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Collaboration internationale
C. A. Rijk, E. Pariente, D. O'Sullivan, Rudolf Schmid
Israël et les pays en voie de développement.
On trouve toujours un grand nombre de motifs qui inspirent et déterminent les rapports des différents pays entre eux. De même que la vie de chaque personne et les relations entre les hommes sont profondément influencées par les circonstances et par un mélange de causes et de raisons conscientes ou inconscientes, ainsi la vie d'un Etat et les rapports entre Etats se basent sur un mélange d'éléments déterminants. Il y a des motifs politiques, sociaux, militaires, des motifs économiques, psychologiques et historiques, des motifs humanitaires, idéalistes et bien d'autres encore. Il sera toujours extrêmement difficile, sinon impossible, de les démêler et de trouver ce qu'on appelle quelquefois les « vrais motifs ». On discute beaucoup pour discerner l'inspiration profonde des rapports entre pays riches et pays pauvres. Mais là, on doit déjà se tenir sur ses gardes, parce que richesse et pauvreté ne s'expriment pas seulement en argent, en machines ou produits économiques de tous genres. Il est possible et même sûr, qu'un pays qui est en voie de développement, matériellement parlant, possède une grande richesse en d'autres domaines de vie.
Il y a aujourd'hui beaucoup de pays qui s'opposent, avec raison, à tout colonialisme de quelque genre que ce soit. Selon la tradition biblique, conservée dans le judaïsme et le christianisme, la vraie inspiration de toute aide à autrui ne peut être que le désir efficace du plein développement, de l'épanouissement de l'autre en tant qu'image de Dieu et de l'établissement du royaume de Dieu surterre. Le Peuple de Dieu étant partie intégrante de l'humanité et de l'histoire, la tâche des juifs et des chrétiens est sans doute de faire prévaloir cette motivation biblique dans la complexité du jeu des motifs qui inspirent l'aide qu'un pays porte à l'autre.
Si l'on se demande maintenant quelle est l'inspiration du vaste programme d'aide et de coopération d'Israël avec beaucoup de pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, on trouvera certainement plusieurs intentions sous-jacentes. Dans la littérature traitant de ce thème on est pourtant frappé par le sens de solidarité et de responsabilité vis-à-vis de ceux qui souffrent et qui n'ont pas encore trouvé les moyens de se développer suffisamment. On s'inspire du dicton de Hillel:
« Si je ne m'aide pas moi-même — qui donc m'aidera?
Et si je ne pense qu'à moi — que suis-je?
Et si ce n'est pas maintenant — alors quand?»
Ou encore des paroles d'Isaïe:
« Chacun vient en aide à son voisin
et chacun dit à son frère: sois courageux » (41, 6).
C. A. RIJK
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Israël a commencé à établir en 1958 un programme d'assistance technique et financière aux pays en voie de développement. Depuis cette date — et jusqu'en 1968 — plus de 10.500 stagiaires d'une centaine de pays d'Afrique, d'Asie, d'Amétique Latine et du Bassin méditerranéen (*) ont suivi des cours en Israël. Plus de 2.000 experts, conseillers, instructeurs ont travaillé dans les pays qui en ont fait la demande, qu'ils aient ou non des relations diplomatiques avec Israël. Dans le domaine de la coopération, celui-ci pratique la politique des « portes ouvertes ». Une section spéciale du Ministère des Affaires Etrangères: le Département pour la coopération internationale, le Mashav, est responsable de ces efforts.
Bien que l'aide financière et technique qu'apporte Israël aux pays du Tiers-Monde ne puisse être comparée à celle de pays puissamment industrialisés, elle apparaît cependant importante pour un pays si petit. Les motivations qui l'inspirent sont certainement diverses, mais la confiance des pays s'explique par le fait qu'Israël est lui-même engagé dans un processus de développement rapide, affronté aux problèmes qu'il implique. Israël les connaît pour avoir eu à les résoudre lui-même. A travers des tâtonnements et des échecs, il a vu ses efforts couronnés de succès.
