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Revista SIDIC IX - 1976/2
Targumim et Midrashim (Páginas 19 - 22)

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Illustration de la littérature targumique ou midrashique
Renée Bloch

 

Il est malheureusement difficile de présenter une illustration de la littérature targumique ou midrashique, car celle-ci est peu représentée en traduction française. Devant cette pénurie, nous avons- choisi de reproduire ici quelques beaux textes, traduits et utilisés par Renée Bloch dans son article, «Quelques aspects de la figure de Moïse dans la tradition rabbinique », paru en 1954 dans les Cahiers Sioniens, pp. 93 à 167. Le titre de cet article indique bien dans quel but a été fait ce choix: il s'agit de montrer comment la tradition juive traduit, interprète et commente le texte de la Bible, dans une étude, une réflexion et une méditation qui s'enrichissent de génération en génération, et ceci jusqu'à nos jours, puisque ces méthodes sont toujours d'actualité.

Souffrance du peuple et intervention libératrice de Dieu

Texte biblique:


— Les enfants d'Israël, gémissant encore sous la servitude, poussèrent des cris, et ces cris, arrachés par la servitude, montèrent jusqu'à Dieu. Dieu entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu regarda les enfants d'Israël et Dieu les connut (Exode 2,24-25)

... Le Seigneur dit: « J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, et j'ai entendu le cri que lui font pousser ses exacteurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens (Exode 3,7-8)

... Je vous ai visités et j'ai vu ce qu'on vous fait en Egypte, et j'ai dit: Je vous ferai monter d'Egypte où l'on vous opprime... (Exode 3,16-17)

Midrash Rabbah

Rabbi Yannaï a dit: C'est comme lorsqu'il s'agit de jumeaux, si l'un a mal a la tête, l'autre aussi. De même le Saint, béni soit-il, dit: « Je serai avec lui dans la détresse » (Psaume 91,15). Autre explication: Qu'est-ce que signifie: « Je serai avec lui dans la détresse »? Quand ils sont en quelque détresse, ils ne peuvent appeler que le Saint, béni soit-il: en Egypte: « ... et leurs cris montèrent jusqu'à Dieu » (Exode 2,23); à la mer Rouge: « Et les enfants d'Israël poussèrent des cris vers le Seigneur » (Exode 14,10); et il y a encore de nombreux exemples comme ceux-ci. — Il est dit (Isaïe 53,9): « Dans toutes leurs angoisses, il a été en angoisse •. Le Saint, béni soit-il, disait à Moïse: Ne sais-tu pas que je souffre, tant qu'Israël souffre? Sache par l'endroit d'où je te parle — du buisson d'épines — que je les accompagne pareillement dans leurs souffrances »... (Exode Rab-bah 2,5)

Le songe de Pharaon et la prédiction des magiciens

Targum de Jérusalem


Le Targum de Jérusalem, partant d'Exode 1,15, propose cette explication (cf. p. 8 de ce numéro): ... Pharaon, lorsqu'il dormait vit un songe: Voici que tout le pays d'Egypte était posé sur le plateau d'une balance, et un agneau, le petit d'une brebis, sur l'autre plateau; et le plateau qui portait l'agneau s'abaissait. Aussitôt, il envoya appeler tous les magiciens d'Egypte et leur raconta son rêve. Immédiatement, Yannès et Yimbrès, les chefs des magiciens, se mirent à parler et dirent à Pharaon: « Un fils va naître dans la communauté d'Israël, qui détruira toute l'Egypte ». C'est pourquoi Pharaon, roi d'Egypte, fit la recommandation suivante aux sages-femmes...

