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Revue SIDIC XXX - 1997/3
La sainteté: (Pag. 06 - 10)

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L'idee de saintete à la lumière de Vatican II
Herbert Alphonso. S.J.

 

Il n'est pas rare de nos jours d'entendre dire et même de proclamer à haute voix que Sainteté égale Santé. Il existe même un livre connu de Joseph Goldbrenner intitulé précisément "Holiness is Wholeness"1. Naturellement, ceci est vrai en ce qui concerne ce que nous appelons de nos jours, une Spiritualité Holistique dans le sens où est respectée l'unité intégrale et organique c.à.d. l'intégralité de la personne humaine. Dans ce contexte, affirmer que la Sainteté, c'est l'intégralité, c'est affirmer tout à fait correctement que la poursuite de la sainteté, loin d'être contraire ou susceptible d'entraver la saine croissance humaine, en fait, la nourrit et l'accroit et que ceux qui s'efforcent de répondre à l'appel de la sainteté ne sont, en aucune manière, exempts de la condition intégrale humaine.

Malheureusement, cependant, comme cela arrive en général, avec ce qui est souvent proclamé bruyamment comme Spiritualité holistique - même le simple étudiant en spiritualité sait cela - sainteté en tant que intégralité n'est pas rarement interprété en pratique dans un sens psychologique primaire et réduit. Ainsi l'authentique spiritualité tend à se réduire en pratique à une psychologie magnifiée. Qui d'entre nous, par exemple, dans le domaine de la direction spirituelle, n'est pas douloureusement conscient que, de nos jours beaucoup de ce qui passe pour de la direction spirituelle n'est pratiquement pas davantage qu'une Consultation Psychologique? Ceci ne veut en aucune façon sous-estimer ou décrier la psychologie ou la consultation psychologique, ni impliquer en aucune façon que la Consultation psychologique et la Direction Spirituelle, tout comme la Psychologie et la Spiritualité ne soient pas en relation étroite et organique. Naturellement, elles le sont, mais d'aucune manière ne faut-il les prendre l'une pour l'autre comme cela se produit dans un monde passionné par les progrès, sans aucun doute étonnants, de la psychologie. Bien que certainement liées très étroitement l'une à l'autre, comme le sont la Grâce et la Nature, la psychologie et la Spiritualité sont, chacune dans son droit spécifique et distinct, une discipline authentique et professionnellement valable et un domaine à la fois théorique et pratique.
Nous traitons ici, donc, de la Sainteté comme une catégorie spirituelle authentique.

Sainteté: Union à Dieu, l'éminemment Saint
Toutes les religions véritablement déistes attribuent le mot 'saint' ou 'sainteté' comme la première et la plus fondamentale qualité de Dieu. Dans le cas du Bouddhisme c'est dans l''épiphanie' ou manifestation d'une "réalité inconditionnelle et indéfinie" que le 'Sacré' ou le 'Saint' est révélé. Donc pour toutes les religions déistes, pour le dire franchement, Dieu en tant que Dieu est Saint dans son essence même, par définition, pour ainsi dire.
La Bible affirme cela sans ambiguïté. Les grandes théophanies et les hymnes de louange, des Ecritures Juives autant que des Ecritures Chrétiennes soulignent la Sainteté de Dieu dans ce sens éminemment particulier2. Mais ce n'est en aucune façon pour séparer ou isoler Dieu ou sa sainteté. Le Dieu de la Bible est un Dieu qui se révèle et se communique. Il donne et partage Sa Vie et son être, c'est à dire qu'il donne et partage sa Sainteté. Ainsi la Sainteté vient de Dieu, non comme une désignation mais comme une qualité divine qui est partagée - partage de la Vie de Dieu ou grâce, comme la théologie plus tard, l'énoncera. Un tel partage est, à la fois, un état ou condition et un appel ou vocation qui en découle. Le livre du Lévitique déjà proclame ceci: "Je suis le Seigneur, ton Dieu; c'est pourquoi, soyez saints parce que Je suis Saint" (Lv 11,44-45). Ceci trouve un écho explicite dans la première lettre de St Pierre: "Mais de même que Celui qui vous a appelés est saint, devenez saints, vous aussi, dans toute votre conduite, selon qu'il est écrit: Vous serez saints parce que moi, je suis saint." (1 P 1,15-16) En général donc - en tous cas dans toutes les traditions religieuses déistes - la sainteté, pour nous, êtres humains signifie en termes authentiques, union à Dieu, car Dieu est principalement, et dans le sens le plus radical, le SEUL SAINT.

