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Revista SIDIC I - 1968/2
Israël: le peuple et la terre (Páginas 10 - 14)

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Extraits de Conférences
E. Pariente, C. A. Rijk, P. van Boxel

 

« Le lien entre le peuple juif et la Terre d'Israël dans la pensée juive » par le Pr Kurt Hruby.
« La signification d'Israël pour le Dialogue judéo-chrétien » par Mr André Chouraqui.
Conférences données à Rome dans le cadre des Conférences du Sidic.

Dans sa conférence Mr l'abbé Hruby a étudié la permanence à travers les siècles d'une tradition concernant les liens essentiels entre le peuple d'Israël et ce qui, dans la vision biblique, est appelé sa Terre.

Dans la Bible, en effet, apparaissent trois réalités majeures et inséparables, dit-il:
— l'élection d'Israël comme peuple de Dieu,
— pour lui faire don de la Torah, la Loi du Seigneur,
— dont le peuple doit appliquer les préceptes dans le pays que Dieu lui assigne.

Lév. 26 est le passage clef de la relation entre ces trois données. D'autres textes bibliques nous en expliquent les modalités: dans Lév. 25,23 le pays est la possession exclusive de Dieu et son héritage, et Dieu le donne à Israël également comme possession et héritage. Et de même que l'Alliance est appelée Bérit olam, une possession éternelle, de même la possession est donnée pour toujours à la postérité d'Abraham, mais à la condition que le peuple reste fidèle aux commandements de la Torah. Cela nous explique tous les avertissements des prophètes et leurs menaces de châtiments qui se sont effectivement réalisées dans l'histoire. Mais la Torah reste, malgré tout, source de consolation, d'espérance et de rédemption parce que toute menace s'accompagne toujours de ce message: « Mais quand tu reviendras à ton Dieu de tout ton coeur_ le Seigneur te ramènera dans ce pays et tu y habiteras de nouveau en sécurité ».
Cette possession du pays prend de multiples aspects dans la Tradition rabbinique.



Historiquement le pays d'Israël est considéré comme un héritage des Pères, car Abraham en .avait déjà pris possession juridiquement, dit le Talmud, par le fait d'avoir parcouru le pays, et c'est en vertu de Nb. 33,53 disent les maîtres de la Tradition, que le peuple a le droit de procéder à sa conquête et de s'y établir, sous Josué une première fois, puis de nouveau après l'exil de Babylone.

Mais l'aspect le plus intéressant est celui de la sainteté du pays nous dit encore l'abbé I-Iruby. D'après le Talmud cette sainteté dépasse toute autre sainteté dans le monde car ce pays est la demeure de Dieu (Nb. 35,34) et qu'un grand nombre de commandements sont liés au fait d'habiter cette terre. Cette sainteté existe depuis le moment où le pays a été donné en héritage aux Patriarches; elle est donc éternelle comme cet héritage et n'a pu être abolie par la destruction du Temple et l'exil. La Shekhina, présence réelle de Dieu, n'a d'ailleurs jamais quitté le mur occidental du Temple qui subsiste toujours, ce qui explique l'importance que le judaïsme attache à ce mur ainsi que la prescription liturgique de se tourner vers le Temple pour la prière ou, tout au moins, de diriger son coeur vers le sanctuaire, comme l'avait dit 1 R. 8, lors de la dédicace.

Un autre aspect plus actuel et découlant d'un commandement de la Torah est le devoir de s'établir dans le pays d'Israël (Dt. 12,29). Beaucoup de sentences de la littérature rabbinique concernent le caractère impérieux de ce commandement. Elles datent, en grande partie, de la défaite de 135 et ont pour but d'empêcher l'exode total de la population juive. D'après certains maîtres, seule l'insécurité rendant la vie pratiquement impossible peut être une excuse pour quitter momentanément Eretz Israël. On doit néanmoins y être enterré et nombreux ont été toujours les maîtres et les pieux de tous les siècles qui ont rempli ce commandement.

