| |

Revista SIDIC XXII - 1989/3
Sauvegarder la création (Páginas 02 - 04)

Outros artigos deste número | Versão em inglês | Versão em Francês

Sauvegarder la création: une perspective juive
Hille Avidan

 

A une époque comme la nôtre où la pollution de l'environnement ne fait que croître et où, peu à peu, les ressources tendent à s'épuiser, il est simplement prudent de nous demander comment nous pourrions protéger les espèces fragiles et préserver ce qui est précieux. Pour le juif religieux, cependant, la sauvegarde de la création est bien davantage qu'une affaire de prudence: elle est une réponse aux commandements divins.

L'homme et la femme, intendants de Dieu dans le monde

Le premier chapitre de la Genèse (au v. 26) donne à l'être humain le privilège de dominer le reste de la création, mais celle «domination» ne doit pas être interprétée sans référence à la première partie du verset et aux autres textes bibliques ou post-bibliques. Le début du verset 1,26 de la Genèse nous dit que les êtres humains ont été créés à l'image de Dieu: on attend donc d'eux qu'ils se conduisent à limage de Dieu dans leur comportement envers le reste de la création; de même que Celui-ci est juste et miséricordieux, ils doivent êtres justes et miséricordieux eux-mêmes. Le Talmud (en Sanhedrin 59 B) interprète cette «domination» comme le privilège de pouvoir utiliser les bêtes pour le labourage. Rashi, le grand commentateur du 14e siècle, comprend ce verset dans le sens que le privilège de dominer les animaux est accordé par Dieu aux humains à condition qu'il ne donne pas lieu à des abus. Si les humains deviennent indignes de la confiance qui leur est faite par le Créateur, ils tomberont, dit Rashi, plus bas que tous les animaux.

Tous les matins, le juif pieux adresse ses prières à Dieu -qui renouvelle chaque jour l'oeuvre de la création», une création qui est, selon le judaïsme, comme un processus continuel auquel le juif doit se considérer comme associé, mais en second. Conscient de sa condition d'intendant devant Dieu, le juif religieux doit s'efforcer de discerner la limite entre -user» et «abuser» et chercher constamment à se laisser guider par «le Saint, bénit soit-il», qui est sans imperfections et incapable d'erreurs.

Héler Avidan est un rabbin des West Central and Ealing Liberal Synagogues de Londres. Il a publié un livre intitulé Feasts and Fasts of Israel lia pris part à la consultation du C.O.E. sur "la sauvegarde de la Création'", qui s'est tenue à Granvollen, en Norvège, en 1988.

Au Seigneur la terre et sa plénitude, le monde et tout son peuplement » (Ps 24,1)

Des versets tels que celui-ci aident le juif pieux à ne pas oublier qui est le responsable dernier. Reconnaître en Dieu le Maître et en l'homme un serviteur, c'est contribuer à la préservation des précieuses ressources de la terre et mettre en évidence la responsabilité du juif envers la terre, avec sa flore et sa faune. Les préceptes bibliques et post-bibliques proposent une ligne de conduite:
«Si tu dois assiéger une ville... tu ne détruiras pas ses arbres... tu t'en nourriras mais sans les abattre...» (Dt 20,19-20)

De cette interdiction ont été tirées bien d'autres règles qui tendent finalement à éviter qu'on ne détruise sans raison des biens utiles à l'humanité; et quand nous jugeons de ce qui est utile, nous ne pouvons faire abstraction de ce qui affecte l'environnement, car il est incontestable que les violences faites à la nature affectent finalement la qualité de vie des humains. Le judaïsme condamne, et les juifs doivent chercher à contrecarrer, toute action susceptible de nuire encore davantage à notre planète.

«Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin... pour le travailler et le garder» (Gn 2,15)

Ce verset autorise les humains à travailler la terre et à en exploiter les richesses, mais à condition qu'ils la gardent et la préservent en même temps. Ce souci de sauvegarder (la terre) est aussi ancien que le judaïsme lui-même.

