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Catéchèse, chemin pour devenir disciple (Sr. Ivete Holthmam).18/07/2010: Maison générale - Rome
Catéchèse, chemin pour devenir disciple
La source de tout processus de foi est la Parole de Dieu. Nous pourrions nous demander : Comment faire pour que ceux que nous catéchisons en viennent à expérimenter la connaissance du Seigneur et soient capables d’assumer leur propre foi. C’est un long processus qui comprend l’écoute de la Parole de Dieu à travers les catéchistes et sous d’autres formes dans le domaine de la théologie, de la foi. En plus, cela requiert de la personne beaucoup de persévérance.
Pour mieux comprendre ce processus, nous présentons ici l’une des plus lumineuses histoires bibliques dont le but est précisément d’illustrer le cheminement d’une personne jusqu’à sa propre expérience religieuse, sa rencontre d’adulte avec Dieu.
1 Samuel 3, 1 -10
Cette partie du livre de Samuel, si on la lit en connaissant la grave crise religieuse qui sévit à la fin de la vie d’Eli, homme de Dieu et prophète, présente la passation de l’autorité aux mains de Samuel. Pour traiter de la préparation, de la formation qui permettra à Samuel d’assumer cette fonction d’autorité religieuse au milieu du peuple, l’auteur de cette histoire se sert du modèle maître/disciple, modèle qu’on pourraitvérifier dans d’autres parties de l’Ecriture.
Voici le texte:
(4) Le Seigneur appela : « Samuel, Samuel! » Il répondit: « Me voici! » (5) et il courut près d’Eli et dit : « Me voici, puisque tu m’as appelé. » – « Je ne t’ai pas appelé, dit Eli, retourne te coucher. » Il alla se coucher. (6) Le Seigneur recommença d’appeler : « Samuel, Samuel !»Il se leva et allaprès d’Eli etdit : « Me voici, puisque tu m’as appelé. »– « Je ne t’ai pas appelé, mon fils; retourne te coucher.» (7) Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée. (8) Le Seigneur recommença d’appeler Samuel pour la troisième fois. Il se leva et alla près d’Eli et dit : « Me voici, puisque tu m’as appelé. »Alors Eli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant (9) et il dit à Samuel: Va te coucher et, si on t’appelle, tu diras : « Parle, Seigneur, car ton serviteur ( heb.: abad) écoute », et Samuel alla se coucher à sa place. (10) Le Seigneur vint et se tint présent. Il appela comme les autres fois : « Samuel, Samuel !», et Samuel répondit : « Parle, car ton serviteur ( Heb. Abad) écoute.»
La relation maître/disciple se manifeste tout de suite au commencement de la narration « Le jeune Samuel servait donc le Seigneur en présence d’Eli.»Le verbe employé ici “servait” ( sharet) est un verbe technique, un verbe qu’on emploie pour parler du service que le disciple rend à son maître. L’Ecriture présente le disciple comme serviteur du maître. Cest ainsi que Josué est appelé «le serviteur ( mesharet) de Moïse »( Ex. 24, 13: 33, 11). L’ídéal est de servir le Seigneur en présence du Seigneur. Cependant, Samuel sert le Seigneur en présence d’Eli. Il n’est pas encore arrivé à la maturité pour comprendre qu’on doit servir le Seigneur en présence du Seigneur. Nous sommes alors en face d’une relation maître/disciple, ce qui est devenu fondamental pour le NT. Les quatre Evangiles vont parler de cette relation, et le verbe employé est toujours le verbe “servir”. Samuel sert le Seigneur en présence d’Eli. Il est disciple d’Eli, et Eli est son maître. Quelle est la tâche d’Eli ? Préparer Samuel pour qu’il parvienne à une autonomie religieuse et puisse servir le Seigneur en présence du Seigneur. Dans le langage aujourd'hui, nous dirions qu`Eli est le catéchiste et Samuel, celui qui est catéchisé.
