Un symposium sur la christologie pour revitaliser le dialogue judéo-chrétien

20 mars 2025

Trente-deux universitaires se sont réunis à Rome à la fin du mois de février pour engager une conversation honnête et ouverte sur l’état du dialogue judéo-chrétien en cette 60ème année depuis que l’Église catholique a modifié sa position officielle sur ses relations avec le peuple juif et les personnes d’autres confessions.

 

L’événement était le symposium « La christologie à la lumière des relations judéo-chrétiennes contemporaines : nouvelles perspectives 60 ans après Nostra Aetate ? » tenu à l’Université catholique australienne (ACU) sur le campus de Rome, conçu par la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame de Sion (NDS), et réalisé en partenariat. L’objectif du symposium était de générer de nouveaux apprentissages, nourris par des recherches à la fois chrétiennes et juives.

Au cours de trois jours d’intenses échanges, des universitaires et des praticiens chrétiens et juifs d’horizons diverses ont exploré la christologie – la branche de la théologie qui s’intéresse à Jésus – et sa place dans le dialogue judéo-chrétien actuel. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on considère la réalité du supersessionisme, cette conviction partagée par certains selon laquelle l’Église a remplacé Israël comme peuple élu de Dieu.

Après le symposium, des ressources pédagogiques seront développées pour rendre plus largement accessibles les résultats et les questions qui ont émergé de la conférence.

Les orateurs et les participants

La NDS et l’ACU ont eu l’honneur d’accueillir des invités d’un calibre exceptionnel et d’une expérience diversifiée. Des biblistes et théologiens chrétiens et juifs ont apporté leur expertise, et le dialogue a revêtu une dimension théologique résolument mondiale.

Outre des participants venus d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale, d’Europe et d’Australie, des participants venus de Colombie, d’Inde, de Jérusalem, du Nigeria, du Japon, des Philippines, de Pologne, du Brésil et de Roumanie ont apporté au forum de nouvelles perspectives contextuelles et mondiales.

« Nous sommes très reconnaissants que chacun ait accepté l’invitation », a déclaré Soeur Thérèse Fitzgerald, l’une des organisatrices, à la veille de l’événement. « Grâce à cette participation de tous, nous espérons que les résultats de cette réunion auront une incidence sur la communauté judéo-chrétienne dans son ensemble ».

Un espace de dialogue sécurisé

Pour exploiter pleinement le potentiel de l’événement, il a été essentiel de créer un espace propice à l’écoute du point de vue d’autrui, avec une attitude de curiosité plutôt que de défense, et d’approfondir ensemble les grandes idées et les grands enjeux, sans chercher à les résoudre.

Lors de la soirée inaugurale, ouverte au public, le discours d’ouverture a été prononcé par la professeur Amy-Jill Levine, une chercheuse juive qui a consacré sa vie à l’étude du Nouveau Testament afin d’éradiquer les enseignements antisémites. Elle a donné le ton en concluant par ces mots : « Aujourd’hui, nous, juifs et chrétiens, nous réunissons à la table non pas comme des aînés et des cadets, mais peut-être comme des cousins, et donc sur un pied d’égalité. […] Nous venons pour écouter, apprendre, discuter, et peut-être même pour nous mettre d’accord ».

Thèmes et format du symposium

Le symposium a été conçu pour favoriser des échanges dynamiques, sur fond de présentations académiques portant sur des thèmes christologiques :

  • Les défis interprétatifs inhérents à la lecture des Écritures aujourd’hui.
  • Comment comprendre les théologies implicites et explicites dans les textes de Romains, Matthieu et Jean ?
  • Faire face au supersessionisme dans les textes du Nouveau Testament et à la christologie qui en découle.
  • Dialogue sur les textes du Nouveau Testament et les implications éthiques de la christologie.
  • Comment garantir que les relations judéo-chrétiennes renouvelées aujourd’hui aient un impact sur toutes les disciplines théologiques, en mettant au jour des questions parfois douloureuses et en stimulant de nouvelles discussions.

Pour chaque sujet, des intervenants issus des traditions chrétienne et juive ont initié les discussions. Les participants ont réfléchi en binômes et en groupes, puis ont réagi en séances plénières et, enfin, les intervenants ont commenté les résultats obtenus.

La voix de la nouvelle génération

Le dialogue a été le fil conducteur de tout le symposium. Pourtant, lors d’une séance non programmée vers la fin du symposium, trois jeunes participants ont poussé le dialogue encore plus loin, soulevant le défi d’ouvrir la voie à des possibilités nouvelles et plus vastes.

Ils ont évoqué leur expérience dans différents contextes mondiaux, soulignant que les approches actuelles du dialogue interreligieux peuvent être involontairement marginalisantes. Leurs interventions ont souligné les inégalités entre générations, entre genres et entre réalités géographiques ; des inégalités qui, selon eux, doivent être corrigées afin d’atténuer le risque de voir le dialogue judéo-chrétien perdre sa pertinence.

Conclusions et prochaines étapes

Alors que les participants au symposium regagnaient leurs foyers plus ou moins lointains, les organisateurs étaient bien conscients que la véritable valeur de l’événement ne se mesure qu’à ses ramifications plus larges, et qu’il faudra du temps pour que cela devienne apparent.

