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Revista SIDIC V - 1972/3
Les jeunes, juifs et chrétiens: leur recherche de Dieu (Páginas 14 - 21)

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Jeunesse Juive
Mr. le Rabbin Marc H. Tanenbaum

 

Une évaluation de la situation actuelle et une prospective concernant la Jeunesse juive aux Etats-Unis supposent comme préliminaire une certaine connaissance de facteurs démographiques: les dimensions, la répartition, la composition; et, d'autre part, de facteurs religieux, pédagogiques, sociologiques et autres qui affectent la croissance et les caractères distinctifs de cette jeunesse. La structure démographique de la jeunesse juive et de la population juive américaine dans son ensemble, comme celle de la population américaine en général, ont subi des changements continuels sous l'impact de l'industrialisation et de l'urbanisation. Une telle évaluation requiert donc une analyse des changements en relation avec l'ensemble de l'expérience américaine, aussi bien que ceux qui concerneraient uniquement les Juifs. (Pour une étude complète qui sert d'ailleurs de base aux réflexions de cet article, voir l'excellent travail, « American Jewry, 1970: AA demographic profile », (« Les Juifs d'Amérique, 1970: un profil démographique », par le professeur Sidney Goldstein de l'université Brown Providence, Rhodes, paru dans l'édition de 1971 de l'American Jewish Yearbook, publié par l'American Jewish Committee).

Au commencement des années soixante dix, la communauté juive américaine, avec environ six millions de personnes, constitue la plus grande concentration de. Juifs dans le monde, plus de deux fois et demie le nombre de Juifs d'Israël, et elle totalise près de la moitié des Juifs du monde. Le changement de composition le plus frappant qui caractérise la Judaïcité américaine est le passage d'une minorité ethnique, née à l'étranger, à un sous-groupe vivace, de nationalité Américaine, constitué principalement de Juifs nés en Amérique depuis deux ou trois générations. Cette américanisation de la population juive a eu, et aura d'une façon croissante les plus grandes conséquences pour la structuration de la communauté juive et de sa jeune population, particulièrement sous la forme d'une préservation de l'identité juive en face des forces puissantes d'assimilation.

En dépit de leur petit nombre par rapport à la population générale, les Juifs occupent une position élevée comme l'une des « trois grandes religions » du pays (Catholiques, Protestants et Juifs sont considérés comme « le triple creuset » à travers lequel l'identité américaine se réalise. L'idéal et les valeurs que partagent les tenants de la « Civilisation judéo-chrétienne » constituent « le background » de la « religion civile » américaine; fait significatif: chaque grande circonstance nationale comporte la participation d'un prêtre, d'un ministre protestant et d'un rabbin comme représentants du style de vie américain). Même si le pourcentage de la Communauté juive représente seulement les trois pour cent de la population totale — une diminution de 3,7% est enregistrée par suite de la baisse du taux de naissance — les Juifs, à la fois comme groupe et individuellement, ont joué, et continueront certainement à jouer des rôles importants dans les secteurs de la vie américaine tels que la religion, l'éducation, les activités culturelles, la politique urbaine nationale.

Cette conclusion est appuyée sur le fait que la communauté juive est la seule à avoir une forte concentration parmi ceux qui ont reçu une éducation, les professions libérales (postes clefs, techniciens supérieurs) et le monde des nantis. Tandis que le niveau d'éducation sans cesse croissant parmi les non-Juifs réduit la distance non seulement au point de vue de l'éducation mais aussi au plan des occupations et des revenus, entre Juifs et non-Juifs, il est évident que, comme cela découle de cet article, la situation juive est de plusieurs points de vue unique, et qu'elle réclame une étude plus poussée, spécialement pour préciser sa signification en ce qui concerne la jeunesse juive.

