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Dignité de la famille dans tradition juive
Lea Di Nola
Il est indubitable que la valeur de l'individu, et donc aussi celle de la société, dépend dans une large mesure, encore de nos jours, de la valeur de la cellule familiale. Cela a toujours été la conviction du peuple juif qui, tout au long de son histoire, a eu pour idéal d'instituer et de préserver une vraie vie de famille.
Pour un juif, il est aussi inconcevable de vivre sans une famille que de vivre sans respirer: c'est la condition naturelle de l'homme d'être membre d'une famille, d'y jouer son rôle, un rôle qui varie avec le nombre des années. C'est ce qu'affirme la Bible en Genèse 2,18: « Le Seigneur dit: il n'est pas bon que l'homme soit seul! » Après avoir créé l'homme, Dieu voit que la solitude n'est pas supportable pour une créature douée de raison et de sentiment et il crée un être nouveau, digne de l'homme, façonné non plus de la poussière brute et informe du sol dont avait été façonné Adam, mais d'une matière déjà vivante et plus noble: « Cette fois, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! » (Gen. 2,23).
En créant les deux sexes, Dieu institue la famille dans le but de perpétuer l'espèce humaine, mais aussi de satisfaire ce désir spirituel et affectif que ressent l'homme d'avoir « une compagne et une collaboratrice qui le soutienne dans ses luttes et le réconforte dans les difficultés de la vie »' Au sein de la famille, la femme est pour l'homme « une aide et non pas une esclave », concept impliquant une égalité fondamentale des époux devant Dieu qui les a créés tous deux à son image et à sa ressemblance. Ils sont les deux parties distinctes d'un même être, chacune partageant ses richesses avec l'autre par amour. Tel a été institué le mariage et, dès son origine, la description qui en est donnée est empreinte de tendresse et de poésie. Les rabbinsdisent: « Quand un homme et une femme commencent leur vie conjugale dans la pureté, avec le désir de fonder un foyer juif parfait, la "Chekhina' (Présence de Dieu) est là qui les couvre » 2
Généalogies
Autrefois, chaque famille attachait une grande importance à sa généalogie. Pour prouver son appartenance à une famille ou à une tribu, l'individu devait être capable de démontrer qu'il descendait directement de quelque ancêtre du groupe. Les prêtres surtout, devant faire reconnaître leur droit à accomplir certaines tâches précises et à jouir de privilèges particuliers, tenaient à prouver la pureté de leurs origines. Cela explique les longues généalogies qu'on trouve si souvent dans la Bible et qui rattachent certains personnages aux anciens Patriarches.
Après la chute de Jérusalem et la dispersion du peuple, il devint naturellement impossible aux juifs de conserver une documentation précise sur leur généalogie et déjà bien auparavant, d'ailleurs, les mariages entre membres des diverses tribus, les mouvements de populations, le premier exil à Babylone et une observance moins rigoureuse des préceptes avaient amené une cer raine confusion qui ne permettait que difficilement de connaître son ascendance exacte ou d'identifier avec précision les différentes branches d'une même famille. Bon nombre de Sages de l'époque talmudique, à commencer par Rabbi Aqiba et Rabbi Meir, étaient issus de familles dont on ignorait les origines, ce qui avait amené la Michna à énoncer ce principe: « Un bâtard instruit a la préséance sur un grand prêtre sans instruction » (Horayot 3,8).
Cependant l'importance des généalogies dans le judaïsme s'explique aussi par un autre facteur: c'est le concept théologique du « Zekhout Avot » (le mérite des Pères) selon lequel les actes de justice posés par les ancêtres peuvent être source de bénédiction pour leurs descendants. C'est un concept souvent évoqué dans la Bible et dans la littérature talmudique au sujet d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, parfois aussi à propos des « Mères d'Israël », Sara, Rébecca et Rachel, ancêtres dont on rappelle, en faveur du peuple, les bonnes actions qui furent agréables à Dieu. Cette doctrine du mérite des Pères est complétée par le concept que, à l'inverse, la rectitude d'un fils vivant peut influencer favorablement le destin d'un père mort. Comme le dit Israël Abrahams: « Le véritable message que nous transmettent les morts, c'est leur vertu. Ainsi un pont est-il jeté sur l'abîme de la tombe; ainsi les coeurs des pères et des fils battent-ils à l'unisson pour l'éternité ».3
L'éducation familiale
L'une des forces de cohésion qui a permis au peuple juif de survivre à travers le temps a été sa persévérance à transmettre, de génération en génération, la fidélité à l'observance des préceptes et à une loi morale élevée. La famille juive idéale jouit d'un certain sens de sécurité, chacun de ses membres connaissant bien le rôle qu'il a à y jouer. L'enfant est conscient de ce qu'on attend de lui et il sait qu'il peut compter sur ses parents et sur sa famille pour l'aider chaque fois qu'il en aura besoin.