Chronique de Moïse

... Il arriva dans la cent trentième année après la descente des enfants d'Israël en Egypte et soixante ans après la mort de Joseph, que Pharaon eut un songe: un vieillard se tenait devant lui, et dans sa main il y avait une balance: il fit monter tous les habitants d'Egypte, hommes, femmes et enfants, dans un plateau de la balance et il mit dans le second plateau un agneau, et l'agneau l'emportait sur tous les Egyptiens. Le roi s'étonna et réfléchit dans son coeur sur ce prodige, ce grand prodige, sur cette grande vision. Alors Pharaon s'éveilla et voici que c'était un songe. Il rassembla tous les sages et les magiciens d'Egypte et leur raconta son rêve. Tout le peuple fut pris d'une grande crainte à cause du songe, jusqu'à ce qu'arrivàt devant le roi un des princes qui lui dit: ce songe signifie pour l'Egypte un grand malheur et une terreur. Le roi lui demanda: Qu'est-ce donc? Il lui répondit: Un enfant va naître aux fils d'Israël, qui détruira toute l'Egypte. Mais maintenant, mon Seigneur roi, je veux te donner un bon conseil: Donne l'ordre de tuer tout garçon qui naîtra chez les enfants d'Israël; peut-être alors le songe ne se réalisera-t-il pas. Ces paroles trouvèrent grâce aux yeux de Pharaon et aux yeux de ses serviteurs, et le roi d'Egypte parla aux sages-femmes des Hébreux...

Note de Renée Bloch:

Le midrash sur la mort de Moïse ne fait, en grande partie, que synthétiser des traditions beaucoup plus anciennes, éparses çà et là, soit déjà dans le targum de Jérusalem, soit dans les midrashim tannaïtiques.

La mort de Moïse

... Quand arriva le jour où Moïse, notre Maitre, devait quitter ce monde, le Saint, béni soit-il, lui dit (Deut 31,14): Voici que tes jours approchent de leur fin. Moïse répondit: Maitre du monde! Laisse-moi donc entrer dans le pays d'Israël et y vivre deux ou trois ans avant que je ne meure. — Le Saint, béni soit-il, répondit: Il est décidé devant moi que tu n'iras pas. — Moïse: Si je ne peux pas y entrer de mon vivant, laisse-moi y entrer après ma mort! Maître du monde! pourquoi toute cette colère contre moi? — Le Saint: Parce que vous ne m'avez pas sanctifié — Moïse: Il est écrit (Job 33,29): Voilà Dieu fait tout cela, deux fois trois fois pour l'homme. A l'égard de tes créatures tu agis selon ta miséricorde, une fois, deux fois, trois fois; mais dans mon cas, il n'y a qu'un seul péché et tu ne me pardonnes pas! — Le Saint, béni soit-il, dit alors: Moïse, six péchés sont dans ta main (c'est-à-dire tu as commis six péchés) sans que je t'en aie reproché un seul. La première fois, tu m'as dit (Exode 4,13): Je t'en prie, Seigneur, envoie qui tu voudras! La seconde fois (Exode 5,23): Depuis que je suis allé vers Pharaon pour parler en ton nom, il les maltraite encore plus, et tu n'as en aucune manière délivré le peuple. La troisième fois (Nombres 16,30): Mais si, Dieu va créer une nouvelle créature... La cinquième fois (Nombres 20,10): Ecoutez donc, rebelles! La sixième fois (Nombres 32,14): Et voici que vous prenez la place de vos pères, comme des rejetons de pécheurs. Est-ce qu'Abraham, Isaac et Jacob étaient des pécheurs pour que tu parles ainsi à leurs enfants?

Moïse supplia: Maître du monde! combien de fois les Israélites ont-ils péché devant toi et j'ai intercédé pour eux en suppliant et en priant, et tu leur a pardonné. Et à moi, tu ne veux pas pardonner? Le Saint: Le décret (de la Providence) concernant une communauté n'est pas semblable à celui qui frappe un individu.

... (Moïse) dit encore (Deut. 3,24): Seigneur Dieu tu as commencé à montrer à ton serviteur ta grandeur et ta main puissante... Tu m'as montré ta puissance dans le buisson ardent et maintenant, dans ma vieillesse, j'implore ta miséricorde à l'égard de ton peuple, les brebis de ton pâturage; pardonne-leur et remets-leur leur péché. — A ton serviteur: je t'en prie, ne sois pas comme un roi de chair et de sang. Quand un roi de chair et de sang a un serviteur, il l'aime tant qu'il est encore jeune et plein de vigueur; mais quand il est devenu vieux, il le déteste. Mais toi, ne me rejette pas dans ma vieillesse!...