La grande valeur que les Juifs accordent à l'éducation, concernant à la fois la Tora comme règle de vie et le savoir — l'équivalent profane de la Tora — comme moyen de progrès social, se retrouve chez les Juifs d'Amérique qui ont atteint un record de réalisations extraordinaires dans ce domaine. La première génération de Juifs américains a reconnu l'importance spéciale de l'éducation comme clé du progrès de l'engagement professionnel et de l'augmentation des revenus — la sécurité matérielle était, c'est bien compréhensible, la préoccupation majeure des immigrants appauvris — et elle a fourni un effort considérable pour assurer à ses enfants une bonne éducation profane. La plupart des revues récentes donnent de claires informations sur les réussites remarquables en éducation de la population juive américaine, en précisant les conséquences importantes que cela entraîne pour la position sociale des Juifs dans le communautéélargie, tout en constituant un facteur d'inflluence sur le degré et la nature de la reconnaissance des Juifs.

En 1970, la proportion élevée de personnes agées de 25 à 29 ans qui avaient poursuivi leurs études au collège et le fait qu'on estime à 80% ceux qui étant d'âge scolaire étaient effectivement inscrits au collège, devient virtuellement un phénomène universel pour la partie la plus jeune de la population juive. A l'intérieur de la communauté juive elle-même, la différence importante de niveau d'éducation se trouvera ainsi entre ceux qui ont seulement reçu une éducation au collège et ceux qui ont poursuivi leurs études au delà du diplôme. Aujourd' hui on estime à 400.000 les étudiants juifs usagers du collège ce qui, en valeur relative, signifie qu'ils sont le groupe ethnique religieux le plus largement représenté au plus haut niveau de l'éducation. Il y a environ 50.000 hommes et femmes membres des collèges et des facultés universitaires, représentants de la foi juive, ce qui est également un pourcentage élevé et significatif (cf « Les universitaires juifs aux Etats-Unis: leurs réalisations, leur culture et leur politique », par le professeur S.M. Lipset et E.C. Ladd, paru dans l'« American Jewish Yearbook » de 1971).

Pour compléter ce tableau de l'éducation, le bureau du recensement des Etats-Unis note en 1970 que sur les quelque 330.000 garçons et filles juifs agés de 14 à 19 ans qui étaient inscrits dans les écoles élémentaires ou secondaires, publiques ou privées, 86% avaient l'intention de poursuivre leurs études au collège, contre 53% pour l'ensemble des scolaires. (Précision intéressante, les pourcentages diffèrent d'une manière frappante entre les jeunes qui reçoivent leur éducation dans les écoles à forte densité juive et ceux qui les poursuivent dans des écoles de moins de 50% d'élèves juifs. Parmi les premiers 94% projettent de suivre le collège; parmi les autres, 80% y pensent).

L'ironie veut que ce remarquable succès de l'éducation pose un sérieux dilemne pour le Judaïsme et la communauté juive. Pour recevoir l'éducation du collège, spécialement au niveau le plus élevé, une large proportion de jeunes Juifs doivent quitter leur famille pour rejoindre des collèges éloignés. En conséquence, leurs liens et avec leur famille et avec leur communauté s'affaiblissent. Une forte proportion de ces jeunes élevés au collège ne retourneront probablement jamais d'une façon continue dans les communautés dans lesquelles vivent leurs familles et dans lesquelles ils ont reçu leur première éducation. Ainsi l'éducation sert de catalyseur important pour la mobilité géographique et il arrive qu'elle conduise de nombreux individus à s'installer dans des communautés où la population juive est peu nombreuse et qui ont des difficultés à soutenir les institutions civiles et religieuses du Judaïsme; ils en arrivent à vivre dans un entourage très intégré, à travailler et à avoir des relations dans des cercles largement non
juifs, augmentant ainsi les risques de dilution par l'assimilation au groupe majoritaire.

Ainsi, les Juifs d'un meilleur niveau d'éducation peuvent avoir un taux plus élevé de mariages mixtes et une plus grande aliénation par rapport à la commuanuté juive. Ceci comporte non seulement l'impact possible d'une séparation physique de la famille et l'affaiblissement du contrôle des parents sur les premiers engagements de leurs enfants, mais aussi la « libéralisation » qu'une éducation au collège peut apporter aux valeurs religieuses et à l'identité juive d'un individu. Il serait ironique, comme l'a noté le professeur Goldstein, que les très fortes valeurs positives que les Juifs ont misées sur l'éducation et qui maintenant se manifestent dans la très forte proportion de jeunes Juifs qui poursuivent des études dans les collèges, deviennent éventuellement un important facteur dans l'affaiblissement général des liens de l'individu avec la communauté juive.