Dans cette perspective, l'éducation de l'enfant a toujours été dans le judaïsme d'une grande importance, et la femme juive se consacrant, dans le cadre de la famille, à la formation, à la première éducation de ses enfants, éprouve la satisfaction d'être la première à transmettre aux tout-petits l'enseignement et les valeurs du judaïsme. C'est elle, en effet, dont l'amour assure au petit, pendant ses premières années, appui, encouragement et sécurité, elle qui est directement responsable de son éducation. Plus tard, quand les enfants grandissent, c'est au père qu'incombe le devoir d'instruire ses fils, tandis que la mère veille à l'instruction des filles jusqu'à leur mariage.
D'après le Pirqé Avot, le petit enfant est comme un papier buvard immaculé qui absorbe tout ce qu'il voit et tout ce qu'il entend, en bien comme en mal;4 aussi les patents qui ont le sens de leur responsabilité doivent-ils surveiller leur propre conduite pour sans cesse l'éduquer et l'instruire, répondant à ses exigences, à sa curiosité, à ses questions. La Thora met l'accent avec insistance sur ce devoir essentiel des parents: « Ces paroles que je vous dis, mettez-les dans votre coeur et dans votre âme... Enseignez-les à vos fils et répétez-les leur, aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la toute... afin d'avoir de longs jours, vous et vos fils sur la terre que le Seigneur a juré à vos pères de leur donner » (Deut. 11,18-21). Il est écrit aussi: «Tu raconteras à ton fils ou « Si ton fils te demande, tu lui diras » (Dent. 6,20-21), ce qui indique bien l'obligation qu'a le père d'instruire son fils, non seulement quand ce dernier manifeste son intérêt ou qu'il est assez intelligent pour poser des questions mais, comme le dit la Haggada de Pâque, en donnant même au « fils qui ne sait pas demander » les explications qu'il n'est pas en état de solliciter.
Les maîtres de la Michna disent que les pères ont l'obligation d'enseigner six choses à leurs fils, trois de caractère spirituel, et trois de caractère pratique, existentiel: 1) Conformément à l'alliance abrahamique, à vivre pour un idéal qui ne consiste pas seulement à satisfaire ses propres instincts. 2) En souvenir de l'Exode, à promouvoir l'amour de la liberté et la dignité de l'homme. 3) Par l'étude de la Thora et dans le souvenir du Sinaï, à rappeler l'importance de la liberté spirituelle et du comportement moral. 4) A apprendre un métier. 5) A trouver une épouse. 6) A apprendre à nager, c'est-à-dire à savoir affronter même les situations critiques ou les plus imprévisibles. Ainsi, par une formation à la fois morale et physique, le jeune juif se prépare-t-il à affronter l'avenir, un avenir pour lui inévitablement dur et difficile, mais éclairé par un noble idéal humain et par une confiance illimitée en Dieu.
Les enfants sont alors une bénédiction, une richesse, une grâce du ciel, une promesse d'avenir pour la famille et la nation. C'est ce que rappelle un Midrach commentant le Cantique des Cantiques: « Comme les fils d'Israël se trouvaient devant le mont Sinaï pour y recevoir la Thora, le Saint, béni soit-il, leur dit: Dois-je vous faire don de la Thora? Donnez-moi de sûrs garants que vous l'observerez, et je vous la donnerai. Ils répondirent:. Maître de l'Univers, nos Pères sont nos garants. Mais Dieu leur dit: Je peux découvrir des fautes chez vos Pères... donnez-moi des garants sûrs, et je vous donnerai la Thora. Ils dirent alors: Maître de l'Univers, nos prophètes sont garants pour nous! Mais il leur répondit: Je peux découvrir en eux aussi des motifs d'accusation. Ils dirent finalement: Nos fils seront nos garants. Alors Dieu répondit: En vérité, ceux-ci sont de sûrs garants; pour l'amour de vos enfants, je vous donnerai la Thora.5 »
