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Revista SIDIC XXXIV-XXXV - 2001-2002/1.3
L' Évangile de Jean. Conflits et controverses (Pages 17-27)

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« Traduire le récit de la Passion selon saint Jean ou en faire des citations pour la proclamation liturgique »
Cunningham, Philip A.

 


Le 12 mars 2000, le pape Jean Paul II demandait pardon à Dieu pour l’attitude des chrétiens qui « au cours de l’histoire » ont fait souffrir le peuple d’Israël.(1) Comme il l’avait déjà fait remarquer précédemment : « Dans le monde chrétien … des interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa prétendue culpabilité ont trop longtemps circulé, engendrant des sentiments d’hostilité à l’égard de ce peuple ». (2)
Dans la longue histoire des attaques chrétiennes contre les juifs le jour du Vendredi Saint, la possibilité de destruction de certains textes du Nouveau Testament est évidente, et la Passion selon saint Jean proclamée ce jour-là fait particulièrement difficulté. Comme un responsable pastoral l’a écrit récemment : « L’insistance à lire l’évangile de saint Jean avec ses nombreuses références péjoratives aux « Juifs » diminue la crédibilité de l’Eglise quand elle affirme ne pas être antisémite… Le fait qu’il faut des notes explicatives dans les missels - mais les lit-on ? - montre bien que le texte de l’évangile peut donner lieu à des confusions et à des interprétions erronées ». (3)

En 2000 et 2001, au cours des réunions annuelles de l’Association biblique catholique d’Amérique (Catholic Biblical Association of America), ce sujet a été soigneusement étudié par le Séminaire permanent (co-présidé par John Clabeaux et moi-même) concernant les thèmes bibliques dans les relations entre juifs et chrétiens.(4) En vue d’éditions futures du lectionnaire, notre travail a consisté à élaborer quelques options possibles pour la lecture de l’évangile du Vendredi Saint.

La première possibilité serait de faire une lecture brève du récit de la Passion selon saint Jean de manière à éviter les passages causant le plus de problèmes. Par ex : de 19, 16b (« Ils se saisirent donc de Jésus…) à 19, 30 (… il remit l’esprit »).

La deuxième possibilité offerte serait de faire une lecture enchaînant de façon thématique des passages de Jean qui tracent des perspectives sotériologiques à partir de l’ensemble son évangile ; par ex. Jean 10, 11, 15b, 18 ; 15, 12-13 ; 3, 16-17 ; 11, 51b ; 19, 16-30. (5)

La troisième option consisterait à faire la lecture d’un récit de la Passion selon les synoptiques, sous une forme brève ou longue. Mais bien qu’aucun d’entre eux ne présente la difficulté de l’expression « les Juifs » de l’évangile selon Jean, il faudrait faire attention à leurs propres traits de polémique anti-juive.

La quatrième option serait d’offrir comme lecture des extraits soigneusement choisis de la presque totalité du récit johannique de la Passion, mais en omettant toutefois certains éléments polémiques. Cet article veut présenter un exemple d’une telle lecture pour le Vendredi Saint qui maintienne la tradition de lire la Passion plus ou moins dans sa totalité. Elle a été étudiée et mise au point au cours des séances du séminaire en 2000-2001.

Il faut souligner dès le début, qu’il y a là plus que des questions d’ordre exégétiques ou de traductions en jeu. Le problème des lectures d’extraits bibliques dans la liturgie fait partie de la recherche en cours visant à actualiser les Ecritures, spécialement à l’usage de la liturgie. Une remarque en ce sens faite en 1993 par la Commission biblique pontificale est très pertinente :

« Une attention spéciale est nécessaire, selon l’esprit du Concile Vatican II (Nostra Aetate, 4), pour éviter absolument d’actualiser certains textes du Nouveau Testament dans un sens qui pourrait provoquer ou renforcer des attitudes défavorables envers les juifs. Les événements tragiques du passé doivent pousser, au contraire, à rappeler sans cesse que, selon le Nouveau Testament, les juifs restent ‘aimés’ de Dieu, ‘car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance’ (Rm, 11, 28-29) » . (6)

1. Directives des documents catholiques

La déclaration Nostra Aetate de Vatican II sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes a été une réelle révolution. Son commentaire sur la prétendue responsabilité « juive » dans la mort de Jésus a renversé la façon de penser courante qui a prévalu pendant 18 siècles.

« Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ [cf. Jn 19, 6], ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu, ni maudits, comme si cela découlait de la sainte Ecriture. Que tous aient donc soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Evangile et à l’esprit du Christ ». (7)

Une telle réorientation d’hypothèses chrétiennes, tenues de longue date, a inévitablement des conséquences qui ont besoin de temps pour porter des fruits. Un document publié en 1974 par la Commission pontificale pour les relations religieuses avec les juifs portant sur l’application de Nostra Aetate fait référence explicitement au récit de la Passion selon saint Jean :

« Les commissions chargées de traductions liturgiques seront particulièrement attentives à la façon de rendre les expressions et les passages qui peuvent être entendues de façon tendancieuse par des chrétiens insuffisamment informés. Il est bien évident que l’on ne peut changer le texte biblique, tout en ayant souci, dans une version destinée à l’usage liturgique, de rendre explicite la signification d’un texte,* en tenant compte des études des exégètes.
*c’est ainsi que la formule « les Juifs », dans saint Jean, désigne parfois, suivant les contextes, « les chefs des Juifs », ou « les adversaires de Jésus », expressions qui expriment mieux la pensée de l’évangéliste et évitent de mettre en cause le peuple juif comme tel » . (8)

La commission affirme ici que le texte biblique ne peut être « changé » dans la traduction. Si l’on en juge par la note, cela veut dire que les paraphrases ou la substitution de termes étrangers au texte doivent être évités dans la traduction de la Bible. Ce point concernant la traduction devrait être soigneusement distingué de l’utilisation de « passages » de textes dans la lecture liturgique : car il s’agit d’un procédé qui diffère de la préparation d’une nouvelle traduction biblique.


2. Comment le Lectionnaire romain actuel présente-t-il des extraits des textes bibliques ?

Cela nous amène à la question des méthodes utilisées par le lectionnaire pour la lecture liturgique de passages de la Bible. Le but des auteurs du lectionnaire romain du milieu des années 60, a été de présenter le « mystère du Christ et l’histoire du salut »(9) ; ils ont cependant omis des passages « qui demandent une explication complexe, exégétique ou littérale, avant qu’une application spirituelle n’en soit possible ». (10)Pour des lectures très longues, le lectionnaire indique « comment les passages peuvent être raccourcis pour ne retenir que les parties essentielles d’une péricope ». (11)Les conséquences de Nostra Aetate ayant besoin de temps pour être assimilées, ce n’est évidemment pas surprenant que ceux qui doivent réviser le lectionnaire ne tiennent pas encore grand compte de certains textes polémiques qui peuvent être « anti-juifs ».
Tel qu’il est actuellement utilisé, le lectionnaire commence ou finit parfois une lecture à un verset qui diffère de la limite naturelle du texte biblique. Par exemple, la première lecture du quatrième dimanche de l’Avent (Cycle A) termine l’extrait d’ Isaïe 7, au verset 14 : « Voici, la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel », bien que le texte continue au moins jusqu’au verset 16. La raison en est l’ajustement au passage d’Isaïe cité dans l’évangile correspondant de Matthieu 1, 18-24. [N.B. Le lectionnaire des pays francophones évite cette coupure d’Isaïe. NdT.]

Le lectionnaire ne donne pas toujours non plus la continuité des versets. Quelquefois il en omet pour une lecture brève, comme c’est le cas au deuxième dimanche de Carême (Cycle B) où la première lecture est prise dans Genèse 22, 1-2, 9-13, 15-18.
Ailleurs des versets sont omis pour que le texte se concentre davantage sur un certain point théologique, ou alors pour des raisons d’ordre pastoral, ainsi au septième dimanche de Pâques (Cycle C) la deuxième lecture est tirée de l’Apocalypse 22, 12-14, 16-17, 20. Les versets omis ne sont pas centrés sur Jésus et condamnent « ceux du dehors » qui (ô ironie !) ajoutent ou retranchent aux « paroles de ce livre » (22, 18-19). [Même remarque que précédemment, les versets incriminés ne sont pas enlevés dans le lectionnaire francophone. NdT].
Parfois des passages importants d’un même livre biblique peuvent être omis, ainsi au samedi de la vingtième semaine du Temps ordinaire où nous lisons en première lecture Ruth 2, 1-3, 8-11 ; 4, 13-17.

A l’occasion, le lectionnaire insère dans les lectures des versets antérieurs, tirés du même livre biblique, pour aider à situer ou à éclairer la partie principale du texte. Un exemple pris dans la première lecture du quatrième dimanche de Pâques (Cycle A) au livre des Actes 2, 14 montre Pierre se levant pour prendre la parole ; puis le texte enjambe vingt versets et donne la conclusion de son discours dans les versets 36-41.
Le lectionnaire offre donc des précédents pour traiter, dans un but pastoral, du potentiel anti-juif des textes de la Passion ; précédents qui sont: commencer ou finir un passage de manière ciblée ; omettre des versets faisant problème ; ajouter des versets antérieurs du même livre biblique, propres à mieux situer le passage.
Bien que le P. Raymond Brown, aujourd’hui décédé, ait eu pour principe de ne pas laisser enlever les passages anti-juifs des lectures du lectionnaire, de peur d’encourager une attitude fondamentaliste envers les Ecritures,(12) il a en même temps dénoncé le fait que « d’inclure, dans les lectures, des passages à connotation anti-juive sans les commenter, est irresponsable et empêche de comprendre la pleine signification de la mort de Notre Seigneur ». (13)
Est-il cependant réaliste d’attendre que chaque année les prédicateurs, à la suite du long récit de la Passion lu, ou même mis en acte, traitent du problème de l’anti-judaïsme? La prédication déjà limitée n’en serait–elle pas détournée du thème sotériologique, principal sujet du Vendredi Saint ? Une lecture d’extraits libérerait le prédicateur du devoir de parler chaque année de textes pouvant prêter le flanc à l’antisémitisme. (14)

