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Les communautés juives dans des pays d'Europe centrale et orientale aujourd'hui
Gruber, Ruth Ellen
Ce très bref aperçu sur des communautés juives dans quelques pays d’Europe centrale et orientale aujourd’hui se réfère au livre de Ruth Ellen Gruber, Jewish Heritage Travel : A Guide to East-Central Europe (Un voyage à travers l’héritage juif : Guide pour l’Europe centrale et orientale) (1999) ainsi que sur des rapports qui nous ont été aimablement communiqués par Lisa Palmieri-Billig, représentante de l’Anti-Defamation League en Italie, en coopération avec Marta Halpert du bureau pour l’Europe centrale et orientale de l’ADL à Vienne (Autriche) sur la situation en 1997.
On sait la place qu’ont tenue les communautés juives d’Europe centrale dans la vie du judaïsme mondial. C’est là que pour des siècles a battu le cœur du judaïsme. Tant de familles juives ont là leurs racines. Là était le foyer de millions de juifs, qu’ils y aient vécu dans la plus grande pauvreté, dans une relative ou grande prospérité, religieux ou assimilés, qu’ils ont exercé une influence culturelle et intellectuelle sans laquelle l’Europe ne serait pas ce qu’elle est.
Des millions ont laissé là leur vie dans l’horrible catastrophe de la Shoa.
Aujourd’hui, dans ces pays d’Europe centrale et orientale, mise à part la Fédération de Russie, les juifs restants ne sont plus qu’un poignée. Dans quelques endroits on trouve des synagogues, restaurées ou en voie de l’être ou même rebâties ; des cimetières et des musées montrent la riche histoire de la société juive d’antan. Mais on trouve aussi des communautés juives, minuscules certes, qui, cependant ne manquent pas de courage et d’enthousiasme. Ouvriraient-elles de nouvelles fenêtres à un judaïsme qui se revitalise dans ces sociétés en transition ? Ces courts aperçus pourraient en témoigner.
Bulgarie (1)
Sous le régime communiste, la vie religieuse des juifs en Bulgarie n’a guère pu exister. Presque toutes les synagogues ont été soit démolies, soit converties à un autre usage. Les juifs n’ont pas été persécutés, mais ils ont été considérés plutôt comme un groupe ethnique qu’un groupe religieux. Des organisations juives ont existé, mais elles étaient plutôt de nature culturelle que religieuse.
Ce ne fut pas sans difficultés que de nouvelles institutions juives ont vu le jour durant cette période de transition démocratique, qui ne fut pas exempte de mouvements de xénophobie, de nationalisme extrémiste et d’antisémitisme. Le principal effort de la communauté s’est porté sur le développement de l’éducation juive. Dans le même temps, il a fallu reconstruire la vie religieuse du judaïsme bulgare, concevoir des projets culturels, scientifiques et éditoriaux ; établir et développer un vaste programme social. Tout cela n’a été possible que grâce au support de la communauté juive internationale. Les efforts se sont portés sur l’éducation des enfants, la santé, et l’établissement d’un système de soins sociaux. Et ceci tant à Sofia que dans les provinces, à Plovdiv, à Russé, à Pajardjik. Pour la jeunesse, plusieurs écoles juives et une école du dimanche ont été ouvertes et sont devenues une référence pour l’identité juive et un refuge naturel devant l’intolérance sociale. La grande synagogue de Sofia a été restaurée récemment.
République tchèque(2)
Dans la République tchèque, fondée en 1918, les juifs ont contribué fortement au développement culturel et économique. Au moment de l’instauration du régime communiste en 1948, des juifs ont été parmi les dirigeants du parti communiste, ce qui a favorisé des sentiments antisémites dans la population. Lorsque dans les premières années de la décennie 1950, l’antisémitisme devint une doctrine officielle, des juifs furent démis de leur travail, arrêtés, condamnés à de lourds travaux, voir exécutés. Durant le bref printemps de Prague, en 1968, il y eut un essai pour renverser ce cours des choses, mais l’invasion soviétique et le rétablissement du régime communiste anéantirent ces espoirs. Après la révolution de velours en 1989-1990, la vie juive a quelque peu refleuri ; principalement à Prague, à Bratislava, à Kosice, les seules villes où l’on peut trouver une communauté juive de quelque importance.
