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L'homme et la création: Vatican II, Mathieu, Paul
Piet Van Boxel
Au thème de cette rencontre « L'Avenir de l'Homme », nous contribuerons en parlant de la vision chrétienne du monde. Le monde: une expression qui comporte tant d'aspects, qui recouvre tant de façons de considérer l'espace où l'homme se meut, qu'il nous faut commencer par en donner une définition précise. Dans cet exposé nous ne parlerons pas du monde comme d'une entité en soi, ni comme d'une étape dans le développement du cosmos. Nous ne l'envisagerons pas davantage comme la scène de l'Histoire, ni comme le lieu et le soubassement matériel de la culture. « Monde », ici, signifie tout simplement la réalité totale avec laquelle l'homme est confronté dans sa vie de chaque jour; une réalité que l'on appelle couramment « nature ».
Nous en parlerons selon l'optique chrétienne. Cela ne veut pas dire que, dans la perspective chrétienne, la nature est quelque chose de tout différent de ce qu'elle est dans d'autres perspectives, philosophique ou idéologique, par exemple. Mais l'optique chrétienne présuppose de façon essentielle et fondamentale — quoique non exclusive — que le monde est une réalité créée. Nous considérerons donc les rapports qui existent entre l'homme et cette réalité créée. Ils sont spécifiés précisément par le fait que le monde est vu comme une création. L'homme se trouve placé dans un monde dont l'existence ne dépend pas de lui. Cela veut dire que cette réalité créée n'a pas simplement pour but d'être à la disposition de l'homme puisqu'à l'origine celui-ci n'a aucun pouvoir sur la nature. Autrement dit: si l'homme joue un rôle premier dans son rapport au monde, ce rôle lui a été donné.
Ces remarques préliminaires se basent sur ce qu'on peut appeler le texte-clé des rapports de l'homme avec le monde selon le point de vue chrétien: « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit: soyezféconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre'. »
L'ATTITUDE JUIVE
Avant de voir « in concreto » ce qu'est l'attitude chrétienne envers la nature, j'exposerai d'abord brièvement le point de vue juif, tel qu'on peut le déduire de l'exégèse juive de Genèse 1, 27-28. Cela jettera de la lumière sur le point de vue chrétien, attendu qu'il puise, en principe, son inspiration à la source juive.
Dans la pensée juive, l'homme est le sommet de la création, et c'est à lui, comme à son souverain, que toute la création a été donnée. Ceci, toutefois, ne veut pas dire que l'homme peut gouverner la terre comme si elle lui appartenait en propre, qu'il peut en disposer et en user sans limite ni restriction. La relation de l'homme avec la création n'est pas celle qui lie le possesseur et la chose possédée. Il existe une loi d'équilibre établie par Dieu, et le rôle de l'homme dans le monde est de conserver cet équilibre. L'homme est le maître de la création tant qu'il se conduit comme un être humain fait à l'image de Dieu, c'est-à-dire selon les normes morales. Sinon, l'ordre de la création sera bouleversé et même renversé. C'est ce que nous enseigne l'exégèse juive: « Dominez sur les poissons de la mer. R. Khanina disait: S'il le mérite (dit Dieu) uredu (dominez); mais s'il ne le mérite pas (dit Dieu) yerdu (qu'ils tombent). R. Jacob de Kefar Khanan disait: de celui qui est fait à notre image et ressemblance (je dis) uredu (qu'il domine); mais de celui-là qui n'est pas à notre image et ressemblance (je dis) yerdu (qu'ils tombent) 2. » Si l'homme ne marche pas dans le bon chemin, il perdra sa pré-éminence dans la création et tombera à un niveau plus bas que celui de la création matérielle qui dominera alors sur lui: « Rami ben Khama disait: un animal sauvage n'a de pouvoir sur l'homme que si l'homme lui apparaît comme une bête, car il est écrit: les hommes sont dominés quand ils ressemblent aux bêtes 3. »
De toute évidence, l'exégèse juive de Genèse 1, 27-28 cherche à limiter le rôle dominateur de l'homme en ce monde. Elle voit la souveraineté de l'homme comme faisant partie d'un équilibre et participant à l'harmonie de la création. Il dépend de la conduite morale de l'homme que cette harmonie soit préservée ou perdue.
L'ATTITUDE DE L'EGLISE CATHOLIQUE
En traitant des rapports entre l'homme et la réalité créée, nous devons être attentifs au fait qu'il est à peu près impossible de présenter de façon exhaustive le point de vue chrétien sur ces rapports. Aujourd'hui, comme dans le passé, il y a une telle diversité dans les attitudes chrétiennes vis-à-vis de la création qu'il vaut mieux renoncer à tout espoir de caractériser le point de vue chrétien d'une façon qui soit communément acceptée. Je préfère donc présenter cette optique chrétienne en me bornant à un cas précis et limité. Cet exemple nous permettra de formuler quelques assertions fondamentales qui ont servi de base aux opinions ici exposées.
Nous étudierons l'attitude de l'Eglise Catholique envers la création telle qu'elle est officiellement exprimée dans les Documents du Deuxième Concile du Vatican. En raison de la distinction habituelle que fait l'Eglise entre les sujets ad intra et les autres, je ne vois qu'un seul document applicable à notre question: Gaudium et Spes. C'est dans cette Constitution Pastorale sur l'Eglise dans le Monde Moderne que l'attitude ad extra de l'Eglise est explicitement développée.
Pour interpréter de façon correcte ce document, il nous faut d'abord préciser son intention principale. Celle-ci est énoncée dans le paragraphe d'introduction: « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ 5. » Ces mots montrent clairement que le souci premier de l'Eglise est la société humaine, l'accent étant mis sur les pauvres et les opprimés. Si telle est l'intention du document, celui-ci doit être lu dans la perspective selon laquelle il fut écrit, et tout jugement de valeur porté sur lui doit tenir compte avant tout de la façon dont l'Eglise envisage la société.
Il est pourtant légitime d'analyser Gaudium et Spes en relation avec l'attitude de l'Eglise envers la nature, et cela parce que tout ce qu'elle voulait dire ad extra est inclus dans ce document. Or, une première remarque s'impose: en réfléchissant sur les rapports entre l'Eglise et le monde, le Concile n'a pas traité explicitement du sujet: « Eglise et Nature ». Manifestement, il se s'agissait pas là d'un aspect du monde vis-à-vis duquel on dut établir une relation quelconque.
Il existe une seconde raison pour analyser Gaudium et Spes dans la ligne qui nous occupe; c'est le fait qu'on y trouve trois fois la référence à Genèse 1, 26-28, ce texte qui traite explicitement des rapports de l'homme avec la création. De la manière dont l'Eglise Catholique Romaine utilise Genèse 1, 26-28, nous pouvons déduire quelque chose de son attitude officielle vis-à-vis de la réalité créée.