Etant le maître, catéchiste de Samuel, qu’est-ce qu’il doit faire ? Sa tâche est de passer à son disciple toute l’histoire, la culture, la tradition, les coutumes pour que Samuel puisse arriver à la maturité religieuse, ce qui adviendra quand il s’identifiera à tous ces facteurs. C’est là la formation, c’est là la catéchèse, c’est là le chemin du disciple. Et L’histoire continue : « En ce temps-là il était rare que le Seigneur parlât. » Le fait que le Seigneur parle peu, sur un plan théologique, veut dire crise. Il y a un problème de relation entre Dieu et le peuple, ça veut dire infidélité. La même chose arrive quand il y a une crise entre personnes, la tendance est de se fermer. C’est la condition humaine. L’auteur se sert du même modèle pour parler de la relation communauté/divinité. On n’entendait plus la voix du Seigneur, et en conséquence « les visions n’étaient pas fréquentes », la vision de Dieu n’arrivait qu’occasionnellement. Cela aussi veut dire crise. Le récit continue en disant : « les yeux d’Eli commençaient de faiblir. » C’est naturel que l’homme âgé ait de la difficulté à voir. Mais ce n’est pas cela que l’auteur veut dire. Il ne s’agit pas d’un problème de vision. Eli est un homme de Dieu, un prêtre, celui qui, au milieu d’Israël, représente la religion. S’il commence à devenir aveugle, l’auteur veut dire qu’Eli commence à entrer dans un aveuglement spirituel, dans le domaine de la théologie, dans le domaine de la foi. C’est-à-dire: la relation entre Dieu et le peuple ne va pas bien. La vie religieuse d’Israël est fragile. Voici une autre figure pour présenter le problème: «La lampe de Dieu n’était pas encore éteinte.» C’est une lampe vacillante, faible, presqu’à la fin. La Parole ne fait pas partie de la vie, la dynamique des valeurs est déficiente. Cependant, il y a toujours une petite flamme qui brûle dans le coeur de la communauté, il y a toujours quelqu’un ayant foi, espérance. Dans ce contexte va entrer en scène celui que va mettre de l’huile dans cette lampe. Mettre une nouvelle mèche dans la lampe va faire que la Parole de Dieu illumine la réalité actuelle et continue d’agir au milieu du peuple. Indépendamment de la crise, Eli exerce encore sa fonction de maître, puisqu’il doit former son successeur. On a besoin d’un nouveau leader.
Samuel était disciple, apprenti, il habitait avec son maître dans le sanctuaire. Ses parents l’avaient conduit jusque-là dès qu’il avait été sevré. Sa mère, Anne, était stérile, lorsqu’elle était allée en pèlerinage à Silo où elle avait prié le Seigneur, lui demandant un enfant. Si Dieu l’écoutait, si Dieu lui donnait un fils, elle le consacrerait au service du Seigneur pour toute la vie. Et c’est pour cela que Samuel fut confié aux soins d’Eli, prêtre du sanctuaire. C’est pourquoi l’auteur dit: «Samuel était couché dans le sanctuaire du Seigneur, là où se trouvait l’arche de Dieu. » Donc, en présence de ce Dieu qui l’appelle trois fois.
Premier appel La première foi, Samuel « courut près d’Eli et dit : “Me voici, puisque tu m’as appelé” - “Je ne t’ai pas appelé, dit Eli, retourne te coucher.” » A vrai dire, c’est Dieu qui l’appelle, cependant il entend la voix du maître. Qu’est-ce que l’auteur est en train de montrer? Que la voix de Dieu passe par la voix du maître ou de nos parents, éducateurs, catéchistes, etc. Il veut dire que tout ce que Samuel a comme religion, théologie, catéchèse, vient de son maître. Des années et des années d’écoute, de partage, de service. Là est le chemin qui le conduira à l’indépendance, à l’autonomie religieuse à partir de laquelle il en viendra à entendre la voix de Dieu. C’est la préparation par laquelle il doit passer.
Deuxième appel La deuxième fois qu’il entend l’appel de Dieu, c’est la même chose qui arrive, en l’écoutant, « il courut près d’Eli et il dit : “Me voici, puisque tu m’as appelé.” Et Eli répondit : “Je ne t’ai pas appelé, retourne te coucher.” » Immédiatement après, l’auteur explique pourquoi le jeune homme court vers son maître : « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur. La Parole de Dieu ne lui avait pas encore été révélée. » Est-il possible que tout en étant au service de Dieu il ne le connaisse pas encore ? Il ne le connaissait que par ouï-dire, comme Job (42, 5), mais il n’avait pas encore fait son expérience personnelle, sa rencontre adulte avec Dieu.