Sainteté chrétienne: Union à Dieu en Jésus Christ
Maintenant, pour nous, chrétiens, Dieu s'est en effet révélé et nous a communiqué Sa Vie, Lui même, finalement et en définitive dans son Fils Jésus Christ (cf He 1,1-3). En effet Jésus Christ est le seul médiateur entre Dieu et les êtres humaines: "car Dieu est unique, unique aussi le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme Lui-même" (1 Tm 2,5). La sainteté donc, au sens chrétien du mot, signifie, dans les termes les plus simples, ni plus ni moins que l'union au Christ - ou, plus précisément, l'union à Dieu dans et par Jésus Christ.
Ainsi, alors qu'il est vrai que les théologiens chrétiens au cours des siècles, ont formulé l'essence de la sainteté chrétienne en termes divers et différents, conditionnés souvent par leur époque ou par les écoles de théologie auxquelles ils appartenaient3, il est également vrai de dire que tous les théologiens chrétiens sincères, ont plus ou moins explicitement enseigné, en parfait accord avec une tradition continue et appropriée, que la sainteté chrétienne consiste, en dernière analyse, dans l'union à Jésus Christ, Verbe incarné de Dieu, et notre Rédempteur qui est le seul médiateur entre Dieu et les hommes.

Formulation exacte de Vatican II sur la sainteté: Union avec Jésus Christ
Il n'est pas surprenant alors, - au contraire très significatif - que le second concile du Vatican ait résumé tout son enseignement sur la sainteté chrétienne en un langage qui est littéralement et expressément conçu dans les termes de l'union avec Jésus Christ évitant ainsi, en tant que Concile éminemment pastoral, toutes controverses ou discussions, bien que légitimes, parmi les théologiens chrétiens et les écoles de théologie chrétienne.

Et qui plus est, le Concile, dont tout l'enseignement dans toutes les Constitutions, Décrets et Déclarations, est centralisé, nous le savons, autour de son ecclésiologie, profondément riche et renouvelée, a fait cela d'une manière concentrée et magistrale dans la Constitution Dogmatique sur l'Eglise - Lumen Gentium - surtout au chapitre 5 intitulé "L'appel de toute l'Eglise à la Sainteté".

Cela vaudrait la peine de citer l'un ou l'autre des passages principaux de Lumen Gentium, pour en tirer les richesses essentielles de l'enseignement chrétien sur la sainteté:

"Nous croyons que l'Eglise, dont le Concile présente le mystère, est indéfectiblement sainte. Le Christ en effet, le Fils de Dieu, qui est célébré avec le Père et l'Esprit 'comme le Seul Saint', a aimé l'Eglise, comme son épouse, en se livrant pour elle pour la sanctifier (cf Ep 5,25-26), il se l'est unie comme son Corps, et l'a comblée du don du Saint-Esprit, pour la gloire de Dieu. Aussi, dans l'Eglise, tous, qu'ils appartiennent à la hiérarchie ou qu'ils soient conduits par elle, sont appelés à la sainteté, selon le mot de saint Paul: 'La volonté de Dieu, c'est votre sanctification' (1 Th 4,3; Ep 1,4)." (LG 39)