Ce texte de la Genèse est employé pour la première fois au tout début de la première partie de la Constitution. Parlant de la dignité de la personne humaine, le Concile décrit l'homme comme « créé à l'image de Dieu » et « constitué seigneur de toutes les créatures terrestres pour les dominer (regeret) et s'en servir (eisque uteretur), en glorifiant Dieu 6. » Il est clair que le texte biblique est employé pour soutenir la conviction générale — partagée par le Concile — que « tout sur terre doit être ordonné à l'homme comme à son centre et à son sommet » La position éminente de l'homme et sa domination effective sur toutes les créatures terrestres sont dues à la puissance de son intelligence qui cependant, selon le Concile, doit être comprise en relation avec la divine Sagesse: « Participant à la lumière de l'intelligence divine, l'homme a raison de penser que, par sa propre intelligence, il dépasse l'univers des choses 8. » Et c'est par son intelligence qu'il « a obtenu des victoires hors de pair, notamment dans la découverte et la conquête (subiiciendo) du monde matériel 9. » Cette domination sur la réalité créée est le leit-motiv de tout le document. Le Concile note que l'homme, dans ses progrès techniques, « a étendu sa maîtrise sur presque toute la nature et qu'il ne cesse de l'étendre 10. » Ce processus est, dit le Concile, en conformité avec la volonté de Dieu qui a donné à l'homme « la mission de soumettre la terre et tout ce qu'elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l'univers ". » La puissance de l'homme n'est donc pas en opposition avec la puissance de Dieu. L'homme est supposé être le maître de la création non seulement parce qu'il l'est devenu par le progrès technique, mais aussi à cause de son développement culturel qui signifie, entre autres choses, l'effort pour « soumettre l'univers par la connaissance et le travail ". » Ce développement culturel en vue d'une société plus humaine à bâtir est, lui aussi, basé sur le texte de la Genèse: « En effet, lorsqu'il cultive la terre de ses mains ou avec l'aide de moyens techniques, pour qu'elle produise des fruits et devienne une demeure digne de toute la famille humaine, et lorsqu'il prend part consciemment à la vie des groupes sociaux, l'homme réalise le plan de Dieu, manifesté au commencement des temps, de dominer la terre et d'achever la création, et il se cultive lui-même » Quand le Concile, enfin, en arrive à la vie socio-économique, il part une fois de plus de l'idée de « l'emprise croissante de l'homme sur la nature »14 pour promouvoir le bien-être de la société. Celui-ci inclut le droit pour chacun d'avoir sa part des biens de la terre, car « Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples ... Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. C'est pourquoi l'homme, dans l'usage qu'il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes: en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres 15. »
D'après les citations qui précèdent, il est clair que l'homme et la société sont au coeur du Concile. La création dans son ensemble doit servir une société plus humaine; elle doit donc être soumise et dominée. Tout cela est fondé sur le commandement que Dieu fait à l'homme en Genèse 1, 26-28.
Sans mettre en question la valeur de Gaudium et Spes en ce qui regarde sa préoccupation pour une société meilleure et sa solidarité avec les pauvres, nous ne pouvons pas ne pas remarquer une attitude quelque peu possessive envers la création. A n'en pas douter, la Constitution attache une valeur positive à la réalité créée " et cela même dans la perspective du Royaume de Dieu; mais elle le fait seulement dans la mesure où le progrès terrestre peut contribuer à une organisation meilleure — finale, messianique — de la société humaine". La création n'a de sens que parce qu'elle peut être développée de façon à pouvoir être utilisée et dominée par l'homme. Ainsi donc, la réalité créée n'a pas de valeur en elle-même. N'étant qu'un objet à posséder, elle ne peut être partenaire de l'homme dans un ordre équilibré 15. Le vocabulaire utilisé par l'Eglise est le suivant: usage-domination-soumission-possession.
Notre société comprend de mieux en mieux la nécessité de garder l'équilibre entre l'homme et la création. Cela est dû à l'expérience traumatisante du fait que l'homme a usé et abusé des biens de la terre, détruisant ainsi l'harmonie du monde. A cause de l'attitude possessive de l'homme envers la création, le problème écologique est devenu l'un des soucis principaux de la société. Si nous ne voulons pas changer d'attitude, le monde deviendra un lieu inhabitable. Or le Concile n'a pas relevé la responsabilité qui incombe à l'homme de maintenir l'équilibre entre lui et la nature. Malgré sa défense passionnée de la dignité de l'homme et son plaidoyer pour une société plus humaine et plus viable, Gaudium et Spes reprend l'attitude communément admise vis-à-vis de la création et ne touche pas la question de la spoliation de la nature.
LE CONTEXTE DE GENÈSE 1, 27-28
Peut-on expliquer pourquoi ce document positif et progressif de Vatican II n'offre pas de vraie théologie de la réalité créée et ne voit celle-ci que dans le contexte de son utilité pour la société des hommes? Peut-on expliquer pourquoi cette exégèse de fait de Genèse 1, 27-28 est si différente de l'exégèse juive esquissée précédemment? La réponse à ces questions doit être cherchée, me semble-t-il, dans le rôle joué par la Bible hébraïque. La façon dont Genèse 1, 27-28 est utilisé et interprété, dans Gaudium et Spes d'une part et dans l'exégèse juive de l'autre, s'explique par leurs liens respectifs avec la tradition hébraïque.
L'exégèse juive du texte de la Genèse n'est pas, c'est bien clair, une interprétation hasardeuse; c'est une conséquence ou une illustration presque nécessaire de la tradition juive telle que l'a transmise la Torah. L'interprétation juive est en conformité avec la tradition halakhique et non avec le sens « originel » du texte lui-même. Car le sens « originel » du verbe radah est celui qu'a retenu Gaudium et Spes: diriger, soumettre. C'est également celui que la Bible hébraïque lui attribue ordinairement." L'exemple le plus intéressant en est celui de Ezéchiel, 34, 4. Le prophète, sur l'ordre de Dieu, doit accuser les chefs d'Israël d'avoir exploité le peuple au lieu de s'en occuper. L'accusation est exprimée allégoriquement par une comparaison: la relation chefs-peuple est mise en parallèle avec la relation bergers-brebis. Dans cette allégorie, les chefs sont accusés d'avoir agi comme les bergers ne doivent pas le faire: « Vous les avez régies avec violence et dureté »; accusation finale qui résume tout ce qui avait été dit auparavant: les chefs se sont nourris eux-mêmes mais ils n'ont pas fait paître le troupeau; ils n'ont ni fortifié ni soigné les brebis; ils ne les ont ni cherchées ni ramenées au bercail. On comprend clairement, d'après cette allégorie, que la relation entre l'homme et la nature dépasse de beaucoup celle qui existe entre le possesseur et la chose qu'il possède. Le sens évidemment possessif du verbe radah — correspondant à sa signification habituelle — sert à décrire le manque d'harmonie qui règne dans la nature, manque d'harmonie qui est ensuite appliqué à la conduite des chefs d'Israël.