L’une des conclusions était que les parties controversées des textes peuvent donner lieu à des désaccords et que la véritable solution réside dans le dépassement du débat académique et dans la mise en pratique de la relation interreligieuse.

Nous espérons que les communications présentées seront publiées, accompagnées de réflexions post-symposium. À plus long terme, les nouvelles perspectives seront reformulées afin de pouvoir être utilisées indépendamment dans des contextes pastoraux et éducatifs. Ce dernier objectif est ambitieux, compte tenu de la complexité du discours, mais essentiel pour atteindre un plus large public d’Églises.

Parmi les nombreuses questions soulevées, celle qui persiste avec le plus d’insistance est celle qui attire l’attention sur le présent et pose la question : à qui s’adresse le dialogue aujourd’hui et où souhaitons-nous le mener ?

 

Comment le symposium est-il né ?

Le symposium est né du désir des sœurs de NDS d’explorer la christologie depuis la Shoah. Elles ont organisé la première d’une série de rencontres sur ce thème en 2013 à Oświęcim, site du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz.

Le document du Vatican de 2015 « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables », invitant à explorer les implications théologiques de Nostra Aetate, a confirmé que les sœurs étaient sur la voie que l’Église souhaitait qu’elles suivent, et elles se sont associées aux frères de NDS pour réunir un groupe plus large afin de faire avancer leurs recherches. Mais la Covid-19 a interrompu les progrès en cours et, lorsque la normalité a commencé à revenir, les frères n’ont plus été en mesure de poursuivre.

En 2022, les sœurs Mary Reaburn et Thérèse Fitzgerald, qui portaient l’initiative, ont commencé à chercher un nouveau partenaire. Lorsque des amis de l’ACU ont accepté l’invitation de Sœur Mary à collaborer, le projet a repris de l’ampleur, culminant avec le récent symposium.

Mais l’inspiration de cet événement remonte à bien plus loin. « Ce sont en réalité les sœurs de France, d’Italie, de Belgique et de Hongrie qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, qui nous ont incitées à chercher des moyens de lutter contre l’antisémitisme », explique Sœur Mary. « Sept d’entre elles ont reçu le statut de ‘Justes parmi les Nations’ par Yad Vashem, mais en réalité de nombreuses sœurs ont participé à cet effort. L’inspiration de nos sœurs d’Europe et d’Amérique du Nord, qui ont contribué à l’acceptation de Nostra Aetate par les évêques de Vatican II, a également été une force motrice pour nous. Nous estimons qu’il est de notre responsabilité, envers elles et envers l’Église, de continuer à repousser les limites des relations judéo-chrétiennes ».

Participants

Héctor A. Acero Ferrer
Institut d’études chrétiennes, Canada

Rév Dr Anthony Atansi
Université McGill, Montréal, Québec, Canada

Prof Mary C. Boys SNJM
Union Theological Seminary, New York, États-Unis

Prof William S. Campbell
Université de Bâle, Suisse

Prof Philip A. Cunningham
Saint Joseph’s University, Philadelphie, États-Unis

Prof Darren Dias OP
École de théologie de Toronto, Canada

Prof Pino Di Luccio SJ
Université pontificale grégorienne, Rome, Italie

Prof Kathy Ehrensperger
Université de Bâle, Suisse

Thérèse Fitzgerald NDS
Notre Dame de Sion, Irlande

Prof Paula Fredriksen
Université de Boston, États-Unis et Université hébraïque de Jérusalem, Israël

Dr Elisabeth Höftberger
Fachbereich Systematische Theologie et Paris Lodron Universität, Salzbourg, Autriche

Ivete Holthmam NDS
Notre Dame de Sion, Brésil

Prof Julius-Kei Kato
King’s University College de l’Université occidentale, Ontario, Canada

Dr Kasia Kowalska NDS
Conseil international des chrétiens et des juifs et Notre Dame de Sion, Pologne

Dr Marcie Lenk
Chercheuse indépendante, Jérusalem, Israël

Prof Amy-Jill Levine
Hartford International University for Religion and Peace et Vanderbilt University, États-Unis

Rév Prof Mark Lindsay
Trinity College Theological School et University of Divinity, Melbourne, Australie

Dr Janine Luttick
Australian Catholic University, Australie

Prof Barbara U. Meyer
Université de Tel Aviv, Israël

Dr David Castillo Mora
Universidad Bíblica Latinoamericana, Costa Rica

Prof Marianne Moyaert
KU Leuven, Belgique

John Munayer
Rossing Center for Education and Dialogue, Jérusalem

Dr Emmanuel Nathan
Australian Catholic University, Australie

Iuliana Neculai NDS
Notre Dame de Sion, Roumanie et Italie

Prof Dermot Nestor
Mary Immaculate College, Limerick, Irelande

Dr Mary Reaburn NDS
University of Theology, Box Hill et Notre Dame de Sion, Australie

Prof Adele Reinhartz
Université d’Ottawa, Canada

Prof Anders Runesson
Université d’Oslo, Norvège

Rabbin Dr David Fox Sandmel
Conseil international des chrétiens et des juifs, États-Unis

Prof Joseph Sievers
Institut biblique pontifical, Rome, Italie

Dr Debra Snoddy
Catholic Institute of Sydney et University of Notre Dame Australia

Dr Murray Watson
Simcoe Muskoka Catholic District School, Barrie, Ontario, et Huron University College London, Ontario, Canada

 

 

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