Ces tendances ont conduit à un souci croissant chez les dirigeants juifs du besoin d'un développement ou d'un «renforcement » de « l'identité juive ». Une série d'études spécialisées ont été entreprises par des institutions importantes telles que le Conseil des Fédérations juives et des caisses de solidarité, l'union des Congrégations américaines hébraïques, ainsi que l'American Jewish Committee, avec un projet de diagnostic précis et de prospective pour l'avenir, en prise avec les problèmes urgents suscités par la jeunesse juive en particulier. Le dernier travail de ce genre est intitulé « L'avenir de la communauté juive américaine »; il est dirigé par un groupe de savants, rabbins et dirigeants communaux convoqués par l'« American Jewish Committee ».

Dans ce dernier rapport, la question brûlante de « l'identité juive » est analysée de plusieurs points de vue, et en premier lieu: le rôle de la famille, le système d'éducation juive, la synagogue, les institutions culturelles juives et la communauté juive d'Israël et d'Amérique. L'étude fait remarquer que de nombreux facteurs expliquent cette préoccupation croissante pour l'identité juive. L'un de ces facteurs est la tendance dans la société américaine en général à remettre à des intermédiaires secondaires la responsabilité de bien des tâches d'éducation ou des tâches sociales, tâches qui étaient autrefois prises en charge par la famille — la formation de la première enfance en est un exemple. Un second facteur est peut-être l'incertitude sur la capacité de la Communauté juive à assurer une continuité juive en face de la croissante liberté d'expression et de choix de la jeunesse. Liées à cela on trouve une anxiété et une préoccupation engendrées dans la communauté juive par le rôle marquant de jeunes personnalités juives dans la contre-culture et dans la nouvelle gauche.

Une évidence significative, rapporte l'étude de l'A.J.C., est le fait que dix à quinze pour cent de la jeunesse juive est imbriquée dans la contre-culture. Ce pourcentage est assez élevé pour expliquer la présence remarquée de jeunes Juifs dans cette culture. Les causes de la naissance d'une culture de la jeunesse sont contradictoires, mais les opinions les plus répandues invoquent des raisons politiques, sociologiques et psychologiques. Il apparaîtrait que dans la plupart des explications, présentées comme causes de ce phénomène, la jeunesse juive soit particulièrement sensible à l'engagement. Ainsi, jusqu'à un certain point, la radicale jeune-culture apparaît comme une réaction dérivant des attitudes libérales des parents. Ceci a un sens particulier pour la jeunesse juive puisque la communauté des parents juifs est, en comparaison de l'ensemble, d'une libéralité absolue. Les facteurs sociopsychologiques habituellement mis en relation avec la participation à la nouvelle gauche sont une situation économique relativement aisée, un environnement familial protégé, et une tendance à la prolongation des études. Ce modèle s'adapte aux groupes juifs selon des différences statistiques.

Comme l'indique l'étude citée, la conséquence troublante est que cette participation à la contre-culture retarde la prise en charge adulte de responsabilités et engendre souvent des tendances à l'auto-destruction. La radicale culture juive a été marquée par une répudiation des parents. A la limite, ceci aboutit- au volontariat de jeunes juifs pour s'engager à la frange d'activités anti-sémites et explicitement anti-Israël.

La plupart des jeunes qui participent à la nouvelle gauche ou à des activités de contre-culture, sont cependant ambigus dans leur observance du Judaïsme. Il y a donc un défi lancéaux institutions juives d'arriver à communiquer avec ces groupes et de faire passer leurs éventuelles réponses dans la vie juive. (Ceci a été fait, habituellement, par un engagement dans le soutien au droit à l'émigration des Juifs d'U.R.S.S. ou par une expérience directe de la réalité d'Israël).