Pour mériter une telle confiance, pour être digne de la tâche qui lui est confiée, l'enfant juif doit être conscient, pénétré de ses devoirs de fils, d'homme, de citoyen. Avant tout, il doit à ses parents respect et obéissance, le « Kibboud Av va-Em » sanctionné par le 5e commandement qui est le principe fondamental de toutes les lois humaines et l'un des éléments essentiels de la Loi divine. La traduction donnée habituellement de ce commandement: « Honore ton père et ta mère » ne rend pas pleinement, comme le disait Rav Prato, le sens du verbe « Kabbed » qui comprend en même temps les notions d'honneur, de respect, de vénération, d'amour et de louange, concepts qui ne sont pas synonymes mais qui, chacun, ont leur signification propre et justifient les diverses obligations des enfants selon l'interprétation rabbinique. Voilà quel est l'enseignement de nos maîtres: « L'obligation du Kibboud Av va Em ne cesse pas même avec la mort des parents; pendant leur vie, il exige que les enfants ne s'asseyent pas à leur place, ne parlent pas avant eux, ne les contredisent pas, ne les interrompent pas lorsqu'ils parlent. Lorsqu'ils sont vieux, le devoir des enfants est de les prendre complètement en charge, de les servir à table, les nourrir, les vêtir, les chausser, les soutenir s'ils vont tomber, les guider lorsqu'ils sortent, et cela toujours de bon coeur et l'air joyeux. Ils doivent leur parler avec douceur et vénération, leur consacrer tout leur temps. Même si leurs parents ont été des pécheurs incorrigibles, les enfants ne doivent ni les maltraiter, ni les maudire, ni les humilier. Leur mémoire doit leur être chère et sacrée, et s'ils parlent d'eux après leur mort, il leur faut dire: mon père (ou ma mère) vénéré, de sainte mémoire ».6
La Bible qui, en tant que norme de vie, prévoit toutes les éventualités, prévoit aussi celle d'un fils « dévoyé et indocile, qui ne veut écouter ni la voix de son père ni celle de sa mère ». Elle poursuit: « Alors ils se saisiront de lui et l'amèneront dehors aux anciens de la villa.. Alors tous ses concitoyens le lapideront jusqu'à ce que mort s'en suive... » (Deut. 21,18-21). D'après l'interprétation juridique des Talmudistes, il est clair que ce passage doit être compris comme un terrible avertissement plutôt que comme une peine à appliquer réellement. Bien avant nos jours, dans leur interprétation de la phrase: « il n'écoute pas notre voix », ceux-ci nous donnent une leçon d'éducation familiale, adoptant ce principe, si juste, de l'identité de vues des éducateurs dans l'enseignement, principe qui est actuellement à la base de toutes les méthodes modernes d'éducation. Les Sages du Talmud expliquent, en effet, que le mot voix au singulier, indique bien que les voix du père et de la mère doivent se faire entendre à l'unisson et que, si les enseignements du père et de la mère ne concordent pas,
c'est à eux que devront être imputés les actes erronés de l'enfant, et celui-ci ne pourra pas être tenu pour responsable de sa mauvaise conduite.
Par une vigilance intelligente et affectueuse, de justes corrections et une sage influence, les parents peuvent répondre à l'intention de la Bible, non pas en amenant devant les juges un enfant rebelle, mais en faisant en sorte qu'il soit inutile de recourir à ces mesures extrêmes. Les enfants rebelles sont en fait le fruit de familles brisées ou perturbées, tandis que l'atmosphère sereine du foyer assure la croissance harmonieuse des enfants qui s'y trouvent bien insérés. La valeur de la vie familiale traditionnelle du judaïsme se trouve confirmée par le taux relativement bas de délinquance juvénile dans les communautés juives, du moins jusqu'à l'époque moderne et à la totale émancipation. Les Sages établiront en fait que: « Jamais il n'a existé et jamais il n'existera un cas semblable à celui du fils rebelle » (7)
Chalom ha Baït - Une maison de paix (8)
La notion de Paix est chère aux juifs: chez eux, l'expression traditionnelle pour décrire le bonheur familial est « Chalom ha Baït », une maison de paix. C'est par ce même mot « Chalom » que l'on salue un hôte, un ami, une personne connue rencontrée dans la rue. C'est cette paix qui, à plus forte raison, doit caractériser une maison où règne la Présence divine, maison qui fut toujours pour le juif comme un petit sanctuaire, et qui ne peut être édifiée que par la fidélité à l'observance des préceptes religieux et par la qualité des relations interpersonnelles.
