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Déclaration de la conférence des évêques suisses sur l’attitude de l’église catholique en Suisse à l’égard du peuple juif pendant la 2e guerre mondiale et aujourd’hui
Conférence des évêques suisses
Suíça (2000/04)
Nous publions ci-après un extrait de l’introduction, ainsi que la dernière partie de ce document.
(...) Ces dernières années, les Suisses ont dû, eux aussi, reconnaître que le comportement de leur pays à l’époque du national-socialisme et de la deuxième Guerre mondiale n’a pas été aussi irréprochable et glorieux qu’on l’admettait communément. L’Église catholique en Suisse doit elle-même reconnaître sa responsabilité, en ce sens qu’elle a souvent trop peu fait pour sauver la vie et la dignité d’hommes et de femmes persécutés. La peur, la négligence, les préjugés, l’absence de générosité ont trop souvent limité l’aide urgente qu’il aurait fallu apporter, en particulier aux juifs qui cherchaient refuge dans notre pays.
Dans la mesure où nous regrettons sincèrement les manquements des catholiques et des autorités ecclésiastiques dans le passé, nous devons être prêts à tirer les enseignements de l’histoire, afin de garantir, pour aujourd’hui et pour demain, protection et hospitalité à toutes les victimes de discriminations, de déportations, voire de génocides. Il faut donc reconnaître et désigner les fautes du passé pour les éviter dans le présent et à l’avenir. (...)
5. Conclusions
1. Nous nous reportons avec gratitude à la déclaration Nostra Aetate du Concile Vatican II. Ce document est de plus en plus actuel. Il a ouvert une porte à une nouvelle étape de l’histoire chrétienne nous permettant de considérer le peuple juif comme un peuple de Dieu qui nous est apparenté et uni. Dans cette déclaration on peut lire : « Du fait d’un si grand patrimoine spirituel qui leur est commun, le Concile veut encourager et recommander aux juifs et aux chrétiens la connaissance et l’estime mutuelles qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques ainsi que d’un dialogue fraternel ».1 Le pape actuel est considéré par beaucoup de juifs comme un pape qui a profondément renouvelé les relations entre christianisme et judaïsme. Nous appelons les fidèles à comprendre les mots et les gestes du pape et leur signification. Le pape considère que la Shoa est un avertissement des plus significatifs contre un christianisme superficiel et qui resterait muet face au mal.
2. Le pape Jean Paul II a déclaré avec conviction le 31 octobre 1997 qu’il est important pour l’Église et le monde de se souvenir de la Shoa, de la responsabilité et de la culpabilité de l’Église catholique, parce qu’il y a là un appel, un témoignage et un cri silencieux pour toute l’humanité.2 Ces dernières semaines, le pape Jean Paul II a appelé à la conversion et a demandé pardon pour les attitudes hostiles aux juifs entretenues dans le passé. Nous nous associons pleinement à sa démarche et à sa prière d’intercession.
3. Le mal monstrueux qui s’est manifesté dans la Shoa, doit éveiller une contre-réaction durable. La théologie a le devoir de développer une doctrine de l’élection et de la vocation du peuple juif, doctrine qui déclare sans ambiguïté que le mépris et la persécution des juifs sont des erreurs et des péchés. Cette théologie doit avoir son écho dans l’enseignement de la religion, dans la prédication et dans les publications. La spécificité chrétienne et la révélation contenues dans le Nouveau Testament ne peuvent en aucun cas être affirmées en dénigrant le peuple juif et sa place qui lui a été assignée par Dieu.
4. C’est dans le cœur de l’homme que les crimes les plus atroces ont pris racine, c’est dans le cœur de l’homme que réside le noyau du mal à combattre. « Résistez aux principes « signifie dans ce contexte, « résistez aux pensées haineuses ou aux ressentiments de votre cœur ! ». Le projet de l’anéantissement des juifs a commencé dans les milieux d’idéologie raciste de la fin du 19e siècle.3 Le crime qui a trouvé sa réalisation dans les crimes des nazis tire de là son origine. Notre savoir doit devenir conscience. Nous devons purifier notre conscience de toute pensée de haine envers les étrangers et les juifs, afin que ces agressions en pensée ne puissent plus jamais se transformer en actes. Maintenir son cœur pur de tout sentiment de mépris et de tout désir d’anéantissement de l’autre est un premier commandement de Dieu.
5. Nous avons le devoir de nous opposer à toute forme de mépris de l’homme où qu’il apparaisse. Celui qui ne considère qu’une seule sorte d’injustice sans se préoccuper des autres, n’a plus le droit de protester, puisqu’au bout du compte il a cessé de combattre l’injustice. Chrétiens, nous devons absolument tout entreprendre pour que le peuple juif ne soit plus jamais méprisé, persécuté ou conduit vers une autre Shoa. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter à la seule et terrible injustice d’il y a cinquante ans. Il est également de notre devoir de nous opposer à tous les projets d’épuration raciste ou de lutte entre les différentes religions. Dans ce même contexte, il est de notre devoir de condamner fermement toutes les formes de profanation de cimetières juifs, ainsi que les graffitis anti-juifs, forfaits que nous considérons comme des péchés.
6. Le Christ nous demande dans son enseignement de ne pas passer à côté du prochain dans le besoin, surtout lorsqu’il s’agit d’un homme assailli par des voleurs ou d’un blessé gisant sur le chemin et qui appartient à une autre religion ou à un autre peuple. Jésus l’a exprimé d’une façon nette dans la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 25-37). Nous n’avons pas le droit de passer dans l’indifférence à côté d’un homme qui souffre, même s’il nous semble complètement étranger.
La foi et la célébration du service divin doivent nous aider à garder les yeux ouverts sur la souffrance du monde.
Fribourg, le 14 avril 2000
Conférence des évêques suisses
+Amédée Grab, osb
Président de la Conférence des évêques suisses
Dr Roland-B. Trauffer, op
Secrétaire général de la Conférence des évêques suisses