Le rejet de la communauté juive par des fractions significatives quoique réduites est probablement « spécifique de cette génération ». L'attitude des jeunes sur ce point change quand ils assument la responsabilité d'une famille et quand ils résolvent les problèmes de leur maturation. Qui plus est, le phénomène de l'obéissance à retardement qui suit la révolte suggère quelque chose de la force latente de la continuité juive.

Un savant juif estime que seuls trois ou quatre pour cent environ de la jeunesse juive sont identifiables comme radicaux sur le campus. Que sont les 97% qui restent? En dépit de l'abondance de la littérature sur « La culture de la jeunesse juive », (cf « Ce que nous savons au sujet des jeunes juifs américains », bibliographie commentée de Géraldine Rosenfield, 1971, American Jewish Committee), il est clair que nous sommes loin d'avoir une connaissance adéquate de ce qui se passe sur les campus dans toute leur diversité. Il est certain qu'une explication mesurée devrait prêter attention à ce que « Le National Observer » (Août 1971) a appelé « Une authentique renaissance juive qui accentue une joyeuse, positive déclaration d'identité juive en voie de développement, semble-t-il, chez les jeunes Juifs de ce pays ».

Le « National Observer » cite Yehudah Rosenman, directeur du département des Affaires sociales de l'American Jewish Committee, qui résume les tendances actuelles de la jeunesse dans ces mots, « Ils sont très actifs, ces jeunes hommes et femmes engagés comme Juifs, sur les campus et ailleurs, qui sont en train de créer de nouvelles formes d'expression juive et de styles de vie juive. Ce sont des rebelles. Ce sont eux qui reprochent à leurs parents d'avoir abandonné leur judéité ».

Il ajoute qu'ils demandent une participation démocratique à la vie communale juive. Ils pensent que les institutions sont trop vastes et impersonnelles. Ils voient cela dans la société en général, et ils le voient également dans la communauté juive. Ils recherchent de petits groupes pour développer l'amitié dans l'étude et le culte. Et ils mettent les institutions juives au défi d'un changement de hiérarchie de valeurs.

Une initiative importante en réponse à ce besoin de communauté à l'échelle humaine est l'apparition de la Havurah, ou mouvement de fraternité. Ce sont des groupes de mise en communauté de la vie, de l'étude et de l'action qui combinent les aspects d'une commune, d'un groupe d'éveil de conscience juive et d'une fraternité. La plupart du temps, le jour du sabbat, des centaines de jeunes se rassemblent en foule dans les maisons de la Havurah pour s'asseoir en cercles, chanter, prier et parler de ce que signifient pour eux aujourd'hui la Tora, l'enseignement de base et le style de vie du Judaïsme. Il existe maintenant un séminaire rabbinique « contre-culture », appelé Havurat Shalom (Fraternité pour la paix) à Cambridge, Massachussets. Il existe des organismes de jeunes juifs pour l'action sociale (Fraternité pour l'action, Naaseh: « Nous agirons »); un groupe radical engagé à titre juif (Projet de libération juive).

Il y a également eu une croissance des festivals d'art juif et des universités libres sur quelque soixante campus qui comptent des membres juifs des facultés, des directeurs Hillel, et des étudiants d'éducation permanente participant à des cours de religion, de culture et d'histoire juives. Une presse juive souterraine florissante qui compte plus de cinquante cinq journaux cherche, au niveau national, à faire écho à cette nouvelle quête d'identité juive.

L'humeur et la rhétorique des déclarations et des, articles de cette presse estudiantine expriment aliénation et ressentiment à l'égard de « l'Institution Juive ». Un leader étudiant juif écrit: « les institutions doivent être comprises seulement comme des moyens et non pas comme desfins, comme des véhicules pour la réalisation des idées qu'elles servent ».

Dans « Réponse », nouveau trimestriel de la jeunesse juive, un jeune porte-parole soutient, dans un article exaltant les qualités du séminaire de la communauté Havurat Shalom: « Rares sont les occasions où quelqu'un éprouve le sentiment de faire partie d'une institution à laquelle il puisse donner une fidélité entière, parce que ce qu'il désire accomplir est précisément le but de l'institution ».