Rapidement encore Mr l'abbé Hruby a parlé des liens qui effectivement ont toujours existé entre Israël et la Terre Sainte. Par l'histoire onsait qu'après 135, si la Judée a été à peu près dépeuplée, la Galilée a toujours eu une forte population juive. Un patriarcat s'y est maintenu jusqu'à l'époque byzantine. Au 7e siècle les juifs ont fait les frais de la courte domination perse lorsqu'elle s'est retirée devant les romains. Avec la domination arabe l'espoir renaît mais la population juive, quoique jamais entièrement disparue en Palestine, y est peu nombreuse. A travers les siècles, cependant, dans la Diaspora le souvenir du pays d'Israël n'a jamais disparu et l'espoir du retour se confond avec l'attente messianique. Dans la liturgie quotidienne et dans celle des fêtes on trouve de nombreuses traces de cet espoir. Il a encore animé les nombreux courants mystiques depuis le 13e siècle avec Maïmonide, jusqu'au 18e avec le Hassidisme, en passant par Rabbi Isaac Louria et la Cabale. Et si le Sionisme au début était un mouvement politique et non religieux, rapidement la pression des masses juives de l'Europe centrale l'a fait revenir à une vision traditionnelle de l'histoire juive qui base sur la Bible, donc sur la Parole de Dieu, toute relation du peuple juif avec la Terre ancestrale.

Dans sa conférence citée plus haut, Mr Chouraqui a situé le dialogue judéo-chrétien dans les résonances du Mystère d'Israël, dont St Paul, peut-être, a parlé le premier.

L'une des difficultés les plus profondes pour percer ce mystère, nous dit-il, est de comprendre que la Communauté d'Israël qui se forme à l'époque biblique résulte du mariage de trois réalités fondamentales: un message, qui est le premier, une humanité qui se reconnaît dans ce message et lui subordonne sa réalité propre et enfin, la Terre d'Israël qui est le lieu des accomplissements de ce message.

L'exil qui prive Israël de sa Terre, le met dans un état d'absence absolue, une sorte de veuvage, puisqu'il ne peut plus rencontrer Dieu dans le seul lieu sur terre où la Shekhina est présente.

Durant tout ce long cheminement aucun dialogue n'a été possible: entre l'hellénisme et l'hébraïsme d'abord qui se sont complètement ignorés malgré les rapports commerciaux et politiques constants entre les deux pays; entre la Synagogue et l'Eglise ensuite malgré leurs sources identiques (même Dieu, mêmes Ecritures, mêmes prophètes), malgré l'humanité juive de Jésus, de sa Mère et des Apôtres.

Les juifs, après l'identification de l'Eglise et de l'Empire Romain, pour ne pas disparaître se sont repliés sur eux-mêmes; ils ont dit non au christianisme comme ils avaient dit non à la philosophie grecque, comme ils diront non plus tard à l'Islam. Depuis lors, Eglise et Synagogue n'ont chacune connu de l'autre que les pires réalités.

Mais avec la renaissance d'Israël renaît aussi mystérieusement le dialogue judéo-chrétien tandis que, parallélisme surprenant, se produit une renaissance arabe. A Jérusalem la confrontation est inévitable entre tous ceux qui se disent héritiers d'Abraham, et un jour, dans la pure lumière du message qui nous unit, il nous sera possible d'être ce que celui-ci veut que nous soyons: des saints.

Quelques questions intéressantes ont permis à Mr Chouraqui d'approfondir encore la notion de Terre dans le Mystère d'Israël. Toujours présente dans la réalité d'Israël elle est fondamentale car les commandements de la Bible ne peuvent être accomplis qu'en Terre Sainte. A travers ses 18 dominations successives elle a toujours été l'objet d'une espérance permanente et d'une prière quotidienne pour le judaïsme. Elle est maintenant le lieu où l'on tente une réalisation concrète du message.

Au cours de la session d'hébreu de Strasbourg, le 6 avril 1968, Mr E. Jacob, professeur d'Ecriture Sainte à la faculté de théologie protestante de cette ville, a donné une conférence sous le titre « Israël et la Terre ».

Pour le Pr Jacob c'est le peuple d'Israël qui est la réalité primordiale. La réalité de la terre reste distincte, mais elle est conjointe à la première et leur rencontre a toujours été considérée comme un lien existentiel nécessaire à l'accomplissement de la vocation d'Israël.