Peut-être s'adresse-t-on plus volontiers à lui parce que son aide est moins entachée de l'étiquette colonialiste que celle des grandes puissances; les principes même qu'Israël applique dans son oeuvre de coopération inspirent confiance.
Quels sont ces principes?
1) « Les pays en voie de développement peuvent apprendre l'un de l'autre.
2) La connaissance et l'expérience doivent être adaptées aux conditions locales. Il n'y a pas de remède universel capable de guérir tous les maux; les habitants d'un pays doivent remplir, dans le développement de celui-ci, une tâche qui ne peut être confiée à des experts étrangers.
3) L'enquête, basée sur une documentation sérieuse, remplit une fonction importante. Dans tout plan, il importe surtout de savoir s'il est transformable, en un laps de temps raisonnable, en une réalité politique.
4) Un programme intégral du développement doit prévoir, conjointement à l'aide fournie sur place, la formation d'un personnel autochtone capable de prendre le plus vite possible (parfois déjà l'année suivante) la relève de l'équipe israélienne.
5) L'investissement israélien (généralement inférieur à 50%) peut être acquis par le pays dès que celui-ci peut se passer de l'aide étrangère ».
Sous quelle forme Israël pratique-t-il son aide?
Dans le pays même, Israël envoie des experts de la science, de la technologie et du développement pour réaliser les clauses des accords signés. Il fournit également une aide financière sous forme d'investissements et d'achats de matériel. Des cours intensifs de formation professionnelle s'efforcent de répondre aux besoins urgents du pays, en tenant compte des dernières découvertes techniques.
En Israël, des stages, séminaires, cours, etc., ont lieu pour dispenser un enseignement allant de 2 mois à 3, 4, voire 6 ans. Qu'il suffise de citer:
— l'Institut Afro-Asiatique pour les études syndicalistes et la coopération, créé en 1961 par la Histadrouth (Fédération Israélienne des Travail_ leurs) qui offre des cours théoriques et des stages pratiques sur les multiples aspects de la planification et du développement social et économique, et prépare ses élèves à des postes de direction dans les syndicats.
— The Settlement Study Centre of the National and University Institute of Agriculture, à Rehovot, et le Ruppin Institute of Agriculture à Natanya qui organisent des cours sur des problèmes agricoles.
— Le « Mont Carmel » Centre International de Formation pour services communautaires à Haïfa, fondé en 1962, destiné plus spécialement aux femmes. Il forme le personnel pédagogique des pouponnières et des jardins d'enfants, apprend aux femmes comment transformer l'artisanat au foyer en une industrie, comment éduquer les consommateurs, cémment enseigner les rudiments de la lecture et de l'écriture.
— L'Ecole de Médecine Hassadah, Université hébraïque de Jérusalem, qui a ouvert un cours de 6 ans conduisa t au diplôme de Docteur en médecine, concernant surtout les étudiants des pays en voie de développement de langue anglaise.
Dans quels domaines Israël apporte-t-il son aide?
Israël fournit son aide dans les principaux domaines de la. coopération. L'effort principal est consacré à l'Agriculture. Durant les dix dernières années, le pays; a envoyé plus de 1.300 experts agricoles et entre 1958 et 1966 reçu 2.264 étudiants.
Viennent ensuite: la formation de cadres de jeunes (256 spécialistes entre 1958 et 1966), la Médecine et la Santé (202), l'Education, l'Industrie, le Bâtiment, l'Administration, l'Aide Sociale etc...
Deux réalisations peuvent être relevées ici à titre d'exemple.
