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Considérations œcuméniques sur le dialogue entre juifs et chrétiens
Conseil Oecuménique des Eglises
Suíça (1982/07/16)
PREFACE
1.1 L'une des fondions du dialogue est de permettre aux interlocuteurs de présenter leur foi et d'en témoigner dans leurs propres termes. Cet élément a une grande importance car les exposés partiaux des convictions religieuses des autres sont l'une des causes des préjugés, des simplifications et de la condescendance. En écoutant attentivement la manière dont leurs partenaires se définissent, les chrétiens pourront plus facilement obéir au commandement qui leur enjoint de ne pas porter de faux témoignage contre leur prochain, que celui-ci se réclame d'une tradition religieuse, .1ilturelle ou idéologique établie depuis longtemps ou qu'il soit membre d'un nouveau groupe religieux. Les partenaires engagés dans le dialogue devraient reconnaître que toute religion ou idéologie qui prétend à l'universalité a non seulement une conception de soi bien définie, mais aussi une conception qui lui est propre des autres religions et idéologies. Le dialogue ouvre la possibilité d'une mise en question mutuelle de la manière dont chacun des partenaires se conçoit lui et les autres. C'est de cette volonté réciproque d'écouter et d'apprendre que naît un dialogue significatif.
(Lignes directrices du COE sur le dialogue, 1114)
1.2 Avec ces Lignes directrices applicables à tous les dialogues, le Conseil oecuménique des Eglises, qui définit la nécessité du dialogue et les dons à en recevoir, s'adresse en premier lieu à ses Eglises membres. Les personnes professant d'autres religions peuvent choisir de définir leur conception du dialogue, et la manière dont elles pensent que le dialogue avec les chrétiens peut affecter leurs traditions et attitudes propres et des amener à une meilleure compréhension du christianisme. La « mise en question mutuelle de la manière dont chacun des partenaires se conçoit lui et les autres » est une démarche fructueuse qui requiert l'esprit de dialogue. Mais les Lignes directrices du COE n'indiquent pas d'avance ce que les partenaires engagés dans te dialogue pourront découvrir sur eux-mêmes, leur histoire, leurs problèmes. Elles traitent plutôt de la foi, des attitudes, des actions et des problèmes des chrétiens au sein des Eglises.
1.3 Dans tous les dialogues, l'asymétrie particulière qui existe entre les deux communautés de foi en présence, quelles quelles soient, devient un élément important. Même des termes comme foi, théologie, religion, Écriture, peuple, etc. ne sont ni innocents ni neutres. Les partenaires du dialogue peuvent mettre en question à juste titre le langage même dans lequel chacun exprime sa pensée sur les questions religieuses.
1.4 Dans le cas du dialogue entre juifs et chrétiens, l'asymétrie historique et théologique est claire. Tandis qu'une vision du judaïsme au temps du Nouveau Testament est indispensable à toute théologie chrétienne dont elle fait partie intégrante, il n'est pas du tout essentiel pour les juifs d'avoir une conception « théologique » du christianisme qui ne fait pas partie intégrante du judaïsme. Pourtant, aucune des deux communautés de foi ne s'est développée sans la conscience de l'existence de l'autre.
1.5 Les relations entre juifs et chrétiens ont des caractéristiques uniques à cause de la manière dont le christianisme est né, historiquement, du judaïsme. La vision chrétienne de ce processus constitue un élément nécessaire du dialogue et lui donne un caractère d'urgence. A mesure que le christianisme a défini sa propre identité par opposition au judaïsme, l'Eglise a élaboré ses conceptions, ses définitions et sa terminologie propres pour conceptualiser les éléments qu'elle avait hérités des traditions juives et le contenu des Ecritures communes aux juifs et aux chrétiens. C'est en définissantsa propre identité que l'Eglise a défini le judaïsme et assigné aux juifs des rôles bien déterminés. Cela ne devrait pas surprendre que les juifs éprouvent du ressentiment face à ces théologies chrétiennes qui attribuent à leur peuple un rôle négatif. Il est tragique que ces schémas de pensée aient souvent conduit à des actes manifestes de condescendance, de persécution ou pire
encore.
