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Orientations pour les relations entre catholique et juifs
Commission Nationale mixte pour le dialogue judéo-chrétien du Brésil
Brasil (1983/10)
Nouvelle étape dans le dialogue judéo-chrétien au Brésil: en 1981, la Conférence Nationale des Evéques du Brésil (CNBB) a créé la Commission Nationale mixte pour le dialogue entre juifs et catholiques. Son objectif est de promouvoir l'étude et des efforts concrets pour créér les conditions d'un dialogue religieux objectif. Cette Commission est formée de membres catholiques nommés par la CNBB et de membres juifs (3 rabbins et 2 laïcs) invités par la même Conférence.
Après une année d'études, cette Commission a élaboré le document que nous présentons ici en français, intitulé: « Orientaçoes para o relacionamento entre cat6licos e judeus », texte publié dans le bulletin officiel: m Comunicado Mensal de CNBB n d'octobre 1983, No 372, pp. 1067-68.
Pour l'année 1984, la Commission Nationale mixte juifs chrétiens e déjà prévu un double travail: — élaborer des directives pour l'enseignement du judaïsme aux étudiants en théologie;
— préparer un livret pouvant offrir des informations plus détaillées sur l'histoire et la tradition juives.
1 - Après vingt siècles de coexistence marqués spécialement par les événements qui ont précédé et accompagné, en Europe, la Deuxième Guerre mondiale, la prise de conscience des sources et de l'histoire du judaïsme comme du christianisme a mis en évidence la nécessité d'un rapprochement entre juifs et chrétiens. Ce rapprochement doit consister en un dialogue inspiré par un vrai désir de connaissance réciproque et de compréhension mutuelle.
2 - La condition indispensable au dialogue est que les catholiques reconnaissent les juifs tels qu'ils se voient eux-mêmes, c'est-à-dire comme un peuple défini nettement par des éléments religieux et ethniques.
3 - L'élément premier et constitutif du peuple juif, c'est sa religion, et il n'est pas permis aux catholiques de considérer celle-ci simplement comme l'une des religions existant actuellement dans le monde.
4 - Il est à remarquer d'ailleurs que, selon la Révélation biblique, c'est Dieu lui-même qui a constitué le peuple hébreu. Le Seigneur l'a éduqué, après avoir conclu avec lui une alliance (cf. Gn 17,7; Ex 24,1-8). Nous devons au peuple juif les cinq livres de la Loi, les Prophètes et les autres livres saints dont se composent les Ecritures juives adoptées par les chrétiens comme partie intégrante de la Bible.
5 - Nous ne pouvons considérer le judaïsme comme une réalité purement sociale et historique ou comme la relique d'un passé révolu. Il nous faut prendre en considération la vitalité du peuple juif à travers les siècles et jusqu'à nos jours. St Paul affirme que les juifs servent Dieu avec zèle (Rm 10,2), que Dieu ne rejette pas son peuple (Rm 11, 1ss), qu'Il ne retire pas la bénédiction accordée au peuple élu (Rm 9,8). Il enseigne aussi que l'ensemble des Gentils, comme l'olivier sauvage, a été greffé sur l'olivier franc qu'est Israël (Rm 11,16-19); qu'Israël continue à avoir un rôle important dans l'histoire du salut, rôle qui conduira au plein accomplissement du plan de Dieu (Rm 11,11-15.23).
6 - Nous pouvons ainsi constater combien l'antisémitisme, sous toutes ses formes, est condamnable. Que toute épithète, toute expression défavorable au peuple juif, soient donc rayées du langage chrétien. Que cessent toutes les campagnes de violence physique ou morale contre les juifs. Ce peuple ne peut pas être considéré comme déicide; le fait qu'une minorité de juifs ait demandé à Pilate la mort de Jésus n'implique pas la culpabilité du peuple juif comme tel. Le motif de la mort du Christ doit être cherché, en dernière instance, dans les péchés de l'humanité en son ensemble. De plus, l'amour chrétien qui s'étend à tous les hommes sans distinction, pour imiter l'amour du Père (Mt 5.44-48) doit embrasser aussi le peuple juif et chercher à comprendre son histoire et ses aspirations.
7 - Dans la catéchèse et dans la liturgie tout particulièrement, on évitera les jugements défavorables aux juifs. Il est souhaitable que les cours catholiques de formation doctrinale aussi bien que les célébrations liturgiques mettent en relief les éléments qui sont communs aux juifs et aux chrétiens. Il faut rappeler, par exemple, que le Nouveau Testament ne peut se comprendre sans l'Ancien, que les fêtes chrétiennes de Pâques et de la Pentecôte ainsi que les prières liturgiques, particulièrement les Psaumes, ont leur origine dans la tradition juive.
8 - Il ne faut pas établir d'opposition entre le judaïsme et le christianisme en disant, par exemple, que le judaïsme est la religion de la crainte et le christianisme celle de l'amour. En fait, c'est dans les Livres Saints d'Israël que nous trouvons originellement exprimées les relations d'amour entre Dieu et l'humanité (Dt 6,4; 7,6-9; Ps 73 et 139; Os 11; Jr 31,2ss et 19-22; 33-6-9).
9 - Il convient aussi de rappeler que le Seigneur Jésus, sa Très sainte Mère, les Apôtres et les premières communautés chrétiennes étaient de la race d'Abraham. Le christianisme trouve donc sa racine dans le peuple d'Israël.
10 - Quant à la terre d'Israël, il est bon de rappeler que Dieu a voulu, comme fruit de la Promesse, donner à Abraham et à sa descendance l'ancienne terre de Canaan que les juifs ont habitée. L'occupation romaine et les invasions successives du pays d'Israël ont entraîné de dures vicissitudes pour le peuple dispersé parmi les nations étrangères. Il faut reconnaître le droit des juifs à une existence politique tranquille dans leur pays d'origine, sans que cela entraîne pour autant injustice ou violence envers d'autres peuples. Pour le peuple juif, ce droit se concrétise dans l'existence de l'Etat d'Israël.
11 - Il faut enfin mettre l'accent sur l'attente eschatologique qui stimule en même temps la foi des juifs et celle des chrétiens, avec des caractéristiques diverses. Les uns et les autres attendent la plénitude du Royaume de Dieu: Pour les chrétiens, ce Royaume a déjà été inauguré par la venue de Jésus Christ, tandis que les juifs attendent encore le Messie. De toutes façons, cette perspective eschatologique suscite chez les juifs aussi bien que chez les chrétiens la conscience d'être un peuple en marche, tel celui qui, sorti de l'Egypte, marchait en quête de la terre « où ruissellent le lait et le miel » (Ex 3,8).