Si déjà, dans ce texte fondamental tout ce qui a rapport avec la sainteté chrétienne relève directement ou indirectement de l'union avec Jésus Christ, il y a des passages dans les paragraphes suivants de Lumen Gentium qui identifient explicitement la sainteté chrétienne avec l'union à Jésus Christ, par exemple:
"Parce qu'ils sont plus intimement unis au Christ, les saints du ciel affermissent plus solidement toute l'Eglise dans la sainteté." (LG 49)

Et plus loin, dans une définition de fait de la sainteté chrétienne, Lumen Gentium parle de :
"la route très sûre par laquelle, dans ce monde changeant... nous pouvons arriver à l'union parfaite avec le Christ, c'est-à-dire la sainteté." (LG 50)

Sainteté chrétienne: dimensions trinitaires
Dans cet accent mis sur l'union avec la Personne de Jésus Christ comme le titre substantiel de la sainteté chrétienne, on ne doit pas négliger les Dimensions Trinitaires absolument essentielles. La révélation toute entière du Nouveau Testament, spécialement dans les écrits de Paul et de Jean, ne nous laisse aucun doute que l'union avec Jésus Christ, dont nous avons parlé est en vérité l'union avec Dieu le Père, par la médiation unique du Fils Jésus Christ, dans la puissance de l'Esprit Saint4. Cet Esprit de Jésus Christ est appelé, d'une manière très significative le Saint Esprit - l'Esprit de sainteté, car Il est le principe de vie qui unit effectivement le chrétien à Jésus Christ.

Sainteté chrétienne: ontologique et morale
Ainsi la sainteté au sens chrétien du terme, est d'abord et principalement un état et une condition - c'est à dire, sainteté ontologiquement comprise, si nous devons employer un langage technique - car, par le sacrement de Baptême, le chrétien est "plongé en Jésus Christ" (Rm 6,3; Ga 3,27), uni et incorporé au Christ. Le chrétien "revêt", "est revêtu" du Christ Jésus, comme le dit St Paul (Ga 3,27; Co 3,10-15). Cet état ou cette condition de l'union au Christ ou de la sainteté par le Baptème, mûrit et conduit à ce que nous pourrions appeler "un état d'adulte" grâce au sacrement de confirmation; il est en outre constamment nourri, alimenté et approfondi par le sacrement de l'Eucharistie, sacrement par excellence de l'union à Jésus Christ. Il est facile de voir et de comprendre alors pourquoi St Paul, dans ses lettres, peut s'adresser constamment à tous les chrétiens comme "saints", car grâce aux sacrements même de l'initiation chrétienne, ils sont dans un état ou une condition d'union à Jésus Christ, c'est-à-dire dans un état ou condition de sainteté. Cet état ou condition de sainteté est pour le chrétien, au sens même où nous l'avons décrit précédemment, distinctement et spécifiquement chrétien. Nous insistons sur ce point, même si nous admettons que l'Ecole Advaitic de l'Hindouisme, avec ses Aham Brahmasmi, peut, dans son système particulier, prétendre à une sorte d'état ou de condition de sainteté. L'état ou la condition chrétienne de sainteté, que nous avons décrit, est un pur don de Dieu - don venant du Père de toute grâce par son Fils Jésus Christ, dans la puissance de l'Esprit Saint.

Mais chaque don, comme nous le savons, implique en nous, êtres humains libres, une responsabilité correspondante. Et ainsi, l'état même ou la condition chrétienne de sainteté, qui consiste en une union ontologique avec Jésus Christ, devient pour les chrétiens, un appel et une vocation qui en découle - appel et vocation à grandir dans l'union à Jésus Christ, qui comporte des demandes et des exigences évidemment éthiques et morales. Ici, précisément, on doit mentionner le chapitre 5 de Lumen Gentium, qui a une signification si profonde et qui est intitulé "La vocation universelle à la sainteté dans l'Eglise toute entière" avec son invitation expressément formulée et même son défi:
"tous les fidèles, de quelque état ou rang qu'ils soient, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité..." (LG 40)