Il n'est pas facile d'établir une atmosphère de sérénité, de paix et d'amour entre personnes au caractère bien déterminé, aux habitudes différentes, issues de familles éloignées n'ayant ni les mêmes coutumes, ni les mêmes usages, ni les mêmes traditions; entre des per. sonnes de générations différentes, ayant leurs aspirations et leurs droits propres, leurs propres exigences à affirmer ou à défendre. En fait le Chalom ha Bali n'est pas un état idyllique, et même si cela parait paradoxal, le vrai Chalom se rencontre justement là où les personnes diffèrent à bien des points de vue dans leur comportement, leurs aspirations, leurs désirs; là où l'amour ne naît pas spontanément et où la colère est prompte à se manifester; c'est là qu'est mis à l'épreuve le véritable désir de faire la paix. Celui qui réellement aime et désire la paix fait tout pour l'obtenir; et même lorsqu'on le provoque, il résiste à la tentation de réagir avec violence ou de se quereller, et il exerce un contrôle sur lui-même qui lui permet de rétablir une atmosphère de sérénité et de résoudre pacifiquement les désaccords. S'il est partout difficile de maintenir la paix, il est encore plus difficile de la maintenir dans sa propre famille.
Mordechal le Juste, chef du Sanhédrin, était appelé: le plus grand parmi les juifs après le roi » et il était aimé et respecté de tout le peuple; mais ce qui faisait vraiment sa grandeur, c'est que disait-on: « il savait établir la paix entre tous ses enfants ». Comme on le sait, les enfants ne sont pas tous semblables, ni tous également réceptifs aux paroles de leur père. En général, nous sommes humainement portés à nous sentir plus proches de ceux qui sont plus obéissants ou plus semblables à nous dans leur comportement; mais établir des rapports de paix, de compréhension et d'amour justement avec ceux qui échappent le plus, qui sont différents ou qui rejettent les conseils paternels, voilà qui est beaucoup plus difficile, et c'est en cela que consiste le Chalom ha Bah! Tels sont les préceptes de la Bible et les enseignements de nos maîtres. Ils savaient que garder le contrôle de soi-même est difficile, et qu'il est tout aussi difficile d'enseigner à se conduire dans la vie; qu'il n'est pas facile d'éduquer des enfants, de vivre en société, de remplir ses devoirs envers l'Etat et envers son peuple comme envers toute l'humanité. Tout cela est très difficile, mais on peut tout affronter, tout dépasser dans une volonté sincère de paix. Le foyer établi ainsi sur la vérité et sur la paix peut être la pierre fondamentale du peuple et d'un monde plus juste et meilleur.
La vie religieuse de la famille
La vie familiale traditionnelle, de par sa nature, permet aux parents de passer beaucoup de temps avec leurs enfants. Le Chabbat ou les fêtes (qui rappellent, à peu près toutes, les événements de l'histoire juive) sont des jours qu'on désire et qu'on attend avec la plus vive impatience, parce qu'ils sont réellement l'occasion d'une expérience familiale à laquelle chacun participe et contribue directement. C'est, en effet, une caractéristique des fêtes juives de permettre à la famille de se réunir dans une atmosphère de joie, de cette joie saine et réconfortante qui élève l'âme vers Dieu, comme il est dit en Dent. 16,11: «Tu te réjouiras en présence du Seigneur ton Dieu... toi, ton fils et ta fille... ».
L'observance des fêtes en famille est, sans aucun doute, pour les enfants l'expérience éducative essentielle. Les gestes rituels, exécutés et répétés par les parents selon la tradition, sont un exemple pour les petits qui sont plus sensibles à cet enseignement vivant qu'à celui des livres. L'habitude de la prière, des diverses bénédictions récitées sur la nourriture et sur chacun des actes de la vie quotidienne, l'observance de la Kachrout et la pureté rituelle, toutes ces observances, outre leur valeur intrinsèque, contribuent à développer chez l'enfant le respect de Dieu, ce qui est finalement le but ultime de l'éducation.
Dès ses premières années, le garçon accompagne son père à la synagogue où il apprend à connaître les rites, les prières et les mélodies traditionnelles. Les filles récitent avec leur mère la bénédiction des bougies du Chabbat, l'aident à préparer les aliments, apprenant les lois de la Kachrout en même temps que la confection des plats traditionnels de la cuisine juive. Le « Kiddouch », qui est la cérémonie de consécration du Chabbat et des fêtes, donne aux membres de la famille réunis l'occasion d'être heureux de se retrouver. La Pâque est le moment le plus typique, le point culminant de l'année pour cette expérience éducative familiale: lors de sa célébration, la longue préparation, puis la participation directe à la cérémonie du Seder suscitent l'intérêt des enfants, même encore tout-petits.