En Amérique Latine, la coopération avec le Brésil a débuté en 1962 avec le traité de Recife qui prévoyait l'assistance technique israélienne pour l'irrigation et le développement agricole dans le Nord-Est. Un kibboutz expérimental s'est établi dans le Rio Grande. En 1964, des fermes expérimentales du type du Moshav sont créées dans l'Etat de Goias. En 1964 également, un accord est signé entre le Sudene (l'Autorité régionale de Développement pour le Nord-Est) et la Mission technique israélienne pour la production de semences hybrides de blé, de coton, de tomates. Après la remise entre les mains des agronomes brésiliens de la ferme expérimentale de Petrolândia, un deuxième projet a été mis en oeuvre à Floriano dans l'Etat de Matif.
L'organisme israélien Tahal (Office de l'eau) a conclu avec l'entreprise brésilienne le Sondotécnica (Rio de Janeiro) une série d'accords pour l'irrigation non seulement dans le Nord-Est mais également dans ce qu'on appelle la « frontière sèche » de l'Etat du Rio Grande do Sul.
La coopération dans le domaine nucléaire a pour but principal l'application des isotopes radioactifs dans l'agriculture et l'hydraulique.
En Afrique, le « programme intégral » s'est appliqué entre autres à Monrovia (Libéria) dans le domaine de la santé. Les maladies des yeux sont un problème important en Afrique. Après une enquête menée par le chef du département ophtalmologique de l'Hôpital Hadassah, Université hébraïque de Jérusalem, la construction d'une clinique de 30 lits fut décidée, avec personnel israélien. Parallèlement, des étudiants libériens furent envoyés en Israël pour se spécialiser en ophtalmologie. La responsabilité de la clinique a été transférée aux Libériens dès que cela a été possible. Des cliniques itinérantes furent créées pour offrir des soins dans la brousse et des dispensaires furent ouverts dans les régions isolées.
Encouragés par l'expérience de Monrovia, le Tanzania, le Malawi et le Ruanda ont décidé de la suivre.
Le Maggen David Adom (Croix rouge israélienne) travaille efficacement à lutter contre la maladie en Afrique, soit par l'envoi d'un équipement adapté: matériel éducatif, manuels, trousses pharmaceutiques, soit par la formation sur place de secourisme, de soins d'urgence et de santé publique. Il a également offert une « banque de sang » à l'Ethiopie.
Ces quelques éléments de l'aide fournie par Israël aux pays en voie de développement donnent une idée de l'effort déployé. La largeur de vues, la diversité des réalisations, l'originalité des méthodes, le respect de la dignité des autochtones, le souci des experts de partager les conditions de vie (logement, étude de la langue) dans le pays, ont déjà assuré à l'action d'Israël une efficacité incontestable, appelée sans doute à s'élargir encore.
René Cassin et les Droits de l'homme.
En ouvrant la seconde session de Vatican II, Paul VI dit: « Prenez courage, conducteurs des nations; aujourd'hui vous pouvez donner à vos peuples bien des choses nécessaires à la vie: le pain, l'éducation, le travail, l'ordre, la dignité de citoyens libres et pacifiques, à condition seulement de savoir ce qu'est l'Homme... ».
Tout le problème des relations internationales et du progrès social réside, en effet, dans le fait de savoir ce qu'est l'homme afin de pouvoir déterminer ce à quoi il a droit et d'éliminer la violence sous toutes ses formes: dictature, régime concentrationnaire, oppression des peuples et des classes sociales, guerre des nerfs et des armes.
Paradoxalement ce fut là la grande préoccupation de la génération des deux guerres mondiales. Mais lorsque les gouvernements ne peuvent plus assurer les plus élémentaires et les plus naturels des droits, il faut, dit Mosès Moskowitz, « une action créatrice ayant pour objectifs la paix et la prospérité universelles, [action qui] n'est possible que si l'idéalisme et l'esprit humanitaire qui caractérisent la coopération nationale s'efforcent de résoudre les problèmes urgents de notre monde avec le zèle et le sens du devoir et du sacrifice nécessaire... ». C'est la tâche que se proposèrent les Nations Unies en insérant dans leur Charte (art. 55) la promotion et la protection internationales des droits et des libertés de la personne humaine.
