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Revista SIDIC XXII - 1989/3
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Un Carmel à Auschwitz - A propos d'un document publié récemment par l'Eglise polonaise
Stanislaw Krajewski

 

Par delà la crise, une nouvelle rencontre

L'établissement d'un couvent de carmélites à Auschwitz, dans l'ancien théâtre où était entreposé le gaz cyclone B, a profondément heurté le monde juif qui considère le camp d'Auschwitz comme le symbole même de la Shoa, le «lieu» de la catastrophe juive. De cette Shoa, le Pape affirmait tout récemment: «De toutes ces mesures anti-humaines, il en est une qui demeure à jamais une honte pour l'humanité: la barbarie planifiée qui s'est acharnée contre le peuple juif». (cf. Lettre apostolique pour le 50e anniversaire de la Ile Guerre mondiale, 27.8.1989).

Du fait que n'a pas été tenu l'engagement pris par quatre cardinaux de l'Église catholique en présence de délégués du judaïsme mondial, de transférer le couvent avant février 1989, nous avons vécu ces derniers mois une grande crise dans les relations entre catholiques et juifs, et l'on a pu craindre même la suspension totale du dialogue entamé au cours des 25 dernières années. L'affaire a rencontré de nombreux échos dans la presse Internationale. Mals voilà que l'intervention du Vatican, le 19 septembre dernier, et la décision prise par les cardinaux Glemp et Macharski de respecter les accords de Genève font luire l'espérance d'une nouvelle rencontre. Songeant à la longue histoire des relations entre nos deux traditions, quelqu'un a dit: «Juifs et chrétiens regardent les mêmes événements d'un pointde vue différent». On pourrait peut-être dire cela aussi de la maniere dont nombre de Polonais et de Juifs regardent Auschwitz. La véritable rencontre exige que chacun puisse comprendre le point de vue de l'autre. Alors seulement peut s'établir une communauté de fol qui respecte la différence. Polonais et Juifs... Nous avons les uns et les autres, chrétiens ou juifs, à écouter, à partager nos expériences afin de découvrir ensemble la volonté de Dieu qui est un appel continuel à se dépasser pour comprendre autrui.

L'article de Stanisla w Krajewski, qui est un juif polonais travaillant à l'Institut de mathématiques de Varsovie, pourra peut-être aider dans cette ligne de la compréhension mutuelle.


Un document sur le couvent d'Auschwitz, écrit par Mgr Stanislaw Musial, S.J., secrétaire de la Commission de l'épiscopat polonais pour le dialogue avec le judaïsme, a été publié dans le bulletin officiel de l'épiscopat polonais du 29 mai-4 juin 1989.1 Ce document a la forme d'un article intitulé «Les soeurs carmélites peuvent-elles prier à Auschwitz?» et doit être considéré comme représentatif de la position de la Commission et, par extension, de celle de l'Église polonaise elleméme.2 H faut savoir, cependant, que cette position qui vise avant tout à défendre l'ensemble des accords de Genève du 22 février 1987, a rencontré pas mal d'opposition de la part de la hiérarchie, et encore plus de la part des fidèles. Cette lettre s'adresse d'abord aux catholiques polonais. Considérant les choses selon mon optique propre de juif polonais, je vais signaler ici les points abordés par Mgr Musial en essayant en même temps d'expliquer au lecteur occidental, qui n'est pas nécessairement juif, les divers points de vue qui constituent l'arrière-fond de ce conflit.

Avant d'examiner le document, je voudrais mettre en lumière cetrtaines différences entre la manière polonaise et la manière occidentale de percevoir la situation:

A. Pour nous, en Pologne, Auschwitz est le symbole du martyre des Polonais sous le régime nazi.

Naturellement il représente pour moi à la fois ce symbole et aussi celui de la Shoa, tragédie sans précédent. La plupart des Polonais ne reconnaissent pas le caractère exceptionnel du programme d'élimination du peuple juif et ne comprennent pas bien, ou même ignorent totalement, la signification d'Auschwitz pour les juifs. C'est un fait historique: les Nazis ont tenté d'anéantir la nation polonaise. Ils ne se sont pas contentés de faire régner une terreur sanglante, mais ils ont entrepris le massacre des élites en Pologne et la destruction de la culture polonaise. Le camp d'Auschwitz a servi aussi ce dessein et, pendant les deux premières années de son existence, cela fut sa fonction essentielle.

