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Déclaration des Églises à l'occasion du Cinquantième Anniversaire de la Libération du Camp d'extermination d'Auschwitz
Évêques Allemands
Alemanha (1995/01/23)
Le 27 janvier 1945 les camps de concentration d'Auschwitz I et d'Auschwitz-Birkenau étaient libérés. D'innombrables personnes y ont été mises à mort d'une façon atroce: des Polonais, des Russes, des Sinti et Roma ainsi que des personnes d'autres nationalités. L'écrasante majorité des prisonniers et des victimes de ces camps étaient juifs. C'est pourquoi Auschwitz est le symbole de l'extermination du judaïsme européen qu'on désigne par "Holocauste" ou par le mot hébreu "Shoah".
Le crime commis contre les juifs a été projeté et réalisé par les autorités national-socialistes d'Allemagne. Le "crime sans précédent" qu'a constitué la Shoah (Jean Paul II, 13 juin 1991) pose encore et toujours de nombreuses questions que nous n'avons pas le droit d'éluder.
La commémoration du 50e anniversaire de la libération d'Auschwitz est, pour les catholiques allemands, l'occasion de réexaminer leur attitude envers les juifs. En même temps cette journée rappelle le fait, qu'Auschwitz garde aussi sa place dans l'histoire douloureuse de la Pologne et pèse sur les relations entre Polonais et Allemands.
II.
Déjà au cours des siècles précédents, les juifs se voyaient exposés à la persécution, à l'oppression, à l'expulsion et même au danger de leur vie. Beaucoup ont cherché et trouvé asile en Pologne. Cependant en Allemagne subsistaient aussi des endroits et des régions où les juifs pouvaient vivre relativement en paix. Depuis le 18ème siècle une nouvelle chance pour une coexistence paisible s'offrait aux juifs en Allemagne.
Les juifs ont contribué d'une manière décisive au développement de la science et de la culture allemandes. Néanmoins une attitude antijuive a continué d'exister, y compris dans les milieux d'Eglise. Cette attitude a contribué au fait que, pendant les années du IIIe Reich, les chrétiens n'ont pas opposé à l'antisémitisme raciste la résistance nécessaire. Il y a eu parmi les catholiques beaucoup de défaillances et de culpabilité. Nombre d'entre eux se sont laissé séduire par l'idéologie du national-socialisme et sont restés indifférents devant les crimes perpétrés contre les juifs et contre leurs biens. D'autres ont prêté main forte aux criminels ou sont devenus eux-mêmes des criminels.
On ignore le nombre de ceux qui ont été scandalisés par la disparition de leurs voisins et n'ont pourtant pas trouvé la force de protester publiquement. Ceux qui ont apporté leur aide au risque de leur propre vie sont souvent restés isolés. Cela nous afflige encore beaucoup aujourd'hui, de savoir qu'on se soit contenté d'initiatives individuelles pour défendre les juifs et que, même lors de la Nuit de cristal en novembre 1938, il n'y a eu aucune protestation publique, alors même que des centaines de synagogues étaient incendiées et dévastées, que des cimetières juifs étaient profanés, que des milliers d'entreprises juives étaient détruites, que d'innombrables logements de familles juives étaient saccagés et pillés, que des personnes étaient bafouées, maltraitées, voire assassinées.
La rétrospective sur les événements de novembre 1938 et sur les 12 années de dictature des national-socialistes rappellent le lourd fardeau de l'histoire. Elle rappelle "que l'Église, que nous confessons comme sainte et que nous vénérons comme un mystère, est aussi une Église pécheresse qui a besoin de conversion" (Déclaration des évêques de langue allemande à l'occasion du 50e anniversaire du pogrom de novembre 1938).
Les défaillance et les fautes de cette époque ont aussi une dimension ecclésiale. A ce propos, nous voudrions évoquer le témoignage du Synode commun des diocèses de la République fédérale d'Allemagne: "Nous sommes le pays, dont la récente histoire politique est assombrie par la tentative d'exterminer systématiquement le peuple juif. Pendant cette période du national-socialisme, malgré le comportement exemplaire de quelques individus ou groupes, nous étions pourtant, vus dans l'ensemble, une communauté ecclésiale qui tournait trop souvent le dos au sort de ce peuple juif persécuté, qui fixait trop fortement son regard sur la menace pesant sur ses propres institutions et qui s'est tue devant le crime commis contre les juifs et le judaïsme... La sincérité de cette volonté de renouveau dépend concrètement de l'aveu de cette faute et de la disponibilité à tirer douloureusement les leçons de cette pénible histoire de notre pays ainsi que de notre Église" (Résolution "Notre Espérance", 22 novembre 1975). Nous demandons au peuple juif de prêter attention à ces paroles de conversion et à cette volonté de renouveau.
III.
Auschwitz nous confronte, nous chrétiens, à la question de notre attitude envers les juifs et si notre comportement à leur égard correspond à l'esprit de Jésus Christ. L'antisémitisme constitue "un péché contre Dieu et l'humanité", comme l'a dit Jean Paul II à maintes reprises.
Dans l'Église, il ne doit y avoir ni de place pour ni d'acquiescement à l'hostilité envers les juifs. Les chrétiens ne doivent entretenir envers les juifs et le judaïsme aucun dénigrement, aucun rejet et encore moins aucune haine. Là où une telle attitude se manifeste, on a un devoir de résister publiquement et à haute voix.
L'Église respecte la spécificité du judaïsme. En même temps, elle doit apprendre à nouveau qu'elle est issue d'Israël et qu'elle reste liée à son héritage dans la foi, l'éthique et la liturgie. Là où cela est possible, les communautés juives et chrétiennes doivent entrer en contact les unes avec les autres.
Nous devons faire tout, pour que, dans notre pays, juifs et chrétiens puissent vivre ensemble en bons voisins. Ainsi les uns et les autres apporteront leur contribution irremplaçable à une Europe, dont le passé a été assombri par la Shoah, mais qui, à l'avenir, doit devenir un continent de solidarité.
Würzburg, le 23 janvier 1995