Dès 1946, elles créèrent une Commission des Droits de l'Homme: plusieurs nations y étaient représentées ainsi qu'une vingtaine d'organisations non gouvernementales parmi lesquelles plusieurs organisations juives. Elle devait soumettre à l'Assemblée Générale des Nations Unies un rapport relatif à un « Acte international des droits ». Le Royaume Uni déposa le premier un projet de loi sur les droits à reconnaître; il préconisait en même temps la création d'un organisme international qui veillerait à ce que ces droits soient respectés. Mais le représentant soviétique critiqua ces propositions, trouva « prématuré » leur caractère obligatoire et judiciaire et déclara qu'il n'appuierait qu'une simple déclaration de droits. Pour arriver à trouver un accord, la Commission décida qu'elle produirait deux documents. Le premier fut la fameuse « Déclaration Universelle des Droits de l'Homme », à la rédaction de laquelle contribua de manière décisive le président Cassin. L'hommage de M. Thant, secrétaire général de l'O.N.U., témoigne du travail essentiel de celui qui devait, en 1968, recevoir le Prix Nobel de la Paix:
« Il a été au tout premier rang de ceux qui ont poursuivi, au sein des Nations Unies, l'élaboration d'une Charte des Droits de l'Homme. En particulier, le nom du président Cassin restera pour toujours attaché à l'oeuvre monumentale qu'est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Pour la première fois dans l'Histoire, en dépit de toutes les distinctions culturelles, idéologiques, politiques et religieuses, les représentants qualifiés des peuples groupés au sein des Nations Unies s'accordèrent à définir et à proclamer les normes fondamentales de la dignité humaine. C'est dans une large mesure, grâce à l'activité inlassable et enthousiaste du président Cassin, que cette entreprise a pu être menée à bien... ».
Malgré toute l'influence que ce document pourra avoir plus tard dans les lois ',nationales et les relations internationales, ce n'était qu'une déclaration de principes qui n'engageait aucun des Etats dont les représentants avaient signé l'adoption par les Nations Unies. Il fallait établir un mécanisme qui mette en vigueur ces droits. L'histoire est bien longue des différentes séances de la Commission des Droits de l'Homme. Les Etats n'étaient jamais d'accord sur les différentes propositions. Sir Hersch Lauterpacht, devenu plus tard juge britannique à la Cour de la Haye, et de qui la Communauté juive est fière à juste titre, écrivit pour l'Assemblée Générale des Nations Unies réunie à San Francisco, l'ouvrage « International Law and Human Rights » (1953). Cette étude, devenue maintenant classique, devait, grâce à l'action incessante de M. René Cassin, faire aboutir la rédaction de deux Pactes, l'un relatif aux droits civils et politiques, l'autre aux droits sociaux, économiques et culturels. Les Nations Unies les adoptèrent en 1966, mais pour entrer en vigueur, ces Pactes doivent encore être ratifiés par onze Etats au moins. Ces Etats, cependant, ont chacun leur préoccupation, leur opposition. Et les Nations Unies n'ont pas encore réussi à mettre sur pied l'organisme international préconisé par Sir Lauterpacht pour l'examen des recours et le contrôle des abus. Heureusement le Conseil de l'Europe s'intéresse aussi à la protection des droits de l'homme. Il alla plus loin que les Nations Unies et put mettre au point quelques moyens pour la mise en pratique de la Déclaration. Non seulement, le 3 septembre 1953, une « Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales » était signée par, quinze Etats européens, mais aussi commençaient à fonctionner deux organismes internationaux: en 1954 la Commission européenne et en 1958 la Cour européenne pour les droits de l'homme, présidée pendant des années par M. René Cassin dont le jugement et l'autorité ont été universellement reconnus.