... Le Saint lui dit: Ne te rappelles-tu pas quel grand honneur je t'ai fait? Tu m'as dit: « Lève-toi » et je me suis levé; « retourne donc » et je me suis retourné; c'est encore à cause de toi que j'ai changé la manière d'agir du ciel et de la terre. Car l'ordre du ciel est de faire tomber pluie et rosée et l'ordre de la terre est de faire sortir du pain, mais tu m'as dit: Ce n'est pas cela que je veux; que le ciel fasse tomber du pain et que la terre fasse jaillir de l'eau, et j'en ai fait ainsi, comme il est écrit (Exode 16,4): Voici, je fais pleuvoir pour vous du pain du ciel, et encore (Nombres 21,17): Monte puits, acclame-le! Je voulais aussi te donner la vie, mais tu m'as dit: Je ne veux que mourir...

Quand les Israélites eurent péché par le veau (d'or), j'ai voulu tenir ma parole, mais tu m'en as empêché en me disant (Nombres, 14,19): Pardonne donc l'iniquité de ce peuple, et j'ai pardonné selon ta parole. Et non seulement cela: mais la Torah, qui est appelée d'après mon nom, comme il est écrit (Psaume 19,8): La Torah du Seigneur est parfaite, je l'ai aussi appelée d'après ton nom, comme il est écrit (Malachie, 3,22): Souvenez-vous de la Torah de Moïse, mon serviteur! De la même manière, les Israélites sont appelés d'après mon nom, comme il est écrit (Lévitique 25,55): Car c'est de moi que les enfants d'Israël sont serviteurs... et (Exode 4,22): Mon fils premier-né est Israël, mais je les ai aussi appelés d'après ton nom, comme il est écrit (Isaïe 63,11): Alors mon peuple se souvint des jours anciens de Moïse. Et non seulement cela, mais je t'ai parlé par parole et discours, comme il est écrit: Et le Seigneur parla à Moïse et le Seigneur dit à Moïse, et toi aussi tu as parlé avec moi par parole et discours, comme il est écrit: Moïse parla au Seigneur et Moise dit au Seigneur...

Alors Moise se ravisa, remercia (Dieu) de tout et dit: Maitre du monde! Tu m'as fait grand et tu m'as comblé de bienfaits, et je ne suis pas capable d'énumérer un seul bien entre mille; le monde entier sait dans quelle mesure tu m'as fait grand et tu m'as rendu honneur; le monde entier sait aussi que toi, Seigneur, tu es unique et seul au monde, qu'il n'y a nul autre en dehors de toi et que rien ne te ressemble. Tu as créé ce qui est en haut et ce qui est en bas, tu es le premier et tu es le dernier, et qui pourrait raconter tes grandes oeuvres; mais je te demande seulement une chose: laisse-moi franchir le Jourdain! — Le Saint dit à Moïse: Moïse, par deux fois j'ai prêté serment: une fois (en disant) que tu n'entreras pas dans le pays et la deuxième fois (en disant) que je ne veux pas anéantir Israël. Si tu veux que je viole mon premier serment en te permettant d'entrer dans le pays, alors je je devrai aussi violer le second et anéantir Israël. Moïse dit: Maître du monde! c'est par ruse que tu essaies de me prendre; tu saisis les deux bouts de la corde! Que périsse Moïse et même mille comme lui, plutôt qu'une seule âme en Israël! ...

... (Quand Moïse vit que l'arrêt de sa mort avait été confirmé), que fit-il? Il se vêtit de sac, mit de la cendre (sur sa tête) et se tint quinze fois en prière devant le saint, béni soit-il, jusqu'à ce que tremblassent le ciel, la terre et toutes les oeuvres de la création, en disant: peut-être est-ce la volonté du Saint, béni-soit-il, de renouveler le monde? Alors sortit une Bat-Qol (c'est-à-dire une voix céleste) qui dit: Le moment n'est pas encore venu de renouveler le monde, mais il est écrit (Job 12,2): Et Moïse était un homme très humble. Que fit alors le Saint, bénisoit-il? Il fit avertir les cieux et toutes les cours du Grand Bet-Dîn (tribunal) céleste de ne pas accepter la prière de Moïse. Qu'aucun ange (disait-il) n'apporte la prière de Moïse devant moi, car j'ai mis mon sceau sur son arrêt de mort. Dans cette confusion (provoquée par l'ordre de Dieu), le Saint, béni-soit-il, appela tous les princes du ciel et leur dit: Descendez et fermez chacune des portes (du ciel) afin que la prière de Moïse ne puisse pas monter. A ce moment-là les cieux, la terre et tous les fondements de la terre tremblèrent, ainsi que toutes les oeuvres de la création, à cause de la prière de Moïse qui était semblable à un glaive qui tranche et coupe et ne s'arrête point; car la prière de Moïse ressemblait au nom ineffable de Dieu qu'il avait appris de la bouche de son maître, l'ange Zagzag'el...