La conscience qu'ont les Polonais d'avoir été les seconds sur la liste nazie des peuples à anéantir explique la différence qui suit, B, entre le point de vue polonais et celui des Occidentaux.

B. Les Polonais se sentent, du fait d'une souffrance commune, plus étroitement liés aux Juifs qu'aux Allemands, pourtant chrétiens.

La Deuxième Guerre mondiale, qu'on appelle en Pologne «la guerre», est un élément constitutif de nos vies, de la mémoire de chaque famille, et cela de façon bien plus réelle et concrète qu'en France, en Belgique, en Angleterre et, à plus forte raison, qu'aux Etats-Unis. Bien plus, tout le monde est conscient du massacre des juifs. Bon nombre, sinon la plupart des enfants polonais visitent avec leur école le camp d'Auschwitz. De là, la différence suivante, C, entre l'arrière-fond de pensée des Polonais et celui des Occidentaux par rapport au conflit d'Auschwitz.

C. Il est impensable de trouver en Pologne des «historiens révisionnistes», déniant la réalité historique des chambres à gaz.

Ce ne sont pas seulement des catholiques polonais qui ont souffert sous l'occupation nazie, mais c'est aussi l'Église de Pologne. Il y eut, par exemple, des prêtresparmi les internés à Auschwitz. L'Eglise eut de plus à souffrir après la guerre, affrontant pour le moins de sévères mesures discriminatoires. De là, une quatrième différence dans la manière de percevoir la situation.

D. En Pologne, l'Église catholique n'est pas seulement représentative de la religion, elle l'est aussi de la résistance au totalitarisme communiste tentant d'éliminer la religion de la vie publique.

Le document (écrit par Mgr S. Mu-sial) pose d'abord la question: pourquoi une telle controverse à propos de la présence silencieuse de religieuses, «volontairement prisonnières», qui désirent, en priant en ce lieu, conserver le souvenir d'une telle tragédie? Cela exprime, je crois, le sentiment de sincère surprise universellement éprouvé en Pologne: en quoi cela offense-t-il les juifs?

Le document note que la Shoa a été une «nouveauté» dans l'histoire du mal. Plus qu'un génocide, cela signifiait que la sentence de mort était automatiquement appliquée à tous les juifs; et, pour les juifs, Auschwitz est devenu le symbole de cette Shoa. La réalité du rôle (joué par ce camp) est illustrée par les chiffres cités par Mgr Mu-sial, qui s'appuie sur les travaux de Georges Wellers et de Danuta Czech. Si on considère l'ensemble des trois sections qui composent ce camp, c'est-à-dire Auschwitz I, Auschwitz II-Birkenau (conçu initialement comme un camp pour militaires prisonniers de guerre),3 et les camps secondaires d'Auschwitz III, 1.600.000 personnes ont passé par là, dont 1.433.000 juifs et 143.000 catholiques polonais.° La grande majorité y ont trouvé la mort, les juifs à peu près tous dans les chambres à gaz. Je pense que les chiffres cités ici vont être une véritable révélation pour la plupart des Polonais, qui ne soupçonnent tout simplement pas que plus de 90% des victimes d'Auschwitz furent des juifs.5 Le document fait aussi mention de victimes de 26 nations, autres que juives et polonaises. Cela pourrait porter à confusion s'il n'était par. ailleurs affirmé explicitement que 91% de l'ensemble des victimes étaient juives. Cela, il est impossible de s'en rendre compte en visitant le musée d'Auschwitz (même si, récemment, j'ai entendu l'un des guides commencer la visite par cette information); mais dans le document que nous présentons ici, l'Église s'associe à nous pour faire connaître cette réalité.°