Une attitude juste envers le monde animal

Les agressions contre l'environnement se manifestent souvent d'abord dans la manière abusive de traiter les animaux. Le judaïsme, lui, s'est toujours montré très sensible à la protection des animaux. La Genèse (chap. 24) raconte qu'Eliézer, envoyé à Haran pour trouver une épouse pour Isaac, cherchait une jeune fille qui manifestât de la bonté envers les humains et aussi envers les animaux. Or, lorsque Rebecca eut puisé de l'eau pour Eliézer et son escorte, elle se mit aussitôt à abreuver les chameaux. Certains enseignements juifs plus tardifs maintiennent que l'ordre aurait dû être inverse; ainsi le Talmud dit:

«Un homme ne doit pas s'asseoir pour prendre son repas avant d'avoir nourri ses bêtes» (Berakhot 40 A)

Nous lisons en Proverbes 12,10: «Le juste a le souci du bien-être de ses bêtes», mais cette affirmation ne vaut pas seulement pour les bêtes qui nous appartiennent. En Exode 23,4, nous apprenons qu'il faut prendre soin des animaux égarés et les ramener dès que possible à leur propriétaire, cela même s'il est notre ennemi, puisque le verset suivant (Ex 23,5) nous demande de venir en aide à l'animal, à celui même de notre ennemi, lorsqu'il est tombé sous le faix. Deutéronome22,4 prescrit que tout animal tombé en chemin soit aidé à se relever. Exode 20,10 exige que les animaux se reposent le jour du shabbat, et nous retrouvons ces prescriptions en Ex 23,12 et Dt 5,14.

Nous lisons en Lv 22,27 que, une fois né, un petit animal domestique ne peut être séparé de sa mère tant qu'il n'a pas au moins 7 jours; et, en Lv 22,28, qu'il est défendu de tuer le même jour un animal et son petit, cela surtout pour éviter que l'un assiste à la mort de l'autre. Commentant ces deux versets, Maimonide, le grand philosophe du 12° siècle, écrivait:
« L'animal éprouverait dans ce cas une trop grande douleur. En effet, il n'y a pas sous ce rapport de différence entre la douleur de l'homme et celle des autres animaux; car l'amour et la tendresse d'une mère pour son petit ne dépendent pas de la raison, mais de la faculté de sentir, et cette faculté n'est pas propre à l'homme seulement; la plupart des êtres vivants la possèdent.»
(Moreh Nevukhim 3,48)

Deutéronome 22,6-7 interdit de s'emparer d'une mère oiseau qui est avec ses oisillons ou sur ses oeufs. Si l'on a besoin des petits ou des oeufs, on les prendra au moment où la mère est absente. En fait, les oisillons ne servant pas à grand'chose, cette interdiction vise à protéger la mère et ses petits. Il y a plus de chance que les oeufs soient enlevés, mais en ce cas le lien avec la mère n'est pas aussi fort.

Nous lisons en Dt 22,11: «Tu ne laboureras pas avec un boeuf et un âne ensemble.» Ces deux animaux sont par nature très différents, ils ne sont ni de même force ni de même taille, et de ce fait il est cruel envers l'animal le plus faible de le mettre sous le même joug que l'autre. L'interdiction s'étend à tous les cas où l'on met sous un même joug des animaux de genres différents. Nous lisons aussi en Dt 25,4: »Tu ne muselleras pas le boeuf quand il foule le grain.» Cette interdiction s'étend à tous les animaux que l'on fait travailler, car il est considéré comme une véritable cruauté d'exciter l'appétit d'un animal et de l'empêcher de le satisfaire.

Dans la littérature juive post-biblique, nous trouvons de nombreux textes sur la nécessité d'épargner aux animaux la souffrance ou la fatigue excessive. Le Talmud interdit les spectacles ou les chasses de gladiateurs (Avodah Zarah 18 B), ainsi que les combats de taureaux ou de coqs; les chasses au renard et autres suscitent presque l'horreur chez le juif pratiquant. Et il en est de même quand les animaux sont chassés et tués pour être utilisés dans la confection d'articles de luxe (comme des manteaux de fourrure), ou quand on fait une chasse sans merci à des baleines pour pouvoir en tirer des parfums ou l'alimentation d'animaux domestiques. Nul ne peut se procurer un animal s'il ne s'est pas d'abord procuré de quoi le nourrir (Talm. (férus., Ketubot 4;8). Il est même permis de profaner le shabbat pour secourir un animal en détresse (Shabbat 128 B).