Troisième appel Pour la troisième fois Dieu l’appelle, il se dirige vers son maître : « Me voici, puisque tu m’as appelé. » Cette fois Eli lui dit : « Va te coucher et si on t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute.” » C’est ici le moment exact où Samuel va faire la distinction entre la voix qu’il a toujours entendue pendant la formation, dans la catéchèse, et la voix que dorénavant il va entendre, la voix divine. Il faut rappeler que l’histoire commence avec le verbe « servir » (sharet) qui signifie le service qu’on rend à un maître, et finit avec le mot « serviteur » (abad) qui a aussi à voir avec « servir » mais c’est un mot qu’on n’utilise que pour le service de Dieu. Maintenant, il ne « sert » (sharet) plus à travers quelqu’un, mais il « sert » (avad) directement le Seigneur. Tout cela pour dire que pendant notre vie, tout ce que nous savons de religion et théologie, nous l’entendons et le recevons de nos maîtres et maîtresses : père, mère, professeur, grand-père, grand-mère, catéchiste, pasteur, prêtre... L’enfant, l’adolescent croit à travers les adultes, à travers ceux et celles qui le catéchisent. Le passage se fera peu à peu au cours de la vie, lors d’une formation continue, une étude, un approfondissement de la foi, de la religion. A partir de là commence un mûrissement dans la relation avec le divin. Suivre n’est pas entendre ou lire sur la foi. Au contraire, ce qui importe, c’est que, pendant le processus d’apprentissage, il y ait quelque chose qui va peu à peu être assumé comme faisant partie de la personne elle-même ; c’est une transformation qui vient de l’intérieur. Alors nous pouvons dire que la personne commence à lire les Ecritures divines sur des tables humaines.
Disciple dans la tradition juive
Dans le même esprit que l’histoire de Samuel, nous allons approfondir la notion de disciple, et spécialement la relation maître/disciple dans le judaïsme de l’époque du deuxième Temple. Tout d’abord, il faut affirmer que la formation de disciple existait déjà, avant l’époque du ministère terrestre de Jésus. Plusieurs siècles avant son incarnation en ce monde, il y avait des maîtres qui formaient des disciples, influençaient la vie d’autres par leurs instructions. Cela existait chez les Grecs, les Juifs, les Chinois et dans d’autres cultures anciennes. Plusieurs de ces maîtres refusaient l’emploi du mot « maître » quand ils parlaient d’eux-mêmes ou des disciples, leurs élèves, puisque le lien entre eux était très intime. Nous voyons que « les pharisiens et leurs disciples appelaient leurs maîtres « sages » et, entre eux, ils se disaient « disciples des Sages » (Talmud). Jésus lui-même va dire : « Ne vous faites pas appeler “ Rabbi”, car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères » (Mt 23, 8). Une attention plus large au Nouveau Testament et à la tradition juive révèle que « disciple » implique une liaison plus profonde avec le « maître », que ce que nous pourrions imaginer à partir de l’usage actuel des mots « élève » et « étudiant ». La relation qui se crée entre maître et disciple n’est pas seulement liée à l’étude de la Parole de Dieu mais comprend un contact personnel, et il y a une participation effective et affective de chacun à la vie de l’autre.
Le disciple ne se sent pas seulement aux pieds du maître pour apprendre de lui la Torah. En vérité il se compromet avec l’enseignement du maître. Etre disciple veut dire non seulement écoute du maître mais aussi acceptation, dévouement exclusif, attachement aussi bien à l’enseignement qu’au style de vie du maître. Nous nous rappelons ici l’attitude de Samuel, qui, entendant l’appel, répond immédiatement. Il est à son service, jour et nuit.
Plus largement, tout ce que le disciple apprend du maître fait partie de la culture du peuple. Alors, il faudrait ajouter des mots tels que « adepte » ou « apprenti » pour que nous puissions mieux comprendre le sens de « disciple ». Quelle doit être l’attitude du disciple ? Il doit être en tout d’accord avec son maître. Il doit observer chaque pas, chaque geste de son maître. La façon dont il parle, chemine, fait les gestes, se tient à table - comment il se sert, traite les gens, sa sobriété - puisque le maître est quelqu’un qui concrétise l’idéal d’une vie en société : culture, langue, habitudes, coutumes, etc. Le disciple est toujours devant son maître, le regarde et est regardé par lui, le connaît et est connu de lui. Il l’assimile de telle manière qu’il peut reproduire tous ses gestes et enseignements. Il s’agit d’années et d’années vécues ensemble, de partage, de vie commune. C’est à travers tout cela que la théologie s’introduit.