Critiquant les institutions d'éducation juive et leurs programmes, un jeune d'un collège juif écrit: « La jeunesse juive est dans une crise dont nos dirigeants ne se rendent pas compte. Des légions de jeunes rejettent la religion organisée non pas parce qu'ils ont abandonné leur âme, mais précisément parce qu'ils sont à la recherche de leurs âmes ».

Sous la rhétorique fleurie, il y a là des réclamations persistantes qui sont fondamentales et pressantes, nommément, à propos de la crise d'identité, de l'existence de la personne dans une société dominée par les institutions de masse, un système dans lequel l'avancement est un signe de succès, et, souvent, obtenu aux dépens de l'accomplissement de la personne. Une opinion est répandue chez les jeunes Juifs d'aujourd'hui, c'est de plus en plus évident; ils pensent que les valeurs de l'institution universitaire et un haut niveau d'engagement juif sont en opposition.

Etant donné l'état actuel de l'éducation juive, ce conflit est virtuellement inévitable. Aujourd'hui on estime à 544.468 les enfants qui fréquentent environ 2.727 écoles de différents types dans lesquelles ils reçoivent une certaine forme d'éducation juive. La répartition de la populatione scolaire élémentaires est de 15,3% dans le primaire, 69,1% dans les écoles élémentaires et 15,3% dans les « high school ». (Il y a davantage de garçons que de filles inscrits: 57% pour 43%. Les garçons reçoivent une éducation plus intensive que les filles). La fréquentation actuelle par type d'école atteste: 13,4% dans les écoles juives quotidiennes (l'équivalent des écoles paroissiales catholiques); 42,2% dans les écoles d'un jour par semaine, et 44,4% dans les écoles de l'après-midi qui fonctionnent de deux à cinq fois par semaine. Plus de 90% des enfants fréquentent des écoles à orientation religieuse prises en charge par des congrégations, soit orthodoxes, soit conservatrices, soit réformées du Judaïsme.

En dépit des efforts pour souligner l'importance de l'éducation juive, écrit le docteur Walter I. Ackerman (« Education juive », édition de 1969 de l'« American Jewish Yearbook ») deux tiers des enfants juifs d'âge scolaire aux Etats-Unis en 1966 n'étaient dans aucune espèce d'école juive. Les écoles juives la plupart du temps s'occupent d'enfants d'âge pré-scolaire ou élémentaire et, en dépit de quelques progrès encourageants n'attirent pas ou ne retiennent pas les élèves des « high school » en nombre significatif. Le résultat est un déséquilibre et un profond bouleversement: tandis que la jeunesse juive reçoit une éducation secondaire poussée dans le domaine profane, la plupart du temps elle boîte du côté de la formation religieuse qu'on a appelée « Judaïsme juvénile».

Deux développements très remarquables de l'education juive prennent place dans les dernières années qui semblent apporter certains effets correctifs importants. L'un est la croissance explosive du mouvement de l'école juive quotidienne chargée maintenant de plus de 300 écoles locales qui dispensent une éducation juive intensive. L'autre est la croissance vraiment spectaculaire des programmes d'études juives dans les collèges profanes et dans les campus universitaires; on dénombre actuellement environ 200 chaires d'études juives ou de séries de conférences sur les questions juives. Bien qu'il soit trop tôt pour en parler, ces premiers signes indiquent sûrement que l'un et l'autre (le mouvement pour l'école quotidienne et les programmes, prestigieux et d'une riche substance, d'études juives universitaires) ont décidément un impact positif sur les débuts du dépassement de l'ignorance et de la confusion des idées du Judaïsme sur lui-même.

« Ce sentiment très fort de l'identité juive » qui découle « historiquement » de l'éducation familiale est plus fondamental pour la formation de l'identité que l'éducation formelle, remarque l'étude déjà citée qui déclare: « ce sentiment d'appartenance est dérivé de l'engagement dans les pratiques familiales et du sens profond des traditions familiales. Le souci de renforcer la structure familiale et la santé des liens familiaux est souvent en relation avec le dévelopment d'une image personnelle valable comme personne juive ».

