Outros artigos deste número | Versão em inglês | Versão em Francês
La Jérusalem céleste dans la pensée juive
Alfredo Ravenna
La forme Yerushalayim qui paraît être un pluriel, a suggéré, au cours des siècles, plusieurs interprétations. L'une d'elles suppose une Jérusalem céleste à côté de celle terrestre. Dans le Psaume 122, le verset 3 dont le sens littéral est: « La cité solidement reconstruite », est ainsi interprété par la traduction araméenne (Targum): « Jérusalem qui est construite dans le ciel, cité qui doit s'unir à elle sur la terre ». On pense donc à une autre ville dans le ciel, la Jérusalem céleste, semblable à celle qui est sur la terre. Cette idée est exprimée plus clairement dans le Talmud (Taanit 5a):
« R. Nahman dit à R. Isaac: Que signifie [Os 11, 9]: 'Au milieu de toi est le Saint et je ne viendrai pas dans la ville'? Est-ce parce qu'il y a le Saint que je ne viendrai pas dans la ville? — Il lui répondit: R. Johanan dit: Le Saint, béni soit-il, dit: 'Je ne viendrai pas dans la Jérusalem céleste jusqu'à ce que je ne sois allé dans la Jérusalem terrestre'. Y a-t-il donc une Jérusalem céleste? Oui, comme il est écrit [dans Ps 122,3] ».
Et Rachi explique: « Lorsque tu auras amélioré tes actions le Saint ne viendra-t-il pas dans la ville? Comprends donc ainsi: tant que le Saint n'est pas dans ton territoire, c'est-à-dire dans Jérusalem totalement reconstruite, il n'ira pas dans la Jérusalem d'en haut; et par 'reconstruite', comprends: une cité à laquelle s'en est ajoutée une autre, sa compagne, semblable à elle-même. C'est donc qu'il y a une autre Jérusalem. Et où peut-elle être sinon au ciel? ».
Puisque en 2 Ch 2, 2, en parlant des sacrifices, on emploie la parole Leolam (pour toujours), et que ces sacrifices ont cessé après la destruction du Temple terrestre (Menahot 110a), les docteurs du Talmud supposent qu'il y a un autel dansle ciel où l'archange Michel offre des sacrifices. Les commentaires de ce passage rapportés par Tossafoth divergent sur la matière de ces sacrifices: les uns parlent d'agneaux de feu, d'autres des âmes des justes. Nous avons les traces de cette dernière interprétation dans l'office des funérailles: Michel ouvrira les portes du Sanctuaire et offrira ton âme en sacrifice au Seigneur ».
En un tardif Midrash (Jellineq), Beth ha-Midrash 5, 63, ceci est expliqué ainsi: Quand le Temple existait, le Grand Prêtre offrait les sacrifices sur la terre et Michel les offrait au Ciel; mais lorsque le Sanctuaire fut détruit, le Seigneur dit à Michel: j'ai détruit ma maison et brûlé mon autel, ne m'offre ni images de boeufs, ni images d'agneaux. Il répondit: Maître de l'Univers qu'adviendra-t-il de Tes fils? Le Saint, béni soit-il, lui répondit: tu offriras les mérites et les prières des âmes des justes cachés sous le trône de gloire et des enfants qui vont à l'école (des innocents) et Moi, je pardonnerai les péchés d'Israël (Jr 32, 8). Et la ville sera reconstruite sur ses ruines, c'est la cité terrestre, et le Sanctuaire restera à sa place, c'est la maison céleste.
Dans les Apocryphes (Apocalypse syrienne de Baruch 4, 5, composée probablement à la fin du ler siècle après le Christ), Dieu dit que la Jérusalem céleste a été construite par lui en même temps que le Paradis: Je l'ai montrée à Adam avant qu'il ne pèche, mais quand il a désobéi à mon commandement il en a été privé, ainsi que du Paradis. Puis je l'ai montrée à Mon serviteur Abraham, dans les ténèbres, entre les animaux partagés (Gn 15, 17) et de nouveau je l'ai montrée à Moïse sur le Mont Sinaï avec l'image de la Tente et de tous ses autres objets. Ainsi je la garde prête, tout comme je garde prêt le Paradis. Continue à agir comme je te le commande.
Selon Henoch 90, 29, au temps messianique cette Jérusalem céleste descendra sur la terre pour prendre la place de la terrestre et les justes de toutes les nations y prendront place.
Selon le Zohar 180b, la Jérusalem céleste est pourvue de portes, de murs et de tours contrôlées par des anges, Michel à leur tête.
Tout cela montre, d'une part, la préoccupation d'offrir une consolation aux populations tourmentées par les misères quotidiennes, et de l'autre, celle d'élever les esprits à un niveau supérieur.