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Revista SIDIC XIII - 1980/1
Rév. C.A.Rijk: In memoriam (Pages 16 - 17)

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Maître d'humanité et de justice
Augusto Segre

 

Je connaissais à peine le P. Rijk lorsqu'il m'invita à donner une conférence au SIDIC, dont il était le Directeur, via Garibaldi. Pénétrant dans la salle, j'aperçus, sur le mur, derrière la chaire, écrites en hébreu les paroles du Psaume 133: « Comme il est bon et agréable pour des frères de demeurer ensemble n. Ma surprise fut grande car la conférence que j'avais préparée commençait précisément par les mêmes paroles. Je fis tout de suite remarquer à Cornelis cette coïncidence et les propos que nous échangeâmes avec un grain d'humour — et ceci fut aussi un trait de qualité qui caractérisait son art de converser — devaient ouvrir la voie à notre connaissance réciproque et à notre collaboration et développer très positivement nos rapports. Cette phrase, choisie par tous deux, pouvait être considérée comme une simple coïncidence, mais j'aimerais plutôt l'appeler coïncidence emblématique parce que nous nous retrouvâmes frères de la façon la plus complète pendant des années de travail commun, affrontant de multiples problèmes, participant à des conférences, à des réunions d'études, préparant des programmes d'activités culturelles et de contacts avec notre entourage, juif et chrétien, comme aussi dans les parenthèses sereines de conversations personnelles, accompagnées du traditionnel petit verre de whisky, de la fumée de ma cigarette et de sa fidèle pipe.

Ce n'était alors que le début du colloque judéo-chrétien qui n'avait pas encore pris la forme officielle indiquée par le Concile Vatican II. Si, dès ce moment, on avait l'impression que ce problème séculaire allait s'ouvrit à de nouveaux horizons par la bonne volonté d'un petit nombre de personnes engagées, tant du côté juif que du côté chrétien, ma rencontre avec Cornais et le travail commun que nous devions faire en Italie me fit comprendre que j'avais trouvé en lui le premier interlocuteur compétent pour ce nouveau dialogue. Et la toute première impression que je ressentis à notre rencontre initiale et qui se révéla exacte dans une centaine d'autres circonstances fut celle-ci, d'importance majeure: je vis en lui la volonté précise — pour la première fois pour moi, à la suite d'expériences précédentes — d'agir sur le plan pratique, de réaliser, autant que possible, ce qui était déclaré en paroles, c'est à dire de passer de l'abstrait au concret avec tout le sérieux que demandait un tel engagement. Certains pourraient dire aujourd'hui que ces premières activités, vues dans le cadre complexe et vaste de ce grand problème séculaire des relations judéo-chrétiennes, étaient de petites initiatives, même si par la suite elles prirent des proportions de plus en plus importantes. Mais n'oublions pas que les grands buts, si l'on agit avec réflexion et responsabilité, ne peuvent être atteints qu'à petits pas. Cotnelis était un admirateur passionné de la nature et de la montagne. J'ai souvent pensé à lui comme à un guide expert de la montagne, qui ne s'arrête jamais, même qui avance avec une lenteur bien étudiée. Dans le domaine des plus hautes conquêtes spirituelles, Cornelis fut un guide habile et responsable: il fut un Maître.