La référence ici, lorsqu'on parle de "perfection de charité" c'est à cette charité qui n'est rien d'autre que l'amour qui tend à l'union, union à Dieu en Jésus Christ. C'est également ici qu'il faut situer les exhortations multiples et expresses des écrivains du Nouveau Testament, s'adressant aux chrétiens et les appelant et les invitant tous "à être saints"5. Le lien intime, en effet, impératif, dans tous ces textes, entre sainteté et conduite ou comportement moral, témoigne clairement de la sainteté comprise dans le sens moral - une sainteté commune à toutes les traditions religieuses. Ce lien témoigne clairement, de la sainteté comprise au sens moral, comme faisant partie d'un processus responsable de conversion continuelle et mûrissant. Dans le contexte spécifiquement chrétien, une telle croissance en sainteté ou union avec Jésus Christ est réalisée par la libre réponse du chrétien, à la parole de Dieu proclamée ou lue et méditée dans son coeur (= prière), par sa participation à la vie sacramentelle de l'Eglise, et par le fait de conformer sa vie quotidienne, soit vie personnelle ou vie de famille, vie professionnelle et sociale, à ces valeurs et attitudes qui portent, nourrissent et approfondissent l'union à Jésus Christ. Comme vous l'avez certainement remarqué d'après ma dernière phrase, j'ai cherché à résumer succinctement les moyens les plus variés et les plus décisifs de croissance et de maturation de la sainteté "morale" chrétienne.

Dimensions ecclesiales de la sainteté chrétienne
Une telle union avec le Christ ou sainteté chrétienne, que ce soit au sens ontologique ou au sens moral, n'est pas simplement un état ou une recherche individuelle ou personnelle. Bien que le chrétien en tant qu'individu, soit très certainement uni personnellement au Christ, et de ce fait saint, lui ou elle, fait partie intégrante du corps du peuple de Dieu, en vérité, est membre d'un corps organique, le corps du Christ qui est l'Eglise. Bien que l'aspect communautaire de la sainteté soit très clairement établi dans la religion traditionnelle, comme également dans l'Islam et dans certaines expressions ou formes de l'Hindouisme, le sens caractéristique et ecclésial dans lequel le chrétien est part intégrante du peuple de Dieu, au sens de membre d'un corps organique - le corps du Christ qui est l'Eglise - est distinctement et spécifiquement chrétien. Une telle dimension ecclésiale de la sainteté chrétienne ne peut être négligée ou disqualifiée; cette dimension est essentielle, autant dans son état ou condition ontologique que dans son aspect provocateur d'appel ou de vocation avec ses exigences éthiques et morales. Il n'est pas étonnant que cette union, directement impliquée par la sainteté chrétienne soit exprimée par l'amour, non seulement l'amour de Dieu, mais également l'amour pour les frères et soeurs en Dieu, dans le Christ Jésus. Un tel amour, comme tout amour véritable est dirigé et orienté vers l'union aussi réellement qu'il est le rejeton et le fruit de l'union. Dans ce cadre également des dimensions typiquement ecclésiales de la sainteté chrétienne, on peut mieux comprendre sa dimension eschatologique - en d'autres termes son mouvement vers la plénitude, la perfection et la consommation finale - comme l'a montré si admirablement Lumen Gentium au chapitre VII sur "le Caractère Eschatologique de l'Eglise Pélégrinante et son union avec l'Eglise du Ciel."

