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Je ne sais pas parler ... (Sr. Dominique de la Maisonneuve)

21/07/2010: Maison générale - Rome

 

Chapitre général  Rome

Mercredi 21 juillet 2010

 

Réflexion biblique  

Jérémie1, 1. 4-10

 

 

Bonjour

Et merci de me donner cette occasion de partager avec vous notre nourriture quotidienne : la Parole de Dieu

Une manière pour moi de dire à la Congrégation que vous représentez la reconnaissance que je lui garde de m’avoir permis d’étudier à Jérusalem et d’étudier longtemps ;

Je reconnais volontiers que les juifs m’ont annoncé Jésus-Christ

Mais ce n’est pas mon sujet

 

Je voudrais simplement réfléchir sur la lecture du jour puisque l’Église nous mesure notre nourriture dans la liturgie


 

 

 

Introduction :

 

Aujourd’hui nous commençons un nouveau livre : le livre de Jérémie

Plus qu’un commencement, c’est un recommencement

Car Dieu ne cesse de nous dire les mêmes choses

Mais comme nous sommes durs d’oreille et de cœur

il choisit des interprètes différents 

et aujourd’hui c’est Jérémie

un homme qui a une famille : sacerdotale

qui vit dans un lieu précis : Anatot dans le territoire de Benjamin

dans un contexte historique délimité : sous le roi Josias et ses fils / déportation à Babylone

 

Nous pouvons appliquer cela à notre situation d’aujourd’hui à Sion : à un moment précis de notre histoire, dans un lieu déterminé, la Parole de Dieu nous est adressée par telle ou telle personne

 

1èrepartie :

À D. qui lui annonce sa vocation : Je t’ai établi prophète des nations 

Jérémie répond : Je ne sais pas parler

 

Je ne sais pas parler...

Qu’est-ce à dire ?

 Puisque Jérémie répond, c’est qu’il sait parler !

 

Je ne sais pas parler... peut avoir plusieurs sens :

  • une réelle ignorance : Je ne sais pas l’espagnol… je ne sais pas piloter un avion... et beaucoup d’autres choses encore que nous ne savons pas et sans doute ne saurons jamais…

mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit puisque, en répondant, Jérémie montre qu’il sait parler !

 

Demandons-nous ce que nous voulons dire lorsque nous disons : Je ne sais pas

Parfois cela traduit une certaine paresse : je ne veux pas faire l’effort de chercher à répondre...

  • et assez souvent :
    • une peur : c’est la réponse de celui qui est pris à témoin dans un accident par exemple et qui a peur des conséquences s’il s’engage : il n’a pas du tout envie d’être mêlé au procès : Je ne sais pas le dégage de toute responsabilité
    • une fuite devant une tâche, un travail... (ce qui sous-entend : Je ne sais pas et je ne veux pas savoir ! )

 

Le Je ne sais pas de Jérémie est visiblement de cet ordre puisque D. lui dit : N’aie pas peur…

Mais de quoi Jérémie a-t-il peur ?

 

Ce sera l’objet de ma 2èmepartie :

 

Le peuple d’Israël traverse une période extrêmement grave qui va aboutir à l’exil.

Le peuple est très éloigné de la Tora,

en annonçant le D. UN et UNIQUE, Jérémie propose de rompre avec les habitudes, les modes de penser de son époque et cela peut lui coûter cher !

D. lui dit en effet :     Aujourd’huije t’établis...

                                   Pour arracher et renverser,

                                   Pour exterminer et démolir

                                   Pour bâtir et planter

 

Il y a en effet un ordre politico-religieux … à démolir :

4 verbes pour signifier la difficulté de cette démolition :

Arracher, renverser, exterminer, démolir

Cela ne va pas lui faire des amis… (Jésus dira plus tard : Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre… ?)