1.6 Les chrétiens qui pratiquent leur foi et lisent la Bible croient souvent qu'ils « connaissent le judaïsme » puisqu'ils ont entre leurs mains l'Ancien Testament, les récits des discussions de Jésus avec les docteurs juifs et les réflexions des premiers chrétiens sur le judaïsme de leur temps. A cela vient s'ajouter le fait qu'aucune tradition religieuse n'a été « définie » avec autant de minutie par les prédicateurs et les enseignants de l'Eglise que le judaïsme. Cette attitude est souvent renforcée par le manque de connaissance concernant l'histoire de la vie et de la pensée juives des 19 siècles qui se sont écoulés depuis le jour où divergèrent les chemins du judaïsme et du christianisme.
1.7 Pour ces raisons, il est crucial que les chrétiens, à travers l'étude et le dialogue, soient attentifs aux « termes propres » dans lesquels les juifs conçoivent leur histoire et leurs traditions, leur foi et leur obéissance. De plus, une réceptivité mutuelle à la manière dont chacun perçoit l'autre peut constituer un pas en avant qui aide à comprendre les blessures, à dissiper les craintes et à redresser les malentendus qui se sont nourris de l'isolement.
1.8 Le judaïsme et le christianisme embrassent tous deux un large éventail d'opinions, d'options, de théologies, de manières de vivre et de formes de service. Du fait que les généralisations engendrent souvent des stéréotypes, le dialogue entre juifs et chrétiens aura une portée d'autant plus grande qu'il visera à donner aux deux communautés de foi la présentation la plus complète possible des vues qui existent au sein de chacune d'elles.
2. VERS UNE COMPREHENSION CHRETIENNE DES JUIFS ET DU JUDAISME
2.1 A travers le dialogue avec les juifs, nombre de chrétiens en sont venus à apprécier la richesse et la vitalité de la foi et de la vie juives dans l'alliance, et à enrichir ainsi leur propre vision de Dieu et de la volonté divine pour toutes les créatures.
2.2 Dans le dialogue avec les juifs, les chrétiens ont appris que l'histoire réelle de la foi et de l'expérience juives ne correspond pas aux images du judaïsme qui ont dominé pendant des siècles la littérature et l'enseignement chrétiens, images qui ont été diffusées par la civilisation et la littérature occidentales dans d'autres parties du monde.
2.3 Selon une tradition chrétienne classique, l'Eglise remplace Israël en tant que peuple de Dieu et la destruction du second temple de Jérusalem vient justifier cette prétention. L'alliance de Dieu avec le peuple d'Israël ne faisait que préparer la venue du Christ, après laquelle elle a été dissoute.
2.4 Cette perspective théologique a eu des conséquences fatales. Vu que l'Eglise remplaçait les juifs en tant que peuple de Dieu, le judaïsme qui a survécu a été considéré comme une religion légaliste fossilisée — vision aujourd'hui perpétuée par les érudits dépourvus de prétentions théologiques. C'est pourquoi le judaïsme des premiers siècles qui a précédé et suivi la naissance de Jésus a reçu le nom de « judaïsme tardif ». On a considéré les pharisiens comme le comble du légalisme, tracé des portraits négatifs des juifs et des groupes juifs, et l'on a cru qu'en donnant du judaïsme une image fausse et laide on rehaussait la vérité et la beauté du christianisme.
2.5 Grâce à une étude renouvelée du judaïsme et au dialogue avec les juifs, les chrétiens ont pris conscience du fait qu'à l'époque du Christ, le judaïsme n'était qu'au commencement de sa longue vie. Sous la conduite des pharisiens, le peuple juif connut le début d'un réveil spirituel d'une remarquable vigueur qui lui donna la force de survivre à la catastrophe de la perte du temple. Ce réveil donna naissance au judaïsme rabbinique qui conçut la Mishnah et le Talmud, et édifia les structures qui permirent au peuple juif de mener à travers les siècles une vie dynamique et créatrice.
2.6 Jésus, en tant que juif, était né dans cette tradition. Dans ce contexte, il a été nourri des Ecritures hébraïques dont il reconnaissait l'autorité et auxquelles il a donné une nouvelle interprétation dans sa vie et son enseignement. Dans ce contexte, il a annoncé que le royaume de Dieu était proche, et dans sa résurrection ses disciples ont trouvé la confirmation de sa qualité de Seigneur et de Messie.
2.7 Les chrétiens devraient se souvenir que quelques-unes des controverses qui opposent Jésus aux « scribes et aux pharisiens » dans les récits du Nouveau Testament trouvent des parallèles au sein même du pharisaïsme et de son héritier, le judaïsme rabbinique. Ces controverses s'inscrivaient dans un contexte juif, mais les propos de Jésus, dans la bouche des chrétiens qui ne s'identifiaient pas au peuple juif comme Jésus, sontsouvent devenus des armes dans la polémique anti-juive et leur intention première a été tragiquement déformée. Actuellement, un débat a lieu entre les chrétiens eux-mêmes sur la question de savoir comment il faut comprendre les passages du Nouveau Testament qui semblent contenir des allusions anti-juives.