Une telle situation est radicalement opposée à ce qu'on attend d'Israël en fait d'attitude vis-à-vis de la nature. La Torah, qu'elle soit écrite ou orale, propose un certain nombre de halakhot qui montrent explicitement ce que doit être l'attitude de l'homme envers la nature si l'on veut maintenir l'équilibre et l'harmonie entre l'homme et la création. Développer ce thème davantage nous entraînerait au-delà de notre propos. Donnons cependant quelques exemples tirés de la halakha pour éclairer l'interprétation chrétienne du texte de la Genèse et son usage. Il est dit dans le Lévitique: « Tu n'accoupleras pas dans ton bétail deux bêtes d'espèce différente, tu ne sèmeras pas dans ton champ deux espèces différentes de graine, tu ne porteras pas sur toi un vêtement en deux espèces de tissu » (Lv. 19, 19). Et dans le Deutéronome 22, 9-11, nous lisons: « Tu ne sèmeras pas autre chose dans ta vigne (...) tu ne laboureras pas avec un boeuf et un âne ensemble. Tu n'auras pas de vêtement tissé mi-laine mi-lin ». D'après ces deux passages, nous déduisons qu'il y a six cas où les mélanges d'espèces différentes sont interdits: mélange de graines, greffes d'arbres et de légumes d'espèces différentes, plantations de graines dans un vignoble, croisement d'animaux domestiques ou sauvages, attelage d'animaux de différentes espèces, domestiques ou non, pour le labour ou le transport, mélange de la laine et du lin. Ces interdits sont développés dans plusieurs halakhot du traité Kilayim de la Mishnah. Le judaïsme attribue des raisons variées à cette interdiction de mélanger les espèces, mais les explications données mettent en lumière une préoccupation fondamentale, celle de préserver l'ordre établi 20 et la pureté de la création; il s'y ajoute le souci de ne pas imposer à la terre un fardeau trop lourd ". Le judaïsme met l'accent sur l'aspect humain des liens entre l'homme et la nature. Rab Judah disait au nom de Rab: « Un homme n'a pas le droit de manger tant qu'il n'a pas nourri ses bêtes, car il est dit: je mettrai de l'herbe dans tes champs pour ton troupeau et ensuite tu mangeras et seras rassasié 22. » Que l'homme et la création doivent être traités sur un pied d'égalité 23, c'est là un fait qui découle de la tradition primitive d'Israël. Nous lisons en effet en Exode 23, 11: « La septième année tu les laisseras en jachère (tes terres) et tu en abandonneras le produit. Tes compatriotes indigents pourront s'en nourrir, et les bêtes des champs mangeront ce qu'ils auront laissé 24. » Ce texte ne permet certes pas de déduire un programme concret pour la société et la nature; mais il manifeste une préoccupation profonde pour l'équilibre de la création; lors de l'année sabbatique pour la terre, la nourriture est partagée entre tous: l'homme, son voisin (indigent) et les animaux.
C'est à cette vision de la réalité créée que l'exégèse juive de Genèse 1, 27-28 correspond. Elle lit dans le texte l'attitude à prendre. D'où le jeu subtil que font les Rabbins avec les verbes « dominer » et « tomber » pour exprimer les deux alternatives possibles pour l'homme selon son comportement envers la nature.
Revenons à présent à Gaudium et Spes et à la façon dont les versets de la Genèse y sont utilisés. Le ton possessif du texte s'explique par le fait que l'Eglise ne se sentait pas tenue à partager la vision midrashique de la nature, hypothèse qui trouve une première confirmation en ceci: dans toute la Constitution, on ne trouve aucune citation de l'Ancien Testament relative au comportement humain. Gaudium et Spes fonde le comportement concret de l'homme uniquement sur les textes du Nouveau Testament, non seulement en ce qui regarde la nature, mais aussi en ce qui concerne la société. L'Ancien Testament n'y est pas considéré comme fournissant un modèle de vie chrétienne, et ceci, malgré la valeur permanente qui lui est attribuée dans la Constitution Dogmatique de Vatican II Dei Verbum 25.
Cette première remarque se trouve renforcée par une seconde observation. Gaudium et Spes, parlant des normes objectives de la moralité, se réfère à la conscience de l'homme au fond de laquelle l'homme lui-même discerne une loi qui le contraint à obéir: « La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C'est d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale 26. » Il est significatif que le Concile, en indiquant les bases de la conduite morale, ne mentionne pas le Pentateuque. Pour le Concile, la Torah n'a pas de valeur déterminante en ce qui regarde la conduite concrète de l'homme. Ce qui veut dire aussi que l'Église interprète Genèse 1, 27-28 dans son sens originel de domination de la nature. Si l'Église était restée en contact avec la tradition juive, elle eût évité l'interprétation courante du texte de la Genèse et elle eût sans doute été plus consciente de l'importance de l'harmonie au sein de la création et de la responsabilité qui en incombe à l'homme.
LA TORAH ET LE NOUVEAU TESTAMENT
Lorsque le Concile fonde la conduite morale de l'homme sur « la loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain », il se réfère au Nouveau Testament. Deux textes sont par lui indiqués comme étant les bases bibliques de cette Loi d'amour qui oblige l'homme. Ce sont Matthieu, 22, 37-40 et l'Epître aux Galates 5, 14 27. Nous allons analyser ces textes par rapport à l'attitude qu'ils supposent vis-à-vis de la Torah. De cette analyse nous pourrons tirer quelques conclusions sur ce qu'est le comportement chrétien envers la nature dans le Nouveau Testament.
Dans l'Epître aux Galates 5, 14, nous lisons: « Car un seul précepte contient toute la Loi en sa plénitude: Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cette citation du Lévitique 19, 18 ne doit pas être lue indépendamment des versets 1 à 12 qui précèdent. Paul y oppose le Christ et la Torah et propose aux destinataires de sa lettre un choix sans compromission. La justice, dit Paul, n'est pas donnée par la Loi, mais par la foi en Jésus Christ (Ga. 4 s). La circoncision, qui oblige à l'observance intégrale de la Loi (Ga. 3) a perdu tout son sens (Ga. 6). Cette antithèse typiquement paulinienne 28 né laisse pas de place à la Torah comme règle de vie. Après cette exposition doctrinale (Ga. 5, 1-15), Paul introduit la partie parénétique de sa lettre 29. Ne faisons pas cependant une distinction trop marquée entre les versets 1-12 et les versets 13-15. En répétant le mot de « liberté », le verset 13 reprend le verset 1 tout en introduisant les admonitions de Paul aux Galates: la liberté ne doit se tourner en prétexte poux la chair. Cet avertissement suppose l'éventualité, ou même le fait, d'une conduite immorale de la part des Galates 30, ce qui ne peut se comprendre qu'en relation avec l'abolition de la Loi. Car le but essentiel de Paul, ici, est de montrer que l'abolition de la Torah ne signifie nullement l'abolition de la moralité 31. Mais à présent celle-ci n'est plus fondée sur la Torah; elle est fondée sur l'amour mutuel 32. Et lorsque Paul, au verset 14, cite le Lévitique 19, 18, son intention ne peut être simplement de souligner le principal commandement de la Torah. Toute la Torah est abolie, et la citation du Lévitique 19, 18 n'a pas d'autre but que d'illustrer et d'appuyer la loi propre de Paul quant à la conduite morale: aimez-vous les uns les autres.
Cette conclusion au sujet du sens et de la fonction de la Torah dans la lettre de Paul aux Galates est confirmée par l'emploi habituel qu'il fait de l'Ecriture. Pour Paul, l'Ecriture confirme l'Evangile qu'il prêche, et il ne l'utilise qu'en fonction de cet Evangile. Dieu, Jésus Christ, la communauté chrétienne et même Israël sont éclairés par la Bible hébraïque qui, en fait, n'existe que pour cela 33. Le rôle de l'Ecriture est de servir à instruire les chrétiens: « Tout ce qui a été écrit dans le passé le fut pour notre instruction, afin que la constance et la consolation que donnent les Ecritures nous procurent l'espérance 34. » Pour Paul, l'Evangile de Dieu a été promis d'avance par les prophètes dans les Saintes Ecritures 33. Cela veut dire que les Saintes Ecritures — c'est-à-dire la Bible hébraïque — servent l'Evangile dans la mesure où elles sont porteuses de la promesse qui trouve son accomplissement en Jésus Christ. Dans son essence, l'Ecriture est prophétique; son message disparaît donc quand la prophétie est accomplie 36. Cette attitude générale envers la Torah, l'emploi qui en est fait dans l'Epître aux Galates 5, 14 forment à l'évidence l'arrière-plan des normes objectives de la moralité données par Gaudium et Spes.
