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Présentation
Ce numéro de Sidic, le dernier de l’année et du millénaire, traite de mouvements réactionnaires religieux variés qui se sont exprimés avec une intensité croissante durant les dernières années de ce siècle. Fréquemment rassemblés sous le parapluie du mot fondamentalisme, ces mouvements présentent des modèles identiques de réactions aux mêmes causes ; mais ils diffèrent considérablement dans leurs expressions politiques et par leurs contextes culturels et religieux.
Dans le sillage de la modernité et de l’ethno-nationalisme, et coïncidant de manière significative avec le mouvement multiculturel, une résurgence globale de la religion est entrain de s’exprimer par un militantisme religieux et par une politisation, un isolationnisme et un nationalisme extrême voire, de temps en temps, par un extrémisme radical et violent. Emergeant à un moment où la plupart des totalitarismes antireligieux ont disparus, ce renouveau religieux, radical, politisé, mêle foi et politique et affecte aussi bien la vie privée que la vie publique. Qu’est-ce qui sous-tend ce phénomène, qu’est-ce qui lui donne vie ? A quelles conséquences devons-nous être attentifs ?
Les articles de ce numéro ouvrent quatre « fenêtres » sur ce phénomène complexe. R. Scott Appleby fait la distinction entre « maintenir la foi » et « être tenu par elle » *. Il trace un portrait de la « religiosité enclavée » du christianisme, du judaïsme et de l’islam. Il nous donne l’arrière fond nécessaire pour comprendre les modèles d’interactions oecuméniques et interreligieuses qui ont caractérisé leurs mouvements fondamentalistes au cours de ces dernières années. Alors que Pierre Lathuilière documente l’anti-oecuménisme du fondamentalisme protestant et de l’intégrisme catholique, Appleby attire notre attention sur une évolution récente d’un curieux fondamentalisme à style oecuménique – un oecuménisme au service d’un opportunisme politique, bâti à la hâte en réponse à la peur de perdre une identité religieuse distincte.
David Rosen traite du rôle de la religion dans la constitution de l’identité individuelle, communautaire et nationale, spécialement dans le judaïsme où religion et appartenance au peuple sont inextricablement liées. Dans l’article sur « Le fondamentalisme islamique », John L. Esposito fournit un aperçu détaillé de son évolution dans le monde musulman des années 90. Il met en garde contre l’application du mot fondamentalisme à l’ensemble de la prolifération des mouvements divers et complexes qui vont de formes modérées à extrêmes et qu’il serait plus juste d’appeler islamisme, islam politique, activisme islamique ou renouveau islamique. Il décrit les racines, les caractéristiques et les buts de ces mouvements en tant qu’ils touchent la vie privée et publique et qu’ils sont l’expression islamique d’une alternative idéologique au nationalisme, au capitalisme, au socialisme dans la société actuelle.
Dans ce temps de bouleversements culturels et d’universalisme homogénéisant, ces mouvements expriment-ils des aspirations humaines auxquelles il nous faut être attentifs ? Changement, pluralisme et tolérance étant perçus comme une menace pour l’identité religieuse communautaire, comment les éléments universels de la religion peuvent-ils être renforcés, et la compréhension et la collaboration transculturelles et interreligieuses peuvent-elles être une alternative préférée à l’isolation, à l’agressivité au conflit et à la violence ? Avec ce numéro, SIDIC tente de contribuer à répondre à ces questions.
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* Faute de place, l’article de R.Scott Appleby « Enclave Religiosity and Ecumenical Dialogue » publié dans notre édition anglaise n’a pu être reproduit dans l’édition française de Sidic. Nous nous en excusons vivement.