2.8 Le judaïsme, avec la riche histoire de sa vie spirituelle, a élaboré le Talmud comme le guide normatif de la vie juive en signe de sa gratitude pour la grâce de l'alliance de Dieu avec le peuple d'Israël. Au cours des siècles sont venus s'y ajouter d'importants commentaires, des oeuvres philosophiques pénétrantes et des poèmes d'une grande profondeur spirituelle. Le Talmud fait autorité pour le judaïsme, dont il est le centre. Le judaïsme est plus que la religion des Ecritures d'Israël. Ce que les chrétiens appellent l'Ancien Testament a reçu dans le Talmud, et plus tard dans d'autres textes, des interprétations qui, pour la tradition juive, revêtent l'autorité de Moise.
2.9 Pour les chrétiens, la Bible, avec les deux Testaments, a été suivie elle aussi des traditions de l'interprétation, des Pères de l'Eglise à nos jours. Les juifs et les chrétiens vivent les uns et les autres dans la continuité de leur Ecriture et de leur Tradition.
2.10 Les chrétiens aussi bien que les juifs voient dans la Bible hébraïque le récit du souvenir sacré de télection d'Israël et de l'alliance conclue par Dieu avec lui. Pour les juifs, c'est leur propre histoire qui se rattache en ligne ininterrompue au présent. Les chrétiens, qui dès le début de la vie de l'Eglise ont été pour la plupart d'origine païenne, se considèrent comme les héritiers de cette même histoire par la grâce en Jésus-Christ. La relation entre les deux communautés, qui adorent l'une et Vautre le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, est un fait historique donné, mais la manière dont il faut comprendre cette relation du point de vue théologique est une question à débattre entre chrétiens, le dialogue avec les juifs pouvant enrichir le débat.
2.11 Il est nécessaire d'examiner de manière approfondie les points qui sont communs à la foi juive et à la foi chrétienne et les différences qui les séparent. L'Eglise chrétienne, trouvant dans les Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testaments l'autorité suffisante à l'affirmation du salut, partage la foi d'Israël dans le seul Dieu qu'elle connaît en l'Esprit comme Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ. Pour les chrétiens, Jésus-Christ est le fils unique du Père, par lequel des multitudes ont eu part à l'amour du Dieu qui fit d'abord alliance avec le peuple d'Israël et l'ont adoré. Connaissant le seul Dieu en Jésus-Christ par l'Esprit, les chrétiens l'adorent par une confession de foi trinitaire en le seul Dieu, le Dieu de la création, de l'incarnation et de la Pentecôte. En prononçant cette confession, l'Eglise adore Dieu dans un langage étranger au culte et à la sensibilité juifs, mais chargé de sens pour les chrétiens.
2.12 Les chrétiens et les juifs croient que Dieu a créé les hommes et les femmes pour qu'ils soient la couronne de la création, les appelant à être saints et à exercer leur intendance sur cette création dont ils sont responsables devant Dieu. Les juifs et les chrétiens apprennent à travers leurs Ecritures et leurs traditions qu'ils sont responsables devant leur prochain, en particulier celui qui est faible, pauvre et opprimé. De manière différente, ils attendent le jour où Dieu sauvera sa création. A travers le dialogue avec les juifs, nombre de chrétiens deviennent plus profondément sensibles l'espoir de libération de l'exode, ils prient et oeuvrent pour l'avènement de la justice et de la paix sur la terre.
2.13 Par le dialogue avec les juifs, les chrétiens apprennent que pour le judaïsme, la survie du peuple juif est indissociable de son obéissance à Dieu et à l'alliance avec Dieu.
2.14 Pendant de longues périodes de l'histoire, avant et après la naissance du christianisme, les juifs ont trouvé des styles de vie conformes à la Torah, gardant et approfondissant leur vocation de peuple mis à part au milieu des nations. A certaines époques et en différentes lieux, ils ont eu le droit de vivre, respectés et acceptés par la culture environnante, et leur propre culture a pu s'épanouir, apportant une contribution distincte et techetchée à leurs voisins chtétiens et musulmans. Souvent des pays qui n'étaient pas dominés par les chrétiens se sont révélés très favorables aux juifs vivant en diaspora. A certaines époques, même, les penseurs juifs en sont venus à « faire de nécessité vertu », considérant que la vie en diaspora faisait partie du génie propre de l'existence juive.