Le document aborde le fait que, généralement parlant, les juifs ont été massacrés à Birkenau et les Polonais à Auschwitz I. Cela signifie pour certains que les juifs ne peuvent prétendre avoir une relation spéciale au «Stammlager», Auschwitz I. Je pense que Birkenau, ou Treblinka qui est un camp de la mort (ne comportant pas aussi un camp de concentration au sens plus large), où 800.000 juifs au moins furent massacrés, serait préférable comme symbole de la Shoa. Mais en fait, c'est Auschwitz qui est ce symbole et Mgr Musial souligne que cela est tout à fait naturel et que personne ne peut rien y changer, car Auschwitz a acquis ce titre spontanément (cela lentement, non pas immédiatement après la guerre) et non par décision d'une quelconque autorité. Il fait remarquer aussi que Auschwitz était un vaste ensemble qui ne devrait pas être divisé. Le document rappelle, de plus, que le bâtiment de l'ancien théâtre, où est situé actuellement le couvent, servait très probablement d'entrepôt pour le Cyclone B, le gaz utilisé dans les chambres à gaz de Birkenau.

Je crois que si Auschwitz est devenu le symbole de la Shoa, cela est dû surtout au fait que des milliers de personnes ont survécu à ce camp (à la différence d'autres camps de la mort) et qu'il y avait parmi elles des écrivains de talent. Les symboles sont sacrés, écrit Mgr Musial. Si nous voulons, poursuit-il, que d'autres reconnaissent Auschwitz comme un symbole du martyre de la Pologne (ce qui nous renvoie au point A.), nous devons être accueillants à ce que les autres ressentent devant ce lieu. Je suis sûr que celte argumentation est valable dans les deux sens? Et je ne vois pas pourquoi on devrait considérer les deux symbolismes comme en état de conflit. Ils peuvent bien coexister; mais pour découvrir comment, il nous faut dialoguer.
D'après notre document, les organisations juives n'ont pas été consultées avant l'installation du couvent parce que:
• ce n'était pas l'habitude de le faire,
• au début des années 80, les contacts extérieurs étaient limités (sous la loi martiale),
• les institutions juives de Pologne n'avaient pas réagi.

Si bien que, et là est le noeud du problème, l'Église était convaincue que les juifs seraient heureux et reconnaissants pour cette nouvelle initiative visant à honorer les victimes d'Auschwitz.8 Je dois ajouter que l'Église avait tenté depuis plusieurs années d'obtenir des autorités gouvernementales la permission d'établir là un couvent. Ceci doit être compris à la lumière du point D.: Pourquoi divers gouvernements pouvaient-ils prendre leur part dans la commémoraison des victimes et l'Église en était-elle exclue? Et rappelons que parmi les divers pavillons nationaux, il y en a un aménagé par l'Allemagne de l'Est, que les juifs ne sont presque jamais mentionnés et que l'association des anciens prisonniers se trouve dominée par celle des prisonniers politiques communistes.

Le document rappelle comment a grandi l'opposition des juifs au couvent: celle-ci s'était manifestée d'abord en Belgique après la publication d'un feuillet triomphaliste par l'organisation «Église en détresse (où il était question de «la conversion de frères égarés•). Cet appel, cependant, avait été rendu public sans qu'on ait consulté ni les religieuses carmélites, ni l'Église polonaise en général. Cela est à l'origine des deux rencontres de Genève: l'une en juillet 1986, l'autre en février 1987. L'Église se rendit compte que les juifs étaient à peu près universellement opposés à ce couvent. Le document offre un sommaire des arguments juifs, et cela à l'intention du clergé et des laïcs polonais. Selon ce sommaire, premièrement les juifs rappellent le souvenir de leurs martyrs dans le silence, sans beaucoup de signes symboliques, tandis que les catholiques construisent des chapelles, mettent des croix et des fleurs. En particulier, les juifs refusent d'habiter en un lieu où le sang, et spécialement un sang innocent, a été versé. Deuxièmement, les juifs

craignent qu'un prolifération de signes catholiques n'ouvre la voie à une «christianisation» d'Auschwitz. Dans quelques générations, plus personne ne se souviendra que des juifs ont été massacrés là. Pendant des années, la participation juive au martyre d'Auschwitz a été ignorée; aussi ne devrait-on pas s'étonner, ajoute le document, si les juifs refusent l'intention exprimée par les soeurs de perpétuer le souvenir de la souffrance juive en ce lieu. Il est absurde d'imaginer, comme ont tendance à le faire beaucoup de juifs occidentaux, une conspiration des catholiques polonais visant à éliminer le souvenir du massacre de juifs sur le sol polonais.