Les versets de Matthieu, 22, 37-40 constituent la seconde référence donnée par Gaudium et Spes en ce qui regarde la Loi. La différence de traitement est remarquable, non seulement en ce qui regarde le choix de la citation qui commence par Deutéronome 6, 5, mais aussi — et cela rejoint notre intérêt premier —en ce qui touche au fait significatif de citer un passage biblique 37. Au lieu de n'être qu'illustrations ou accomplissements qui surpassent tout le reste de la Torah, les commandements bibliques de l'amour sont, en Matthieu, la base de l'Ecriture. « De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes » (Mt. 22, 40). Tel semble être le sens du verbe « dépendre ». La littérature rabbinique ne comporte aucun texte qui soit exactement parallèle à celui de Matthieu, mais toute la tradition juive confirme cette interprétation ". Le judaïsme connaît cette réduction des commandements à quelques préceptes fondamentaux; c'est ce que prouve le fameux aphorisme de Hillel: « Ce qui t'est odieux, ne le fais pas à ton voisin. C'est là toute la Loi; le reste est commentaire 39. » Ce genre de réduction porte le nom de kelal: le commandement de base à partir duquel on peut déduire tous les autres 40. Une telle réduction peut servir comme une source d'où l'on fait découler les autres commandements au moyen de règles herméneutiques, ou bien comme un principe fondamental qui commande l'interprétation pratique de tous les autres commandements. La réduction de la Torah à un seul principe de base est formulée dans le Talmud: « Bar Kappara expliquait: 'Quel est le texte court duquel on puisse faire dépendre tous les principes essentiels de la Torah? — Dans toutes voies reconnais-Le et Il dirigera tes pas.' Raba remarquait: 'même en matière de transgression' e. » Si nous nous plaçons au point de vue de ce principe du rattachement de la Torah à un commandement général, cette maxime est clairement parallèle à Matthieu 22, 37-40. Elle lui est, certes, postérieure; mais elle prouve au moins que la réduction opérée par Matthieu s'insère dans la tradition juive: « Aucun Juif orthodoxe, disons du troisième siècle, qu'il soit ou non du milieu rabbinique, n'aurait protesté en lisant ou en entendant l'histoire évangélique (noms exclus!); il n'y aurait rien trouvé ni de très nouveau ni de très extravagant e. » Réduire ainsi la Torah ne signifiait pas pour le judaïsme abroger tous les autres commandements. Ceux-ci demeuraient tous valides et il fallait leur obéir 42. C'est la même attitude que nous rencontrons en Matthieu; nous n'y trouvons aucune indication précise concernant l'abolition de la Loi. Au contraire, le message de Jésus est fondamentalement en accord avec la Torah; et Jésus n'est pas venu pour abolir la Loi ou les prophètes, mais pour les accomplir 43. On pourrait donner des exemples intéressants de l'insistance avec laquelle Matthieu souligne la validité de la Torah 44 dont la tradition rabbinique faisait partie (Torah orale)! Je me limiterai ici à Matthieu 23, 2s, où l'attitude critique de Jésus à l'égard des pharisiens n'implique pas du tout un rejet de la Loi orale: « Les scribes et les pharisiens occupent la chaire de Moïse; faites donc et observez tout ce qu'ils pourront vous dire ». Ce qui pourtant ne signifie pas que le Jésus de Matthieu soit tout à fait d'accord avec la Loi orale; tension et différends ne manquent pas non plus dans la présentation que fait Matthieu du comportement de Jésus vis-à-vis de la Loi 45. Mais s'il y a une certaine opposition entre l'interprétation de Jésus et celle des rabbins, Jésus, dans l'Evangile de Matthieu, reste fidèle à tout l'ensemble de la Loi et des prophètes 46.
L'EGLISE PRIMITIVE ET LA TORAH
La différence entre Paul et Matthieu ressort clairement de ce qui précède 47, mais Gaudium et Spes ne semble pas l'apercevoir. Le Concile, en fait, a opté pour la position de Paul vis-à-vis de la Torah, option qui ne s'imposait pas nécessairement.
De ces deux attitudes au regard de la Loi, laquelle doit-on considérer comme étant la plus proche de l'enseignement de Jésus, la plus conforme à l'estime qu'il portait à la Torah? On peut se poser la question. Bien qu'elle soit d'une importance fondamentale pour la christologie, nous ne la traiterons pas ici en détail. Il suffit à notre propos de noter que les deux attitudes ont existé dans la primitive Eglise; ce dont nous pouvons conclure que la Torah a effectivement joué un rôle dans la chrétienté des premiers temps. Nous pouvons cependant présumer que l'estime de la Torah en Matthieu représente une tradition plus proche du Jésus historique que sa négation en Paul 48. L'Eglise primitive, qui était juive en sa totalité, ne ressentait pas de tension de fond entre la Torah et le rôle de Jésus. « Les premiers chrétiens ne pensaient pas que Jésus ait préconisé l'abandon de la Loi; au contraire, l'admission dans l'Eglise des Gentils, qui n'observaient pas la Loi, provoqua une longue controverse centrée principalement sur l'activité de Paul. Un fait est des plus significatifs à cet égard: pour justifier son appui aux chrétiens de la gentilité, l'apôtre des Gentils fut incapable, apparemment, d'en appeler à ce que Jésus a pu dire ou faire durant son ministère public 48 .» Paul a beau abroger la Loi, celle-cti garde toute sa signification 50.
La primitive Eglise continue donc d'observer la Loi. Mais cela ne veut pas dire que son attitude vis-à-vis de la Torah doive être considérée comme une simple continuation de la pratique juive. La première communauté chrétienne croyait, en effet, qu'avec Jésus les temps messianiques étaient arrivés; elle a donc pu fort bien comprendre les enseignements de Jésus comme une ultime et plus profonde interprétation de la Torah 51, interprétation qui allait jusqu'à inclure quelques changements dans les halakhot. La chrétienté primitive a dû être alors convaincue qu'il lui fallait observer la Loi d'autant plus parfaitement que l'interprétation définitive et l'accomplissement total de la Torah appartenaient à l'âge messianique. Des sources juives révèlent « la profonde conviction que l'obéissance à la Torah sera un trait dominant de l'Age Messianique »; elles montrent aussi une attente, à savoir que « la Torah, telle qu'elle existe, demeurera dans l'Age Messianique, expliquée quant à ses obscurités, transmuée en raison de certaines adaptations naturelles, et même, selon certains, offerte aux Gentils qui acceptent son joue. »
Si l'Eglise avait suivi l'interprétation matthéenne de l'enseignement de Jésus, on peut imaginer les répercussions qu'une telle vision aurait eues, à l'intérieur de la perspective messianique, sur le comportement chrétien vis-à-vis du monde.
LA RESPONSABILITÉ DE L'HOMME ENVERS LA NATURE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
Si nous prenons à présent le Nouveau Testament poux y examiner la relation de l'homme avec la réalité créée, nous constatons que très peu de textes parlent explicitement de la responsabilité humaine envers la nature. N'en concluons pas cependant que la primitive Eglise considérait ce problème comme de peu d'importance. Nous n'aurions le droit de le faire que si nous prenions' les écrits du Nouveau Testament comme la source unique et autonome de toute la doctrine chrétienne. Ce qui importe à notre sujet, ce n'est pas la quantité de textes qui traitent des rapports entre l'homme et la réalité créée, mais la façon dont le Nouveau Testament parle de la Bible hébraïque.
