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Présentation
La rédaction
On a beaucoup écrit sur François d'Assise en cette année du 8e centenaire de sa naissance et, à plusieurs reprises, certaines similitudes ont été relevées entre l'esprit franciscain et celui des Hassidim juifs, soit contemporains de François, soit d'une époque plus tardive. Dans cette revue, nous cher chons à préciser ce que les deux mouvements religieux ont de commun et en quoi leur message est encore d'actualité pour le monde où nous vivons.
L'esprit de François d'Assise peut être défini comme un esprit de simplicité et de joie, un esprit de paix et de fraternité qui s'étend non seulement aux êtres humains mais à l'ensemble de la création. Veillons cependant à ne pas faire -de la simplicité franciscaine une religiosité sentimentale ou una évasion pieuse. En réalité, l'esprit de François, dorsqu1l est bien compris, comparte une -double exigence: vivre en profondeur les valeurs de la Bible et s'appliquer à une vraie conversion du coeur. Les mots « Hassid » (pluriel: Hassidim) et « Hassidisme » viennent du mot hébreu « Hessed » qu'il est très difficile de traduire en français. Dans la Bible, il signifie: générosité, zèle, ,piété, à la fois amour et bonté. Selon 1e Talmud, est Hassid (c'est-à-dire vivant selon les normes de Hessed) celui qui dit: « Ce qui est à moi est à tai et ce qui est à toi est à toi ». Le premier mouvement hassidique, celui, dont il est question dans l'article ~de Nazareno Fabbretti, est né en Allemagne au milieu du 12e siècle et s'est éteint au cours du siècle suivant. C'était un courant à 1a fois moral et mystique. Tout en s'opposant aux mouvements piétistes chrétiens, il en a été marqué: Son influence s'est étendue sur toute l'Allemagne, dans une certaine mesure en France aussi, et même en Espagne au cours de da seconde moitié du 13e siècle. Les Hassidim qui vivaient en Pologne et en Ukraine aux 18e et 19e siècles se sont considérés comme les héritiers du Hassidisme allemand originel. Le mouvement, fondé par Israël ben Eliezer qui prit le nom de Baal Chem Tov (mot-à-mot: le maître du Bon Nom, d'où a été tirée, d'après les initiales seulement, l'appellation de Becht), apportait à un peuple écrasé et humilié, souvent même persécuté, une joie et une spontanéité dans 1a piété qui allaient l'aider à supporter l'oppression. Ge grand mouvement a survécu à 1a destruction nazie; il compte encore de nos jours des adeptes fervents, et toute une vaste littérature.
Le mouvement franciscain et le Hassidisme furent tous deux révolutionnaires, au meilleur sens du mot; tous deux aussi, en réaction contre une société qui avait perdu 1e sens de Dieu et qui s'était enlisée dans le matérialisme et la violence. Par son exemple et par sa parole, François té moigne devant ses contemporains -des vraies valeurs: Au matérialisme ambiant, il oppose da pauvreté; à l'encontre de la violence, il prêche la paix; à une religion desséchée, il apporte sa. ferveur mystique. Les Hassidim, ceux des origines comme ceux du Baal Chem Tov, donnent un message identique, un message de guérison à un monde en chaos. Ce qu'ils veulent, c'est changer la société, non par un renversement des régimes ou des gouvernements, mais par cette joie de l'âme qui fait renaître l'espérance chez les opprimés. On a pu dire, à juste titre, que la mystique était l'âme du renouveau. Cala explique en partie, sans doute, le foisonnement actuel des mouvements charismatiques ou de communautés nouvelles, et aussi cette attirance des mystiques orientales où certains espèrent trouver une source qu'ils n'ont pu découvrir en Occident.
Il est bon, certes, de nous arrêter un peu à admirer l'esprit de joie et de paix qui fut_ celui des Hassidim et du mouvement franciscain, mais quel sens cela a-t-il en ces jours de violence que nous vivons? Nous ne voulons pas parler ici des événements terribles d'avant 1950, mais de ceux qui se sont produits ces derniers mois au Moyen Orient et en Europe et qui agitent encore actuellement l'opinion mondiale. Le dialogue judéo-chrétien, qui n'en est qu'à ses débuts, vient de subir un rude choc; car même si l'esprit qui nous anime est au-delà de 1a politique, à moins de rester purement abstrait, il ne peut pas ne pas en être affecté. Quelles que soient nos options politiques, nous tous, juifs, chrétiens et musulmans, nous avons foi en un même Dieu et Père; c'est en Lui que nous mettons notre espérance, et, devant Lui, nous devons reconnaître que nous avons tows, sans exception, besoin de pardon et de réconcifiation; chacun de nous, sans exception, a des droits que l'autre doit respecter; chacun de nous aussi, sans exception, doit être prêt à regretter les fautes commises, à en tirer la leçon et à reprendre avec un courage renouvelé le chemin du dialogue, afin que, Dieu aidant, notre monde trouve enfin les voies de la réconciliation et de l'unité.