En plus de cela, on exige que le disciple ne s’éloigne jamais de son maître, selon ce que dit l’Evangile : « Où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12, 26). Si c’est nécessaire, il peut même désobéir, mais jamais le quitter. C’est ce que nous voyons dans l’histoire d’Elie et d’Elisée. Montrer qu’Elisée est un vrai disciple d’Elie exige qu’Elie dise trois fois la même phrase à Elisée, ne changeant que de lieu. Il s’agit d’un test ; la phrase est la suivante : « Elisée, reste donc ici car le Seigneur ne m’envoie qu’à.... » (2 R 2, 2.4.6). Ll’ordre donné apparemment, porte l’autorité de Dieu - « Le Seigneur m’a envoyé... » Obéir ou pas obéir ? Apparemment, on s’attend à ce qu’Elisée obéisse et ne suive pas Elie. Mais, dans ce cas, il serait séparé de son maître, ce qu’on ne peut admettre dans la relation maître/disciple – c’est pourquoi il doit désobéir à l’ordre et suivre son maître. La suite du texte le montre, cela arrive trois fois : v. 2.4.6. La même chose, redites trois fois, a une conclusion indiscutable. Voyons ce qu’Elisée répond : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu vis toi-même, je ne te quitterai pas » (2 R 2, 5). Cela doit être nécessairement la réponse du disciple. Le vrai disciple demeure avec son maître jusqu’à la fin, il ne s’éloigne de lui aucunement, puisqu’il est convaincu que l’enseignement du maître vient de Dieu. Et ici, il est bon de rappeler le disciple aimé de l’Evangile qui reste avec Jésus jusqu’au dernier moment de sa vie (cf Jn 19, 26). Elisée est un disciple. Il sait que rester serait faux, et désobéir est correct, puisqu’en aucun cas un disciple ne s’éloigne de son maître. Le maître est celui qui instruit, qui dirige, qui corrige, qui explique tout ce qu’il a appris lui-même quand il était disciple, y ajoutant, naturellement, du fait de son propre développement. « Ainsi donc, tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux » (Mt 13, 52). Toute la théologie du peuple est avec le maître et doit être transmise à la nouvelle génération. La relation maître/disciple assure la continuité de la tradition. Et cette continuité se manifeste par la fidélité à l’ancien et par l’habileté à faire sortir des choses nouvelles de l’ancien. « La fidélité religieuse du disciple à l’enseignement du maître est garant de conservation authentique et facteur de renouveau légitime, laquelle se fait à travers l’exégèse » (Pierre Lenhardt). Cela ne signifie pas que le disciple, devenu maître, va être une reproduction du maître, comme son clone ; il va aussi faire des choses que le maître n’a pas faites, il va voir ce que le maître n’a pas vu. C’est ça que nous appelons inovation. L’Evangile de Jean dit : celui qui fait ce que j’ordonne, ou si vous êtes vraiment mes disciples, vous ferez, vous aussi, les oeuvres que je fais, vous en ferez même de plus grandes (cf. Mt 21, 21 ; Jn 14, 12). La relation qui s’établit entre eux est celle d’un père et de son enfant. Les maîtres éducateurs de la foi doivent être vénérés comme père et mère, qui donnent la vie physique qui vient de Dieu. De même que nous ne recevons la vie que de nos parents, de même nous ne pouvons recevoir la Parole de Dieu que des maîtres qui la transmettent. D’où le besoin de former de nouveaux disciples pour ne pas rompre la chaîne de transmission.