L'accent mis sur la Torah comme fondement durable de la conduite humaine fait de la Bible hébraïque — en Matthieu — un élément essentiel de la doctrine et de la morale chrétiennes. La tradition juive est ici présupposée; et cette tradition inclut une certaine attitude de l'homme envers la nature. Que cette attitude soit à peine mentionnée en Matthieu signifie tout simplement que la présupposition de l'approche juive envers la réalité créée va évidemment de soi.
Nous ne pouvons présupposer la Bible hébraïque comme faisant partie intégrante de la théologie de Paul. Paul, a-t-on vu, regarde l'Ecriture comme une prophétie qui a trouvé son accomplissement en Jésus Christ et dans la communauté chrétienne; la Bible hébraïque n'a donc plus pour lui aucun rôle à jouer dans la doctrine et la morale chrétiennes. Etant donné que Paul ne traite explicitement ni de la responsabilité de l'homme envers la nature, ni de la façon juive d'aborder la question, nous pouvons conclure que les rapports entre l'homme et la création n'interviennent pas dans la théologie paulinienne.
Nous venons d'examiner les rôles différents joués par la Torah dans l'Evangile de Matthieu et dans les textes pauliniens; nous voudrions à présent illustrer notre conclusion par deux exemples.
Matthieu 12, 11
« Qui d'entre vous, s'il n'a qu'une brebis et qu'elle tombe dans un trou le jour du Shabbat, n'ira la prendre et l'en retirer? » Ce verset fait partie d'une discussion entre Jésus et les pharisiens au sujet de la violation du Shabbat. Il s'agit des épis arrachés par les disciples un jour de Shabbat (Mt. 12, 1-8) et de la guérison d'un homme par Jésus le même jour (Mt. 12, 9-14). Si nous comparons la discussion avec ses parallèles en Marc (2, 23 - 3, 6) et en Luc (6, 1-11), nous remarquons une différence notable dans l'argumentation suivie par Jésus pour défendre sa propre conduite et celle de ses disciples. En ce qui regarde les épis arrachés, Marc et Luc ne mettent en oeuvre qu'un argument: l'histoire de David qui mangea les pains de proposition. Cette action de David légitime l'action des Disciples. Matthieu, lui, fait état d'un second argument qui est tiré cette fois de la halakha, et non de la haggada comme l'histoire de David. « N'avez-vous pas lu dans la Loi que, le jour du Shabbat, les prêtres du Temple violent le Shabbat sans être en faute? (Mt. 12, 5) 53. » Il est clair que ce second argument a pour but de légitimer la conduite des disciples le jour du Shabbat selon la méthode officielle utilisée pour établir la halakha. L'homme peut baser sa conduite, non pas nécessairement sur un passage haggadique, mais aussi sur la halakha biblique, soit directement, soit indirectement 54. En ajoutant cet argument halakhique, Matthieu ne peut avoir d'autre raison que de présenter Jésus et ses disciples comme se comportant le jour du Shabbat conformément à la Loi 5s L'autorité de Jésus joue assurément un rôle fondamental dans la discussion, puisqu'il se considère lui-même comme étant plus que le Temple 58. Mais ici Jésus ne fait pas appel à cette autorité; c'est la Torah qu'il prend comme point de départ pour légitimer la conduite de ses disciples. Ainsi donc, la Torah et son halakha sont considérées par Matthieu comme le fondement de toutes les interprétations ayant autorité; en aucune façon elles ne peuvent être regardées comme désuètes 57.
Le second exemple présente, lui aussi, une différence entre Matthieu d'une part, Marc et Luc de l'autre; et cela toujours en ce qui regarde la façon dont Jésus justifie une action faite le jour du Shabbat. La divergence en Matthieu est évidemment à expliquer dans la même ligne que précédemment. Dans la première scène, nous avons constaté que la conduite des disciples est fortement soulignée comme étant conforme à la halakha; nous pouvons nous attendre à un procédé semblable dans la seconde. Jésus part d'une halakha bien établie pour justifier son acte; et cette justification est englobée dans une conclusion générale tirée de la halakha elle-même. Une telle interprétation de Matthieu 12, 11 — que celui qui retire sa brebis du trou où elle est tombée ne viole pas le Shabbat — se trouve cependant devoir affronter l'opposition traditionnelle qui considère ce genre d'attitude comme non conforme, et même comme contraire à la halakha établie. De fait, nous trouvons dans le Talmud la règle suivante: « Rab Judah dit au nom de Rab: si un animal tombe dans un fossé, quelqu'un apporte des oreillers et de la literie qu'il glisse sous l'animal; et si celui-ci remonte, eh bien!, il remonte. On objecte: si un animal tombe dans un fossé, on le laisse où il est, mais on pourvoit à ses besoins de façon à ce qu'il ne périsse pas. Alors? des provisions seulement? pas d'oreillers ni de literie? Il n'y a pas de difficulté: il faut comprendre d'un côté les provisions quand elles sont possibles, de l'autre le cas où elles ne le sont pas. Si des provisions sont possibles, très bien; mais si non, on apporte la literie et les oreillers que l'on met sous l'animal 58. » L'attitude de Jésus en Matthieu 12, 11 va certainement plus loin que la halakha précitée. D'autre part, dans cette discussions sur le Talmud, deux tendances apparaissent nettement; l'une plus sévère — on permet seulement de nourrir l'animal — l'autre plus douce — on autorise aussi sa délivrance 59. Il est probable que la halakha en Matthieu 12, 11 représente une troisième tendance encore plus indulgente que celles du Talmud. Cette probabilité trouverait une confirmation dans la halakha relative au Shabbat tel qu'il est pratiqué à Qumrân. Voici comment elle est précisée dans le document de Damase 11, 13 s: « Personne ne peut aider un animal à mettre bas le jour du Shabbat. Si en ce jour un animal tombe dans un trou ou dans un fossé, il n'est pas permis de l'en retirer ». La défense explicite faite à Qumrân de retirer un animal hors d'un trou semble s'opposer nettement à l'indulgente halakha de Matthieu. Nous voyons donc qu'il y a des opinions variées qui prouvent l'existence d'une échelle dans les halakhot, plus sévère à Qumrân, moins sévère dans le Talmud, indulgente même dans le Nouveau Testament. Avec cette indication évidente que Matthieu 12, 11 peut être considéré comme une halakha reçue, nous pouvons remarquer que les deux divergences de Matthieu (par rapport à Marc et à Luc) dans la discussion sur le Shabbat ont un même but: présenter Jésus comme agissant en parfaite conformité avec la Torah écrite et orale 60.
Dans la perspective qui nous occupe, voici ce que cela veut dire: l'Eglise matthéenne considérait l'attitude juive envers la nature comme faisant partie de la théologie chrétienne et comme servant de support à l'interprétation messianique pleine d'autorité que Jésus donnait de la Torah. Cette attitude était, de soi, si évidente qu'elle n'est mentionnée nulle part ailleurs dans l'Evangile de Matthieu.
