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Présentation
Les Editeurs
Péché - repentir - réconciliation, ces trois réalités sont intimement liées; elles sont des facteurs permanents, universels de nos vies humaines au niveau individuel comme au niveau social. Ce cycle péché - repentir - réconciliation n'est pas lié à un monde spécifiquement religieux: on le retrouve en toute vie réellement humaine. Nous en avons un exemple frappant dans les nombreuses initiatives prises après la Seconde guerre mondiale en vue de la réconciliation: rencontre de jeunes allemands et français, accueil de ceux-ci parfois dans des familles juives victimes du Nazisme etc... C'est à de telles initiatives que nous devons, pour une bonne part, la cicatrisation des blessures et l'amélioration des relations dans les années d'après-guerre. On peut voir là comme une illustration de l'idée juive qu'un véritable repentir pourrait faire arriver immédiatement le Messie.
Ce numéro du SIDIC cherche à approfondir le sens de la "Teshuvah" (retour à Dieu, repentance) pour les juifs et pour les chrétiens, mettant l'accent surtout sur les aspects communautaire et institutionnel. Avec les progrès du dialogue entre les Eglises et le peuple juif, nous nous rendons mieux compte combien celles-ci (et l'Eglise catholique surtout) éprouvent de difficulté à reconnaître qu'elles ont péché, en tant qu'institutions, vis-à-vis du peuple juif. Même si le Pape Jean Paul II a reconnu ouvertement et regretté la part prise par des catholiques dans le génocide nazi et dans d'autres actes condamnables, comme la traite des esclaves par exemple, l'Eglise catholique en tant qu'institution n'a pas encore reconnu clairement ses erreurs. Cela vient sans doute en partie du fait que, dans l'ecclésiologie, on souligne plutôt la sainteté de celle-ci, mais n'admet pas facilement qu'elle soit en même temps pécheresse. II est vrai aussi que la confession des péchés, qui tient une place importante dans la liturgie de l'Eglise, s'intéresse avant tout aux péchés individuels, et rarement aux péchés de celle-ci en tant que collectivité.
Dans son article (pp.2-6), Rabbi Mark Solomon montre l'importance de la Teshuvah dans la tradition juive, en tant qu'acte libre de la personne humaine qui répond à la miséricorde divine. Le P. Henri Bourgeois analyse l'aspect spécifique de la "conversion" chrétienne, et quelques-unes des questions qui se posent aux chrétiens contemporains. La thèse de Maîtrise de Sr Lucy Thorson, dont nous donnons quelques extraits, est une recherche sur l'aspect communautaire de la repentance dans les liturgies juive et chrétienne: L'accent mis sur l'aspect collectif par la tradition juive pourrait, pense-t-elle, inspirer l'Eglise catholique dans sa redécouverte de la dimension sociale du Sacrement de réconciliation.
Les deux réflexions, assez brèves, du Cardinal C.M. Martini et du P. Bruno Hussar (rappelé à Dieu tout récemment) expriment bien pourquoi il est nécessaire que s'opère une "conversion" des chrétiens en ce qui concerne leur attitude envers le peuple juif, et nécessaire aussi que soit faite une demande explicite de pardon. Quant à l'intervention courageuse de Colette Kessler à la Conférence de l'Union mondiale du judaïsme libéral, elle est un appel à ses coreligionnaires juifs afin qu'ils fassent un "examen de conscience" et s'engagent dans la voie de la rencontre et du dialogue.
Nous avons, en effet, tous à cheminer dans la voie de la Teshuvah, à nous "toumer" vers Dieu avec confiance, sachant que "la porte de la pénitence n'est jamais fermée", mais à nous "toumer" aussi vers l'autre, tous les autres, dans un esprit d'humilité, de pardon, de réconciliation. II nous faut mettre tout en oeuvre pour réparer ce qui doit être réparé, veiller à ce que ne se répète pas le mal qu'on a reconnu et marcher ensemble dans la voie du "tikkun olam", de l'amélioration du monde.