Plus encore, puisque dans beaucoup d’églises, l’assemblée aurait sous les yeux les extraits du récit en même temps qu’elle l’écouterait, une note d’introduction serait aidante. Aux paroissiens intéressés par le texte biblique exact, cette note pourrait expliquer que la lecture a conservé surtout les versets qui permettent de concentrer davantage le texte sur la signification spirituelle ou théologique de la mort de Jésus. (15)

Une telle approche semble spécialement nécessaire pour des assemblées dans le monde occidental, en ce vingt et unième siècle. Notre tendance culturelle étant de mettre en équation historicité et vérité, les participants aux assemblées liturgiques entendent les récits bibliques à portée théologique comme s’ils étaient des faits historiques. Etant donné le danger d’antisémitisme qui peut naître à écouter les récits de la Passion comme uniquement de « l’histoire », il incombe à l’Eglise de tenir compte de cette réalité. En outre, les préoccupations historiques du monde occidental peuvent être un obstacle à la perception des visées théologiques des écrivains sacrés. Enlever, avec prudence, des passages à pointe polémique peut aider réellement à rendre le message religieux plus lisible. C’est pourquoi, il faudrait enlever les passages apologétiques ou à visée polémique « anti-juive », afin de libérer les perspectives théologiques des évangélistes de pièges possibles, trompeurs et contestables.


3. Problèmes spécifiques liés au récit de la Passion selon saint Jean

Ce qui fait le plus problème dans le récit de la Passion selon saint Jean, c’est l’usage fréquent des mots hoi Ioudaioi, que la New Testament N.A.B. révisée traduit uniformément par « les Juifs ».
Alors que le terme hoi Ioudaioi peut être employé d’une manière neutre (ainsi en Jn 2, 6), il est cependant souvent utilisé de façon négative, et désigne les forces opposées à Jésus dans le drame cosmique dualiste du quatrième évangile où la lumière est opposée aux ténèbres, la vérité au mensonge.

Ainsi que George Smiga l’explique :

« ce sens polémique se trouve au moins 31 fois dans les 71 emplois de hoi Ioudaioi dans l’évangile. Son usage polémique caractérise l’hostilité envers Jésus. Ceux qui sont décrits ainsi essaient de calomnier Jésus, de l’attaquer et de le mettre à mort. Quelquefois l’expression a pour but de montrer seulement du scepticisme ou un désaccord. Mais ceux qui sont désignés par l’emploi polémique sont clairement ceux qui s’opposent à Jésus. Ils ne sont jamais décrits dans une lumière positive. De plus, le sens polémique peut émerger soudain dans le texte johannique pour remplacer un autre groupe juif plus habituel. Ainsi les pharisiens peuvent se trouver ex abrupto renvoyés d’une histoire particulière et remplacés par hoi Ioudaioi (8, 22 ; 9, 18). Le même remplacement inattendu se passe pour la foule en 6, 41. D’un bout à l’autre du récit de la Passion, les rôles qui sont joués dans les évangiles synoptiques par les chefs des prêtres, les anciens et les scribes sont remplis dans Jean par hoi Ioudaioi. Ce sont eux qui envoient leurs gardes pour arrêter Jésus (18, 12), qui appellent à sa mort (19, 7, 12, 14) et entre les mains desquels Jésus dit qu’il va être livré (18, 36).
Donc à travers tout l’évangile, dès qu’il y a une opposition à Jésus, l’évangéliste prend la liberté, qu’il faut remarquer, d’introduire hoi Ioudaioi en remplacement des groupes d’opposants qui, dans les synoptiques et même dans d’autres passages de l’évangile de Jean, sont désignés selon leur spécificité » . (16)