Première épître aux Corinthiens 9, 9
Un autre exemple peut illustrer la façon dont Paul parle de la Bible hébraïque en général et la conclusion qu'il en tire sur le rapport de l'homme avec la nature. Parlant du droit qu'a l'apôtre de ne pas travailler pour vivre, Paul se réfère à la Torah. Ce n'est pas seulement une autorité humaine qui affirme que l'apôtre a le droit de retirer un bénéfice matériel de son apostolat, c'est aussi l'Ecriture: « Car c'est bien dans la Loi de Moïse qu'il est écrit: Tu ne muselleras pas le boeuf qui foule le grain. » L'exégèse de ce texte du Deutéronome (25, 4) par Paul est très éclairante pour son interprétation de l'Ecriture: « Dieu se met-il en peine des boeufs?
N'est-ce pas pour nous qu'il parle, évidemment? Oui, c'est pour nous que cela a été écrit ... 61. » Il est clair que Paul utilise ici le Deutéronome 25, 4 dans un sens symbolique. La façon formelle dont il applique le texte-exclut la signification première: « Dieu se met-il en peine des boeufs? » La réponse est, bien sûr: certainement pas! « N'est-ce pas pour nous qu'il parle évidemment (pant5s)? » Certes oui, pour nous!
La conséquence immédiate de cet emploi entièrement symbolique est que la halakha de Deutéronome 25, 4 par rapport aux animaux s'évanouit. Et cette conséquence a troublé l'exégèse de la lère lettre aux Corinthiens 9, 9. Mais avant d'illustrer ceci par quelques exemples, il nous faut d'abord jeter un regard sur l'usage qui était fait de ce texte dans la primitive Eglise; on y voit une preuve de l'influence exercée par l'exégèse paulinienne de Deutéronome 25, 4 sur l'intelligence que l'Eglise des premiers siècles avait de la Bible hébraïque.
Dans son Adversus Marcionem, Tertullien défend l'idendité du Dieu de la Bible hébraïque avec le Dieu du Nouveau Testament. Le Dieu de l'Ancien Testament est tout aussi juste et tout aussi aimant que le Dieu du Nouveau. Tertullien souligne de même que Jésus est l'accomplissement des prophéties messianiques de l'Ancien Testament. Pour le prouver, il indique deux formes particulières de prophéties dans la Bible hébraïque. Tout d'abord celles où des événements futurs sont présentés comme ayant déjà eu lieu; l'exemple donné par Tertullien est tiré d'Isaïe: « J'ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, les joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats 62. » La seconde forme de style prophétique est figurative; elle utilise les énigmes, les allégories et les paraboles. Tertullien en donne maints exemples 63; et, pour justifier cette interprétation prophétique de l'Ecriture, il s'en réfère à Paul: « Pourquoi parler davantage de cette façon de faire? Puisque celui que les hérétiques tiennent pour leur apôtre reconnaît aussi que la loi qui ordonne de ne pas museler le boeuf qui foule notre grain nous regarde, nous, et non pas les boeufs 64. » Tertullien utilise la lère épitre aux Cornithiens 9, 9, afin de prouver le caractère prophétique de l'Ancien Testament; et cela est symptomatique de l'interprétation chrétienne de la Bible hébraïque. Cet emploi symbolique de l'Ancien Testament, spécialement l'interprétation paulinienne de Deutéronome 25, 4 a pourtant soulevé des problèmes, même pour les chrétiens; un survol de l'histoire exégétique de la aère épître aux Cornithiens 9, 9 le montre bien. Un sentiment de malaise se manifeste dans les commentaires qui se succèdent au long des siècles: n'est-il pas dit que Dieu ne se met point en peine des boeufs? Mais la Glossa ordinaria affirme explicitement que Dieu a vraiment soin du boeuf!" Calvin, lui aussi, juge nécessaire de souligner ce point ". L'un de ses contemporains, Juan de Valdés, commente comme suit la question de Paul: « Dieu se mettrait-il par hasard en peine des boeufs? Je ne crois pas que Paul veuille dire que Dieu ne prend pas soin des boeufs, qui sont ses créatures, car de toutes il prend un soin général et particulier, leux donnant à chacune, comme nous l'avons vu dans les Psaumes, la nourriture en son temps 67. » Cette résistance au traitement que Paul réserve aux boeufs a persisté jusqu'à nos jours 68.
Tout au long de son histoire, l'exégèse a cherché par deux voies différentes de résoudre la tension entre l'usage paulinien de l'Ancien Testament et le sentiment général que Dieu prend soin des animaux. La première solution distingue Dieu comme Créateur et Dieu comme Législateur ". En tant que Créateur,, Dieu a certes le souci de sa création. Mais c'est un souci qui reste bien en-deçà de celui qu'exprime la Loi que Dieu donne à son peuple, simplement par amour pour lui! 7°. Une telle solution — tout en reconnaissant à la nature une valeur intrinsèque — ne fait pas appel à la responsabilité de l'homme vis-à-vis de la création, responsabilité certainement incluse en Deutéronome 25, 4. Elle ne fait que sauvegarder une caractéristique biblique de Dieu, à savoir qu'il s'intéresse à sa création. Bien plus, cette solution ne trouve aucun appui ni dans l'emploi de l'Ancien Testament par Paul ni dans la tradition biblique. Le problème d'une contradiction éventuelle n'existe pas aux yeux de Paul. Pour lui, en effet, l'Ecriture a pour but de servir le Nouveau Testament; il ne l'utilise donc que dans cette perspective et l'applique seulement aux points que l'apôtre du Christ peut soutenir en toute vérité. La distinction entre création et Loi est totalement étrangère à la tradition biblique. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur un texte comme le psaume 19. La première partie de ce psaume traite de l'ordre bien établi de la création. La seconde parle de la Loi du Seigneur qui est parfaite et droite (Ps. 19, 7 s). La troisième section regarde le serviteur de Dieu qui est censé observer la Loi (Ps. 19, 11 s). Quelle conclusion peut-on tirer de cet agencement? C'est qu'il y a un lien indissoluble absolument évident entre la création et l'ordre qui est établi d'une part, entre la même création et l'observation de la Loi de l'autre. Le comportement moral de l'homme ne peut être considéré à part de l'ordre établi dans la création. C'est là une idée déjà présente, nous l'avons vu, dans l'interprétation juive de Genèse 1, 27-28 71. Dès lors, faire uns distinction entre Dieu comme Créateur et Dieu comme Législateur, c'est interpréter de façon inexacte la aère épître aux Corinthiens 9, 9; c'est tenter de réconcilier Dieu en l'un de ses traits caractéristiques avec la théologie de Paul. Cette solution ne fait justice ni à l'argumentation de Paul ni à la tradition biblique.
