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Revista SIDIC XXI - 1988/2
Le Miracle (Páginas 10 - 14)

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Le miraculeux
Hubert John Richards

 

Quand on sauva mon fils Pedro. à l'âge de sept mois, du taudis où il vivait en Colombie, dans la Cordillère des Andes, il avait tant souffert de malnutrition qu'il était près de mourir. Il pesait à peine lkg.800. En l'adoptant, nous acceptions l'éventualité de le voir atteint de lésion cérébrale. Sept ans plus tard, il est maintenant l'enfant le plus vivace de notre rue, qu'on vient cesse chercher comme compagnon de jeu, et capable de raconter des choses bien plus drôles que je ne le peux taire mol-même.

QU'EST-CE QU'UN MIRACLE?

S'agit-i1 d'un phénomène miraculeux que je raconte là? Certainement, car comment appeler cela autrement. Mais définir ainsi ce phénomène ne sous-entend nullement pour moi une intervention surnaturelle de Dieu en faveur de H.J. Richards, son ami, tandis que tant d'autres enfants demeurent handicapés ou meurent. Le rétablissement de Pedro fait partie du cours naturel des choses qui est, en lui-même, miraculeux et qui manifeste le Dieu de bonté qui le guide.

Je ne suis pas seul à avoir cette idée du « mi raculeux ». Demandez à une dizaine de personnes ce qu'elles considèrent comme un miracle. Aucuned'elles ne donnera d'abord des exemples qui soient au-delà du cours normal de la nature: la naissance d'un enfant est déjà, à leurs yeux, un miracle, ou alors une guérison inattendue, le fait d'échapper à une catastrophe, une coïncidence extraordinaire, un coup de chance étonnant, ou même un but marqué au dernier moment et assurant la victoire. Il ne s'agit là que d'événements naturels. Si. dans chacun de ces cas, la plupart des gens parlent de faits miraculeux, c'est qu'il y a là un élément d'émerveillement, de surprise, d'inattendu, de nouveauté; et une personne religieuse volt spontanément, dans ces événements naturels, la main de Celui qui. toujours. nous surprend.

Il est intéressant de constater que le mot « miracle a garde, dans l'esprit de la plupart des gens, ce sens séculier et terrestre. Aussi est-il étonnant que certains théologiens aient tenté de donner à ce mot un sens absolument éthéré, comme détaché de ce monde. Un miracle n'en serait un, pour eux, que s'il contredisait les lois de la nature. La nature serait gouvernée par des lois fixes, des lois d'acier, et il faudrait voir ces lois violées ou suspendues pour pouvoir parler de miracle. Le miracle serait l'inexplicable. l'« impossible ». III faudrait que les eaux du fleuve remontent vers leur source pour qu'on y reconnaisse l'action de Dieu.

Cette théologie s'appuyait sur une conception de la nature qui n'a prévalu dans le public qu'au XVIIIe siècle et qui a été abandonnée, depuis, par la plupart des scientifiques. De nos jours, ceux-ci ne parlent plus de lois, mais seulement d'hypothèses qui concordent avec des faits et qui doivent être testées encore plus d'une fois. Depuis la découverte de la relativité par Einstein, du noyau de l'atome par Ruthenford, et de la théorie des « quanta » par Bohr, nous avons vécu dans un univers de surprises continuelles. Chacune d'elles nous a amenés à réévaluer le monde mystérieux où nous habitons. Et comment ne pas penser que d'autres surprises nous attendent encore? Celles-ci ne nous obligeront qu'à réajuster nos hypothèses de manière à ce qu'eles concordent avec les faits nouvellement découverts et qu'elles les expliquent. Aucun fait n'est considéré comme inexplicable.

LES MIRACLES DANS LA BIBLE

L'idée d'une nature fixe, que Dieu viendrait violer parfois, n'est jamais entrée dans la pensée biblique. Pour les auteurs de la Bible, tout ce qui nous entoure est merveille et révélation. Les cieux eux-mêmes racontent la gloire de Dieu. Chaque brin d'herbe parle au croyant de la puissance divine.

Ayant une telle conception du monde, les auteurs bibliques n'ont sans doute pas voulu que leurs récits de miracles soient interprétés comme des preuves de l'« irruption » de Dieu dans notre monde: Il n'en a jamais été absent! Ces récits bibliques n'auraient jamais dû non plus être lus comme si Dieu y avait apposé sa signature divine, attestant par là l'authenticité du judéo-christianisme jet, cela va sans dire, l'inauthenticité des autres religions). Les récits de miracles n'ont guère d'intention apologétique (si tant est qu'ils en aient!), et les chrétiens ont commis une erreur en mettant l'accent sur cet aspect au point de négliger tous les autres. Les documents catholiques officiels le reconnaissent eux-mêmes. L'enseignement de Vatican Il sur les miracles (Lumen Gentium 5) est, enfait, comme un désaveu implicite du texte maladroit et regrettable de Vatican I, qui manifeste une conception du monde considérée de nos jours comme dépassée.