Il possédait une culture religieuse et humaniste solide et profonde. C'est là un élément extrêmement important et fondamental si l'on tient compte du peu de préparation scientifique et exégétique générale pour ce qui regarde la Bible et l'histoire, préparation souvent négligée et mal faite. A cette formation sérieuse, que dans son honnêteté innée, il jugeait toujours incomplète — et de là son désir de poursuivre des études au même rythme qu'au temps de sa jeunesse, bien qu'il fût déjà un enseignant de capacité notoire — se joignaient encore d'autres qualités personnelles. Il était doté d'un important potentiel spirituel qui le disposait à percevoir les valeurs religieuses, et à les vivre, dans leur authenticité, les libérant, parfois avec décision et courage, de tout cet encroûtement dont l'histoire les avait revêtus, qui les obscurcissait et les déformait, entraînant, dans la pratique, des conséquences graves sur le plan des relations humaines. Sur ce point on peut affirmer qu'il a suivi fidèlement l'enseignement biblique d'humanité et de justice. Le bien doit, en toute circonstance, sans compromis, prévaloir sur le mal et être le critère de base envers toute collectivité: voilà ce que fut, à mon avis, sa ligne de conduite fondamentale dans la réalisation de sa mission. Un petit exemple, très significatif, qui illustre son attitude envers le prochain: C'est son sourire serein, dont je me me rappellerai toujours, ce sourire captivant qui éclairait ses yeux et sa parole chaque fois que les circonstances permettaient un optimisme raisonnable, sourire qui aidait à engager un discours et à affronter les problèmes difficiles et complexes. Ceci pour démontrer la qualité de sa vie spirituelle; elle s'élevait bien au-dessus des diatribes ordinaires dont l'effet était d'éloigner les intéressés de la vérité et de la réalité des problèmes. Par cette attitude, qui fut sienne, il conquit l'estime, le respect, l'affection du monde juif en Italie et à l'étranger; on vit en lui une personne honnête, engagée avec fermeté et compétence dans la réalisation d'idéaux communs.

Il serait trop long d'énnumérer toutes les initiatives qui prirent naissance dans son esprit et dans son coeur:
depuis une bibliothèque spécialisée, parmi les meilleures du genre, qui fonctionnait, suivie attentivement par lui et constamment mise à jour, jusqu'aux conférences d'un niveau élevé, pendant l'année, à la publication de SIDIC sur des thèmes monographiques de grande importance, au cours sur les Psaumes suivi avec intérêt et dont la manière de travailler, tout à fait nouvelle, fut suggérée par Cornelis lui-même, jusqu'aux colloques avec des Professeurs de Facultés universitaires dédiés à l'approfondissement de problèmes importants, parfois même brûlants, et aux Congrès réunissant des personnalité juives et chrétiennes du monde entier, jusqu'au travail minutieux, apparemment sans histoire et sans gloire, mais qui se trouve à la base de toute activité sérieuse.

Dans un monde devenu toujours plus aride et plus insensible à la voix angoissée du prochain, bouleversé par l'égoïsme de la technologie et étranglé par les intérêts de parti, de quelque genre que ce soit, d'inspiration ancienne ou moderne, la figure et l'oeuvre du P. Rijk prennent un relief particulier. Elles laissent à tous un héritage de sentiments et d'enseignements précieux qui sont à conserver avec soin et qui doivent servir de hase à la continuation, dans la même direction, et l'amplification de son oeuvre, si prématurément interrompue. Peut-être une Volonté supérieure en a-t-elle décidé ainsi afin que demeure, en chacun de nous, le souvenir de notre frère Cornelis, encore jeune, penché sur sontravail, comme une invitation à entrer dans sa voie avec une semblable intensité de loyal engagement.

En octobre, l'an dernier, nous nous sommes réunis au siège du SIDIC, pour dire un affectueux adieu à Mère Edward à laquelle me lient des sentiments d'affectueuse admiration: elle retournait à Londres après avoir consacré à ce Centre, pendant de nombreuses années, son activité irremplaçable, aux côtés du P. Rijk. Lui était absent, se trouvant déjà à l'hôpital.

Peu de temps avant mon départ pour Israël, je parvins à lui téléphoner en Hollande, où il vivait des heures dramatiques. Sa voix, bien que légèrement couverte, conservait son timbre bien connu. Émus tous deux dans notre échange de saluts et de voeux, je l'invitais à venir me trouver à Jérusalem, où je m'étais transféré, lui disant que ce serait très beau de nous rencontrer dans cette ville et de reprendre ensemble l'étude de la Bible. Il accepta avec une note d'enthousiasme, même si elle était voilée par la grande préoccupation du moment. Le rêve, comme on pouvait le prévoir, ne s'est pas réalisé, mais il continue à être présent dans mes études et dans mes travaux.

Une maxime ancienne dit: « Tout ce que vous faites, faites le avec amour ». Le P. Rijk a suivi ce chemin; ainsi, il a aimé son prochain et son prochain, en retour, l'a aimé.

Que la mémoire du juste soit bénie!

 

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