Catholic documents | Joint Jewish-Christian documents | Jewish documents | Joint Christian documents | Other Christian Churches
L'Antisémitisme est contraire à l'Evangile
Goretti, Sergio
Itália (1992/01/15)
En Italie: troisième journée annuelle du dialogue avec les juifs - Pour la première fois, les medias (TV, radio, presse) ont largement couvert cet événement.
Mgr Dionigi Tettamazi, Secrétaire général de la Conférence épiscopale d'Italie, a envoyé à tous les évéques une « Note » de Mgr Sergio Goretti, évêque d'Assise et président du Secrétariat de la CE1 pour l'oecuménisme et le dialogue. Ce texte a été publié dans le journal l'Avvenire du 15.1.1992. En voici la teneur, dans une traduction francaise
Depuis trois ans, l'Église d'Italie organise le 17 janvier une journée dédiée à l'approfondissement et au développement du dialogue entre catholiques et juifs. Le sens d'une telle initiative, à la veille de la Semaine pour l'unité des chrétiens, ne semble pas être encore bien compris de tous, et cela vient surtout du fait que l'on pense à tort que celle-ci n'a de sens que là où vit une communauté juive. Il faut prendre conscience de ce que cette initiative a valeur en soi et qu'elle est importante là même où la communauté juive est absente ou quand celle-ci est peu importante par le nombre.
La journée du dialogue entre juifs et chrétiens est en effet le signe d'une Eglise qui se sait envoyée dans une histoire qu'elle reconnaît comme l'histoire du salut d'un Dieu unique. C'est pourquoi — sans rien perdre de la conscience qu'elle a de la vérité — elle dialogue et oeuvre avec tous les humains, sans considérer les diversités de cultures, de racines historiques ou de croyances religieuses comme des barrières infranchissables. Ainsi cette journée est-elle aussi un fait culturel, l'expression d'un style de vie.
Elle offre par là une précieuse occasion pour éduquer les catholiques à un dialogue respectueux et serein, et leur permettre de développer leur identité propre par la rencontre et la confrontation avec ceux qui professent une foi différente de la leur, cela d'autant plus lorsque dans cette foi ils retrouvent des racines communes ou — selon l'expression du Saint-Père — lorsqu'ils reconnaissent dans ceux qui la professent leurs « frères aînés ».
Les motifs et la finalité du dialogue judéo-chrétien se trouvent actuellement heureusement synthétisés dans la Déclaration finale de la récente Assemblée spéciale du Synode des évêques pour l'Europe, qui affirme:
« Le dialogue entre les religions est de la plus haute importance et avant tout, le dialogue avec nos frères aînés, les juifs, dont la foi et la culture sont une part constitutive du progrès de la civilisation européenne » (Décl. N. 8).
Les motifs de ce dialogue peuvent être résumés ainsi:
1. L'Église a un rapport particulier avec les juifs. Le Christ, dans son humanité parfaite, appartient au peuple juif. A ce même peuple appartiennent sa Mère qui est aussi la nôtre, comme aussi les Apôtres. L'Eglise est profondément liée au peuple juif que Dieu a choisi pour manifester son attention à l'humanité, et avec lequel il a conclu une alliance spéciale. L'alliance dans le mystère pascal du Christ, que l'Eglise perpétue et communique au cours de son pèlerinage terrestre, n'annule pas cette alliance et ne s'y substitue pas, mais elle la réalise et la renouvelle, selon la promesse faite aux Prophètes (Jr 31, 31-34). Notre amour de chrétiens envers le Christ, les Saintes Ecritures, Marie, l'Eglise fondée sur les Apôtres, nous porte à aimer aussi le peuple juif d'une manière particulière.
2. Le peuple juif, au cours de son histoire, a subi beaucoup d'injustices et de persécutions. L'« Holocauste » qu'il a vécu lors de la dernière Guerre mondiale est une page de douleur inouïe et ineffaçable. Et, cependant, les préjugés et les accusations ne cessent pas de circuler contre les juifs. Nous sommes tous appelés à réfléchir sur les souffrances de ce peuple et à les réparer par des gestes concrets d'estime et de fraternité.
3. L'antisémitisme est contraire à l'Evangile et à la loi naturelle. Par son incarnation, le Christ a assumé la nature humaine et a, de ce fait, accueilli tout l'homme et tout l'homme. Jésus nous a enseigné à aimer sans distinction de race, de sexe, de condition sociale, d'appartenance culturelle. Le commandement suprême qu'il nous .a donné, et qui contient tous les autres, est celui de la charité envers tous. C'est pourquoi le chrétien refuse toute discrimination.
La raison humaine elle-même confirme ce principe fondamental: tous les êtres humains ont une égale dignité. Aucun n'est inférieur, aucun ne peut être privilégié; nous sommes tous pèlerins en ce monde, avec des droits et des devoirs égaux.
4. Le dialogue avec nos frères représente un pas important sur le chemin d'une plus complète communion avec tous les humains. La société de notre temps est de plus en plus caractérisée par la rencontre entre les peuples, les cultures, les religions. La Sagesse divine, qui est le véritable architecte de l'histoire, nous amène à prendre conscience de l'interdépendance des peuples, des causes de leurs souffrances, de la réciprocité entre les diverses cultures, de l'unité du genre humain. Lisant les signes des temps à la lumière de la révélation divine, nous sommes appelés à dialoguer avec tous nos frères et soeurs, anciens et nouveaux, apprenant à les aimer, appréciant et accueillant le bien qui est en eux, purifiant et approfondissant les motifs de notre foi dans le Christ, trouvant justement dans la rencontre et dans la communion des racines plus profondes à notre fidélité envers la vérité.
Accueillir et respecter l'autre dans sa diversité, se présenter à lui avec vérité, sans « irénisme » et sans intolérance: le dialogue ainsi conçu est une louange envers Dieu, un instrument de vérité et un service rendu à l'humanité.
L'évêque d'Assise, Président du Secrétariat CEI pour l'oecuménisme.