Mais c'est le Chabbat, hôte vraiment désiré et aimé, qui, tel un messager du ciel, confère à la famille, à la maison, joie et sérénité. Don ineffable, véritable réconfort et soutien dans les dures épreuves de la vie, ce jour auquel nous devons peut-être la survie du peuple juif à tant de souffrances, tant d'humiliations, a été décrit par le regretté Rabbin Prato dans les termes suivants: « Voici que disparaissent les préoccupations journalières, que se font oublier les luttes de la vie; tout a pris un joyeux air de fête dans la maison, même la plus humble et la plus pauvre. Tout reluit de propreté, même si ce n'est pas le luxe; sous la lumière inhabituelle de la lampe du Chabbat, une table est servie, non pas avec recherche peut-être, mais avec goût. Il n'en faut pas plus pour réjouir et rasséréner le coeur. Les enfants s'empressent d'incliner la tête sous la main paternelle qui les bénit. Dans cette atmosphère de paix et de chaude tendresse, le chef de la famille se sent devenir un autre homme, il s'élève au-dessus des misères du monde, il devient accessible aux plus généreuses inspirations, plus fort en même temps que plus heureux. De ce bonheur, sa famille autour de lui est une image vivante, car il perçoit, à cet instant, que règne vraiment dans la maison fi « Rouach ha Chem », l'Esprit de Dieu qui, avec lui, a oeuvré pour la création de ses enfants ».° La malédiction que le prophète Balaam était appelé par un roi envieux à prononcer contre Israël se transforma dans sa bouche en cette expression admirable, devenue par la suite proverbiale: « Que tes tentes sont belles, Jacob! et tes demeures, Israël! » (Nbres 24,5). L'accent mis constamment sur l'importance du foyer, en tant que cellule sociale, pour la transmission des vertus familiales et religieuses, a permis à la famille juive de se maintenir, au long des siècles, à la hauteur de l'exclamation de Balaam, et de devenir le facteur essentiel de survie pour le judaïsme. La force des liens familiaux, le sens de la considération et des responsabilités mutuelles, a fait de la famille un rempart capable de résister, au long des siècles de son histoire, à toutes les pressions, tant de l'intérieur que de l'extérieur.
Certes, à notre époque de bien-être accru et de progrès technologique, la cohésion de la famille semble aller se désagrégeant et perdre sa position centrale dans la vie des individus; cependant le souvenir que nous gardons et cette habitude atavique que nous avons d'observer des préceptes et des traditions qui ont, pendant tant de siècles, conservé à la famille une pureté et une stabilité incomparables, peuvent encore de nos jours nous permettre de faire face aux tensions de la vie et nous conserver cette atmosphère de joie et de sérénité caractéristique du foyer juif. Comme l'a écrit David Philipson: « Dans les ruelles étroites du vieux quartier juif de tant de petites villes européennes, s'est développée cette admirable vie familiale juive dont l'histoire est bien rarement évoquée et qui, cependant, a dépassé en importance bien d'autres événements ou calamités rapportés par les historiens. Et si nous jetons un oeil dans ces pauvres maisons, l'aspect extérieur si misérable semble s'évanouir, tandis que resplendissent d'une vive lumière, empreintes de joie, d'amour et d'un sens religieux inébranlable, ces scènes familiales brillant comme des lampes éternelles, qui nous découvrent en même temps comment, en dépit de la douleur et des misères dont est jonché, plus que tout autre, le destin de ce peuple, les juifs ont trouvé la force de vivre et d'espérer encore pour le lendemain ».(10)
Diplômée de l'Université de Rome, Professeur de Lettres, mère de 3 enfants, Chef du département culturel de la Wizo pour l'Italie centrale et méridionale.
1. Dante Lattes: Aspetti e Problemi dell'Ebraismo, Borla èed., Torino 1970, p. 326.
2. A.E. Kirov: The Jew and His Home, Shengold éd., New York 1976, P. 31.
3. Isaac Abrahams, cité par Hertz A Book of Jewish Thougts, p. 198.
4. M. Avot 4,20.
5. Shir. 1,4, cité par Louis Ginzberg: The Legends of the Jews, Jewish Publication Society, Philadelphie 1968, vol. III, p. 89.
6. David Prato: Il Decalogo, Israel éd., Firenze 1930 (rééd. 1974), p. 79.
7. Tosef ta San. 11,6.
8. Le terme de Chalom est beaucoup plus riche de sens que notre terme français de Paix. Il s'agit ici de cette sorte de paix qui caractérise plus particulièrement une maison.
9. Prato, op. cit., p. 88.
10. D. Philipson (1862-1949). Rabbin Réformé américain d'origine allemande, auteur de: The Adam Movement in futiaism, Macmillan éd., New York 1907. Sa pensée est discutée par Hertz dans op. cit., p. 10.