Cela est absurde et, ajouterais-je, c'est aussi injuste. Le clergé polonais, il est vrai, ainsi qu'une grande majorité des Polonais se sont engagés dans une triste compétition pour être reconnus comme étant ceux qui ont le plus souffert. Cependant le fait même de la Shoa, l'extermination des juifs, est évident pour tous en Pologne (voir C. ci-dessus). Et il semble que ceux qui ont tenté d'introduire des commémoraisons religieuses, ce qui signifie pour eux «catholiques•, à Auschwitz ou en d'autres lieux ayant rapport à la Shoa sont en même temps ceux qui sont le plus sensibles à la réalité juive de la tragédie. Même s'ils ne comprennent pas bien ce que ressentent les juifs, ils désirent participer à la lutte pour garder vivante la mémoire éternelle de la Shoa. Après tout, ce sont les autorités séculières qui, pendant des dizaines d'années, ont oblitéré l'aspect juif d'Auschwitz.

Le document essaie de faire comprendre ce qui est à l'arrière-plan de l'attitude juive. A la racine du problème, il y a l'attitude envers la croix. On y explique, par exemple, que la croix et les institutions qui la proclament évoquent, pour les juifs, les persécutions. Les tensions au sujet du couvent sont la conséquence ultime d'une incompréhension due à des façons différentes d'interpréter le symbole de la croix. L'humilité et «l'amour de la croix du Christ» suggèrent que le couvent devrait être déplacé. Mgr Musial ajoute que la présence d'une croix à côté de l'ancien théâtre où était situé le couvent est hors de discussion: celle-ci marque l'emplacement où furent fusillés des Polonais dans la première période de l'existence de ce camp, et elle constitue «le symbole minimum» pour les Polonais.

D'autres différences entre l'attitude religieuse des juifs et celle des chrétiens sont présentées comme significatives: premièrement, pour les juifs la souffrance signifie toujours l'obscurité, tandis qu'elle comporte toujours pour les chrétiens la lumière de la Résurrection. De ce fait, les pénitences volontaires que font les religieuses carmélites par mortification sont incompréhensibles pour les juifs. Même s'il y a là, je pense, quelque chose d'exact, cette affirmation simplificatrice semble fondée sur la méconnaissance de la tradition juive de la mortification, telle qu'elle se manifeste par exemple les jours de jeûne. Deuxièmement, selon Mgr Musial, «beaucoup» de juifs sont contre toute forme de prière de supplication, tandis que les chrétiens prient pour les vivants et pour les morts. Là encore, je crois qu'il s'agit d'une simplification excessive et que l'auteur (de cette lettre) semble ne pas connaître les prières de supplication de la tradition juive («El malé rahamim» en est un clair exemple). Troisièmement, les juifs pleurent les victimes mais, à la différence des chrétiens, ils ne prient jamais pour les bourreaux; non par esprit de vengeance, ajoute le document, mais parce que les juifs remettent tout à Dieu. Mgr Musial souligne que les chrétiens ne veulent pas limiter le champ de leurs prières, mais il manifeste de la compréhension pour la crainte exprimée par les juifs qu'en faisant pénitence pour les auteurs de crimes, on ne contribue à ce qu'il appelle «la banalisation du mal ».

Prendre en considération le point de vue juif ne signifie pas décourager la prière, continue le document. Même des juifs non religieux ne sont pas opposés à ce qu'on prie à Auschwitz. Nous avons été témoins, ces dernières années, de pèlerinages communs, avec des rabbins et des évêques priant à Auschwitz.9 C'est la prière institutionnalisée qui heurte les juifs; et c'est cela qui a été interdit par les accords de Genève, qu'il s'agisse d'une église, d'un couvent ou d'une synagogue.