Quand les Galgalim et les Séraphim des hauteurs virent que le Saint, béni soit son nom, n'accepta pas la prière de Moïse, qu'il ne lui fit pas grâce et ne lui accorda pas la vie, immédiatement ils dirent: Bénie soit la gloire du Seigneur au lieu de sa demeure, car devant lui il n'y a pas d'injustice et d'oubli ni acception de personne qu'il s'agisse de petit ou de grand.

Moïse dit alors: Maïtre du monde! que de soucis ai-je eus à cause d'Israël, jusqu'à ce qu'ils soient ta propriété et ton héritage! J'ai vu leur détresse: ne verrai-je donc pas leur joie? Voici que par là tu rends trompeuse ta Torah, car il est écrit (Deut. 25,15): Ce même jour tu lui donneras son salaire (à l'ouvrier). Où est maintenant ma récompense pour les quarante ans durant lesquels j'ai peiné pour tes enfants? J'ai eu des soucis pour eux en Egypte et au désert, et j'ai fixé pour eux la Torah et les commandements! J'ai vu leur misère, ne verrai-je point leur bonheur? Car tu me dis que je ne franchirai pas le Jourdain!...

Alors le Saint, béni-soit-il, commença à apaiser Moïse et lui dit: Moïse mon fils! beaucoup de choses te sont préparées dans la vie future; tu te rassasieras de toutes espèces (d'arbres) du Paradis et de tous ses plaisirs, comme il est écrit (Proverbes 8,21): Pour donner des biens à ceux qui m'aiment et combler leurs trésors... Tes jours déclinent mais ta lumière ne déclinera point. Car le monde n'aura besoin ni de la lumière du soleil ni de celle de la lune et des étoiles, et n'aura pas besoin non plus de nourriture et de boisson, de couverture et de vêtement, d'huile pour (oindre) la tête et de chaussures pour tes pieds, car je ferai briller ma gloire pour toi et te vêtirai de ma gloire, je te ferai une couverture de maparure et ferai resplendir ta face par ma splendeur; ton palais se délectera de mes douceurs et je prendrai mes chars pour en faire des chars pour toi; quant à mon sceptre sur lequel est gravé le nom ineffable de Dieu et dont je me suis servi au début pour créer le monde, je t'en ai déjà donné une réplique dans ce monde...

... Une Bat-Qol survint et dit (à Moïse): Il ne te reste plus que quatre heures à vivre... Le Saint, béni-soit-il, dit (à Moïse): J'ai prêté serment par mon grand nom que le ciel et le ciel des cieux ne peuvent pas contenir (1 Rois, 8,27) que tu ne franchiras pas le Jourdain. Moïse dit: Maïtre du monde! donne-moi donc la permission de voler dans les airs comme un oiseau par la force de ton nom ineffable, ou bien transforme-moi en poisson: que mes deux bras deviennent des nageoires et que mes cheveux se transforment en écailles, et je sauterai à travers le Jourdain pour voir le pays! Le Saint, béni soit-il, lui dit: Si je consentais à ton désir, voici que je violerais mon serment. Moïse dit: Maître du monde! conduis-moi donc sur les ailes nuages à une hauteur d'environ trois milles au-dessus du Jourdain: alors les nuages seront au-dessous de moi et moi je serai au-dessus, et je verrai le pays. Le Saint: Cela équivaudrait devant moi à une violation de mon serment. Moïse: Seigneur du monde! coupe-moi donc en morceaux, membre par membre, et jette-moi au delà du Jourdain; mais là-bas fais-moi revivre, pour que je voie le pays! Le Saint: Cela équivaudrait encore à une violation du serment. Moïse: fais-moi alors voir le pays simplement par le regard de mes yeux! Le Saint: Sur ce point, je veux t'exaucer, comme il est écrit (Deut. 32,52): Tu verras le pays de loin, mais tu n'y entreras pas. Le Saint, béni soit-il, lui fit alors voir le pays, quatre cent milles sur quatre cent, à la manière d'un parterre dans un jardin, et il donna de la force à ses yeux pour qu'il vit tout: ce qui était enfoncé devait remonter, le caché se manifester et ce qui était éloigné se rapprocher, afin qu'il le vît entièrement. Et il lui dit (Nombres 32,11): ...le pays que j'ai promis par sement à Abraham, à Isaac et à Jacob. Entre temps encore une heure de plus s'était écoulée. Alors une Bat-Qol sortit en disant: Ne t'attriste pas de ce que tu n'as plus que trois heures à vivre en ce monde! Moïse dit: Maître du monde! dépose-moi auprès des fils de Ruben et de Gad, afin que je sois comme l'un des leurs...