Dans une étude critique récente sur le quatrième évangile, Adele Reinhartz propose ce qu’elle appelle des lectures accueillante, résistante, sympathisante et engagée du texte. Ses commentaires au sujet d’une approche accueillante sont spécialement pertinents lorsqu’il s’agit du point de vue liturgique qui nous préoccupe ici, car « quand les Saintes Ecritures sont lues à l’église, Dieu lui-même parle à son peuple, et le Christ, présent dans sa parole, proclame son évangile ».(17) Il est évident que dans un contexte cultuel, l’assemblée a l’intention de « se conformer aux orientations proposées par l’auteur [de la lecture évangélique] ». (18)Du fait de sa nature même, la liturgie s’attend à ce que l’assemblée aille à la rencontre des lectures du lectionnaire dans une attitude d’accueil. A. Reinhartz explique l’importance d’une attitude ainsi accueillante envers le quatrième évangile :

« Le disciple bien-aimé définit comme ‘bon’ l’acceptation du don de la vie éternelle, et à travers une rhétorique d’opposition binaire, il désigne comme ‘mauvais’ tous ceux qui refusent ce don. Un lecteur ‘accueillant’, par le fait même de cet accueil à la perspective du disciple bien-aimé et de l’acceptation de ce don, sera d’accord aussi avec cette assertion. A l’intérieur des récits et des discours de l’évangile, ceux qui refusent, et qui sont donc ‘mauvais’ portent l’étiquette de ‘Juifs’. … Même si le contenu de l’étiquette ‘les Juifs’ est considéré dans l’évangile comme ahistorique, idiosyncratique, et même incorrect, identifier les juifs avec le pôle négatif de la rhétorique d’opposition binaire de l’évangile est dangereux précisément parce qu’il existe un groupe ‘réel’ qui partage la même appellation de ‘juif’. Il n’est pas du tout impossible qu’un lecteur accueillant ne transfère le jugement négatif et l’hostilité qu’il pourrait absorber par rapport aux juifs de l’évangile sur ce groupe qu’il rencontre dans son environnement et qui partage cette dénomination ». (19)

Cela conduit A. Reinhartz à observer qu’il « est difficile d’imaginer que ces mots, et certainement la répétition multiple du terme Ioudaios lui-même, ne soient pas choisis pour engendrer non seulement de la distance, mais aussi de la haine, comme le font aujourd’hui les mots des groupes rivaux politiques ou religieux ». (20)


La possibilité que le texte johannique puisse chercher à engendrer de l’hostilité envers hoi Ioudaioi dans les cœurs de ceux qui le lisent, ou qui l’entendent, pose un problème pastoral et liturgique embarrassant à une Eglise qui enseigne à ses membres « d’éviter absolument d’actualiser certains textes du Nouveau Testament qui pourraient provoquer ou renforcer des attitudes défavorables envers les juifs ». (21)Plus spécialement, si l’auteur ou les auteurs du quatrième évangile cherchent à encourager l’antagonisme envers les juifs en employant si souvent et de façon si générale hoi Ioudaioi, un lectionnaire qui utiliserait aujourd’hui aussi fréquemment cette expression « les Juifs », par souci de fidélité au texte, se ferait réellement complice de ce que l’Eglise catholique a condamné comme « un péché contre Dieu et contre l’humanité ». (22)Il est prouvé que la mention répétée plus de douze fois de l’expression négative hoi Ioudaioi (sans compter l’expression ‘roi des Juifs’, mentionnée six fois), dans la lecture du Vendredi Saint, a engendré de l’antisémitisme dans l’histoire des chrétiens. Il apparaîtrait comme une conclusion inévitable que nous n’avons pas d’autre choix aujourd’hui pour traduire hoi Ioudaioi d’une façon qui amoindrisse son aspect largement polémique et généralisant, du moins si nous voulons être fidèles aux enseignements officiels qui nous demandent de « déplorer les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les juifs ».(23)

Dans le modèle de lecture proposé ci-dessous, hoi Ioudaioi a été ou bien omis dans tout le texte ou rendu par « les chefs des prêtres ». Ceci est en accord avec le récit johannique de la Passion lui-même qui, à l’occasion, alterne hoi Ioudaioi et chefs des prêtres dans des passages successifs (19, 6, 7,14, 15), et cela consonne avec le rôle qu’ils jouent dans les récits synoptiques. Rendre hoi Ioudaioi dans le récit johannique de la Passion par « les chefs des prêtres » ne compromet en rien la sotériologie du texte. Cela enlève simplement le venin de la polémique généralisante.