Les jeunes juifs, en particulier, se sont réappropriés leur héritage culturel. Les relations diplomatiques avec Israël, interrompues au moment de la guerre des Six jours ont été rétablies et le président Vaclav Havel fut le premier des chefs de gouvernement des pays d’Europe centrale et orientale à se rendre en Israël. La renaissance de la vie juive a continué après la séparation de la Tchécoslovaquie en deux pays indépendants. Depuis 1993, le rabbinat a été rétabli à Prague, et des activités culturelles, et religieuses y existent. Le racisme vient seulement d’être découvert dans la République tchèque. Le régime communiste avait supprimé les explosions racistes, non sans avoir, en même temps, exploité quelquefois le racisme subconscient de la population, selon la devise : diviser pour régner. En 1996, le gouvernement a déclaré que tous les crimes à tonalité raciste devront être jugés comme tels.
Slovaquie (3)
De 1989 à 1993, la Slovaquie a fait encore partie de la République tchèque. Elle n’a été qu’un Etat par la grâce de Hitler entre 1939 et 1945. La question nationale est vive en Slovaquie. Elle est basée sur une attitude de xénophobie à l’égard de ceux qui sont considérés comme des éléments étrangers qu’on a eu à craindre dans le passé. C’est la peur de l’expansionnisme hongrois, de la conscience historique tchèque, et la peur d’un monde où « les juifs ont des positions prépondérantes ». Le processus pour affermir une conscience nationale étatique est tenté de prendre pour modèle le temps de la guerre, en se défendant toutefois d’en adopter le caractère nazi. Comme il existe aussi une propagande anti-slovaque, on accuse quelques Tchèques, quelques Hongrois, et quelques juifs d’en être les auteurs. La majorité des Slovaques ne partagent pas ces vues, mais ceux qui les propagent sont influents. Ces sentiments de xénophobie ne sont cependant pas vraiment répandus.
Comme en Tchéquie, les petites communautés juives de Bratislava et de Kosice connaissent une renaissance et bénéficient de l’apport du rabbinat.
Roumanie (4)
C’est en novembre 1996 seulement, sept ans après la chute du communisme, au moment des élections générales et présidentielles, que la Roumanie a finalement trouvé un climat politique pluraliste. Mais elle reste confrontée à beaucoup de problèmes. Depuis la mort de Ceaucescu, le nationalisme et aussi l’antisémitisme s’expriment plus ouvertement. Ainsi, le Protocole des Sages de Sion, Mein Kampf et d’autres livres sont en vente. Un des politiciens roumains, Corneliu Vadim Tudor, est le rédacteur en chef de la revue Romania Mare ( la Grande Roumanie). En dépit de plus de cent procès engagés contre lui depuis 1990, il n’a jamais été puni, et continue à jouer un rôle actif sur la scène politique. A côté de cette littérature antisémite, on trouve aussi de plus en plus d’ouvrages sur l’histoire juive roumaine, sur le judaïsme religieux, culturel, signe d’un intérêt qui s’éveille de façon croissante.
Les juifs sont aujourd’hui une petite minorité en Roumanie. Ils exercent les professions de commerçants, d’enseignants, de médecins de journalistes, d’artisans, etc. Quelques-uns occupent des postes à l’université, portent des noms roumains (à quelques exceptions près) et sont totalement assimilés. Les communautés juives les plus importantes se trouvent à Bucarest, Timisoara, Arad, Brasov, à Jassy et Cluj. Des communautés plus petites se trouvent à Constanza, à Craiova, à Suceava, à Galatz, à Lugoj et à Oradea. Une Fédération, qui a son siège à Bucarest, les regroupe. Elle est responsable de tout ce qui concerne les cérémonies religieuses, l’assistance sociale et médicale, et les activités culturelles. Elle représente les intérêts des juifs en Roumanie.
Hongrie (5)
On compte plus de 100 synagogues dans le pays et plus de 1300 cimetières, la plupart abandonnées et dans un triste état. Cependant beaucoup de ces cimetières et de ces synagogues ont des plaques de souvenir aux noms de personnalités juives locales qui ont péri durant la Shoa.
Depuis la chute du régime communiste, la vie juive a pu s’organiser à nouveau librement. Budapest a plusieurs synagogues ou oratoires qui servent régulièrement pour la prière. Pour la première fois après la Shoa, une nouvelle synagogue a été inaugurée en 1998. Elle se trouve près de Budapest, à Szarvas où des jeunes juifs de toute l’Europe centrale et orientale viennent chaque été pour des camps de vacances. Les juifs de Budapest bénéficient aussi de toutes les autres institutions de la vie juive religieuse. 1.300 étudiants fréquentant les trois écoles juives ou instituts de formation de la capitale. La vie juive se concentre à Pest, surtout autour de l’ancien quartier juif où se trouvent les principales organisations juives, nationales et internationales ainsi que la plus grande synagogue des synagogues en Europe.