La seconde solution se fonde sur la conclusion bien connue appelée gal wakhomer. Cette clé herméneutique permettait aux rabbins de formuler de nouvelles décisions de type halakhique basées sur une loi biblique. Si aucune halakha ne s'appliquait à une situation spécifique ou à une question nouvelle, on pouvait forger une décision halakhique en se reportant à une halakha déjà établie relative à une situation ou à une question similaire 72. Ce principe appliqué à la aère Épître aux Corinthies 9, 9 mène à ceci: si l'on ne doit pas museler le boeuf quand il foule le grain, à plus forte raison ne doit-on pas museler un apôtre, car il mérite d'être aidé bien plus qu'un boeuf ". Cette solution sauvegarde à la fois l'intérêt que Dieu porte à sa création et la responsabilité de l'homme vis-à-vis de la réalité créée. Paul, pourtant, n'a certainement pas utilisé le qal wakhomer en la lère Épître aux Corinthiens 9, 9. Ce serait en claire contradiction avec le vocabulaire du texte. Bien plus, toutes les fois que Paul utilise le principe du qal wakhomer il dit « combien plus », expression à lui qui manifeste sa façon rabbinique de raisonner ". Certes, il aurait pu, en la lère Épître aux Corinthiens 9, 9, employer le gal wakhomer rabbinique: ce qui s'applique à un boeuf s'applique certainement (= a fortiori) à l'homme. Et, de fait, Deutéronome 25, 4 est ainsi utilisé dans la tradition juive. Nous en avons une magnifique illustration dans un passage de Baba Mezi'a; il y est établi que l'homme peut manger de son blé dès que la moisson est finie et avant d'avoir achevé le battage: « Nous savons à présent qu'un homme (peut manger) ce qui est attaché au sol (qu'il travaille) et qu'un boeuf peut manger ce qui en est détaché; d'où savons-nous qu'un homme peut manger ce qui est détaché? C'est une conséquence de ce que le boeuf est moins que l'homme: si un boeuf, qui ne mange pas de ce qui est attaché au sol, peut néammoins manger de ce qui ne l'est pas; alors, certes, un homme qui peut manger ce qui est attaché peut aussi sûrement manger ce qui est détaché! En ce qui regarde le boeuf, (on peut dire) que (selon le privilège mentionné) c'est parce que tu n'as pas le droit de le museler; peux-tu estimer qu'il en va de même pour l'homme qu'il ne t'est pas défendu de museler? Mais alors, concluons de l'interdiction de museler un boeuf à l'interdiction a fortiori de museler un homme: si tu ne dois pas museler un boeuf dont tu n'es pas tenu de préserver la vie, alors tu n'as certainement pas le droit de museler un homme dont tu dois préserver la vie ". » En réalité, Paul n'utilise pas cette argumentation juive pour illustrer le droit de l'apôtre. Malgré les efforts de l'exégèse chrétienne pour laver Paul de l'accusation d'avoir ignoré la responsabilité humaine envers la nature 78, nous devons conclure, de fait, qu'il 'ne s'est pas réellement soucié de souligner cette responsabilité, et que l'usage qu'il fait de Deutéronome 25, 4 est entièrement symbolique 77.
La principale différence entre Matthieu 12, 11 et la lère Épître aux Corinthiens 9, 9 réside dans l'emploi qui est fait du qal wakhomer. En Matthieu, le sens fondamental et permanent de la Torah est formulé selon le qal wakhomer. Certainement l'Eglise matthéenne l'utilisait pour exprimer sa propre identité; par cette méthode, elle établissait des normes de conduite dans la perspective du Royaume messianique. Mais ces normes de conduite étaient structurées en conformité avec la tradition d'Israël.
La théologie de Matthieu ne semble pas être présente dans le document conciliaire Gaudium et Spes. Celui-ci s'est aligné sur la théologie de Paul dans laquelle la fonction principale de la Torah est d'être le témoin prophétique de Jésus Christ. La référence combinée à Matthieu 22, 37-40 et à l'Épître aux Galates 5, 14 comme fondement biblique de la Loi d'amour en est une preuve.
Quand des chrétiens veulent réfléchir sur leur attitude envers la réalité créée et quand ils doivent affronter les problèmes écologiques actuels, ils peuvent trouver une inspiration éclairante dans l'enseignement de la primitive Eglise. Cette inspiration, toutefois, est entièrement juive; et les orientations du Nouveau Testament exprimées en simples termes concrets présupposent une halakha juive. La réponse chrétienne à la question de savoir comment l'homme doit se comporter envers le monde devrait donc nécessairement rejoindre la réponse juive telle qu'elle est formulée dans sa tradition écrite et orale.
1. Gn. 1, 27-28.
2. Gn. R. VIII, 12, cité de la Midrash Rabbah d'après la trad. de H. Freedman et M. Simon, Genesis I, Londres, 1962.
3. Ps. 49, 13; voir Sanhédrin 38 b.
4. Voir Commentary on the Documents of Vatican II, éd. par H. VORGRIMMLER, Vol. V: Pastoral Constitution on the Church in the Modern World, New York 1969, p. 7-12.
5. Gaudium et Spes 1. Les citations de la Constitution sont tirées de Les Actes du Concile Vatican II, éd. du Cerf, Paris 1967. Ici, p. 517 s.
6. Ibid., 12, p. 531.
7. Ibid.
8. Ibid., 15, p. 534.
9. Ibid., p. 534.
10. Ibid., 33, p. 557.
11. Ibid., 34, p. 558.
12. Ibid., 53, p. 590.
13. Ibid., 57, p. 594.
14. Ibid., 63, p. 604.
15. Ibid., 69, p. 612.
16. Cf. R.M. BROWN, The Documents, p. 310.
17. Voir Les Actes du Concile ibid. 39, p. 564.
18. Une seule fois — quand elle parle de la rupture provoquée par le péché entre l'homme et Dieu — la Constitution mentionne l'harmonie (perdue) entre l'homme et les choses créées. Voir ibid., 13, p. 532.
19. Voir par ex. Lv. 25, 43.46.53; Nm. 24, 19. Is. 14, 6. Ps. 72, 8; Ps. 110, 2; Le ton en est parfois très hostile.
20. Voir Maimonide, Guide 3, 49.
21. Voir Philon, Spec. 4, 211; Kilayim, ch. 1.
22. Dt. 11, 15; voir Ber. 40 a.
23. Voir aussi Shab. 16, 2.
24. Cf. Lv. 25, 7.
25. Les Actes du Concile, ibid., 14 s., p. 283.
26. Ibid., 16, p. 535.
27. Ibid., note 18.
28. Cf. Rm. 3, 20-26; 4, 13-15.
29. Cf. J. ECKERT, Die urchristliche Verkiindigung im Streit zwischen Paulus und seinem Gegner nach dem Galaterbrief, Regensburg 1971, p. 132. Voir aussi O. MERK, Der Beginn der Paraniise im Galaterbrief: ZNW 60, 1969, p. 83-104.
30. Cf. A. OEPKE, Der Brief des Paulus an die Galater, Berlin 1960, p. 128; J. BECKER, Der Brief an die Galater, G6ttingen 1976, p. 68.
31. Voir J. ECKERT, op. cit., p. 133.
32. Il a déjà été parlé de cet amour, et toujours en antithèse avec la Loi (v. 6).
33. Prenons seulement la formule « kathôs gegraptai » — l'expression la plus fréquente employée par Paul pour parler de la Bible hébraïque — son enseignement au regard de Dieu est confirmé en Rm. 3, 4; 2 Co. 9, 9; au regard du Christ, nous avons Rm. 15, 3; pour les chrétiens, Rm. 1, 17; 4, 17; 15, 9 s. Et, quant à Israël, en Rm. 2, 24; 9, 33; 11, 8. La formule se trouve encore employée en Rm. 3, 10; 8, 36; 9, 13; 10, 15; 15, 21 et I Co. 2, 9.
34. Rm. 15, 4; voir aussi Rm. 4, 23.
35. Rm. 1, 2.
36. Voir aussi Ga. 3, 8; cf. O. MICHEL, Der Brie/ an die Ramer, Gentingen 1955, p. 30.
37. Pour le développement du texte, voir A.J. HULTGREN, The Double Commandment of Love in Mt. 22, 34-40. Its Sources and Composition: CBQ 36, 1974; p. 373-378.