Ce' tableau n'est pas sans avoir quelques ombres: la Déclaration de 1948 inspire les travaux des Nations Unies, mais personne n'ignore les limites de celles-ci et l'influence que peuvent encore y exercer certains intérêts idéologiques de puissantes nations. La Convention européenne est plus efficace, mais elle n'engage que peu de pays de l'Europe occidentale. Cependant si le Prix Nobel de la Paix a été donné en 1968 au président Cassin, c'est bien pour reconnaître non seulement l'importance de son inlassable labeur pour l'humanité tout entière, mais aussi pour marquer qu'une ère nouvelle d'égalité et de justice peut s'ouvrir.
Nous pouvons encore nous demander où M. René Cassin puise l'inspiration de son oeuvre internationale. Ce que nous savons de son appartenance au judaïsme, de sa prise en charge du réseau des écoles de l'Alliance Israélite Universelle, organisation dont il est encore le président depuis plus de 25 ans, ne nous permet pas de douter de la raison profonde de son activité. Si un jour donc, la violence, stigmatisée par M. Cassin dans un texte écrit pour les étudiants juifs, prend fin, si, selon une perspective biblique, les Etats se réconcilient dans le respect de l'Homme, en un mot, si la « foi en un idéal nouveau », mais très ancien aussi, arrive à être une réalité sur la terre, ce sera grâce aux efforts tenaces et à la collaboration de ces hommes dont l'espoir invincible réside en Dieu.
E. PARIENTE
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Aide au Biafra
Le conflit nigérien-biafrais est l'une des grandes tragédies du 20e siècle. Ce qu'endurent des femmes et des enfants innocents est trop bien connu pour en reparler ici dans le détail. La pitié mondiale a été soulevée par le spectacle dramatique de plus d'un million de personnes mortes de faim et de 2 millions d'habitants chassés de leur pays et vivant dans des conditions inhumaines.
La part prise par les différentes confessions religieuses dans l'action menée pour soulager cette misère a ramené la confiance en certaines organisations religieuses. Les Eglises ont pu arriver à certains résultats positifs grâce à leur structure institutionnelle: s'il n'y avait pas eu ces manifestations visibles de l'organisation sociale religieuse, les organisations humanitaires non religieuses auraient dû tout entreprendre seules. Il est très significatif de constater que les écrasantes difficultés pour secourir le Biafra furent d'abord vaincues par les Eglises qui, en quelque sorte, ouvrirent la voie aux autres organisations. Lors d'une réunion où la question de l'aide au Biafra était débattue, le directeur délégué de l'UNIcEF a pu dire: « Remercions Dieu pour les groupes religieux. Je tremble en pensant que, sans leur dévouement, la tragédie humaine au Nigéria et au -Biafra eût été plus grande ».
Par ailleurs, cette oeuvre remarquable de secours menée par les Eglises a imprimé un prodigieux élan au mouvement oecuménique. M. McLaughlin écrivit au retour de sa visite à Sao Tomé et au Biafra: « L'envergure de cette entreprise et son intégration oecuménique sont renversantes ».
En effet l'Eglise catholique, les Eglises protestantes et la Synagogue mettent en commun leurs ressources pour assurer régulièrement le transport aérien du ravitaillement vital de l'île de Saô Tomé au Biafra. Sous le nom de Joint Church Aid, le programme entraîne une étroite collaboration à la fois au plan national et international. Le transport nocturne par avion au Biafra de sacs de lait en poudre, de farine pour bébés, d'aliments concentrés riches en protéines, de poisson séché, de médicaments etc... est bien le témoignage de la charité commune des juifs, des protestants et des catholiques à travers le monde et de la vigoureuse activité oecuménique des représentants de ces Eglises qui, ensemble, achètent ou affrètent des navires et des avions pour transporter des provisions à Saô Tomé et de là au Biafra.
En Europe, le Nordchurchaid (Protestants de Scandinavie), le Mensen in nood (Catholiques de Hollande), le Diakonische Werk (Protestants d'Allemagne), la Caritas internationalis (Catholiques de diverses nationalités) et les Catholic Relief Services de Genève, se partagent toutes les charges d'organisation et de transport ainsi que celles de maintenir la liaison entre Rome, Genève, Amsterdam, Copenhague, Stuttgart, New York et Sao Tomé.