Condition nécessaire pour instaurer un ordre nouveau, pour bâtir

(Je voudrais ici rappeler que, dans la Bible, le négatif précède très souvent le positif : je prendrai un exemple simple : Le psaume 1 qui nous enseigne la première béatitude : Heureux l’homme…

Ce psaume commence par ce qu’il ne faut pas faire : demander conseil aux méchants, prendre le chemin des pécheurs, vivre avec ceux qui ne prennent pas la vie au sérieux

et seulement ensuite est exprimée la béatitude : murmurer la Tora jour et nuit

 

Qu’apprenons-nous de cela ?

Pour bâtir du nouveau, il faut d’abord démolir…

 

Mission impossible ?

Mais la Parole de D. est efficace : J’ai placé mes paroles en ta bouche... pour ... démolir... et pour bâtir... c’est déjà fait : J’ai placé et non : je placerai 

 

3èmepartie :

En quoi cela nous concerne-t-il ?

 

À Sion, nous sommes appelées à être prophète des nations sur un point très particulier : témoigner de la fidélité de l’amour de Dieu envers le peuple juif

etaux promesses… révélées… pour toute l’humanité

Etc’est-à-dire que la deuxième partie de la phrase est subordonnée à la première : comment annoncer à l’humanité que Dieu est fidèle dans son amour pour tous les hommes si nous ne fondons cette promesse sur une réalité  

 

Or ce témoignage va à l’encontre de ce que pense le monde,

à l’encontre du comportement des nations, particulièrement aujourd’hui

à l’encontre souvent de ce que pense l’Église, même 40 ans après

Vatican II... (D. a choisi Israël autrefois… ce n’est plus vrai aujourd’hui : vous voyez bien !)

 

Quelle injure nous faisons à Dieu !

 

Pourtant c’est pour annoncer que D. aime le peuple juif d’un amour indéfectible

 que la Congrégation, donc chacune de nous, a été établie prophète des nations

Le ‘risque’ existe : comme Jérémie nous sommes établies pour démolir, arracher, détruire… les idées reçues, la désinformation, un antisémitisme toujours prêt à resurgir…

Notre vocation lie notre cause, c’est-à-dire établit un lien entre nous et le peuple juif : il est donc normal que nous participions un peu aux souffrances que le monde – les nations - lui inflige. (P. Desbois)

 

Il y a des domaines où n’avons-nous pas le droit de dire : Je ne sais pas 

 

 1 -  a) - Il faut connaître la Bible dans son ensemble – avec son esprit, son intelligence :

cette histoire d’amour entre Dieu et son peuple,

histoire qui, à l’image de tout amour humain, comporte des moments de tendresse,

de tension,

de rupture même

Amour indéfectible de Dieu qui 248 x dans le Premier Testament l’appelle: « mon peuple » : même là où il exprime sa colère devant le péché… : le veau d’or par exemple : Je vais les exterminer… (Ex 32, 9)

 

b) - Connaître la Bible avec son coeur

Fais de l’étude de la Tora ton occupation principale(Avot I, 15)

Une occupation quotidienne – comme une nourriture : Tes paroles je les dévorais (Jr 15, 16)

Car la Tora est aussi indispensable à l’être humain que l’eau pour le corps

Il y a, dans la racine du verbe  yada’ - savoir, connaître - un relent, une connotation d’amour Car la connaissance conduit à l’amour... (St Augustin)

Connaître D. est la finalité de l’homme ! un autre nom de l’amour

En effet on étudie avec l’esprit mais aussi avec le cœur : (cf. Prière de Salomon citée dans la messe d’adieu de Rosalie).

 

Nous disons avoir une spiritualité biblique ?

Oraison à Sion ne devrait-elle pas être une rumination de la Parole de D.

J’ai placé mes paroles dans ta bouche

 

2 – Il s’agit de théologie : Nous n’avons pas le droit de dire : je ne sais pas lorsqu’il s’agit de situer le peuple juif dans le projet de salut de Dieu

la venue de Jésus n’a fait que confirmer ce choix

 

Cela me semble faire partie de la formation indispensable de toute sœur de Sion, ne serait-ce qu’à un niveau élémentaire.

