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Rencontre du pape avec les dirigeants de la Anti-Defamation League
Jean-Paul II, Pape (Wojtyla, Karol) 1920-2005
Vaticano (1984/03/23)
Ce discours a été prononcé en anglais par le Pape Jean Paul II à l'occasion de sa rencontre avec un groupe de dirigeants de l'Anti-Delamation Laegue des B'nai B'rith, organisation fondée en 1913 aux Etats Unis dans le but de lutter contre l'antisémitisme et toute discrimination, et pour l'égalité des droits. Même si le nom de cette organisation peut paraître un peu restreint ou négatif, ses membres embrassent en fait un vaste champ d'action: ils travaillent à défendre dans le monde les droits des minorités, à promouvoir la connaissance et la compréhension entre groupes humains divers, et ils sont aussi membres actifs du dialogue entre juifs et chrétiens à tous les niveaux.
Chers amis
Je suis très heureux de vous recevoir ici au Vatican. Votre groupe est composé de leaders nationaux et internationaux de l'Association juive bien connue. qui a son siège aux U.S.A. mais qui étend son activité dans bien des parties du monde, y compris à Rome: la AntiDefamation League des B'nai B'rith. Vous entretenez aussi des liens étroits avec la Commission pour les relations religieuses avec le judaisme, fondée il y a dix ans par Paul VI dans le but de promouvoir des relations. au niveau de nos engagements de foi respectifs, entre l'Eglise, catholique et la Communauté juive.
Le chemin parcouru sur la voie de la reconnaissance
La visite que vous nous rendez aujourd'hui, et dont je suis reconnaissant, est une preuve du développement constant et toujours plus profond de telles relations. Quand, en effet, on porte un regard rétrospectif sur les années qui ont précédé le Concile Vatican Il et la Déclaration Nostra Aetate, et que l'on tente de cerner le travail fait depuis lors, on a le sentiment que le Seigneur a fait a de grandes choses» (cf. Lc 1,49). C'est là un appel à nous unir dans un acte sincère de gratitude envers Dieu. Le début du Psaume 133 convient bien en cette occasion: a Qu'il est bon, qu'il est doux pour des frères d'habiter ensemble! ».
Une rencontre entre frères
C'est que, mes chers amis, comme je l'ai dit bien souvent depuis le début de mon service pastoral comme successeur de Pierre, le pêcheur de Galilée (cf. Alloc. du 12 mars 19791, la rencontre entre catholiques et juifs n'est pas la simple rencontre de deux antiques religions dont chacune suit son propre chemin et, bien souvent dans le passé, au sein de conflits pénibles et douloureux. Il s'agit d'une rencontre entre «frères ». d'un dialogue «entre la première et la seconde partie de la Bible», comme je le disais aux représentants de la Communauté juive allemande de Mayence (11 nov. 1980). Il en est du peuple juif et de rEglise catholique comme des deux Parties de la Bible qui sont distinctes mais en étroite relation. Cette relation étroite doit se manifester de bien des manières et, avant tout, par un profond respect de l'Identité de l'autre. Plus nous nous connaissons les uns les autres, plus nous apprenons à apprécier et à respecter les différences.
Complémentarité et respect mutuel
Mals alors, et c'est le grand défi que nous avons à relever, respect ne signifie pas éloignement, et H n'équivaut pas non plus à Indifférence. Le respect dont nous parlons est fondé au contraire sur le lien spirituel mystérieux (Nostra Aetate 4) qui nous unit en Abraham et, par Abraham, nous unit à Dieu qui a choisi Israël et d'Israël a fait naître /'Eglise. Mais ce lien spirituel comporte une grande responsabilité: Le rapprochement dans le respect exige confiance et franchise, et il exclut toute méfiance et tout soupçon. /I nous appelle aussi à la sollicitude fraternelle les uns envers les autres face aux problèmes et aux difficultés auxquelles chacune de nos communautés se trouvent affrontées.
L'Eglise condamne l'antisémitisme
La communauté juive en général, et votre organisation en particulier, comme son nom l'indique est spécialement attentive aux formes tant anciennes que nouvelles de discrimination ou de violence envers les juifs et le judaïsme, ce qu'on appelle habituellement l'antisémitisme. Déjà avant le Concile Vatican II (cf. S. Canar. St/ Ufficil, 3 mars 1928; et Pie XI à un groupe de radio-journalistes belges, le 6 sept. 1938), l'Eglise catholique a condamné une telle Idéologie et de tels actes, comme opposés non seulement à la foi chrétienne mais aussi à la dignité de la personne humaine créée à l'image de Dieu.
Promouvoir a « l’ère messianique »
Nous ne nous rencontrons pas cependant seulement pour nous-mêmes. Nous cherchons, certes, à nous connaître davantage, à comprendre mieux nos Identités respectives distinctes et le lien spirituel qui nous unit; mais, nous connaissant nous-mêmes. nous découvrons davantage que ce qui nous unit est un souci profond de l'humanité dans son ensemble, dans des domaines, pour n'en citer que quelques-uns, comme la faim, la pauvreté, la discrimination où qu'elle s'exerce et quelles qu'en soient les victimes, ou l'aide aux réfugiés; et aussi, bien sùr, la grande tâche qui consiste à promouvoir la justice et la paix (cf. Ps 85.4), signes caractéristiques de Père messianique selon la tradition juive comme selon la tradition chrétienne, enracinée à son tour dans la grande tradition prophétique, Le a lien spirituels qui nous unit nous permettra de répondre au grand défi lancé à ceux qui croient à la sollicitude de Dleu pour toute cette humanité qu'Il a créée à sa propre image (cf. Gn 1,27).
Je vois cela comme une réalité et en même temps comme un gage de ce dialogue entre l'Eglise catholique et le judaïsme, et de ces relations qui existent déjà entre votre Organisation et la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme et avec d'autres institutions dans certaines Eglises locales.
Je vous remercie encore pour votre visite et pour votre engagement au service du dialogue; et exprimons notre reconnaissance envers Dieu, notre Père à tous!