Le document affirme que la décision prise de déplacer le couvent, en dépit de motifs patriotiques aussi bien chrétiens que polonais, est le résultat d'un dialogue avec les juifs. Cela a semblé à certains trop unilatéral: les catholiques seuls faisaient des concessions. Cela montre, souligne Mgr Musial, la sincérité de la partie chrétienne, «l'esprit d'amour et de respect de l'autre»; et, en fait, la partie juive a signé l'accord en y intégrant le point de vue de l'autre partie. Par exemple, dans le texte de l'accord, la référence au martyre de la Pologne revient trois fois, à côté de celle faite à la Shoa(ce dont il faut saisir le sens à la lumière des points A. et B.). Et il est particulièrement significatif dans la controverse au sujet du couvent que, selon l'accord, le lieu où s'installeront les carmélites sera partie intégrante du Centre d'information, d'éducation, de rencontre et de prière. Cela signifie que le Centre ne sera pas simplement une nouvelle salle d'exposition ou bibliothèque, ou un nouvel institut d'études historiques, mais qu'il sera un lieu de dialogue d'une signification particulière.

L'accord de Genève stipulait que le Centre serait construit d'ici deux ans. Cela n'a pas été réalisé. Selon le document, cela était «irréaliste», particulièrement dans les conditions où se trouve la Pologne. Je suis sûr que cette remarque est juste; mais je ne suis pas sûr que tout ait été fait pour satisfaire aux exigences.

Il me semble qu'on a passé plus de temps à convaincre l'Église de Pologne qu'au projet actuel de construction. Il est probable que les reproches faits récemment par les juifs, parce que rien n'avait changé après deux ans, ont poussé la Commission pour le dialogue avec le judaïsme à rédiger le document. Celui-ci réaffirme que pacte sunt servanda et que le couvent sera déplacé. Il souligne que cela ne pourra être fait que lorsque le Centre sera prêt. Accepter de déplacer une institution catholique aux statuts légaux à cause de ce que ressentent les juifs est une décision historique, sans précédent dans l'Église de Pologne ou d'ailleurs. Cela, remarque Mgr Musial, ne semble pas être vraiment compris dans les cercles juifs qui tentent d'obtenir de force une réinstallation temporaire du couvent. De plus, répondant à la question (de certains chrétiens), il affirme qu'il n'y a pas dans le christianisme de «contrainte» venant des lieux. Renoncer à un lieu où a été plantée la croix n'est pas trahir le Christ.

Le document ajoute: dans l'accord de Genève, le couvent était lié au Centre. Il n'est que juste de maintenir ce lien. Les limites de temps sont de moindre importance. Ce qui suggère que le seul moyen de faire accepter l'accord par le peuple polonais est de leur taire comprendre que «les carmélites sont et resteront à Auschwitz».

Il me semble très heureux qu'aGenève l'opposition des juifs à ce couvent soit passée du «rejet» une conception positive. Il est très regrettable que la construction du Centre soit appelée à prendre beaucoup plus de temps que cela n'avait été prévu dans l'accord. Je pense cependant qu'il ne serait pas bon de retourner aux positions initiales et de rejeter toute implication chrétienne. Nous avons besoin de la collaboration de personnes de bonne volonté. Il y a, dans cette affaire, d'autres aspects dont les juifs devraient se préoccuper: par exemple le monument érigé à Birkenau, sans aucun signe juif, me parait inacceptable; les sections juives des diverses expositions d'Auschwitz I et les pages consacrées aux juifs dans les guides qui y sont vendus, si elles ont le mérite d'exister, sont beaucoup trop brèves. Il me semble que, pour des questions de ce genre, Mgr Musial ainsi que d'autres personnes ayant contribué ce document pourront être de notre côté.