La pointe anti-juive se manifeste encore autrement dans le récit de la Passion johannique : par le tandem que forment les pharisiens et les chefs des prêtres (18, 3) ; par le caractère négatif attribué à des figures juives mentionnées par la troisième personne du pluriel (18, 28, 35, 36, 38, 40 ; 19, 16, 18) ; par la mention que Jésus est livré par sa propre « nation » (18, 35) ; par la détermination de Pilate à vouloir relâcher Jésus (18, 38-40 ; 19, 4, 6, 8, 12). Le document de la Conférence nationale des évêques catholiques des E. U. en 1988 : Critères d’évaluation des mises en scène de la Passion cite les Orientations et suggestions de 1974 :

« La plus grande vigilance est conseillée dans tous les cas où ‘ il s’agit de passages qui semblent placer le peuple juif en tant que tel sous un jour défavorable’ (Orientations, II). On pourrait en conséquence proposer le grand principe suivant : si l’on ne peut prouver, au delà d’un doute raisonnable, que l’élément évangélique retenu n’offense pas le public auquel le spectacle est destiné ou ne risque pas d’exercer sur lui une influence négative, on ne peut, en conscience, exploiter cet élément ».(24)

Bien que ce critère figure dans des directives consacrées aux jeux de la Passion, «comme l’indiquent les Orientations (ch. III), les principes invoqués ici visent ‘tous les niveaux d’enseignement et d’éducation du chrétien’, qu’il s’agisse de moyens écrits (manuels, ouvrages de catéchèse, etc.) ou oraux (prédication, médias) ». (25) La proclamation du récit de saint Jean dans la liturgie a toutes les raisons d’être comprise comme un « niveau d’enseignement du chrétien ».

Par conséquent, puisque les traits johanniques signalés ci-dessus véhiculent des intentions polémiques d’une historicité douteuse qui n’apportent rien à la théologie johannique, et qu’ils risquent de perpétuer l’hostilité envers les juifs parce que entendus aujourd’hui par les assemblées liturgiques comme des faits « historiques », ils ont été partiellement omis dans la proposition qui suit. Comme cela a été signalé plus haut, le lectionnaire actuel omet dans certaines lectures des versets pour des raisons pastorales ou théologiques, notre manière de procéder a donc des précédents amplement suffisants.

Jean 19, 7 présente des défis particuliers. La version du New Testament NAB, 1986 le rend comme suit : « Les Juifs lui répliquèrent : ‘Nous avons une loi, et selon cette loi, il doit mourir parce qu’il s’est fait Fils de Dieu’ » [version cité ici selon la TOB. NdT ]. A cause de la généralisation de l’emploi de hoi Ioudaioi, le verset peut être facilement compris comme légitimant l’ancienne accusation de déicide, condamnée maintenant, puisqu’il dépeint des juifs affirmant que quiconque se prétend fils de Dieu doit être mis à mort.
Le problème épineux, c’est qu’en réalité le récit johannique de la Passion est un drame cosmique, mais qu’il est inévitable que les assemblées chrétiennes d’aujourd’hui l’entendent comme une chronique historique. Ces versets anachroniques décrivent des personnes qui, avant la résurrection, débattent du statut de l’être divin de Jésus. De telles discussions cependant, sont issues réellement d’un « contexte historique de conflits entre l’Eglise naissante et la communauté juive »,(26) dont témoigne la 3e étape derédaction du texte; elles ne peuvent pas avoir contribué à la mort de Jésus, au moment de la première étape de rédaction.

Peut-être plus important encore, ce verset décrit « les Juifs » motivés par une loi pour mettre à mort Jésus. Sans une soigneuse explication, la proclamation liturgique de ce verset risque de perpétuer les caricatures que les chrétiens se font de la fidélité des juifs envers la Tora, car il stigmatise les juifs devenus assassins à cause de cette fidélité. C’est pourquoi, suivant les directives citées, ce verset a été omis de la proposition que nous faisons.


Le verset de Jean 19, 15 [« Mais ils se mirent à crier : ‘A mort ! A mort ! Crucifie-le !’Pilate reprit : ‘Me faut-il crucifier votre roi ?’ Les grands prêtres répondirent :’Nous n’avons pas d’autre roi que César’ » TOB)] a suscité d’intenses discussions durant le séminaire. Quelques participants ont souligné que le texte décrit ici les autorités d’Israël renonçant à Dieu comme leur roi et annulant ainsi l’alliance d’Israël avec Dieu. Cette affirmation de la théologie narrative est contredite directement par de nombreux documents officiels catholiques récents : ainsi le pape parle aujourd’hui des juifs comme de « partenaires d’une alliance d’amour éternel qui n’a jamais été révoquée ». (27)On a vu dans ce verset une occasion où une adhésion aveugle au texte pourrait conforter une théologie à laquelle l’Eglise a renoncé aujourd’hui. Il devrait donc être omis dans le texte du lectionnaire. Le sommet dramatique que le verset représente dans la structure du récit, ainsi que la forte interpellation pastorale que constitue, pour les assemblées d’aujourd’hui, la question de savoir si elles adorent d’autres « dieux », ont été de bons arguments pour le maintien de ce verset. Etant donné que le texte se concentre sur les grands prêtres et non sur hoi Ioudaioi, il a été décidé par le séminaire de retenir ce verset dans la lecture proposée.