Etant donné, en effet, .que toutes les traditions religieuses font état de miracles, il est clair que les miracles ne prouvent rien. Jésus lui-même, dit-on, adressait des reproches à ceux qui ne venaient à lui que pour chercher « des signes et des prodiges (Jn 4,48). Paul va jusqu'à affirmer que ceux qui demandent des miracles prouvent par là leur immaturité et leur manque de foi: ceux qui ne viennent à la f oi » qu'à cause des miracles ne sont finalement rien moins que des incroyants (cf. 1 Co 14,20-22). Exiger de Dieu qu'il produise ses lettres de créance avant qu'on le reconnaisse, c'est le réduire à un phénomène observable. C'est le pire des matérialismes, et qui ne peut qu'amener bon nombre de croyants réfléchis à l'apostasie.

LES MIRACLES DE JESUS

Tout d'abord, la tradition selon laquelle Jésus aurait eu un don de guérisseur est si constante, si diffuse et si uniformément attestée dans l'ensemble du Nouveau Testament qu'il serait absurde de vouloir considérer comme pure invention cet aspect de la vie de Jésus. Supprimez ces récits de guérisons, et il ne reste plus rien des Evangiles. Ces récits ne présentent d'ailleurs aucune difficulté particulière. Il y a toujours eu des guérisseurs, dans toutes les civilisations et à toutes les époques, même de nos jours. Ce qu'ils sont capables de faire — pour les aveugles, les sourds, les boiteux, les malades, les aliénés — peut demeurer pour beaucoup un mystère inexplicable, même si les psycho-thérapeutes et les psychologues nous révèlent aujourd'hui que le processus de guérison consiste avant tout, pour le patient, dans la libération d'une capacité à se guérir lui-même. En fait, de telles guérisons ne prouvent nullement une intervention divine: certains guérisseurs se déclarent athées. Jésus a certainement été un guérisseur; mais le fait de considérer ses guérisons comme « miraculeuses » ne nous apprend rien en lui-même.

De plus, les Evangiles sont témoins d'une tradition solide, selon laquelle Jésus manifestait une grande réserve en ce qui concerne son pouvoir de guérison. Les miracles comportent une certaine ambiguïté, pouvant conduire à des conclusions absolument fallacieuses. On rencontre ce thème dès les premières pages des Evangiles, où Jésus est présenté comme repoussant la tentation de jouer le rôle attendu par le peuple de Messie faiseur de miracles, résolvant tous les problèmes en se laissant tomber du ciel, porté par les airs, ou en changeant les pierres en miches de pain (Mt 4,1 et sq.). On trouve un écho de cet épisode dans la suggestion de Pierre (en Mt 16,23): Un faiseur de miracles tel que Jésus devrait tout faire pour échapper à la crucifixion!, suggestion qui est interprétée comme si elle venait de Satan lui-même, se méprenant sur l'identité de Jésus (Mt 16,23). On retrouve pour la dernière fois ce thème dans l'épisode de Gethsémani, qui montre comme contraire à la volonté de Dieu l'éventualité que Jésus échappe miraculeusement au sort qui l'attend.

Au cours du ministère de Jésus, ceux qui recherchent les miracles ne sont pas bien accueillis, mais plutôt blâmés (Jn 4,48: 626). Loin de prouver qu'une personne vient de Dieu, les miracles pourraient prouver exactement le contraire (Mt 7,23). En fait, les prodiges sensationnels au point d'abuser les plus réticents sont les signes d'un faux Messie (Mt 24,24), comme nous en avertit déjà Di 132-6. Demander un signe du ciel pour authentifier la mission de Jésus, c'est manifester qu'on appartient à une génération mauvaise et adultère (Mt 16,1-4). La tradition évangélique insiste beaucoup sur la réticence de Jésus à faire des miracles. Il ne faudrait pas négliger cet aspect, comme il est arrivé trop souvent, lorsqu'on discute sur les miracles du Nouveau Testament. George Bernard Shaw le faisait remarquer avec esprit:

L'enseignement de Jésus n'a rien à faire avec ses miracles. Si sa mission n'avait consisté qu'à faire connaître une nouvelle méthode pour recouvrer la vue, les guérisons d'aveugles auraient été des miracles vraiment probants. Mais dire: « Il vous faut aimer vos ennemis, et pour vous en convaincre je vais guérir cet homme de sa cataracte », de la part d'un homme intelligent comme l'était Jésus, cela semblerait tout simplement idiot.