Bien des images sont employées dans l'Ancien Testament pour rendre compte de cette relationfondamentale entre le peuple et la Terre. Il y a des textes qui parlent d'héritage donné par serment. Mr Jacob étudie toute l'évolution de ce terme à travers Ex. 15,17; 2 Sam. 21,3; 1 Sam. 26,19; Dt. 1,8; 32,8-9; Ex. 32,13; Jer. 12,7ss.

Mais depuis Osée la tradition juive a toujours préféré définir cette relation Dieu-Peuple par les termes de l'union conjugale. Ce mariage trouvait son signe, son sacrement dans un autre mariage, celui d'Israël avec sa terre, qui se fait, non par attrait réciproque, mais par ordre et don de Dieu. Il est le résultat d'un long cheminement à travers une histoire semée de difficultés. En effet, la conquête de la terre a été une lutte, mais une lutte engagée par Dieu lui-même, dit le Deutéronome qui montre bien la foi d'Israël dans les triomphes de Dieu. Les textes violents existent, mais la violence n'est qu'un moyen de préservation du peuple pour une mission universaliste et non la marque d'une affirmation de soi et de revendications nationalistes. La guerre est une épreuve qui doit mener au repos, la menuha, celui de la maison où chacun habitera à l'ombre de sa vigne et de son figuier.

C'est à Jérusalem surtout que les deux époux seront dans l'intimité de leur amour qui rendra féconde l'épouse-Terre. C'est là que réside la bénédiction attachée au mariage, là que la terre deviendra mère par sa mission humaine (Ps. 87). C'est à Jérusalem qui est le modèle de l'amour et du service (qualités de l'épouse), nous dit Mr Jacob, qu'elle sera l'instrument de la réconciliation de l'humanité (Is. 19,23-25).

Mais la réussite d'un mariage dépend de l'observation des engagements réciproques. Dans ce mariage Israël-Terre, la terre a pu devenir source d'idolâtrie et la séparation des époux a été nécessaire afin qu'Israël puisse se retrouver lui-même et retrouver son Dieu, et que la Terre s'acquitte de ses années sabbatiques que l'égoïsme et la cupidité des hommes l'avaient empêchée de réaliser. Cependant ce sabbat de la Terre ne peut être que le point de départ de la reprise du lien conjugal entre les époux, lien conjugal qui, depuis la Genèse jusqu'à l'Apocalypse, est l'axe de l'histoire et que la volonté des hommes ne saurait briser.

E. Pariente



Symposium à Klosterneuburg

Le texte des conférences du symposium de Klosterneuburg, qui a eu lieu du 31 octobre au 2 novembre 1966, a été édité par Clemens Tho-ma sous le titre Auf den Triimmern des Tempels, Land und Bund Israels im Dialog swischen Christen und Juden (Sur les ruines du Temple, la Terre et l'Alliance d'Israël dans le dialogue judéo-chrétien). Le livre est une contribution importante à la réflexion commune des juifs et des chrétiens sur la signification du pays et sur la valeur réelle de la Révélation divine. Les conférences de ce symposium, organisé par le Koordinierungsausschuss für christlich-jüdische Zusammenarbeit in Oesterreich, sont estimées comme un véritable élargissement. Il n'y est question d'aucun dogmatisme ou absolutisme concernant les points de vue réciproques des juifs et des chrétiens comme l'ont bien souvent témoigné vingt siècles d'histoire. Pas de présupposés incontestables; au contraire, ceux-ci sont réfutés en montrant qu'ils sont injustes ou simplifiés.

Dans cette atmosphère est-il possible d'arriver à poser des questions exactes concernant la réalité complexe des relations judéo-chrétiennes?

Premièrement, on démontre clairement dans toutes ces conférences, qu'il ne s'agit pas ici d'une question purement historique, mais d'un dialogue entre deux familles religieuses qui, jusqu'à ce jour, réfléchissent sur leurs questions propres et sur celles de l'autre. Cette réflexion est concrétisée dans le problème concernant le pays d'Israël comme entité géographique aussi bien que théologique. La conférence de Kurt Lüthi décrit la nécessité permanente de situer la grandeur théologique de la Terre Promise dans une perspective historique. Selon le christianisme, cet aspect concret, matériel, est personnifié dans le Christ (ce qui ne veut pas dire: spiritualisé). Le Christ est le ExistenzOrt (la place de l'existence) de la communautéchrétienne. Mais cette personnification est conçue comme spatiale; à cause de cela la religion reçoit une dimension éthique et cette dimension inclut la tâche d'humaniser l'espace. Servir Dieu veut dire: responsabilité dans l'histoire, responsabilité dans les questions matérielles, dans le pays. C'est ainsi que nous, chrétiens, avons le même don et aussi la même tâche que les juifs: la réflexion sur ces questions nous est commune.