Il faut noter enfin que le procédé du lectionnaire d’incorporer dans une lecture un passage pris ailleurs dans le même livre de la Bible pour en rétablir l’arrière-fond est utilisé ci-dessous en Jean 18, 14. L’insertion de Jean 11, 48, « sinon les Romains interviendront et ils détruiront et notre Lieu saint et notre nation » [TOB] renforce le conseil déjà présent dans ce verset johannique par la référence au conseil de Caïphe dans le texte antérieur. Le développement de la référence qui existe déjà, fournit la raison déclarée pour laquelle Caïphe pense « qu’il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple » [TOB].


Comme nous l’avons indiqué plus haut, nous espérons que la proposition de version suivante pourra rendre service aux autorités compétentes de l’Eglise, responsables de la prochaine révision du lectionnaire. Résumons les procédés que nous avons utilisés dans cette version :


1. La version proposée donne le récit de la Passion selon saint Jean dans sa totalité, selon l’usage traditionnel pour la liturgie du Vendredi Saint.

2. Elle a été écrite pour présenter et respecter les caractéristiques et les points de vue théologiques du texte, ainsi que la structure dramatique et les interactions à l’intérieur même du texte, mais sans les traits anti-juifs (ou qui pourraient l’être) qui n’ajoutent rien à sa théologie.

3. Les expressions anti-juives ou à potentialité anti-juives sont traitées comme suit :


A. L’expression prêtant à polémique de hoi Ioudaioi a été rendue dans notre version du récit de la Passion par « les grands prêtres » ou omise.

B. L’emploi polémique ou ambigu du pronom personnel de la troisième personne du pluriel « ils » a été explicité en accord avec le contexte.

C. Certains passages polémiques ou apologétiques à historicité douteuse ont été omis. Cela comprend les déclarations explicites montrant la détermination de Pilate de libérer Jésus, et celle où Jésus est dit avoir été « livré par sa propre nation ».

D. Dans un cas, un passage pris ailleurs dans l’évangile de Jean a été ajouté pour lui fournir un arrière-fond johannique.



Une lecture du récit de la Passion selon saint Jean pour le lectionnaire du Vendredi Saint
[sur la base du lectionnaire utilisé dans les pays francophones. NdT]


Chapitre 18


1. Après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec les disciples.

2. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus y avait souvent réuni ses disciples.

3. Judas prit donc avec lui un détachement de soldats, des gardes envoyés par les chefs des prêtres [omettre : et les pharisiens, maintenir l’ordre du grec]. … Ils avaient des lanternes, des torches et des armes.

4. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez vous ? »

5. Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « C’est MOI. » Judas, qui le livrait, était au milieu d’eux.
Quand Jésus leur répondit : « C’est MOI », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre.

6. Il leur demanda de nouveau : « Qui cherchez-vous ? Ils dirent : « Jésus le Nazaréen. »

7. Jésus répondit : « Je vous l’ai dit : c’est MOI. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. »

8. (Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : «Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. »)

9. Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira du fourreau ; il frappa le serviteur du Grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus.

10. Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée au fourreau. Est-ce que je vais refuser la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »

11. Alors les soldats, le commandant romain [rend mieux chiliarchos] et les gardes du Temple [< « des Juifs »] se saisirent de Jésus et l’enchaînent.

12. Ils l’emmenèrent d’abord chez Anne, beau-père de Caïphe, le Grand prêtre de cette année-là.

13. (C’est Caïphe qui avait donné [omettre : « aux Juifs »] cet avis : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour tout le peuple », de peur que « les Romains interviennent et détruisent notre saint Lieu et notre nation ».) [ajouter ce verset de Jean 11, 48.]

14. Simon-Pierre et un autre disciple suivaient Jésus. Comme ce disciple était connu du Grand prêtre, il entra avec Jésus dans la cour de la maison du Grand prêtre,

15. mais Pierre était resté dehors, près de la porte. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du Grand prêtre – sortit, dit un mot à la jeune servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre.

16. La servante dit alors à Pierre : « N’es-tu pas, toi aussi, un des disciples de cet homme-là ? » Il répondit : « Non, je n’en suis pas ! »

17. Les serviteurs et les gardes étaient là ; comme il faisait froid, ils avaient allumé un feu pour se réchauffer. Pierre était avec eux, et se chauffait lui aussi.

18. Or, le Grand prêtre questionnait Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine.

19. Jésus lui répondit : « J’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le Temple, là où tous les Juifs [ remplacé dans le texte anglais par : all Jews, à la place de all the Jews. NdT] se réunissaient, et je n’ai jamais parlé en cachette.