LES MIRACLES EN TANT QUE SIGNES

La remarque de Shaw va cependant trop loin car, en un sens, l'enseignement de Jésus est très lié à ses miracles. Conscient comme il l'était du danger qu'ils soient mal interprétés, il ne tardait jamais à en donner lui-même l'interprétation. A ses yeux, les nombreuses guérisons accompagnant sa prédication étaient signe que le Règne de Dieuétait en train de s'établir dans un monde sans Dieu. La maladie, la souffrance, la faiblesse, toutes conséquences du péché, cédaient au pouvoir de guérison d'un Dieu plein de miséricorde. La race humaine blessée était restaurée dans toute son intégrité:

Si c'est par l'Esprit de Dieu que j'expulse les démons, c'est alors que le Royaume de Dieu est arrivé pour vous (Mt 12.28).

Si c'est ainsi qu'on les comprenait, alors ses oeuvres exprimaient la même réalité que ses paroles.

Bref, les prodiges qu'il accomplissait avaient aux yeux de Jésus un sens, et c'est ce sens qu'il invitait les foules à saisir. Elles ne devaient pas se laisser hypnotiser par les prodiges eux-mêmes, qui n'étaient que des « poteaux indicateurs », des indices révélateurs. Le désir de celui qui vous montre du doigt une étoile n'est pas que vous continuiez à fixer du regard son doigt. C'était donc aux gens à réagir devant ce qu'ils voyaient et entendaient. Ceux qui étaient guéris de leur cécité allaient-ils comprendre que, s'il l'étaient, c'était afin d'être capables de voir Dieu comme Jésus le voyait? Ceux qui l'étaient de leur surdité, afin de pouvoir entendre la voix de Dieu en un monde qui semble comme « insonorisé » à son égard? Ceux qui l'étaient de leur lèpre, afin de ne plus vivre comme des réprouvés de la société, mais comme accueillis par Dieu? Ceux qui l'étaient de leur paralysie, afin de trouver une plénitude de vie qu'ils n'auraient jamais crue possible? Si c'est cette expérience qu'ils faisaient, alors oui, les guérisons miraculeuses et les récits de miracles avaient atteint leur but.

Le 4e Evangile, plus que les autres, met l'accent sur la valeur symbolique des récits de miracles. Pour l'auteur, chacun des miracles qu'il relate est un « signe ». c'est-à-dire un événement « porteur de sens », significatif. Aussi, ce que le lecteur doit chercher, ce ne sont pas tous les détails de l'événement («Comment a-t-il fait cela?), mais ce qu'il signifie. Même s'il est inscrit dans la trame de l'histoire, celui-ci tend, au-delà de lui-mème, vers une réalité plus importante; et en chaque cas cet « au-delà », vers lequel il est tendu, est la mort de Jésus dans laquelle la gloire de Dieu se manifestera comme jamais auparavant. Pour Jean, la croix est le plus grand des miracles, la révélation ultime que le pouvoir de Dieu est celui de l'amour.

Ainsi le récit des Noces de Cana devient-il la parabole d'un Dieu, époux de l'humanité en la personne de Jésus dont la mort et la résurrection, trois jours après, ont transformé ce qui était vieilli et impuissant en une réalité nouvelle et vivifiante — transformation que l'on commémore en buvant le vin de l'Eucharistie (Jn 2). De môme, le récit de la multiplication des pains, au flanc de la montagne à l'époque de la Pâque, annonce la Pâque de Jésus quand il montera la colline du Calvaire et que, de cette pauvre réalité humaine qu'est un corps mortel, il assouvira la faim d'innombrables foules humaines, acclamé par les croyants comme «Celui qui doit venir » (Jn 6). Le récit de la marche sur les eaux évoque celui des apparitions après la résurrection au cours desquelles Jésus, que les eaux de la mort n'ont pu engloutir, vient rassurer ses disciples, leur affirmant que c'est bien lui, et non quelque fantôme revenu des enfers, et qu'il est pour toujours avec eux (Jn 6,12-21). La guérison de l'aveugle-né n'est pas seulement celle de ce mendiant de Jérusalem, au ler siècle, mais elle est celle de tous les hommes et de toutes les femmes, nés dans les ténèbres, mais finalement illuminés par Celui qui est envoyé d'en-haut (Siloé, mot signifiant « envoyé ») au moment où ils acceptent d'être lavés par l'eau, ou l'Esprit, de son corps crucifié (Jn 9). Dans l'épisode de Lazare, il s'agit de bien plus que de l'extraordinaire résurrection d'un ami: c'est ici aussi la parabole de tous ceux qui entendent la voix de Dieu en Jésus, le crucifié, et qui lui répondent, alors qu'elle les appelle à quitter une vie qui n'est au fond qu'une mort pour une vie qui est, comme celle de Dieu lui-même, éternelle (Jn 11).