38. Le verbe « dépendre » peut être expliqué comme ayant sa source soit dans le monde hellénistique, soit dans la tradition juive. Voir K. BERGER, Die Gesetzauslegung Jesu, Neukirchen 1972, p. 227-232. La source juive est plus probable en raison du sujet traité par Matthieu qui n'est pas de type hellénique (philosophique) mais juif (halakhique).
39. Shab. 31 a.
40. C.G. MONTEFIORE, Rabbinic Literature and Gospel Teachings, New York, 1970, p. 320.
41. C.G. MONT'EFIORE, op. cit., p. 322.
42. Voir C.G. MoNTEFIoRE, op. cit., p. 316-319.
43. Cf. W.D. DAVIES, The Setting of the Sermon on the Mount, Cambridge, 1966, p. 99-103.
44. Voir G. BARTH, Das Gesetzverstiindnis des Evangelisten Matthiius: Uberlieferung und Auslegung Matthausevangelium, éd. G. BORNKAMM, G. BARTH and H.J. HELD, Neukirchen, 1960, p. 54-154.
45. Voir par ex. Mt. 5, 21 et 5, 43.
46. Cf. G. BARTH, op. cit., p. 79.
47. L'accent mis sur la Torah dans l'Evangile de Matthieu est même considéré comme un trait de polémique contre l'interprétation paulinienne. Voir G. BARTH, op. cit., p. 149-154.
48. Cf. K. BERGER, op. cit., p. 587-590.
49. W.D. DAVIES, Christian Origins and Judaism, London, 1962, p. 53.
50. Voir aussi Jc. 2, 8-11. Il ressort de certains textes du Nouveau Testament que Paul lui-même observait la Loi: voir Ac. 16, 3; 21, 21-26; 23, 6. I Co. 7, p. 18. Il a pu le faire à cause de la sensibilité des Juifs et des communautés judéo-chrétiennes. Voir W.D. DAVIES, Paul and Rabbinic Judaism, London, 1970, p. 73 s.
51. Mt. 7, 28 s. peut être compris en ce sens.
52. W.D. DAVIES, Sermon on the Mount, p. 183 s. Pour la vision juive de la Torah aux temps messianiques, voir de plus W.D. DAVIES, op. cit., p. 109187; E.E. URBACH, The Sages. Their Concepts and Beliefs. Jérusalem, 1975, p. 297-314.
53. Nm. 28, 9 s.
54. Voir D. DAUBE, The New Testament and Rabbinic Judaism, New York, 1973, p. 68 s.
55. Voir D. DAUBE, op. cit., p. 70 s.
56. Cf. R. BANKS, Jesus and the Law in the Synoptic Tradition, Cambridge, 1975, p. 116 s.
57. Pour Mt. 12, 1-8, voir aussi G. BARTH, op. cit. p. 75-78.
58. Shab. 128 b.
59. Voir Strack-Billerbeck I, 629.
60. Cf. E. LOHSE, Jesu Worte über den Sabbat: Judentum — Urchristentum-Kirche. Fs. J. Jeremias, éd par W. ELTESTER, (Beihefte zur Zeitschrift f. N.T. Wiss 26) Berlin, 1964, p. 79-89, ici p. 88. D'une vue opposée, G. STRECKER, Der Weg der Gerechtigkeit (Forsch. zur Rel. u. Lit. des A.u. N.T. 82) Gattingen, 1962, p. 19. On retrouve la même tradition en Le. 14, 15; voir aussi Lc. 13, 15.
61. I Co. 9, 9 s.
62. Is. 50, 6.
83. Je. 3, 18; Ex. 3, 8.17; Dt. 26, 9.15; Is. 41, 19 et 43, 20, sont des textes à comprendre de façon métaphorique.
64. Adversus Marcionem III, 5.4, cf. aussi V, 16.7 et V, 7.10 s.
65. Migne P.L. CXIV 533.
66. Joannis Calvini opera quae supersunt omnia; éd. par G. BAUM, E. CUNITZ et E. REUSS, XLIX, Brunswick, 1892, p. 441.
67. JUAN DE VALDÉS, Commentary upon St. Paul's first Epistle to the church at Corinth, traduit par J.T. Betts, Londres, 1892, p. 37.
68. Cf. A. MAIER, Commentar über den ersten Brief Pauli an die Korinther, Fribourg en Brisgau, 1857, p. 193; F. GODET, Commentaire sur la Première Epître aux Corinthiens II, Paris, 1885, p. 37; R. CORNELY, Commentarius in S. Pauli apostoli epistolas. II prior epistula ad Corinthios, Parisiis, 1909, p. 246 s.; F.W. GROSHEIDE, Commentary on the first Epistle to the Corinthians, London, 1954, p. 205.
69. Glossa ordinaria ibid.: « curae quidem sunt; verum non ita, ut de eis legem instituat » CALVIN ibid.; A. MAIER ibid.; A.P. STANLEY, The Epistles of St Paul to the Corinthians, London, 1865, p. 142; F. GODET, ibid.; R. CORNELY, ibid.
70. Idée qui se trouve déjà dans Philon: « La Loi ne prescrit rien pour les créatures privées de raison, mais pour celles qui savent penser et raisonner », Spec. 1, p. 260. L'interprétation de Philon s'applique ici aux règlements sur les sacrifices (Lv. 6) et ne doit pas être prise comme une règle générale. Philon n'interprète pas la Loi de façon complètement métaphorique; Voir De Virt. p. 140 où toute relation entre hommes présuppose un traitement humain des animaux.
71. Le même lien entre la création et l'observance de la Loi se trouve dans le Psaume 24. Je dois ces remarques au Prof. A. Segré.
72. Voir W. BACHER, Die exegetische Terminologie der jüdischen Traditionsliteratur I, Leipzig, 1905, p. 172-174.
73. Ainsi Thomas d'Aquin. Voir aussi Cornelius a Lapide, Commentaria in omnes Sancti Pauli epistolas, Augustae Taurinorum, 1909, p. 444 s.; J. NIGLUTSCH, Brevis commentarius in S. Pauli Apostoli Epistolas ad Galatas et primam ad Corinthios, Tridenti, 1899, p. 125; E.B. Alio, Saint Paul. Première Epître aux Corinthiens, Paris, 1935, p. 217.
74. Voir Rm. 5, 9.10.15.17. I Co. 9, 12. II Co. 3, 8.
75. B.M. 88 b. D'autres emplois métaphoriques de Dt. 25, 4 se trouvent en Gittin 62 a, Sanh. 65 b et Makk 23 a. Ceci toutefois n'implique pas que le sens originel de Dt. 25, 4 soit perdu dans le Talmud; cf. Terumoth IX, 3.
76. Dans la littérature paulinienne et deutéro-paulinienne, c'est du Christ que dépendent la réconciliation et l'harmonie cosmiques; voir A. VOGTLE, Das Neue Testament und die Zukunft des Kosmos, Düsseldorf, 1970, spec., p. 213 s. Pour l'influence de la distinction entre Dieu comme Créateur et Dieu comme Législateur en I Co. 9, 9, sur l'idée de création en Rm. 8, 19, voir W. GRUNDMANN, Die Ubermacht der Gnade: NT 2, 1957, p. 50-72, spec. p. 60.
77. Voir H. CONZELMANN, Der erste Brief an die Korinther, Gdttingen, 1969, p. 183.