... Entre temps, une autre heure s'était écoulée. Alors survint une Bat-Qol qui dit: Il ne reste plus qu'une seule heure à vivre dans ce monde!... Lorsque Moïse vit qu'il ne pouvait pas être sauvé de la mort, il appela Josué devant tout Israël et lui dit: Mon fils, regarde, tout ce peuple que je te transmets est un peuple du Seigneur; leurs enfants ne se sont pas encore occupés des commandaments; fais donc attention de ne pas leur dire quelque chose d'inconvenant, car ils sont les enfants du Seigneur, bénisoit-il, qui les a appelés (Exode 4,22): Mon fils premier-né est Israël, et qui les aime plus que tout autre peuple... Viens pour que je t'embrasse! Et il alla vers lui l'embrassa, pleura sur son cou et le bénit une seconde fois (en disant): Que la paix soit sur toi et qu'Israël, mon peuple, soit aussi en paix. Tous les jours (de ma vie), ils ne pouvaient se réjouir de moi à cause des remontrances et des réprimandes que j'ai dû leur adresser. Et Moïse commença à bénir chaque tribu à part. Quand il vit que son heure se raccourcissait, il les inclut tous dans une seule bénédiction et dit aux enfants d'Israël: Je vous ai causé beaucoup de peine avec la Torah et les commandements; maintenant, veuillez bien me pardonner! Ils lui dirent: Notre maître, notre seigneur! Qu'il te soit pardonné! Nous aussi, nous t'avons causé beaucoup de peine et t'avons mis en colère; pardonne-nous donc toi aussi! Il leur dit alors: Qu'il vous soit pardonné! Ils vinrent alors et lui dirent: L'heure approche où tu dois partir de ce monde; que le nom du Vivant qui existe à tout jamais soit béni! Moïse dit à Israël: Je vous en prie quand vous entrerez dans le pays d'Israël, pensez à moi et à mes ossements!

... Alors vint le Satan qui se tint devant le Saint, béni soit-il, et dit: Maître du monde! Moïse, le Maître d'Israël, serait-il plus grand qu'Adam que tu as créé dans ton monde selon ton image et selon ta ressemblance? Est-il plus grand qu'Abraham, ton bien-aimé, qui a été jeté dans la fournaise pour la sanctification de ton nom? Est-il plus grand qu'Isaac qui fut ligoté sur l'autel? Ou que Jacob, son fils aîné et ses douze fils ses rejetons? Rien ne peut le sauver de ta main! Donne-moi seulement la permission et j'irai prendre son âme. Le Saint, béni soit-il, lui répondit: Personne ne lui est comparable! Comment pourras-tu prendre son âme? Tu diras peut-être: de face. Mais cette face fut devant la mienne, comme il est écrit (Exode 33,11): Et le Seigneur parla à Moise face à face; comment pourras-tu alors t'approcher d'elle? Et si tu dis: par ses mains: ces mains ont reçu les tables (de la loi), comment pourras-tu t'approcher d'elles? Et si tu disais: par ses pieds: ceux-ci ont déjà touché mes nuages, comment pourras-tu t'approcher d'eux? Tu n'as pouvoir sur aucun de ses membres. Samaël répondit: Maître du monde! bien qu'il en soit ainsi, donne-moi donc la permission d'aller prendre son âme. Le Saint, béni soit-il, lui dit: La permission t'est donnée. Alors Samaël partit tout joyeux...