Résumée ainsi en un paragraphe, cette brève analyse du 4e Evangile peut paraître peu convaincante. Des récits aussi simples que ceux-ci peuvent-ils être lourds de pensées théologiques aussi profondes? Que les lecteurs peu familiarisés avec les écrits de Jean se rassurent: Tous les biblistes étudiant les écrits johanniques sont d'accord pour reconnaître que l'usage fait par Jean de symboles, allusions et références est extrêmement subtil et recherché. Tous ses récits, particulièrement ceux des miracles, nous orientent vers le Dieu dont la véritable nature nous est révélée dans la mort de Jésus.

CE OUI S'EST VRAIMENT PASSE

Si Jean donne à ses récits de miracles une orientation si délibérément théologique, qu'est-ce qui empêche les trois autres Evangélistes de faire de même? Rien, sans doute. Il est vrai que Jean a toujours été appelé « le théologien », ce qui supposait que les trois autres n'étaient guère plus quedes « historiens ». Mais l'exégèse actuelle insiste sur le fait que Matthieu et Luc, et même le Marc originel, ont la même volonté que Jean de donner de Jésus une interprétation particulière, et de ne pas relater de simples faits biographiques; et les récits de miracles qu'ils rapportent sont inévitablement colorés par cette interprétation.

Cela signifie, évidemment, que la réalité historique véritable qui sous-tend ces récits de miracles est maintenant perdue pour nous. Il est impossible de reconstituer l'événement originel, dans sa réalité « photographique », simplement parce que nous n'y avons accès qu'à travers les yeux de ceux qui lui ont déjà imposé leur interprétation. L'épisode de Cana a-t-il été, à l'origine, une parabole racontée par Jésus plutôt qu'un événement auquel il ait pris part? La multiplication des pains n'était-elle, à l'origine, qu'un repas symbolique dont les détails ont été grossis par la suite? La résurrection du fils de la veuve galiléenne était-elle, originellement, un midrash sur 2 Rois 4, cherchant à montrer Jésus comme plus grand encore que le prophète Elisée?

Personne ne peut répondre à de telles questions; et peu importe, vu le but poursuivi par les narrateurs, que celles-ci ne trouvent pas de réponse définitive. Après tout, qu'est-ce qui est le plus significatif, le plus important: la preuve irréfutable que Jésus ait vraiment marché sur les eaux, ou que cette histoire exprime la conviction des disciples de Jésus d'avoir fait, en lui, l'expérience de la puissance invincible de Dieu? Si un professeur de sciences donne une fleur à un élève, la question qu'il lui pose est: « Qu'est-ce que cette fleur?». Si. plus tard, l'élève reçoit la même fleur de sa fiancée, la question qu'il se posera alors sera; « Qu'est-ce qu'elle signifie? »; ce n'est plus l'espèce botanique de la fleur qui importera. C'est pour des motifs assez similaires que la réalité des miracles de Jésus, « ce qui s'est réellement passé », est sans importance pour l'Evangéliste; et plus nous nous attachons à cet aspect des récits, plus nous nous éloignons de ce qui, seul l'intéressait, lui.

DES MIRACLES VIDES DE LEUR CONTENU?

Traiter ainsi les miracles des Evangiles, serait-ce les traiter trop cavalièrement? Autrefois, ceux-ci nous disaient avec autorité et sans ambiguïté qui était Jésus; ne nous disent-ils plus rien maintenant? Sont-ils à présent tellement réduits et dilués qu'ils ont perdu toute valeur? Ont-ils été vidés de leur contenu? Paraboles, poésie, symbolime… est-ce tout ce qui en reste ? En quoi cela peut-il bien etre utile à des lecteurs sérieux de l’Evangile ?

L'approche igue nous proposons ici ne vise pas à éliminer les miracles, mais à les comprendre. Elle vise à redonner une image plus biblique de Dieu, dont la puissance de salut est à chercher dans ce qui est naturel, et non dans ce qui ne l'est pas. Elle cherche surtout à rétablir Jésus de Nazareth dans son humanité: homme parmi les hommes. et non pas « Superman ». Jésus était un homme et cependant, en ce qu'il a accompli, ses disciples affirment avoir vu, présente au milieu d'eux, la gloire même de Dieu.