Disciples dans le NT
La relation maître/disciple dans le NT suit, dans son fondement, le même schéma que dans le judaïsme, comme quelque chose qui rend différent le disciple. Il ne s’agit pas seulement de suivre Jésus, le maître de Nazareth quand les hagiographes des Evangiles font de la catéchèse. Ce qu’ils veulent enseigner, c’est comment être disciples de Jésus Christ, le Fils de Dieu. Dans un premier temps, on voit Jésus appelant ses disciples pour être avec Lui, suivre ses pas, faire son chemin. Demeurer avec le Maître, comme nous l’avons déjà vu, est condition indispensable pour être disciple. Etre avec Lui est le point de départ d’une connaissance intime, et il n’est connu que dans la mesure où il est imité. Suivre Jésus, c’est s’identifier avec ses attitudes, avec son esprit, avec ses valeurs, c’est l’imiter en toutes choses. Paul dit : « Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Il assimile tellement la personne du Maître qu’il est capable d’affirmer cela. Poussé par la foi et par l’amour, le disciple ne devrait le laisser à aucun moment. Est-ce cela qui est arrivé avec les disciples de Jésus ? Voyons quelques exemples. Pierre qui apparaît comme leader est toujours en train de douter ou d’avoir des attitudes qui ne sont pas celles d’un vrai disciple. « Pierre lui répondit : “Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux” » (Mt 14, 28). Pierre doute « Si c’est bien toi ». Ce doute montre à quel point Pierre doit encore cheminer pour être un véritable disciple. Il est faible dans la foi, il plonge. Comme Israël dans le désert, il a besoin de se soumettre à plusieurs épreuves, il a besoin d’affronter le processus de croissance d’un adolescent avant de devenir un imitateur adulte de Jésus Christ. Quand Jésus explique qu’Il doit aller à Jérusalem pour souffrir, Pierre veut détourner les pas de Jésus, mais c’est Jésus lui-même que le réprimande : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mt 16, 21-23). Il serait vraiment un disciple mûr dans la foi s’il s’était mis du côté de son maître. Il est humain, il est en train d’apprendre. Dans un autre passage, il veut être récompensé : « Eh bien ! Nous, nous avons tout quitté et nous t’avons suivi. Quelle sera donc notre part ? » (Mt 19, 27). Il ne comprend pas la gratuité, le service du Royaume. Quand Jésus lui lave les pieds, il veut s’y soustraire. Il juge selon les normes humaines. Cependant le geste de Jésus établit pour les disciples la capacité et le devoir d’imiter le Seigneur. La condition de disciple doit nécessairement être semblable à celle de Jésus, conduisant l’individu au don de sa propre vie au service de ses frères. Pierre ne comprend pas. Il dit qu’il va être fidèle jusqu’à la fin, il affirme : « Dusse-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas » (Mt 26, 35). Mais il fuit quand son maître est pris, « et tous les disciples en dirent autant » et ils s’enfuirent eux aussi. En tout cas nous pouvons voir dans la figure de Pierre tous les disciples, nous-mêmes aujourd’hui. Comme nous l’avons dit précédemment, l’unique vrai disciple est montré dans l’Evangile de Jean quand il parle du disciple bien-aimé. Pourquoi ? Parce qu’il n’abandonna pas son maître, il alla jusqu’à la fin, il arrive au pied de la croix et poursuit sa mission. Voyons la figure de Thomas dans l’Evangile de Jean : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment en connaîtrions-nous le chemin ? » (14, 5). C’est le type de question que ne peut poser que celui qui ne comprend pas et qui est en train d’apprendre. Le vrai disciple doit savoir tout sur son maître, le connaître à fond. Dans ce cas, Thomas apprend de son maître, et pourtant, Jésus répond : « Je suis le chemin. » Le chemin, c’est suivre Jésus. Ensuite apparaît Philippe, disant : « Seigneur, montre-nous le Père. » Et Jésus demande : « Comment… montre-nous le Père ?… Voilà si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas ? » (14, 9). Ce sont des questions qui peuvent surgir avec quiconque se met sur ce chemin avec Jésus. C’est en cheminant qu’on apprend, en tombant et en se relevant. Le disciple ne sera prêt qu’au moment où il saura dire : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 9).
Faire un chemin
C’est dans ce chemin qu’Israël est entré quand il a décidé de sortir de l’esclavage et de servir le Seigneur. Israël a appris à servir le Seigneur sur les chemins du désert. C’est Dieu lui-même qui le dirige, le conduit, l’oriente ; c’est la colonne de nuée pendant le jour et la colonne de feu pendant la nuit, éléments qui symbolisent la présence de Dieu. Une seule certitude : Il chemine avec nous. Le chemin, ou les chemins de Dieu montrent ainsi son activité libératrice (Ps 67, 3) ou de manière plus générale, la façon d’agir de Dieu (Ps 25,10 ; 145, 17). Les difficultés ne sont pas vaines, elles servent précisément à ce que le disciple mette sa confiance uniquement en Lui et en aucun autre. L’épreuve est un des éléments qui conduisent à la confiance. Dieu lui-même explique : « Souviens-toi des marches que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver, et de connaître le fond de ton coeur : allais-tu garder ou non ses commandements ? » Plus tard, la réflexion de l’AT va dire que « marcher dans les chemins du Seigneur » signifie agir selon la volonté de Dieu, révélée dans ses commandements et prescriptions. Dans les Evangiles, la notion de « chemin » est intimement associée à celle de « suite ». Le disciple doit être à la suite de Jésus. Dans son sens ordinaire, « suivre » veut dire se maintenir derrière quelqu’un, faire le même chemin. De ce sens on passe facilement au sens figuratif. Puisque le « chemin » est figure de conduite, de façon de procéder, en conséquence « suivre Jésus » veut dire être disciple, et le vrai disciple est celui qui écoute la Parole, l’accueille et la met en pratique (Mt 7, 25ss ; Luc 11, 27-28).