Notes
1. auto Prasowe Episkopatu Polaki: Pismo ()keine, Ni 22/89/1110. L'article de Mgr Stanislaw Musial, S.J., intitulé: iiczy Siostry Karmelitanki moga modlic sie w Oswiecimiu?» se trouve aux pages 13-22.
2. Je sais qu'il est vraiment représentatif, non seulement parce qu'il a été publié dans l'organe de presse officiel, mais aussi parce que j'ai assisté à la présentation qu'en a fait Mgr Musial en présence de Mgr Muszynski, président de la Commission, lors d'une récente conférence juifs/chrétiens l'Académie de théologie catholique de Varsovie, le 6 juin 1989. Je désire souligner que cet article a été écrit de ma propre initiative, sans que j'aie requis l'accord et encore moins l'approbation de qui que ce soit.
3. Il est très regrettable que le Professeur Ady Steg, dans le discours qu'il a fait à Genève en juillet 1986 (cf. Christian Jewish Relations 19, NI° 3, 47-51), ait affirmé que si des non-juifs avaient trouvé la mort là, c'était «un cas où les non-juifs avaient été soumis à des mesures prises en vue de la solution finale» et que «en vérité, Auschwitz avec ses chambres à gaz et ses fours crématoires avait été conçu, construit et utilisé seulement pour l'extermination des juifs» (p. 48-49). Il semble ignorer les faits que je viens de mentionner. Le camp a existé, avec une majorité de prisonniers polonais, un an et demi déjà avant la conférence de Wannsee. Nous n'avons pas à déformer l'histoire pour justifier la revendication d'Auschwitz par les juifs.
4. A ce propos, il est vraiment troublant de constater que le nombre total des victimes d'Auschwitz varie entre 1,6 millions et 4 millions. Mgr Musial cite les chiffres qu'on estime les plus bas, tandis que les commémoraisons officielles citent habituellement les plus élevés. C'est dommage, non pas parce qu'il est impossible d'établir des proportions, mais parce que la différence entre les chiffres contribue à donner des doutes sur la véracité du camp dans son ensemble, et qu'elle peut être exploitée par des «révisionnistes», en dehors de la Pologne (voir
C. ci-dessus).Le peu de connaissance que l'on a du caractère juif de la Shoa a pu être constaté chez le Primat de Pologne, le cardinal Glemp: après avoir parlé de 6 millions de victimes de guerre polonaises, il ajoutait, en réponse à une question: «Si vous pouvez établir le nombre de celles qui, parmi ces victimes, étaient d'origine juive, cela pourrait être pris en considération, (Zycle Warszawy du 26 février 1987). Malheureusement, ni lui ni ses secrétaires n'ont jugé nécessaire d'ajouter qu'il n'est pasdifficile d'établir qu'apeu prés 3 millions de juifs polonais ont été massacrés.
5. Une des différences entre le sort réservé aux juifs et celui réservé aux aryens n'est pas mentionnée dans le document: c'est que les convois juifs étaient immédiatement envoyés à la mon et que les autres juifs, relativement peu nombreux, restés prisonniers avec leur numéro tatoué (sur le bras) étaient des «privilégiés» qui, aux côtés des prisonniers non-juifs, se trouvaient devoir affronter la Mort.
6. Le manque de connaissance du fait A. est illustré aussi par les affirmations du Professeur Steg. II déclare: -(II n'y a rien d'essentiel dans le choix d'Auschwitz; il y a, ce qui est tragique, tant de lieux qui pourraient devenir un né-niellai du massacre de non-juifs polonais et russes» (op. cit. p. 49). Mis à part le fait que le couvent avait pour objectif la prière pour toutes les victimes, il est clair que le Prof. Step ne soupçonnait pas que Auschwitz pût avoir une autre signification Symbolique religieuse.
7. Nous avons une claire illustration de la naïveté des prêtres dans l'appel de fonds en vue de la construction d'une chapelle commémorative à Sobibor, publié dans le journal juif de Varsovie Folks Stimme en février 1984, peu avant que le couvent d'Auschwitz ne soit inauguré.
8. Rabbi Laon Klenicki, de l'ADL des Bnai Brith, dans une «réflexion priante» sur sa participation au •Catholic-Jewish Tyniec Conférence», en 1988. a écrit: A Auschwitz «ensemble, nous avons prié, et cette prière était l'expression de notre espérance pour l'avenir des juifs et des catholiques en Pologne» (Stuc' ium Papers NQ 2, avril 1989, p. 73; c'est une revue publiée chez Ann Arbor, Michigan, USA).

 

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