Aux Etats-Unis, l'aide des Eglises réunies comprend celle du Catholic Relief Services, le Church World Service (protestant) et l'American Jewish Committee. D'une seule voix, ils font appel au gouvernement et au peuple américains; d'une seule main, ils donnent au Biafra et au Nigéria ce qu'ils reçoivent.
Le célèbre « pilote de la paix » israélien, Abbie Nathan, ayant vu les effets désastreux de la guerre et du blocus, ainsi que les terrifiantes conséquences de la privation de nourriture chez les enfants du Biafra, s'intéressa aussitôt d'une manière efficace aux efforts des Pères Spiritains pour sauver la vie de ces malheureux. Ils avaient besoin d'argent, il leur en donna; de couvertures pour protéger les enfants malades du « kwashiorkor » soignés dans des hôpitaux de fortune au bord de la mer, il quitta le Biafra et leur en expédia. Jacob Libermann qui fut le premier à envoyer des Pères du St Esprit sur les côtes d'Afrique, au siècle dernier, était juif. Le fait qu'un juif apporte actuellement une aide pour soulager la souffrance de ce même peuple africain est grandement significatif.
La collaboration se noua ainsi: des Pères du St Esprit, Byrne, Kennedy et Kilbride, rencontrèrent aux Etats-Unis, en juillet 1968, des dirigeants juifs et leur montrèrent quelques photographies des résultats de la famine au Biafra. Ils leur parlèrent des enfants portant les symptômes du « kwashiorkor »: certains avaient le visage, les bras et les jambes enflés, le ventre ballonné; pour d'autres, le squelette était apparent sous la peau desséchée. La décision fut alors prise de faire parvenir par les missionnaires catholiques et protestants toutes les formes du secours juif.
Le rabbin Marc H. Tanenbaum, directeur national des affaires inter-religieuses de l'American Jewish Committee, écrivit dans son rapport sur cette décision:
« C'était la première fois que la communauté juive tout entière s'engageait à s'unir aux catholiques et aux protestants dans une entreprise humanitaire internationale pour secourir des peuples non juifs et qui vraisemblablement ne le deviendraient jamais. Le comité juif des Etats-Unis aurait pu facilement faire parvenir son argent et son ravitaillement par la communauté juive en Israël. Les juifs d'Amérique étaient au courant de ce choix, mais ils préférèrent prendre la voie interconfessionnelle. A mon avis, cela signifiait que la communauté juive avait mûri d'une telle façon qu'elle se trouvait à présent prête à donner un témoignage réel de son ancien héritage d'universalisme prophétique. »
(Extrait de Religious News Service, 14/8/1968)
Si actuellement encore les enseignements théologiques sont différents, la charité et l'amour, par leur caractère oecuménique, peuvent produire une cohésion qui favorisera la réalisation éventuelle de l'universalisme prophétique. Si des enfants sont morts au Biafra, leur mort a rapproché juifs, catholiques et protestants. Ensemble ils s'adressèrent au Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Dean Rusk, une première fois le 6 août 1968, puis le 26 août, lui demandant de secourir les enfants biafrais. Lors d'une conférence de presse, le rabbin Jacob Philip Rudin, Président du Synagogue Council of America, dit en parlant de l'appel commun adressé à Rusk: « Le comité parle au nom de la religion... Le cri des enfants qui meurent de faim ne peut être toléré. Toutes les croyances devraient le dire d'une seule voix ».