Sainteté chrétienne: Une dans son essence et non identique pour tous
Ainsi l'essence de la sainteté chrétienne est une en ce qu'elle consiste dans l'union à Jésus Christ, réalisée par l'Esprit Saint. Mais dire que la sainteté est une, ne veut pas dire qu'elle soit la même et qu'elle soit identique pour tous. LG 41 est très clair sur ce point: elle parle de una sanctitas qui est, cependant, distingué et différencié secundum propria dona et munera, selon ses dons et ses fonctions propres, non pas, notez le bien una et eadem sanctitas (une et même sainteté) comme una sanctitas a été traduit dans certaines de nos versions. Non seulement chaque individu est unique et ne peut être reproduit au niveau de la nature, conditionné comme il l'est par son histoire, sa culture, les facteurs personnels et sociaux ou les circonstances; au niveau de la grâce également chaque personne individuelle est dotée et douée de tous les dons selon la mesure de la liberté souveraine et la libéralité du Père: "Chacun de nous a reçu sa part de la grâce divine selon que le Christ a mesuré ses dons." (Ep 4,7)6. Il n'est pas étonnant que Vatican II, dans ses décrets variés, ait parlé explicitement de la sainteté propre aux laïcs, et également de celle propre aux religieux et de celle propre aux prêtres - et ceci, pour moi est une accentuation particulière à la sainteté chrétienne.
Il y a plus encore, comme j'ai eu l'occasion de le montrer dans mon livre The Personal Vocation, sur le plan même de l'être - non pas seulement au plan de l'action ou de la fonction - chacun d'entre nous a été gracié en Jésus Christ, d'une marque unique et non répétitive qui, comme un signe unique donné par Dieu dans la vie de chacun, devient le secret de l'unité et de l'intégration de tout le déroulement de la vie de la personne.

Conclusion: approfondissement spirituel, invitation au dialogue
Voilà pour la réelle compréhension de la sainteté dans le Christianisme, dans toutes ses dimensions essentielles.

J'aimerais conclure, cependant, en présentant une interprétation de la sainteté dans des termes d'authentique spiritualité chrétienne qui ouvre la porte à ce que je crois être un dialogue aidant et constructif avec d'autres traditions religieuses. En fait, nous noterons dans ce mot final, combien cela résonne harmonieusement, (si je puis le dire) avec la "dynamique de la libération" qui caractérise les autres traditions religieuses dans leur propre compréhension de la croissance dans la sainteté.

L'union à Dieu, par Jésus Christ dans la puissance de l'Esprit que nous avons montrée comme étant l'essence même de la sainteté chrétienne, est l'oeuvre de Dieu. Selon la révélation Biblique, ce n'est pas nous, êtres humains qui allons vers Dieu c'est Dieu qui vient à nous. Comme notre poète lauréat Indien Rabbindraah Tagore le chante dans son recueil de poèmes Gitanjali (Offrandes de chants) qui a mérité le prix Nobel:
"N'avez vous pas entendu ses pas silencieux ?
Il vient, il vient, il vient sans cesse,
A chaque instant, a chaque époque,
Chaque jour et chaque nuit
Il vient, il vient, il vient sans cesse. ..."

La primauté et l'initiative pour nous communiquer sa vie et son amour appartiennent à Dieu. Le seul rôle que la liberté humaine ait à jouer, est de s'ouvrir, de se disposer à recevoir Dieu qui se donne et se communique, qui vient à jamais dans nos vies pour nous sauver, nous racheter et nous sanctifier. Ainsi, de la part de l'être humain libre, l'union à Dieu ou l'union au Christ, réside dans la liberté du coeur, ou liberté intérieure - comme nous le soulignons si fortement de nos jours, en spiritualité - liberté intérieure qui comporte, à la fois, une libération totale de tout ce qui bloque la vie envahissante, l'amour et la puissance de Dieu, et par conséquence une liberté pour ou une ouverture ou disponibilité - les français aiment le mot disponibilité - au Dieu qui se donne et se communique toujours. Ainsi, de la part de la personne humaine libre, ce qui est requis pour la sainteté et la croissance dans la sainteté, c'est un coeur ouvert et une croissance continue ou un approfondissement de cette liberté intérieure du coeur. Celui qui est libre intérieurement trouvera Dieu et sera uni à Dieu, il trouvera le Christ ou il sera uni au Christ dans la mesure même où il est libre intérieurement. La croissance dans la sainteté chrétienne est, alors, une croissance dans la liberté intérieure ou ouverture au Saint Esprit, qui nous conduit alors, grâce à ses dons. Par ces dons, Il nous incite à ces purifications actives ou "libérations" et accomplit en nous ces purifications passives ou "libérations" qui nous disposent effectivement à la véritable union à Dieu, ou sainteté.