L'étude préconise encore qu'« une part notable de l'effort juif au service de la famille soit orienté vers l'éducation de la famille juive. La reconnaissance des déficiences du système d'éducation formelle pour une saine formation de l'identité, aussi bien qu'une recherche sur la portée bel et bien superficielle des services de la synagogue sur la famille, permet de penser que les projets d'éducation familiale représentent une approche prometteuse pour ceux que la continuité de l'identité juive intéressent.

L'éducation informelle est aussi encouragée par des offres d'activités allant de groupes de jeu à la nurserie, du camping, de groupes de collèges Hillel, de chorales, jusqu'aux voyages guidés en Israël comportant des expériences d'étude hors du système scolaire formel. Une éducation informelle réussie donne habituellement l'occasion de susciter un partage d'expérience qui reste gravé dans la mémoire.

L'institution majeure pour une affiliation juive américaine est la synagogue Ceci reflète à la fois l'héritage historique juif et les tendances sociales des années d'après guerre qui ont amené une plus grande affiliation de tous les Américains dans les églises et les synagogues des banlieues. Il n'y a pas de prototype unique pour la synagogue américaine. Pour de nombreux membres, elle représente une sorte de succédané de la famille. A un degré croissant, la plus forte expression du contenu de ces engagements et affiliations « religieux » a été le soutien de l'Etat d'Israël qui devenait pour de nombreux Juifs l'incarnation de l'unité spirituelle du peuple d'Israël (« Dieu, la Tora et Israël c'est tout un »). Pour la communauté en général, elle fonctionne comme le centre de service pour les rites de passage juifs.

L'étude de l'American Jewish Committee sur la synagogue a fait plusieurs recommandations spécialement engagées dans le sens des vues de la jeunesse juive:

1) La synagogue a une responsabilité d'ensemble pour l'intégration des éléments négligés, spécialement les pauvres, dans la constitution de le vie juive. L'inscription dans les synagogues ne doit pas se limiter à une plus grande affluence de membres.

2) Les synagogues et les organisations sociales juives devraient collaborer, dans une variété d'efforts, pour relier la synagogue à la vaste et importante communauté universitaire juive.

3) Une variété d'expériences et d'initiatives pour les offices et les études religieusesdoivent être adaptés pour revivifier le culte religieux juif.

4) Une orientation de l'initiative synagogale vise les petits effectifs pour une redécouverte de la communauté « participante ». La célébration des manifestations de vitalité de la synagogue (la danse de Simhat Tora, ou la bénédiction du Shabbat, négligées et jusqu'à un certain point oubliées) convient à des petits groupes. La revitalisation de la tradition religieuse juive fait partie de la recherche de la communauté. Il semblerait, par exemple, que la cérémonie de la Havdala (Adieu au Shabbat), au camp de Brandeis en Californie est, pour une part, chargé de signification aux yeux de jeunes juifs qui n'ont pas de souvenir de la tradition, parce que cette expérience partagée permet le même genre de récupération psychique que d'autres Californiens cherchent dans la rencontre et les groupes de sensibilisation. Dans l'ambiance du rassemblement, les repas du Seder ou de Sukkot deviennent des produits de remplacement pour un groupe familial élargi.

Bien que ce ne soit pas indiqué dans le rapport de l'American Jewish Committee étudié ici, l'auteur de cet article a pressé les dirigeants juifs de chercher à intégrer dans leurs préoccupations les problèmes suivants, objets d'inquiétude pour la jeunesse juive:

— La communauté juive est super-organisée pour faire face aux évènements du passé et sous-équipée pour affronter les nouvelles situations.

— Certains progrès ont été réalisés dans les années précédentes, mais la communauté juive est encore terriblement sous-équipée pour assimiler la culture de la jeunesse.

— La communauté juive est terriblement sous-équipée pour promouvoir des moyens efficaces pour une sérieuse participation des Juifs aux problèmes intérieurs de la société américaine, et à la solution des problèmes mondiaux.