Qui aurait pensé que les souffrances de petits enfants pourraient amener les représentants de ces trois religions à prier ensemble dans la même église? Or le 26 octobre 1968, un office interconfessionnel eut lieu dans la cathédrale de St Patrick de la cité de New York, au cours duquel le rabbin Rudin, James McCracken du protestant Church World Service et l'évêque Swanstrom du Catholic Relief Services, prirent la parole. Qui aurait imaginé que la situation douloureuse des enfants d'Afrique puisse rendre possible la célébration simultanée de la fête juive de Hanoukah et de la fête chrétienne de Noël, par le déchargement d'avions leur apportant le secours de 40 tonnes de nourriture et de médicaments?
Dans cette coopération, on peut discerner une authentique charité, l'amour qui ne peut supporter de voir un enfant mourir. Cette charité vient de l'esprit de Dieu et traverse toutes les frontières des croyances. Comme le dit Mgr Jean Rodhain, président de Caritas Internationalis:
« Cette fièvre généreuse pour le Biafra comportera-t-elle des leçons à tirer pour l'cecuménisme de la charité? »
D. O'SULLIVAN C.S.Sp.
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Un projet en Suisse.
En Suisse, des groupes judéo-chrétiens se réunissent régulièrement pour un dialogue. Ils ont également entrepris une action sociale en commun.
A l'occasion de la Guerre des Six Jours, en 1967, la solidarité avec le peuple juif trouva son expression dans des secours spontanés apportés à Israël. Mais l'oeuvre permanente des Amis Suisses des Enfants du Village Qiryat Yearim mérite une mention spéciale.
Qiryat Yearim (cf. I Sam 6) se trouve à 12 km environ de Jérusalem. En 1951, un village d'enfants y fut fondé par 1'Aliyah des Jeunes. Les fondateurs avaient été bouleversés par l'abandon et l'état moral de tant d'enfants arrivant des camps de concentration, lamentable exemple de la dégradation et de la méchanceté humaine. Des soins attentifs et un chaud amour humain cherchèrent à neutraliser les effets causés par les souffrances mentales et morales endurées par une soixantaine d'enfants en état de choc; une formation professionnelle leur fut donnée afin de les rendre tous capables de mener une vie normale et saine.
C'est afin d'aider les éducateurs dans cette tâche extrêmement difficile que fut fondée en Suisse l'Association des Amis Suisses du village d'enfants en Israël. Triomphant des barrières des confessions religieuses, les membres de cette association se trouvèrent unis dans l'action, pour offrir l'aide spirituelle et matérielle au village d'enfants. Depuis lors cependant, les conditions ont changé. De plus, un village uniquement composé d'enfants caractériels présentait de très graves difficultés. Aussi, les responsables décidèrent de répartir les caractériels en divers villages d'enfants. Un groupe resta à Qiryat Yearim; les places vacantes furent prises par des enfants de pays sous-développés et dont la formation scolaire était en retard. Par une instruction spéciale on leur offrit l'occasion de rattraper le temps perdu. C'est ce que l'on continue à faire encore aujourd'hui. La nouvelle organisation permet d'accueillir un plus grand nombre d'enfants qu'auparavant (jusqu'à 150 enfants). Les Amis du Village des Enfants en Israël ont aujourd'hui 12 comités régionaux. Jusqu'ici l'organisation ne pouvait offrir qu'une certaine aide financière à l'Aliyah des Jeunes. Il devint possible, ces dernières années, de prendre en charge tous les frais courants par l'élargissement du cercle des amis.
La collaboration à ce niveau pratique non seulement amène juifs et chrétiens à un rapprochement personnel, mais, bien plus, elle permet, grâce aux différents meetings organisés (conférences etc.), de mieux connaître les convictions religieuses de l'autre.
RUDOLF SCHMID
(*) Afrique: entre autres Cameroun, Congo (Brazzaville) et Congo (Kinshasa), Dahomey, Ethiopie, Gabon, Haute Volta, République malgache, Niger, Ruanda.
Asie: Laos, Cambodge, Thailande, Népal, Ceylan Burma etc.
Amérique Latine: Argentine, Brésil, Chili, Venezuela, Equateur, Honduras, Nicaragua.