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Synode des évêques d’Europe - Une réaction juive
Congrès Juif Européen
França (1991/10/22)
Le Congrès juif européen a adressé la lettre suivante, datée du 22.10.91 au cardinal Carlo Maria Martini, archevêque de Milan, en sa qualité de président du Conseil des Conférences épiscopales européennes:
Éminence
Nous avons pris connaissance avec un vif intérêt et une grande attention du document préparatoire qui a été rédigé en prévision de l'Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des évêques. Nous croyons devoir, au nom du Congrès juif européen qui représente toutes les communautés juives d'Europe, vous soumettre les observations que ce document nous inspire. Nous comprenons les raisons qui ont motivé la convocation de cette Assemblée spéciale, eu égard aux changements considérables qui sont intervenus au cours des dernières années et qui témoignent d'une transformation profonde de la situation politique, sociale et spirituelle, plus particulièrement en Europe centrale et orientale.
Si nous nous permettons de vous adresser ce mémorandum, c'est parce que certaines réflexions présentées par le Secrétariat général du Synode appellent de notre part quelques commentaires, voire certaines réserves.
1. Si l'on procède, comme il est suggéré dans le texte, « à une enquête générale concernant les événements historiques qui ont marqué la vie des peuples européens, spécialement dans les vastes zones du Centre et de l'Est », il nous parait essentiel de ne pas ignorer ni sous-estimer l'importante contribution juive à la civilisation européenne.
D'autre part, il est indispensable de veiller à ce que la mémoire du sort des juifs d'Europe au cours des siècles soit maintenue vivante, afin de mieux lutter contre toute forme d'intolérance. Ceci s'applique tout particulièrement à cette partie de l'Europe qui a été pendant des siècles le centre religieux, culturel et social du judaïsme, et où tous les mouvements modernes de la civilisation juive sont nés.
2. Une telle enquête devrait, à notre avis, reconnaître aussi le fait qu'il existe en Europe une grande variété de traditions religieuses, culturelles et séculières, qui ont fait la richesse et la spécificité de la culture européenne. Cet ensemble de traditions inclut aussi notamment celle des minorités nationales, culturelles et religieuses. Toutes ces traditions devraient être explicitement reconnues comme expressions légitimes de l'identité européenne.
3. Les efforts de l'Église catholique, pour autant qu'ils visent à réaffirmer la position des religions et à restaurer la liberté religieuse, notamment en Europe centrale et orientale où elle avait été supprimée sous les régimes communistes, représentent une initiative bienvenue et nous appuyons toute action qui tend à restituer à la religion et aux traditions religieuses la place qui leur revient sur la scène européenne.
4. Un tel effort doit cependant respecter et affirmer le principe du pluralisme religieux et culturel qui constitue sans aucun doute un principe fondamental de l'Europe moderne. Ceci implique l'acceptation univoque et le respect sans réserve des limites que ce système légal impose à tous. Il nous semble que dans son programme « d'évangélisation de l'Europe », qui est proclamé comme but principal du Synode, l'Église catholique doit tenir le plus grand compte de ce pluralisme et le reconnaître expressément.
5. Nous nous félicitons, d'autre part, de la détermination de l'Église agir en toute circonstance et sans relâche pour la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté religieuse, et cela d'autant plus que l'histoire des dernières décennies a tragiquement illustré les conséquences dramatiques des violations de ces droits et libertés. Nous partageons chaleureusement cette prise de position et nous pensons même qu'il y a là un domaine dans lequel une action concertée et commune des deux communautés, en vue de l'établissement d'un système de protection efficace, pourrait être particulièrement précieuse pour tous.
6. Nous formulons aussi l'espoir que le Synode européen contribuera à surmonter les points de désaccord qui subsistent entre l'Église et les communautés juives d'Europe, et trouvera, dans un intérêt commun, les moyens de parfaire les avancées encourageantes emorcées ces dernières années.
Nous vous serions très reconnaissants, Éminence, si vous vouliez bien porter ces observations l'attention des membres de l'Assemblée spéciale du Synode.
Nous vous prions d'agréer, Éminence, l'assurance de notre très haute considération.
Jean Kahn, président du Congrès juif européen.
Dr. Gerhart Riegner, président de la Commission pour les relations interreligieuses.
Tullia Zevi, co-présidente de la Commission pour les relations interreligieuses.
(Texte de la DC du 5.1.1992, N. 2041).