20. Pourquoi me questionnes-tu ? Ce que j’ai dit, demande-le à ceux qui sont venus m’entendre. Eux savent ce que j’ai dit. »

21. A cette réponse, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : « C’est ainsi que tu réponds au Grand prêtre ! »

22. Jésus lui répliqua : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »

23. Anne l’envoya, toujours enchaîné, au Grand prêtre Caïphe.

24. Simon-Pierre était donc en train de se chauffer ; on lui dit : « N’es-tu pas un de ses disciples, toi aussi ? » Il répondit : « Non, je n’en suis pas ! »

25. Un des serviteurs du Grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : « Est-ce que je ne t’ai pas vu moi-même dans le jardin avec lui ? »

26. Encore une fois, Pierre nia. A l’instant le coq chanta.

27. Alors on emmène Jésus de Caïphe au palais du gouverneur. C’était le matin …[omettre la référence à la souillure en vue de la Pâque]

28. Pilate vint au dehors pour leur parler : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »

29. Ils lui répondirent : « S’il ne s’agissait pas d’un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas livré. »

30. Pilate leur dit : « Reprenez-le, et vous le jugerez vous-mêmes suivant votre loi. » Les chefs des prêtres [< « les Juifs »] lui dirent : « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. »

31. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir.

32. Alors Pilate rentra dans son palais, appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? »

33. …

34. … [omettre : « Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi »]

35. Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré … Non, ma royauté ne vient pas d’ici. »

36. Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »

37. Pilate lui dit : « Qu’est ce que la vérité ? » Après cela, il sortit de nouveau pour aller vers les chefs des prêtres [< « les Juifs »], et il leur dit : …[omettre l’opinion de Pilate sur l’innocence de Jésus
]
38. « C’est la coutume chez vous que je relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »

39. Mais ils se mirent à crier : « Pas lui ! Barrabas ! » (Ce Barrabas était un bandit).



Chapitre 19


40. Alors Pilate ordonna d’emmener Jésus pour le flageller.

41. Les soldats tressèrent une couronne avec des épines, et la lui mirent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau de pourpre.

42. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : « Honneur à toi, roi des Juifs ! » Et ils le giflaient.

43. Pilate sortit à nouveau pour dire aux chefs des prêtres [< « les Juifs »] : « Voyez, je vous l’amène dehors … » [omettre la déclaration d’innocence de Jésus par Pilate]

44. Alors Jésus sortit, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : « Voici l’homme. »

45. Quand ils le virent, les chefs des prêtres et les gardes se mirent à crier : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » …

46. … [omettre : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation » ; la référence à la loi ; ainsi que : Pilate redoubla de crainte]. …

47. …


48. [Pilate] rentra dans son palais, et dit à Jésus : « D’où es-tu ? » Jésus ne lui fit aucune réponse.

49. Pilate lui dit alors : « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et le pouvoir de te crucifier ? »

50. Jésus répondit : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; ainsi, celui qui m’a livré est chargé d’un péché plus grave. »

51. …. [omettre : « Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher »] mais les chefs des prêtres [< « les Juifs »] se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. »

52. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha).

53. C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux chefs des prêtres : « Voici votre roi. »

54. Alors, ils crièrent : « A mort ! A mort ! crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Vais-je crucifier votre roi? » Les chefs des prêtres répondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. »

55. Alors, il le livra [omettre leur] pour qu’il soit crucifié, et ils se saisirent de lui.

56. Jésus, portant lui-même sa croix, sortit en direction du lieu dit en hébreu : Golgotha (nom qui se traduit : « Calvaire » c’est-à-dire : « Crâne »).

57. Là, ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus au milieu.

58. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix, avec cette inscription : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. »

59. Comme on avait crucifié Jésus dans un endroit proche de la ville, beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, qui était libellé en hébreu, en latin et en grec.

60. Alors les chefs des prêtres [< « les Juifs »] dirent à Pilate : « Il ne fallait pas écrire : ‘Roi des Juifs’, il fallait écrire ; Cet homme a dit : ‘Je suis le roi des Juifs’. »

61. Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »

62. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits, ils en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas.

63. Alors, ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons au sort celui qui l’aura. » Ainsi s’accomplissait la parole de l’Ecriture : Ils se sont partagés mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.

64. Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine.

65. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »

66. Puis il dit au disciple : « Voilà ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

67. Après cela, sachant que désormais toutes choses étaient accomplies et pour que l’Ecriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. »

68. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche.

69. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.

70. Comme c’était le vendredi, il ne fallait pas laisser des corps en croix durant le sabbat (d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque). Aussi les chefs des prêtres [< « les Juifs »] demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes.

71. Des soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis du deuxième des condamnés que l’on avait crucifiés avec Jésus.

72. Quand ils arrivèrent à celui-ci, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes,

73. mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.

74. Celui qui a vu en rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi.

75. Tout cela est arrivé afin que cette parole de l’Ecriture s’accomplisse : Aucun de ses os ne sera brisé.

76. Et un autre passage dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.

77. Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret …[omettre : « par peur des Juifs »), demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus.