2.15 Néanmoins, en tout temps, le souvenir de la terre d'Israël et de Sion, la cité de Jérusalem, est resté au centre du culte et de l'espérance du peuple juif. « L'an prochain, à Jérusalem », ces mots ont toujours fait partie du culte des juifs en diaspora. Et la présence permanente de juifs sur la terre » et à Jérusalem a toujours signifié plus eue leur présence dans n'importe quel autre lieu de résidence.
2.16 Les juifs diffèrent entre eux dans les interprétations religieuses et laïques qu'ils donnent de l'Etat d'Israël. Pour eux, il fait partie de cette longue quête de la survie qui a toujours été au centre du judaïsme a travers les siècles. Aujourd'hui, la quête d'un Etat par les Palestiniens — chrétiens et musulmans —, qui s'inscrit dans la recherche de leur survie en tant que peuple sur « la terre », réclame également toute l'attention.
2.17 Juifs, chrétiens et musulmans ont tous maintenu une présence sur la terre, dès leurs débuts. Si la notion de « terre sainte » est d'abord une notion chrétienne, la terre est sainte pour eux tous. S'ils comprennent sa sainteté de manière différente, on ne peut pas dire qu'elle soit « plus sainte » pour les uns que pour les autres.
2.18 Le dialogue est une nécessité d'autant plus pressante. Lorsqu'il est soumis à des tensions, il estplus particulièrement mis à l'épreuve. N'est-il que débat ou négociation, ou est-il enraciné dans la foi que la volonté de Dieu pour le monde est l'avènement d'une paix sûre, alliée à la justice et à la compassion?
3. LA HAINE ET LA PERSECUTION DES JUIFS: UNE PREOCCUPATION CONSTANTE
3.1 Les chrétiens ne peuvent pas engager le dialogue avec les juifs sans connaître la longue histoire de haine et de persécution dont les juifs n'ont cessé de souffrir, surtout dans les pays où ils sont minoritaires parmi les chrétiens. La tragique histoire de la persécution des juifs englobe les messacres perpétrés en Europe et au Moyen-Orient par les croisés, l'inquisition, les pogroms et l'holocauste. Le Conseil oecuménique des Eglises, lors de sa première Assemblée à Amsterdam en 1948, déclarait: « Nous demandons à toutes les Eglises représentées ici de dénoncer l'antisémitisme, quelles que soient ses origines, comme une attitude absolument inconciliable avec la profession de la foi chrétienne et sa pratique. L'antisémitisme est un péché à la fois contre Dieu et contre l'homme ». Cet appel a été réitéré à maintes reprises. Ceux qui vivent en un lieu dont l'histoire est jalonnée d'actes de haine contre les juifs peuvent servir l'Eglise tout entière en démasquant le danger toujours présent qu'ils ont appris à reconnaître.
3.2 Le fait d'enseigner le mépris à l'égard des juifs et du judaïsme dans certaines traditions chrétiennes s'est révélé un terrain particulièrement favorable à la prolifération du mal qui a engendré l'holocauste nazi. L'Eglise doit apprendre à prêcher et à enseigner l'Evangile de manière à ce qu'il ne puisse pas être utilisé pour mépriser le judaïsme et porter préjudice au peuple juif. Face à l'holocauste, les chrétiens peuvent également adopter une autre attitude, en général partagée par leurs partenaires juifs, qui consiste à prendre la ferme résolution que cela ne se reproduira plus jamais pour les juifs ni pour aucun autre peuple du monde.
3.3 La discrimination à l'égard des juifs et leur persécution sont liées à des facteurs politiques et socio-économiques profondément enracinés. On accentue les différences religieuses pour ensuite justifier la haine à l'égard d'une autre ethnie que l'on attise pour soutenir des intérêts acquis. Des phénomènes similaires se manifestent dans nombre de conflits interraciaux. Les chrétiens devraient s'opposer à tous ces préjugés religieux qui incitent les gens à désigner des boucs émissaires pour les rendre responsables des échecs et des problèmes d'une société et d'un régime politique.
3.4 Les chrétiens des régions du monde où les juifs n'ont pas été victimes de persécutions ou rarement, ne veulent pas être conditionnés par les sentiments de culpabilité qu'éprouvent à juste titre les autres chrétiens. Au contraire, ils étudient selon leur voie propre la signification que les relations entre juifs et chrétiens ont revêtue pour leur vie et leur témoignage, des premiers temps à nos juors.
