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Présentation
Les Editeurs
Parler de Bénédiction, de nos jours, peut paraître étrange, irréaliste. La terre où nous vivons nous semble en effet plutôt inhospitalière, victime de systèmes injustes, dégradée par le désir insatiable qu'ont les humains de posséder, de s'affirmer eux-mêmes. La notion de Bénédiction, avec la plénitude de bonheur, d'harmonie qu'elle comporte pourrait sembler, dans ce contexte, assez dérisoire.
Et pourtant le sens de la bénédiction, qui relève de la foi et qui est commun aux juifs et aux chrétiens, est profondément lié aux réalités concrètes de nos vies: au respect de la création, au sens de la vie, à la justice et au partage des biens de la terre; il informe tous nos comportements humains.
« Bénir » Dieu, c'est reconnaître en Lui la source de tout ce dont nous disposons et la gratuité de tous les dons; c'est nous reconnaître, en tant qu'êtres humains, dans la vérité de nos limites, et reconnaître Dieu comme le seul Maître et « possesseur » de la terre et de ses biens; c'est nous décentrer de nous-mêmes pour nous ouvrir à la justice et à la gratuité; c'est aussi opérer ce « retournement » permettant au monde, que nous découvrons soumis à la « malédiction », de retrouver son intentionalité première, celle de la Bonté.
Le témoignage de Rabbi Herbert Loewe, qui écrivait aux heures les plus sombres de la domination des Nazis en Europe, nous permet de saisir comment la bénédiction est comprise et vécue dans le judaïsme, comment une attitude de révérence et d'émerveillement devant le Mystère présent à la source de toute vie peut transformer notre comportement humain. Comme H. Loewe le dit bien, le concept de Berakha exprime à la fois « la source de la bénédiction, la bénédiction elle-même et ses effets. Ces trois réalités forment une sorte d'unité, une corde au fil triple qu'on ne peut rompre aisément » (cf. Qo 4,12).
Carmine Di Sante reprend ce même concept, en montrant comment la sagesse radicale impliquée par la notion juive de la bénédiction peut enrichir la vision ou la pratique chrétienne: Plus que de bénir les dons de Dieu, il s'agit de bénir Dieu lui-même pour ses dons, de reconnaître le principe de bonté qui les sous-tend et le fait que, les ayant reçus gratuitement, nous sommes appelés à les partager. Mieux saisir cela nous aide à comprendre la sens de la prière eucharistique de Jésus à la Cène, comme le montre la réflexion de Max Thurian (p. 20-21).
L'article de Lawrence Frizzell, lui, est une analyse du nouveau Livre des Bénédictions publié récemment par l'Eglise catholique. II met en relief certaines nouveautés importantes et les points de contact avec la tradition juive, qui viennent sans doute de notre héritage commun.
Puisse ce numéro de la revue contribuer à l'approfondissement de cet héritage et permettre aux croyants que nous sommes de reconnaître, comme le dit A. Heschel, « derrière l'apparence des choses une trace du divin »!