 

3 - Il est un troisième point plus délicat pour lequel il me semble qu’une sœur de Sion ne peut répondre : Je ne sais pas…

Je veux parler de la connaissance du peuple juif vivant aujourd’hui

C’est un des aspects du mystère de l’amour de Dieu pour Israël, de la fidélité de cet amour que la permanence du peuple juif malgré tous les essais de solution finale… depuis l’Égypte .

 

Nous avons le devoir de savoir ce qui le concerne : son histoire, sa vie quotidienne qui ne fait qu’un avec sa vie de foi, son art de vivre, ses luttes, ses aspirations...

Car c’est à travers cette histoire que nous pouvons lire la fidélité de l’amour de Dieu.

 

Cela exige une étude continuelle

Une certaine manière d’utiliser les medias,

Une certaine manière d’exercer son jugement …

 

Apprendre comment dire – comment rendre compte de cet amour de prédilection de D. pour son peuple

Cela exige souvent, presque toujours, du courage,

- pour démolir les préjugés chez les non-juifs

- à l’égard des juifs pour dénoncer si l’amitié le permet, fraternellement, ce qui nous paraît ne pas être en accord avec cet amour de Dieu, ce qui, parfois, le trahit.

Je suis consciente de parler à partir de l’Europe, un continent qui a une histoire conflictuelle avec les juifs (je parle aussi un peu de Jérusalem où certains juifs acceptent de nous, sœurs de Sion, ce qu’ils considèrent comme des marques d’amitié : avec ses amis on peut, on doit être vrai…

Ce dernier point est plus délicat dans les pays où il y a peu (pas ?) de juifs, dans les parties du monde dont l’histoire s’est déroulée en dehors du peuple juif,

Plus encore dans les pays où, aujourd’hui, le peuple juif est un ennemi politique…

 

Conclusion :

A -Le drame de notre monde c’est que en vérité il ne sait pas, il ne connaît pas Dieu parce qu’il ne connaît pas la Tora

Et parce qu’il ne connaît pas la Tora, il n’a plus le sens du mal (péché) 

Notre monde ne sait pas... ne sait pas où il va ...

Apprendre aux autres à savoir, à connaître, leur donner les moyens de l’étude :

alphabétisation, éducation de toutes sortes.

On ne peut prendre en charge toute la misère du monde,  mais au moins, seulement… la part qui correspond à notre vocation : éducation au savoir de la Tora : Rabbi Tarfon (IIèmes. de notre ère) disait : On ne te demande pas de faire tout le travail, mais seulement de t’y engager… (Avot, 2,)

Dans ce domaine nous n’avons pas le droit de ne pas savoir : Ne dis pas je suis un enfant... je ne suis pas assez intelligente... je ne suis pas une intellectuelle...

Devant une responsabilité : Je ne sais pas... est synonyme de ‘fuite’.

La non-connaissance conduit au péché : veau d’or…

 

B -L’étude de la Parole de D. nous transforme

Elle modèle en nous l’image de D. « connaître D. »

Selon Ps 73, 22 : ne pas savoir est le fait de la bête...

 

Nous habitons un monde où on n’étudie plus mais où on interroge les ordinateurs... et cela ne convertit pas !

 

 En post-conclusion, j’ajouterai que, en français-belge…je ne sais pas signifie « je ne peux pas » : Ex. Je ne sais pas dormir en avion signifie je ne peux pas dormir en avion.

S’il nous arrivait, pour quelque raison que ce soit, de penser : Je ne sais pas (aimer le peuple juif) c’est-à-dire : Je ne peux pas l’aimer…

Dieu là encore nous dit : Ne t’inquiète pas… N’aie pas peur ; Je suis avec toi, je t’apprendrai à le faire :

 De cela aussi j’ai l’expérience…

 

 

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