On a beaucoup écrit et parlé contre la manière juive de tuer les animaux (appelée en hébreu shehitah), mais cette méthode a en réalité pour but d'épargner la souffrance aux bêtes. La Genèse (1,29) affirme que l'humanité était d'abord végétarienne et que si, après le déluge, au temps de Noé, la permission a été donnée de manger de la viande, ce fut là une concession envers la faiblesse humaine. Cependant les espèces d'animaux, d'oiseaux et de poissons que le juif pratiquant peut consommer sont sévèrement limitées. La shehitah est une méthode d'abattage qui rend, en deux secondes, l'animal inconscient, et on peut se demander si, en un si bref laps de temps, la douleur peut être ressentie. Si c'est le cas, elle n'est que très momentanée, et elle n'est rien si on la compare aux souffrances endurées pendant toute leur vie, de nos jours, par tant d'animaux de basse-cour.

Le «fermage industriel» est une abomination, un affront envers le Créateur et, comme le Talmud exige que la douleur soit épargnée à tout prix aux animaux (Baba Metsia 31 a - 31 b), les produits de l'élevage intensif sont considérés par les juifs comme impropres à la consommation. Il est vraiment cruel de priver ces créatures de Dieu de la lumière du soleil, d'air et d'exercice, et nous devrions lutter contre l'élevage intensif des animaux plutôt que contre l'un ou l'autre mode d'abattage.

Le judaïsme devrait de même s'élever contre les recherches en laboratoires exigeant chaque année la torture de millions d'animaux pour que, dit-on, puissent être repoussées les limites de la science. Abuser des animaux émousse la sensibilité de celui qui en abuse, le pousse à abuser aussi des êtres humains et à détériorer la terre, l'air, l'eau et tout ce qui y vit.

Responsabilité commune envers l'environnement

Toute personne douée de sensibilité a une certaine conscience du fait que les divers éléments du monde sont liés entre eux et que les dommages causés à l'un de ces éléments ont des répercussions sur les autres. Les sociétés modernes de consommation exercent une énorme pression sur l'équilibre délicat de notre environnement, et le nombre croissant de désastres écologiques devrait nous inciter à jouir avec plus de retenue des diverses richesses de la terre. En un monde de finitude, aspirations et désirs infinis ne peuvent être que déplacés.

Au cours des dix dernières années, la participation et l'aide apportées par les juifs aux organismes de protection de l'environnement (comme «Greenpeace», ciSurvival International», «Friends of the Earth» et les diverses sociétés protectrices des animaux) ont beaucoup augmenté.

Le judaïsme était représenté aux rencontre du «International Whaling Commission», à la consultation du COE sur «Justice, paix et intégrité de la créafion» et à l'important rassemblement catholique d'Assise, à l'occasion du 800° anniversaire de la naissance de St François.

Les Synagogues réformées de Grande Bretagne ont pris des positions radicales, demandant qu'on interdise le commerce des fleurs et des animaux exotiques; qu'on renonce peu à peu aux systèmes économiques qui se soldent par des montagnes de viande de boeuf et de beurre en Europe et, en même temps, par la disette et la faim dans le monde; qu'on fasse payer de lourdes amendes aux entreprises industrielles qui continuent à dégrader et à polluer l'environnement. Le groupe chargé (pour les Synagogues réformées) des questions sociales a publié un guide complet pour l'acheteur conscient des problèmes écologiques (Jewish Guide to Ecologically Aware Shopping), et j'ai moi-même indiqué, dans un article paru récemment dans la revue Marina I, à peu près 27 manières permettant à mes corréligionnaires juifs de sauvegarder rait la terre, l'eau, les arbres, les animaux et nos autres ressources, et d'arrêter la dégradation et l'épuisement de la terre.

Nous sommes peu nombreux, nous autres juifs, et cela exige que nous travaillions avec d'autres, avec tous ceux qui se soucient également de l'avenir de notre planète. Notre tradition est cependant riche en documents originaux susceptibles de nous aider dans ces efforts, et nous nous sentons la responsabilité particulière de préserver les merveilles de la création divine.
« Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon» (Gn 1,31)

La terre est très bonne et, s'il se trouve pour l'assister un nombre suffisant d'hommes et de femmes responsables, elle le demeurera.

 

Home | Quem somos | O que fazemos | Recursos | Prêmios | Vem conosco | Notícias | Contato | Mapa do site

Copyright Irmãs de Nossa Senhora de Sion - Casa Geral, Roma - 2011