Alors, « l'impossible » s'est-il vraiment réalisé? A cela nous répondrons que l'affirmation centrale de l'Evangile du Christ — à savoir que le Verbe de Dieu s'est fait chair et a demeuré parmi nous; et que Dieu, dans le Christ, s'est réconcilié le monde — est en soi quelque chose d'impossible. Si quelqu'un croit en cette « impossibilité » première, il n'éprouvera plus guère la nécessité de se demander si les récits de miracles sont historiquement exacts. Ce serait un peu comme si la femme prise en flagrant délit d'adultère, et pardonnée par Jésus, notait seulement que Celui-ci portait, ce jour-là, des sandales...

Jésus a fait des miracles, mais puisqu'il était humain, il s'agissait de miracles que les humains sont capables de faire. Aussi prévoyait-il, tout naturellement, que ses disciples en feraient de plus grands que lui:

En vérité, en vérité, je vous le dis,
celui qui croit en moi
fera lui aussi les oeuvres que je fais;


il en fera même de plus grandes. (Jn 14,12) Après tout, sous l'inspiration de l'Esprit qu'il avait « exhalé » avant de mourir, n'allaient-ils pas devenir capables de nourrir les affamés et de chasser les démons qui hantent notre humanité, de guérir les malades et d'apporter une vie nouvelle à des foules bien plus nombreuses que celles que lui-même aurait jamais pu espérer secourir pendant sa vie mortelle? Je ne vois pas, en cela, que /es miracles soient vidés de leur contenu. J'y vois au contraire une invitation à les comprendre plus profondément, en acceptant une responsabilité effrayante: Je suis appelé moi-même à faire des miracles!

QUATRE REMARQUES ESSENTIELLES

Je pourrais sans doute mieux résumer ce qui vient d'être dit dans les quatre courts paragraphes que voici:

Ce que je reproche à une certaine manière de parler de Dieu, c'est qu'elle semble le présenter comme un «Superman », habitant un monde à lui et intervenant de temps à autre dans le monde des humains pour leur rappeler qu'il existe. La plupart des gens refusent un tel Dieu, et je pense qu'ils ont raison. La tradition judéo-chrétienne authentique nous dit que Dieu est présent dans l'histoire, et qu'Il ne peut être connu qu'a travers les événements de la vie des humains. Il n'y a qu'un seul monde et non pas deux — et au plus intime de ce monde, Dieu est présent.

Ce que je reproche à la manière dont on parle du Christ, c'est qu'elle est le plus souvent marquée d'un certaine ambiguïté: Jésus est présenté comme un être extra-terrestre, dont l'humanité ne serait pas réelle. Cela non plus, les personnes sérieuses ne peuvent l'accepter, et à bon droit. Je voudrais présenter un Jésus qui soit aussi humain que chacun de mes lecteurs.

Ce que je reproche à la manière dont on parle de l'Evangile, c'est qu'on le présente maladroitement, comme s'il s'agissait d'un simple récit historique. et comme si tout ce qui y est dit était à considéréer comme un compte rendu objectif. Cela déconcerte bien des gens, mais c'est de plus contraire à ce que savent tous ceux qui ont étudié les textes, à savoir que ces derniers présentent Jésus non pas tel que l'ont vu, jadis, ses contemporains. mais tel que le voit actuellement un croyant. Les récits de miracles font partie intégrante de cette profession de foi.

L'événement qui est à l'origine de ces récits enthousiastes concernant la vie de Jésus, ce n'est pas tel ou tel miracle, mais c'est sa mort. C'est en voyant cette mort telle que Dieu la voyait (« La résurrection n'est rien d'autre que la mort de Jésus vue avec les yeux de Dieu », écrit Karl Rahned, que les gens ont vu, en Jésus, la révélation la plus claire qui ait jamais été faite de ce qu'est réellement Dieu, en termes d'amour, de pardon, d'a



Bibliste et théologien, Hubert J. Richards e été professeur d'Ecriture Sainte en Theological College (Angleterre) de 1949 à 1965. puis directeur du Corpus Christi College, à Londres de 1965 à 1972, et professeur de Sciences religieuses à l'Université de East Anglia de 1975 à 1987. Il est aussi l'auteur de plusieurs livres sur des sujets bibliques. et notamment de: The Miracles of Jesus, What really Happened., éd. Mowbray. Londres 1983.
Cet article est traduit de l'anglais.

 

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