78. Nicodème (celui qui la première fois était venu trouver Jésus pendant la nuit) vint lui aussi : il apportait un mélange de myrrhe pesant environ cent livres.

79. Ils prirent le corps de Jésus, et ils l’enveloppèrent d’un linceul, en employant les aromates selon la manière juive d’ensevelir les morts.

80. Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore mis personne.

81. Comme le sabbat [dans le lectionnaire francophone, omettre : « des Juifs ». NdT] allait commencer, et que ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.


_________________

* Dr Philip A. Cunningham dirige le Center for Christian-Jewish Learning à Boston College. Avec le prof. John Clabeaux du Séminaire Saint Jean de Boston, il co-préside le séminaire permanent des thèmes bibliques intéressant les relations judéo-chrétiennes de la Catholic Biblical Association des EU.
(Cet article est traduit et adapté par Sidic)
1. O.R. éd française, 14 mars 2000.
2. Discours du pape Jean Paul II aux participants du Symposium sur les racines de l’anti-judaïsme, Rome, 31 octobre 1997
3. Correspondance privée adressée à Eugene J. Fisher, Secretariat for Ecumenical and Interreligious Affairs, NCCB, le 29 mai 2001.
4. Pour plus de détails, consulter le site : www.bc.edu/ cjlearning>partnerships>CBA Seminar. Mes remerciements vont à John Clabeaux pour son aide dans ces pages. Ont contribué à ce dossier : Regina Boisclair, Patrick Castles, John Clabeaux, Robert Connolly, Philip A. Cunningham, David P. Efroymson, Lawrence Frizzell, John Gilchrist, Marie Goldstein, Dennis Hamm, Judith Kolasny, Amy-Jill Levine, Kenneth Morman, Brian M. Nolan, James Polich, Gibert Romero, Richard J. Sklba, Gerard Sloyan, George Smiga, Linda Taggart et Anthony Tambosco.
5. Selon la proposition de David P. Efroymson.
6. Commission biblique pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, 1993, IV, A, 3.
7. Nostra Aetate (1965), 4.
8. Commission pontificale pour les relations religieuses avec les juifs, Orientations et suggestions pour l’application de la déclaration conciliaire « Nostra Aetate », 4, (1974), II.
9. Annibale Bugnini, The Reform of the Liturgy, 1948-1975, Collegeville, MN, The Liturgical Press, 1990, 410.
10.Ibid., 418.
11.Ibid., 419.
12.Raymond E. Brown, A Crucified Christ in Holy Week : Essays on the Four Gospel Passion Narratives (Collegeville, The Liturgical Press, 1986, 15-16. […]
13.R. Brown, 16.
14. Les Evêques des E.U. ont souligné cette obligation : « Une explication entière et précise de l’utilisation de l’expression « les Juifs » dans saint Jean et dans d’autres références du Nouveau Testament qui peuvent placer tous les juifs dans une lumière négative [est nécessaire]…»
15.Je voudrais noter en passant la formulation positive. Le dire de façon négative, c’est à dire essayer d’éviter des textes qui ont poussé dans l’histoire à des attitudes et des actions anti-juives, c’est courir le risque de suggérer que cela a été fait pour apaiser les juifs. Au contraire, il faut souligner que ces suggestions en vue du futur lectionnaire sont motivées par le souci de fidélité au message chrétien tel qu’il est compris dans la communauté catholique d’aujourd’hui.
16.Manuscrit non publié de George Smiga. Cf. Le séminaire permanent de l’Association biblique catholique d’Amérique sur les textes bibliques dans les relations entre chrétiens et juifs, 6-8 août 2000.
17.Directives générales pour le Missel Romain, II, 9
18.Adele Reinhartz, Befriending the Beloved Disciple : A Jewish Reading of the Gospel of John, New York, Continuum, 2001, 54.
19.A. Reinhartz, 79-80.
20.A. Reinhartz, 78.
21.Commission biblique pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, IV, A, 3.
22.Jean Paul II, « Discours au British Council for Christians and Jews », 16 novembre 1990.
23.Nostra Aetate, 4. Ces paroles ont été réitérées par Jean Paul II au cours de la visite historique à la grande synagogue de Rome, le 13 avril 1986.
24.Comité épiscopal pour les relations oecuméniques et interreligieuses, Conférence nationale des évêques catholiques, E.U., 1988, C, 1, d. [voir Sidic, vol. XXXI n̊ 1, 1998].
25.Ibid., Remarques liminaires.
26.Commission pontificale pour les relations religieuses avec les juifs, Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse, 1985, 21, A. d.
27.Jean Paul II, « Discours à des autorités juives à Miami », 11 septembre 1987, in Fisher et Klenicki, Spiritual Pilgrimage, 105-106. [voir aussi Sidic, vol. XXI n̊1, 1988].

 

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