Pendant que le peuple faisait le parcours du désert, il était élevé par la Parole, la condition pour un chemin de disciple est la connaissance et l’enchantement pour la Parole de Dieu. Dans l’ouverture de la VeConférence, le pape disait : « Il est nécessaire d’élever le peuple à travers la lecture et la méditation de la Parole de Dieu. » Etre disciple, c’est fréquenter l’école de Jésus, et son école est basée sur la Parole de Dieu (247). « Les disciples, instruits à l’école de Jésus, laissent tout pour trouver tout ; ils se dépouillent pour se revêtir de Jésus Christ » (P. Théodore). L’attitude de celui qui est catéchisé est faite d’écoute et d’assimilation. Ecoute de la Parole de Dieu expliquée, interprétée, mâchée par son catéchiste, son maître. Ecouter, en hébreu, se dit : « shema », ce verbe ne signifie seulement entendre avec l’oreille, mais aussi l’entendement, la foi du coeur. Ecouter suppose garder la Parole dans la mémoire du coeur de façon que cette Parole déjà entendue murisse, croisse jusqu’à ce que Dieu révèle sa signification. Dans ce chemin catéchétique, le disciple écoute, intériorise et entre dans le processus de conversion. Pour que cela arrive, nous avons besoin de disciples qui sont déjà dans l’école de la Parole et se sentent envoyés pour être maîtres de la Parole. La Torah divine, la Parole objective de Dieu qui se révèle n’est connue que parce que les hommes qui l’ont reçue l’ont transmise et la transmettent encore dans la relation maître/disciple (Pierre Lenhardt). C’est ce que dit saint Paul : « Comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment l’entendre sans prédicateur ? Ainsi la foi naît de la prédication et de cette prédication la Parole du Christ est l’instrument » (Rm 10, 14.17). Rappelons-nous que l’idée de « croire » vient de la racine hébraïque qui signifie exercer. Le sens fondamental est l’exercice pour la foi. Tout au long de l’exercice, la personne acquiert l’expérience d’une relation vécue dans la confiance, la foi. Le catéchiste a la responsabilité d’être vraiment disciple, de vivre la Parole de Dieu dans sa bouche et dans son coeur, avant de la transmettre. Il ne prêche pas lui-même mais Jésus Christ, en étant fidèle à la Parole et à l’intégrité de son message (cf. DNC 27). La tâche de la catéchèse est de permettre à tous d’accéder à une compréhension claire et profonde de tout ce que Dieu a voulu nous transmettre par la Tradition et l’Ecriture. Pour cela, on a besoin de disciples bien formés à l’école de la Parole. Dieu, à travers la catéchèse, continue à parler à son peuple. Faire une catéchèse d’inspiration biblique implique fidélité aux enseignements de la Bible et de l’Eglise, c’est-à-dire, toute la Tradition. Transmettre de manière intégrale la Parole, sans coupures ou omissions. Le message catéchistique doit être fondé sur la Bible ; notre réalité et notre aujourd’hui doivent être illuminés par elle. De même la sainte liturgie, puisqu’en elle se manifeste la Parole de Dieu (cf. DNC, 112). Quel que soit le ministère que nous entreprenons, l’essentiel est de suivre Jésus Maître puisque « être disciple, c’est un don qui doit grandir » (DA 291), c’est un chemin qu’on fait petit à petit et qui n’a pas de fin ; personne ne peut dire qu’il est un chrétien achevé. « La catéchèse ne doit pas être occasionnelle, réduite à la préparation aux sacrements ou à l’initiation chrétienne, mais bien « un cheminement catéchistique permanent » (Benoit XVI).
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