Il ne resta plus qu'un demi-moment. Alors survint une Bat-Qol qui dit: Moïse pourquoi t'affliges-tu? La fin de l'heure est arrivée! Alors Moïse se mit à prier et dit: Maître du monde! Souviens-toi de ce que tu t'es révélé à moi dans le buisson, que tu m'as fait monter au firmament et que je n'ai ni mangé ni bu pendant quarante jours et quarante nuits. (Dieu) miséricordieux et plein de grâce, ne me livre pas aux mains de Samaël! Le Saint, béni soit-il, lui répondit: J'ai exaucé ta prière; je m'occuperai moi-même de toi, et c'est moi qui vais t'enterrer. Alors Moïse se sanctifia comme les Séraphins de la majesté, et le Saint se manifesta des cieux des cieux, afin de recueillir l'âme de Moise. Quand Moïsevit le Saint, béni soit-il, il tomba sur sa face et dit: Maître du monde! C'est par tes attributs de grâce et de miséricorde que tu as créé ton monde et c'est par l'attribut de miséricorde que tu le gouvernes; agis aussi avec moi selon ta miséricorde! Le Saint, béni soit-il, dit: Je marcherai devant toi. Trois anges étaient descendus avec le Saint, béni soit-il, à savoir Mikaël, Zagziël et Gabriel. Gabriel prépara la couche de Moïse, Mikaël y étendit un vêtement de pourpre et Zagziël plaça des vêtements de laine au chevet... Alors le Saint, béni soit-il, appela son âme et lui dit: Ma fille! j'avais décidé que tu allais séjourner pendant cent vingt ans dans le corps de ce juste; n'hésite donc pas, ma fille! L'âme répondit: Tu es celui qui sais tout et (tu es) le Dieu des esprits; c'est dans ta main que se trouve l'âme de tout vivant! Tu m'as créée et mise dans le corps de ce juste. Y a-t-il dans le monde entier un corps aussi innocent, pur et saint que celui-ci?... Il est bon pour moi de rester ici. Le Saint, béni soit-il, lui dit: N'hésite pas, ma fille! ta fin est arrivée. Je te ferai asseoir sur le trône de ma majesté, à côté du trône des Séraphins, des Ophanim, des anges et des Khérubim. Elle lui dit: Maître du monde! Il est bon pour moi de rester dans le corps de ce juste, car les anges Ouza et Azaël descendirent du ciel et se sont corrompus, mais ce Moise de chair et de sang s'est séparé de sa femme le jour où tu lui es apparu dans le buisson.

Quand le Saint, béni soit-il, vit cela, il prit son âme par un baiser de sa bouche, comme il est écrit (Deut. 34,5): Et Moïse, le serviteur du Seigneur, mourut là, dans le pays de Moab, sur la bouche du Seigneur. Alors le Saint, béni soit-il, commença à pleurer et à se lamenter sur lui, comme il est écrit (Psaume 94,16): Qui se lèvera pour moi contre les méchants? Qui me soutiendra contre ceux qui font le mal? Et les anges du service pleuraient et disaient: Et la Sagesse, où la trouver? (Job,2,12). Les cieux dirent: Un pieux a disparu de la terre (Michée 6,2) et la terre dit: Et il n'y a plus un juste parmi les hommes. Les étoiles, le soleil, la lune et l'esprit-saint dirent: Il ne s'est plus levé en Israël un prophète semblable à Moise (Deut. 34,10). Alors Josué chercha Moise et ne le trouva point. Alors le Métatron (ange souvent mentionné dans la littérature rabbinique) se présenta devant le Saint, béni soit-il, et dit: Maître du monde! Moïse t'appartenait dans la vie et il t'appartient encore dans la mort. Le Saint, béni soit-il, dit au Métatron: Je me désole non seulement à cause de Moise, mais aussi à cause des Israélites. Car combien de fois ne m'ont-ils mis en colère et il pria pour eux et m'apaisa, comme il est écrit (Deut. 33,21): Il a accompli la justice du Seigneur et ses jugements avec Israël. Il disait devant moi: Car le Seigneur est Dieu au ciel en haut et sur terre en bas; et je rends témoignage de lui (Deut. 34,10-12): Il ne s'est plus levé en Israël un prophète semblable à Moïse, que le Seigneur connaissait face à face, ni quant à tous les signes et miracles et oeuvres puissantes que Moïse a accomplis devant Israël...

 

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