sagesse:

« au demeurant, il faut s'en tenir à la coutume de sauvegarder intégralement la liberté dans la société, usage demandant que soit reconnu à l'homme le maximum de liberté, celle-ci n'étant restreinte que lorsque c'est nécessaire et dans la mesure qui s'impose ».

Il parait dès lors souhaitable que la liberté religieuse se développe non pas à l'intérieur d'un Etat absolutiste et totalitaire mais plutôt dans un Etat de droit démocratique et social. Mieux encore, il est souhaitable qu'il ne s'agisse pas d'un état ou laïque ou neutre ou confessionnel: ce que l'on doit désirer, en effet, est un modèle d'Etat démocratique qui estime avoir le devoir et le droit d'exercer une action positive à l'égard de la croyance religieuse, action correspondant à la nature vraie de la religion.

Il faut aider à créer entre les hommes un climat de compréhension, d'estime, de confiance, de volonté d'agir pour le bien les uns des autres. Dans une telle atmosphère, ceux qui sont dans la vérité pourront la manifester, et ceux qui sont dans l'erreur pourront découvrir la vérité dans tous les domaines, y compris le domaine religieux (D.H. 8) mais d'une manière qui corresponde à leur dignité et à la nature du rapport entre personne et vérité, c'est-à-dire dans la lumière de la vérité.


1. Cf. SIDIC, Vol. XIII, n° 2, 1980, p. 25s.
2. Les Actes du Concile Vatican II, « Dignitatis Humanae » (D.H.). Les Editions du Cerf, Paris, 1967, D.H. 2a.
3. Ibid lb; 3a, b.
4. Ibid 13e.
5. Ibid 2a.
6. Ibid la.
7 Ibid 10.
8. Ibid 4.
9. Jean XXIII, Documentation Catholique n. 1398, p. 524.
10. D.H. 6, conclusion.
11. Ibid, 6.

 

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