Il nous reste à savoir si cette responsabilité est nécessairement liée au pays d'Israël géographiquement circonscrit. Ici les conférences de Kurt Schubert (« Das Land Israel in der Sicht des rabbinischen Judentums »; La Terre d'Israël dans la perspective du judaïsme rabbinique) et de Léon Slutzky (« Die Verbundenheit des jüdischen Volkes mit dem Lande Israel nach dem Zeugnis der Geschichte und der neueren hebrâischen Literatur »; Le lien entre le Peuple juif et la Terre d'Israël selon l'histoire et la littérature hébraïque moderne) apportent beaucoup de lumière. Ils montrent comment l'idée du pays concret d'Israël, le désir, la nostalgie du pays ont joué dans toutes les expressions de la vie juive, dans les conceptions et les explications des rabbins, dans les aspirations du peuple de la Diaspora. Dans la conférence de Slutzky on voit comment cette nostalgie s'est traduite pendant les siècles en mouvements de retour. Toujours est-il que cette fixation dans le pays est un séjour dynamique, qu'elle a une mission à remplir, qu'elle vise à construire un monde meilleur. De toute façon, il est clair que juifs et chrétiens sont appelés à la même tâche.

La supposition dogmatique selon laquelle le peuple juif, d'après le Nouveau Testament, serait devenu un peuple rejeté et selon laquelle leur histoire aurait trouvé sa fin définitive à la destruction du Temple, est rejetée d'une manière irréfutable dans les conférences de Wolfgang Wirth et Clemens Thoma. Malgré toutes les déviations dans le christianisme au cours de l'histoire il y a une responsabilité commune aux juifs et aux chrétiens qui demande une nouvelle rencontre.

P. van Boxel



Quelques livres traitant le lien avec la Terre.

En 1958 parut à Amsterdam le livre Het Feit Israel (Le fait d'Israël) de Mr M. Wijnhoven.

S'appuyant sur de nombreuses données historiques et statistiques, il montre le lien qui existe entre le peuple juif et la terre de ses Pères; un lien si étroit qu'il s'ensuit une inter-action entre les deux: quand ils sont séparés l'un de l'autre, tous les deux souffrent; quand ils sont réunis, tous les deux peuvent se développer et prospérer.

Du point de vue théologique on trouve un chapitre remarquable dans le livre Christus, de Zin der Geschiedenis (Le Christ, sens de l'Histoire), Nijkerk 1962, du théologien protestant H. Berkhof.

A l'explication de Rom. 9-11, il ajoute une réflexion théologique sur le peuple et la terre (pp. 159 ss.), dans laquelle il avance que jusqu'ici on a trop oublié les éléments politiques et géographiques du dessein de Dieu. Avec des arguments empruntés à l'Ancien Testament, spécialement Deutéronome et Prophètes, et au Nouveau Testament, surtout Paul et Luc, il éclaire d'un jour particulier le plan de Dieu concernant le lien essentiel et permanent entre le peuple juif et la Terre de ses Pères. Sans approuver une certaine politique, l'auteur est convaincu que le pays d'Israël et le retour dans le pays jouent un rôle prépondérant dans le destin du peuple juif, vu dans la perspective de l'accomplissement du plan de Dieu. Le dernier mot de la prédication prophétique de l'Ancien comme du Nouveau Testament est la certitude de la réunion du peuple et de la terre; réunion qui servira à la louange de Dieu et au témoignage de ses merveilles.

La même idée est encore présentée par Jacques Maritain dans son livre Le Mystère d'Israël où il dit entre autres:
Le peuple d'Israël est l'unique peuple au monde auquel une terre, la Terre de Canaan, a été donnée pour toujours... Du moins ce don de la Terre de Canaan aux tribus d'Israël, par décret divin, est-il matière de foi pour les chrétiens comme pour les juifs.

C. A. Rijk

 

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