Cette interprétation de la sainteté chrétienne en termes de liberté intérieure et de coeur libre - en ce qui concerne notre rôle en tant que personne humaine - est démontrée d'une manière admirable par Notre Dame, la Vierge Marie, le prototype du côté humain de la sainteté chrétienne.

C'est précisément dans le chapitre VIII, le chapitre culminant de Lumen Gentium sur le mystère de Marie dans le Mystère du Christ et de l'Eglise que nous est présentée la personne de Marie comme le type et la figure de la vie chrétienne dans sa croissance vers la sainteté et la perfection. Dans un langage profondément émouvant, le Concile montre comment tout le mystère de Marie est résumé dans le mystère de son Annonciation. A l'annonciation c'est Dieu qui prend l'initiative et a la primauté: c'est Lui qui fait irruption dans la vie de Marie et qui l'invite à une participation active dans son plan de salut ou à la participation à Sa Vie Divine. La réponse de Marie n'est pas "Oui, Seigneur, je le ferai: je serai la mère du Verbe Incarné. C'est, plutôt remarquons le, son attitude active, se mettant avec toute l'énergie et le pouvoir de sa liberté, à l'entière disposition de Dieu: c'est sa liberté intérieure de coeur qui s'exprime ainsi: Ecce Ancilla Domini... Fiat mihi! " Me voici, servante du Seigneur! Vous ferez de moi selon votre volonté!" Réceptivité active au don de Dieu, la disposition active d'une liberté intérieure qui l'unit effectivement à Dieu, par le Christ. En ceci précisément la Vierge Marie est le Modèle, le type, la figure et l'icône de la sainteté chrétienne ! Et le reste de son mystère n'est rien d'autre que le développement de cette spirale progressive de cette liberté intérieure - de sa disponibilité active ou liberté pour Dieu au milieu de son expérience réelle et quotidienne jusqu'au pied de la Croix et au delà.

Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous afin que nous apprenions de vous comment devenir saint et grandir en sainteté.



Notes
* P.Herbert Alphonso S.J. est doyen de l'Institut de Spiritualité à L'Université Pontificale Grégorienne. Cet article a été publié en Pro Dialogo, 1996/2 en anglais sous le titre The Idea of Holiness in Christianity. Cette traduction est publiée avec permission de l'éditeur.
2 Voir p.ex.: Ex 15,11; Es 6,3; Ap 4,8.
1 Pantheon Publishers, New York 1955.
3. Pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne l'idéal du saint chrétien était le martyre. A la fin du 4e siècle on interpréta la sainteté dans un sense "monastique", ainsi même les laïques cherchaient à modeler leur vie sur une espèce de "fuite du monde". Ceci dura jusqu'à Thomas d'Aquin qui placa l'essence de la sainteté dans la charité ou l'amour - amur qui mène à et est le fruit de l'union. Mais la "fuite du monde" compréhension prévalait dans la pratique. Avec Ignace de Loyola et François de Sales la sainteté comme union à Dieu était de nouveau accentué. Depuis on a accentué soit la dimension verticale comme amour de Dieu ou la dimension horizontale comme amour et service des hommes et femmes, créant ainsi un défi permanent de maintenir l'équilibre qui intègre organiquement l'amour de Dieu et du prochain (voir 1Jn 3,4-18; 4,20-21).
4. Par exemple: Mt 28,19; Jn 14,25; 15,26; 16,13-15; 1 Jn 5,7-12; 2 Co 13,14; Ep 1,13-14.16-21; 4,1-6; 1 Th 1,2-5 ...
5. Par exemple: 1 P 1,15-16; 1 Co 1,2; Ep 1,4; 5,3; 1 Th 4,3.
6. Voir aussi 1 Co 12,4-11.

 

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