Bosnie (6)
En 1492, les juifs persécutés en Espagne par l’Inquisition ont trouvé refuge dans l’empire ottoman et dans la lointaine province de Bosnie qui leur ouvrit alors les bras et le cœur. Sarajevo eut sa première communauté juive en 1565 et la première synagogue en 1581. Le cimetière de Kovacici, fondé peu après, fut l’un des deux plus importants cimetières juifs en Europe. A Sarajevo, depuis des siècles, la cathédrale catholique, une mosquée, une église orthodoxe et une synagogue se côtoient dans un espace restreint. Cela a permis bien des échanges sociaux. Dans ce mélange inhabituel de nations, de religions et de langues, Sarajevo est devenu une cité où les juifs furent bien tolérés et vécurent sans trop de persécutions. Le refuge que des centaines de juifs y ont trouvé au début de la guerre a pris fin brutalement en 1941 quand la guerre et la catastrophe de la Shoa ont atteint aussi la ville. Des 11.000 juifs de Sarajevo, 9.000 ont disparu pour toujours. Mais des traces de leur existence, sauvées par des concitoyens courageux ont subsisté. La Hagaddah de Sarajevo, probablement l’un des plus précieux manuscrits enluminés au monde, fut sauvée. Après la guerre, lorsque les associations furent à nouveau autorisées, La Benevolencia fut l’une des premières à renouveler ses activités.
Malheureusement, la guerre récente arrêta les projets en cours. Au lieu des activités culturelles, la lutte pour la survie, les actions humanitaires devinrent prioritaires. La Benevolencia grâce aux efforts conjoints, et à la coopération de beaucoup, put aider les habitants de Sarajevo à survivre à l’inoubliable siège de 1100 jours et à ses souffrances. Ce qu’elle a pu faire dépasse le nombre des volontaires et des membres de la communauté juive. Durant ce temps de guerre, on a pu continuer à célébrer régulièrement les offices du samedi matin, dans la synagogue de Sarajevo, et à maintenir d’autres activités communautaires. Aujourd’hui, une petite communauté juive existe à Mostar qui fut l’une des perles de la Bosnie-Herzégovine du Sud et une minuscule communauté juive continue à vivre à Tuzla.
Serbie (7)
Avant 1939, l’antisémitisme était peu connu en Serbie. Cela devait changer brutalement en 1941-1942 lorsque le général serbe, Milan Nedic devenu premier ministre par la volonté des nazis, a pris de lui-même l’initiative prioritaire d’engager immédiatement « la plus sévère action contre les juifs ». La Serbie fut très tôt « judenfrei ». Au début de l’ère Tito, les préjugés anti-juifs étaient inconnus. Lorsqu’en 1948 l’Etat d’Israël fut fondé, la politique étrangère de la Yougoslavie fut favorable au nouvel Etat. Ce ne fut que plus tard que les relations entre les deux Etats se gâtèrent ; mais en fait, les juifs n’eurent pas à souffrir de discrimination sous le règne de Tito. En 1991, la propagande nationaliste affirma que la « conspiration contre les Serbes et la Serbie » était contrôlée par les juifs. En 1991, un nouvel exode a commencé pour les jeunes juifs de Serbie. Beaucoup de jeunes Serbes ont alors découvert leurs racines juives que leurs parents, avaient plus ou moins oubliées.
Malgré la guerre et la crise dans les Balkans, les juifs yougoslaves, avec le soutien des organisations juives internationales, ont réussi à fortifier leur identité juive. Plus de la moitié de la petite communauté juive de Serbie vit à Belgrade où, depuis 1995 des activités éducatives, culturelles et religieuses ont pu se développer. Grâce à la Fédération des communautés juives de Yougoslavie, ces programmes ont aidé quelques petites communautés juives dans le pays à se revitaliser.