— Occupées à juste titre par les exigences de la survie et de la défense des Juifs, les organisations juives ont été empêchées jusqu'à présent de prendre sérieusement en mains les problèmes des étudiants. Quelques études ont été menées à bien par les organismes religieux juifs, Hillel, et d'une façon croissante, par d'autres organismes, mais elles ne semblent pas très efficaces. Comme l'a remarqué le professeur Leonard Fein de l'université de Brandeis:

« Nous cherchons à inviter l'étudiant à des formes qui ont bien peu de rapport avec ses opinions et son intelligence. Nous faisons du paternalisme à l'égard des jeunes parce que nous n'avons en réalité rien à leur dire. En exerçant ce paternalisme nous gaspillons les ressources virtuelles les plus riches, dont la valeur pourrait précisément être pour nous leur capacité de nous aider dans une définition du message actuel du Judaïsme ».

— Nous avons besoin de nouveaux mouvements, de nouvelles institutions, de nouvelles structures qui permettraient une participation des étudiants dans la définition du message du Judaïsme, qui leur permettraient d'exprimer et de mettre leurs valeurs en exercice, d'expérimenter des méthodes créatrices d'engagements sociaux et interpersonnels. L'éducation juive a besoin d'approfondir ses objectifs éducatifs et superficiels. La formation de personnalités et de valeurs pour le présent et l'avenir doit devenir l'orientation de l'éducation juive plutôt que l'enseignement de mots et de textes seuls, principalement tournés vers le passé. La liturgie juive doit être repensée pour être capable de faire fructifier ses riches potentialités pour aider les fidèles à retrouver le sens du mystère et de la transcendance; de ce qui est plus que le quotidien, de l'expérience de la prière comme moyen de ressaisissement moral et de ré-engagement.

C'est une grande tragédie que de si nombreux jeunes se croient obligés de choisir entre leur judéité et leur amour des hommes. Les principes moraux de base du Judaïsme sont valables; la pénétration morale et l'expérience historique des Juifs peuvent servir de guide pour certains des grands remous de notre temps: le Viet-Nam, l'Irlande, la justice, la lutte contre la pauvreté, l'apartheid, le désarmement nucléaire, le développement économique. Ce n'est pas le Judaïsme que beaucoup de nos jeunes quittent; ils quittent la scène organisée des Juifs qui est encore, et de loin, trop peu réceptive à la jeunesse.

Dans leur conviction que le Judaïsme peut apporter sa contribution au combat contemporain pour l'humanisation de l'existence, bon nombre de personnes de la communauté juive adulte, dans un effort commun avec de jeunes leaders juifs, ont entrepris d'explorer les possibilités de création de plusieurs nouvelles structures dont on espère qu'elles rencontreront quelques-uns des besoins dont nous venons de parler. Parmi ces études, deux types d'exemples semblent d'un intérêt spécial. Le premier est une proposition faite par deux dirigeants juifs anglais, le professeur Raphael Loew de l'Université de Londres et William Frai-lice', éditeur du London Jewish Chronicle, qui lancent un appel pour la création d'un « Jewish world service » basé sur le modèle du « Service mondial de l'Eglise » et de la Caritas internationale. Suivant l'expérience positive de l'« American Jewish Emergency Effort for Nigerian-Biafra Relief », ces deux hommes sont entrés en relation avec nombre de leaders juifs aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique latine, et au Moyen-Orient. Ils ont rencontré beucoup d'encouragements.

Le second type d'exemple est une proposition pour établir un organe central d'aide juive urbaine sur une base nationale, qui en plus d'un service d'entraide destiné par exemple aux Juifs pauvres, aux Juifs noirs, aux pauvres et aux malheureux d'autres communautés, pourrait devenir un moyen de formation de dirigeants et d'organisateurs de travaux de groupes pour de jeunes activistes juifs compétents.

Nous espérons de tout coeur qu'en leur temps de tels projets deviendront l'expression tangible de l'universalisme prophétique du Judaïsme qui est si vivant, et souvent d'une vitalité si anonyme parmi nos Jeunes.


Mr. le Rabbin Tanenbaum est le directeur national de «Interreligious Affairs» de l'«American Jewish Committee»

 

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