4. UN TEMOIGNAGE CHRETIEN AUTHENTIQUE
4.1 Les chrétiens sont appelés à témoigner de leur foi, en paroles et en actes. L'Eglise a une mission et il ne peut pas en être autrement. Cette mission ne dépend pas d'un choix.
4.2 Les chrétiens ont souvent dénaturé leur témoignage par un prosélytisme contraignant — conscient et inconscient, patent et subtil. Evoquant le prosélytisme qui existe entre les Eglises chrétiennes, le Groupe mixte de travail de l'Eglise catholique romain et du Conseil oecuménique des Eglises a déclaré: « Le prosélytisme est tout ce qui viole le droit de la personne humaine, chrétienne ou non chrétienne, à être libre de toute contrainte extérieure en matière de religion ». (Ecumenical Revécu), 1/1971, p. 11).
4.3 Ce refus du prosélytisme et ce plaidoyer en faveur du respect de l'intégrité et de l'identité de toutes les personnes et de toutes les communautés de foi s'imposent d'urgence dans les relations avec les juifs, en particulier avec ceux qui sont minoritaires en milieu chrétien. Il est capital d'entreprendre des efforts visant à empêcher toute pratique contraignante. Il conviendra de trouver dans le cadre du dialogue les voies qui permettront aux partenaires d'échanger leurs vues et leurs préoccupations sur ce point et de parler de garanties contre ce danger.
4.4 Les chrétiens sont d'accord sur le fait qu'il ne peut y avoir de contrainte d'aucune sorte; mais leurs opinions divergent — selon leur lecture des Ecritures —sur la manière de définir les formes authentiques de la mission. L'éventail de ces opinions est très large, allant de ceux qui considèrent que la seule présence de l'Eglise dans le monde suffit à assurer le témoignage auquel ils ont été appelés, à ceux pour qui la mission constitue la proclamation explicite et organisée de Evangile à tous ceux qui n'ont pas reconnu Jésus comme leur Sauveur.
4.5 Cette diversité d'opinions se retrouve exprimée dans les différentes conceptions de la mission authentique auprès des juifs. A titre d'illustrations: il y a des chrétiens qui estiment que la mission auprès des juifs a une signification rédemptrice très particulière, et d'autres qui croient que la conversion des juifs est l'événement eschatologique qui sera le point culminant de l'histoire du monde. Il y a ceux qui ne mettent pas d'accent particulier sur la mission auprès des juifs, mais les englobent dans la seule mission auprès de tous ceux qui n'ont pas accepté le Christ comme leur Sauveur. Il y a ceux, enfin, qui croient que la mission auprès des juifs ne fait pas partie d'un témoignage chrétien authentique puisque le peuple juif trouve son accomplissement dans la fidélité à l'ancienne alliance avec Dieu.
4.6 Le dialogue peut se définir à juste titre comme un témoignage mutuel, mais seulement lorsque l'intention existe chez chacun des interlocuteurs d'écouter l'autre afin de mieux comprendre sa foi, ses espérances, ses perceptions et ses préoccupations, et d'exposer à son tour, le mieux qu'il pourra, la manière dont il conçoit sa propre foi. L'esprit de dialogue consiste à être pleinement présent l'un à l'autre et pleinement ouvert l'un à l'autre en toute vulnérabilité humaine.
4.7 Selon la loi rabbinique, les juifs qui confessent Jésus comme le Messie sont des juifs apostats. Mais pour nombre de chrétiens d'origine juive, leur identification au peuple juif est une réalité spirituelle profonde qu'ils cherchent à exprimer de différentes manières, certains en observant une partie de la tradition juive dans leur culte et leur style de vie, beaucoup en oeuvrant plus particulièrement pour le bien-être du peuple juif et pour l'avenir sûr et pacifique de l'Etat d'Israël. Parmi les chrétiens d'origine juive, on retrouve le même éventail d'attitudes envers la mission que chez d'autres chrétiens, et les mêmes critères en faveur du dialogue et contre la contrainte.
4.8 Dans le dialogue qu'ils engageront avec les juifs aux échelons local, national et international, les chrétiens de différentes traditions exprimeront leur vision du judaïsme dans un langage, un style et des formes autres que celles utilisées dans ces « Considérations oecuméniques ». Ces différentes formes d'expression devront être échangées entre les Eglises, pour l'enrichissement de tous.