Russie
Les juifs de l’ancienne Union Soviétique forment la troisième communauté juive dans le monde. Ceux de la Fédération russe actuelle sont approximativement au nombre de 500.000. Depuis plusieurs années, on assiste à une renaissance de la vie juive, y compris de la vie religieuse et de la vie culturelle. Plus de 100 organisations et groupes juifs sont à l’œuvre aujourd’hui à Moscou, allant des institutions religieuses, culturelles, éducatives à celles qui ont vocation caritative et sociale. La réunion qui s’est tenue à Saint Pétersbourg en 1998 entre les orthodoxes russes et les juifs dit également les efforts interreligieux naissants en vue d’une société de tolérance mutuelle.
Cependant l’antisémitisme politique est en augmentation : la situation politique instable et les conditions économiques chaotiques ont conduits certains à en rendre des juifs responsables. Bien que l’antisémitisme qui a existé comme une ligne politique durant le temps des Soviets, n’a pas refait surface, quelques dirigeants politiques proéminents, particulièrement ceux qui sont liés au parti communiste, n’ont pas craint d’utiliser des arguments antisémites pour asseoir leur position. Les structures démocratiques faibles de la Russie actuelle permettent de donner libre cours à la haine ethnique et à la violence. Des forces ultra-nationalistes ne craignent pas de nier les droits humains et de faire la démonstration de leurs points de vue envers les groupes minoritaires. Les organisations officielles de la communauté juive de Russie ont pris au sérieux cette situation politique précaire.
Force est de constater que depuis dix ans la communauté juive en Europe centrale et orientale que, l’on donnait comme mourante après la Shoa, connaît une renaissance, un regain d’identité et de créativité. On a pu écrire qu’un voix longtemps muette se fait à nouveau entendre dans le concert des cultures.
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1. La population juive en Bulgarie compte environ 6.000 personnes sur 9 millions d’habitants. On l’estimait à 64.000 personnes avant la 2e guerre mondiale. 14.000 sont mortes entre 1939 et 1945. 45.000 environ ont effectué leur alyah en 1948. La République bulgare est indépendante depuis 1990.
2. La Tchéquie est une république indépendante depuis 1989/1993. Sur 10 millions d’habitants, 2 millions vivent à Prague, la capitale. Environ 2.000 juifs sont enregistrés dans la communauté, 2.500 à 4.000 ne le sont probablement pas. Avant la 2e guerre mondiale, la population juive comptait environ 357.000 personnes en Tchécoslovaquie. On estime le nombre des morts entre 1939 et 1945 à 277.000. La plupart des survivants de la Shoa ont émigré après la 2e guerre mondiale, après l’affaire Slansky en 1952, ou après l’occupation soviétique en 1968.
3. La population actuelle est approximativement de 6 millions, dont 450.000 vivent dans la capitale, Bratislava. La population juive actuelle est de 2.000 personnes et d’environ 2.500 qui ne sont pas inscrites. Avant la 2e guerre mondiale, le total de la population juive en Tchécoslovaquie était estimé à 357.000. 277.000 ont succombé entre 1939 et 1945. La Slovaquie est une république indépendante depuis 1989/1993.
4. La Roumanie est une république indépendante depuis 1991. Elle compte environ 23 millions d’habitants, dont 2 millions à Bucarest. La population juive est estimée à 14.000 personnes. Avant la 2e guerre mondiale elle était à peu près de 800.000 personnes. Environ 380.000 ont péri entre 1939 et 1945. Et 400.000 environ ont émigré en Israël après la guerre
5. La Hongrie a une population d’environ 10 millions d’habitants ; 2 millions sont à Budapest. On y compte environ 10.000 juifs enregistrés dans la communauté, et entre 70.000 et 90.000 qui ne le sont pas. Avant la 2e guerre mondiale, la population juive comportait environ 650.000 personnes. 450.000 ont été exterminées entre 1939 et 1945. Environ 20.000 ont émigré en 1956. La Hongrie est une république indépendante depuis 1989.
6. En Bosnie-Herzégovine vivent environ 3,5-4 millions de personnes, dont environ 360.000 à Sarajevo. La population juive est d’environ 900 personnes. Avant la 2e guerre mondiale, elle était estimée à 20.000. Entre 1939 et 1945, 12.000 juifs ont péri. La Bosnie est une république indépendante depuis 1992.
7. Sur une population d’environ 6,5 millions d’habitants, 1,5 millions vivent à Belgrade. La population juive actuelle est à peu près de 3.500 personnes. Avant la 2e guerre mondiale, 25.000 juifs habitaient la Serbie. On estime à environ 15.000 le nombre de disparus entre 1939 et 1945. La Serbie est une république indépendante depuis 1992.