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Enseignement et Education: Mission, témoignage, dialogue: un approfondissement progressif de notre enseignement
Mary Travers
La mission
— S'il vous plaît, pourrait-on baptiser le petit enfant noir du nom de Gertrude Marie Amélie...
C'est (ou c'était) une scène courante à l'époque des quêtes du Carême pour les enfants noirs. Les généreux donateurs avaient le privilège de donner le nom qu'ils désiraient à un bébé qui devait être baptisé dans une mission lointaine par un missionnaire qui, pensait-on, allait se donner la peine de se rappeler chacun des noms proposés. Le procédé paraissait normal, et on le justifiait par des descriptions émouvantes de l'oeuvre des missionnaires parmi les pauvres païens ou par le récit du martyre de certains d'entre eux; et plus les détails de ces récits étaient horribles, plus ils plaisaient aux enfants. Il n'est donc guère étonnant que les générations actuelles réagissent à des mots tels que Mission et Missionnaire, même s'il reste clair que PEglise a bien une mission à remplir, celle de proclamer la Bonne nouvelle à toutes les créatures.
La mission est un concept authentiquement chrétien mais, comme bon nombre d'autres, ce terme a pris, au long des siècles, une connotation ambigiie, et peut-être doit-il passer par un processus, bien chrétien, de mort et de résurrection pour retrouver une vie nouvelle dans les générations à venir. Pour notre enseignement, cela signifie peut-être de cesser, pour un certain temps, d'employer ce mot, ou de ne l'employer du moins que très rarement, même si la réalité qu'il recouvre reste actuelle, partie intégrante de la progression indiquée dans le titre de cet exposé. Ne cherchons donc pas à éveiller un enthousiasme exagéré pour les exploits d'un François Xavier, cherchons plutôt à bien situer l'homme historiquement, dans le contexte religieux et profane de son temps, et non pas du nôtre. La mentalité du 16e siècle était sous bien des aspects différente de la nôtre, et ce n'est pas faire justice à cet homme de Dieu que de juger de ses réalisations selon une échelle des valeurs qui est celle du 20e siècle.
Le témoignage
Ce second aspect de l'approfondissement mentionné plus haut s'est beaucoup développé dans les années qui ont suivi Vatican II. On a dit bien justement: « Ce que vous êtes parle si fort que personne n'écoute ce que vous dites »; chacun, où qu'il soit, est témoin de ses propres convictions, religieuses. politiques ou autres. Lorsque le témoignage porté est qualifié de « chrétien », on peut se heurter à deux écueils: soit que la Bonne nouvelle, celle d'une grande joie, soit proclamée par un de ces « saints au visage morose » dont Thérèse d'Avila souhaitait tant être délivrée, et qu'alors la plupart des jeunes haussent les épaules et passent d'un autre côté: soit qu'une doctrine pernicieuse, telle celle de la substitution mentionnée par David Burrell dans son article, soit enseignée par un maître rayonnant par toute sa vie la bienveillance et l'amour, et qu'alors, l'enseignement pénétrant les coeurs, il soit improbable que le comportement n'en soit pas affecté. Beaucoup d'entre nous se reconnaîtront peut-être quelque part entre ces deux extrêmes. En tant qu'enseignants, nous devons tendre à une harmonie entre ce que nous sommes et ce que nous disons, afin de témoigner authentiquement de notre foi et de notre respect envers celle des autres, en particulier envers le judaïsme.
Il existe différents thèmes, importants pour notre enseignement, qui sont liés à cette idée du témoignage que nous avons à rendre au Dieu unique. Celui de la fidélité, par exemple, est à approfondir, avec toutes ses résonnances humaines, dans l'histoire et la littérature, et il nous amènera à un autre thème important, celui de l'alliance, concrétisée sous l'image du mariage. On pourra être aidé dans l'étude de ce thème par un numéro de la revue SIDIC (vol. XIV, 1981 - 1) qui donne à la fois les perspectives chrétienne et juive du mariage. Cette étude conviendra particulièrement aux adolescents. Que nous soyons juifs, chrétiens ou musulmans, nous avons à témoigner du même Dieu unique, et cela devrait nous amener au dialogue qui est la dernière étape de l'approfondissement progressif dont nous avons parlé.
Le dialogue
David Burrell parle de « la face obscure » du témoignage rendu au Dieu unique, qui est cette tendance en nous à nous grandir en dénigrant les autres. Une condition nécessaire à l'acceptation d'une foi différente de la sienne, c'est que l'on soit ferme dans sa propre foi. Une bonne part de l'éducation au témoignage sera donc, tant pour le chrétien que pour le juif ou pour le musulman, de l'aider à augmenter, àdévelopper sa foi personnelle. On le préparera ainsi au dialogue qui est une aptitude voir et à entendre à travers la sensibilité de l'autre.
Le mot même de « dialogue » implique la présence de deux personnes; non pas deux personnes dont l'une seule parle tandis que l'autre écoute ou. au mieux, place tout juste un mot quand la première s'arrête pour reprendre !souffle; non, un vrai dialogue, dans lequel chacun essaie d'écouter et de comprendre l'autre, et ce genre de dialogue ne s)improvise pas: c'est depuis l'enfance qu'il faut l'encourager, donner l'occasion de s'y exercer. Il ne suffit pas que l'enfant écoute les paroles de l'adulte pour qu'il y ait dialogue: l'adulte aussi doit savoir écouter, essayer de comprendre. L'enfant peut écouter les paroles des grandes personnes (ou sembler des écouter) pour des raisons diverses qui n'ont, le plus souvent, rien à voir avec le dialogue. Pour que les jeunes sachent s'écouter les uns les autres, ils ont besoin d'être !guidés, aidés pendant bien des années; ensuite seulement, comme adolescents ou adultes, ils pourront être les interlocuteurs d'un véritable dialogue, ayant les bases solides qui le leur permettront. Ils doivent apprendre à s'exprimer avec le désir sincère de comprendre des points de vue différents des leurs. Il est possible aussi, dans les écoles où les enfants sont de religions différentes, de célébrer les fêtes les plus marquantes, en les faisant préparer, dans la mesure du possible, par les enfants concernés. Dans un contexte social plus large, on recommande la participation aux prières et au culte des autres communautés religieuses plutôt que des services oecuméniques qui ne donnent pas une idée exacte de l'expérience religieuse des religions représentées.
Ainsi progresse-t-on de la notion de mission à celle de témoignage puis de dialogue, chaque réalité étant en quelque manière contenue dans l'autre, et chacune en même temps tendant au même but ultime: « Que tous soient Un ».