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Revista SIDIC XXVII - 1994/2
Le nouveau catéchisme catholique et les juifs (Pages 21 - 22)

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Sur le Nouveau Catéchisme Romain Une réflexion oecuménique
Daniele Garrone

 

La lecture des sections du Nouveau Catéchisme catholique traitant avec une certaine ampleur et systématisation d'Israël, des juifs et du judaïsme révèle, à mon avis, une tension de fond: d'une part, l'exposé se situe dans la ligne de Nostra Aetate 4 et des perspectives successives visant à un nouveau rapport entre catholicisme et judaïsme; d'autre part, ces perspectives nouvelles sont englobées dans une structure et un contenu assez traditionnels. Il est impossible alors de ne pas se poser la question: est-il possible de corriger l'attitude envers le judaïsme en se dispensant d'une relecture critique, sans réticences et dans tous les domaines de la tradition théologique chrétienne? Il ne s'agit pas seulement de corriger l'une ou l'autre affirmation erronée mais de réviser, dans une confrontation rigoureuse et à tous les niveaux, l'idéologie chrétienne antijuive. Pour le dire de manière peut-être un peu simpliste, le Catéchisme ne me semble pas relever le défi d'une révision globale qui viendrait du fait qu'elle reconnaît la gravité et l'enracinement profond de l'idéologie antijuive. La prise de distance par rapport à certaines erreurs du passé est réaffirmée, certes, mais sans que soient tirées toutes les conséquences auxquelles les nouvelles perspectives devraient, à mon avis, aboutir.

Je voudrais donner quelques exemples pour étayer cette lecture, touchant à trois points significatif.

1. La Bible hébraïque

Le Catéchisme (121-123) affirme clairement, et en excluant tout marcionisme, que l'Ancien Testament est divinement inspiré, qu'il garde une valeur permanente, qu'il est vraie Parole de Dieu, et il réaffirme l'unité indissoluble des deux Testaments. Mais à côté de telles affirmations, voilà de nouveau proposée comme centrale la lecture typologique. Pourquoi ne pas chercher à valoriser davantage, dans l'exposition même de la « doctrine », les acquisitions de l'exégèse moderne qui est essentiellement, et cela même dans les facultés catholiques romaines, non-typologique? et pourquoi ne pas admettre le fait que l'unique Bible hébraïque est le point de départ de deux lectures, qui sont aussi et avant tout spirituelles, la lecture juive et la lecture chrétienne? Au n° 129 est affirmée la nécessité de lire aussi le Nouveau Testament à la lumière de l'Ancien, mais, là encore, la radicalité implicite dans la phrase est atténuée par la citation de St Augustin: « Novum in Vetere latet et in Novo Vetus patet ». Lire le Nouveau Testament à la lumière de l'Ancien impliquerait, à mon avis, une salutaire réduction à leurs propres dimensions, si ce n'est pas un abandon total! des catégories ontologiques, métaphysiques, juridiques, spiritualistes, qui ont eu un poids déterminant dans les premiers siècles du christianisme postnéotestamentaire. Est-il encore possible d'ignorer que la doctrine des premiers siècles est aussi le résultat du fait que le Nouveau Testament s'est détaché de l'Ancien?

2. Jésus et Israël

La présentation des données néotestamentaires me paraît trop « holistique » (globale), dans ce sens qu'elle ne tient pas compte du fait que les textes reflètent non seulement le témoignage fidèle rendu à la vie et à l'enseignement de Jésus, mais aussi les choix et les concepts des communautés postérieures. Le n° 597 rejette, à la suite de N.A. 4, l'accusation faite aux juifs d'être responsables de la mort du Christ; et le n° 598 voit dans le récit de la Passion une affirmation que tous les pécheurs sont responsables de cette mort: « L'Eglise n'hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé les juifs ». Cette réflexion devrait, à mon avis, être développée de manière plus radicale en deux directions: d'une part, il conviendrait de parler aussi des péchés de l'Eglise, (pas seulement de ceux des chrétiens), en lisant son histoire propre avec cette sévérité dont use la Bible hébraïque pour présenter les divers épisodes de l'histoire d'Israël. Face à Jésus, il n'y a pas seulement les péchés des chrétiens, mais aussi les infidélités, les trahisons de l'Eglise, des Eglises. D'autre part, on aurait clfi approfondir la réflexion sur Pantijudaïsme chrétien. Bibliquement parlant, il n'y a pas de nouveau début sans conversion, sans reconnaissance de la faute et aveu de l'erreur commise. Il me semble que le Nouveau Catéchisme tend continuellement à faire cohabiter la nouveauté indéniable de certaines affirmations avec une réaffirmation de la continuité linéaire « holistique », de la tradition et de l'histoire de l'Eglise. La nouveauté qui naît de la conversion exige des ruptures.

3. L'Eglise et Israël

Le rapport entre l'Eglise et Israël est traité dans le cadre de la doctrine de l'Esprit Saint, et plus précisément dans la section de l'ecclésiologie, au paragraphe sur la catholicité de l'Eglise: « Quant à ceux qui n'ont pas encore reçu l'Evangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au peuple de Dieu » (L.G. 16). La manière d'« être ordonné » propre à Israël consiste dans le fait qu'il a été choisi en premier, que la foi juive est déjà réponse à l'Ancienne Alliance, que sont valables pour Israël les affirmations de Rm 9, 4-5 et 11,29. Cependant, dans ce cas encore, il me semble qu'on devrait être plus radical. Pourquoi ne pas poser (parmi d'autres au moins) la question de la manière dont l'Eglise est ordonnée à Israël? Pourquoi la réflexion sur Israël doit-elle être affrontée dans une optique ecclésiocentrique? On ne peut nier que les affirmations veulent être positives en ce qui regarde Israël, mais celles-ci me semblent être harmonisées à la concentration ecclésiologique typique du catholicisme romain, plutôt qu'être valorisées dans leur tension critique par rapport à tout ecclésiocentrisme.

L'objection qu'on pourrait faire à ces remarques critiques, c'est qu'elles ne tiennent pas suffisamment compte du « genre littéraire » d'un Catéchisme, et qu'elles exigent de celui-ci une recherche de lignes novatrices, alors qu'un catéchisme veut être, au contraire, la synthèse d'une doctrine stable. Toutefois, si l'on tient compte du poids qu'ont eu les enseignements catéchistiques et les doctrines théologiques traditionnelles dans la propagation de l'enseignement du mépris, il ne semble pas hors de propos d'exiger de la catéchèse et de la doctrine justement, ouverture et courage.


Daniele Garrone, Pasteur de l'Eglise Vaudoise, est professeur d'Ancien Testament à la Faculté vaudoise de Rome. Il est aussi vice-président de l'Amitié judéo-chrétienne de Rome. Ces quelques réflexions, traduites de l'italien, sont la synthèse de son intervention, lors d'une Table Ronde sur le Nouveau Catéchisme, qui a eu lieu au Centre SIDIC, le 13 janvier 1994.

 

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