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Le pèlerinage: retour vers un lieu theologioue
Jacques Fontaine
Le Frère Jacques Fontaine, dominicain de la Maison St Isaïe à Jérusalem, est aussi, depuis de longues années, guide diplômé de bEtat d'Israël et organisateur de voyages dans le pays, sortes de « retraites en plein air », dont le premier but est une redécouverte de la Bible et de son impact dans la vie présente. Pour tous renseignements, s'adresser à Maison St Isaïe 20 rehov Gershon Agron P.O.B. 1332 Jérusalem, Israël.
Pour Frère Jacques, la rencontre avec cette terre, la connaissance de ses paysages, de sa topographie, de sa géographie, lui a donné l'impression de découvrir la Bible, en la lisant sur le terrain. C'est cette découverte qu'il essaie de faire partager depuis des années, car « il est persuadé qu'aujourd'hui comme à l'origine c'est ici, en cette Terre sainte, que va se ranimer l'annonce de la Parole de Dieu pour retentir, avec une vigueur nouvelle, jusqu'aux extrémités de la terre ».
Il a publié en octobre 1975 un petit livre intitulé: La Bible arrachée aux professeurs, édité par la Maison Isaïe (Jérusalem) et préfacé par le P. Marcel Dubois. Ce sont quelques extraits de ce petit livre que nous publions ci-dessous.
La Bible, carte vivante des chemins menant à Dieu
L'aventure humaine est un voyage de la cité terrestre à la cité de Dieu. La Bible est la carte que Dieu nous donne pour mener à bien cette aventure. Une carte vivante, qui se dessine et se détaille sous nos yeux au fur et à mesure que progresse notre lecture. Des hommes de chair et de sang, comme nous, et qui nous sont étrangement contemporains malgré le recul du temps, à l'appel de Dieu, les uns après les autres, prennent la route (2). Dirigés par un Dieu plus jaloux qu'eux d'une liberté qu'Il a Lui-même créée, c'est à coups d'expériences que ces hommes, pour toute l'humanité, ont tracé les chemins qui mènent à la cité de Dieu.
Ces chemins, et nous le découvrirons, sont ceux-là mêmes sur lesquels, tous et chacun, nous sommes actuellement en train de peiner entre ces deux cités. Leur frontière passe au milieu de notre coeur.
Dieu ne change pas. Ses méthodes non plus. Il dirige chacun de nous comme, au cours de l'histoire, Il a dirigé son Peuple: les lois de sa pédagogie, telles que la méditation de la Bible les fait apparaître, sont celles qui président toujours à notre dialogue avec Lui.
Quand on fait une lecture cursive de la Bible telle qu'elle se présente actuellement — ce qui n'est pas unemauvaise méthode pour un premier contact — on voit véritablement s'élaborer une carte qui, de la Genèse au Nouveau Testament, prend progressivement sa configuration définitive. Un peu comme sur l'écran, grâce à certains procédés techniques, on peut voir se former une carte par additions successives des éléments qui la constituent: montagnes et vallées, collines et rivières... courbes de niveau de plus en plus précises... jusqu'à la carte d'état-major.
Sous l'histoire sainte, une géographie sacrée
La Terre sainte n'a rien perdu de son attirance depuis qu'elle est terre d'Israël.
Les journalistes y font, de plus en plus souvent, de brèves escales à l'occasion de fêtes religieuses, toujours riches en folklore. Certains, qui ont appris un peu d'histoire sainte au catéchisme, font provision de clichés correspondants à leurs souvenirs; et entremêlent, dans leurs reportages l'infantilisme religieux à la politique préfabriquée. Il n'y a pas de place dans leur équipement pour une Bible, fût-elle en édition de poche.
Les pèlerins n'ont pas encore appris à profiter des routes nouvelles. Ils continuent à « clocher des deux jarrets » entre la piété et l'archéologie. Les cérémonies se terminent quand le soleil est déjà haut sur l'horizon; et il faut ensuite dévorer les kilomètres pour arriver en d'autres lieux avant l'heure de la fermeture. On explique dans les cryptes encombrées, comment on a résolu des problèmes qui n'existent plus... sinon pour prolonger les disputes à l'heure de la réconciliation.
Les meilleurs guides, qui débrouillèrent le terrain au cours de la décennie précédente, attendent un autre redécoupage des frontières pour reparaître en éditions revues et complétées.
Pendant ce temps, on fait l'école buissonnière, de Dan à Eilat et jusque dans le Sinaï, partout où les décolletés ne sont pas réglementés, avec la Societé pour la Protection de la Nature. On lit la Bible, avec l'hébreu qui l'on a appris à l'« oulpan », en télescopant la grammaire.
On voudrait ici faire mentir le prophète Amos lorsqu'il dit
« D'une mer à l'autre on ira titubant, on errera du Nord au Levant pour chercher la Parole de Dieu et ON NE LA TROUVERA PAS » (Am 8, 12-14).
Vous qui UTILISEZ la Bible pour accabler le peuple de vos thèses et de vos problématiques, venez donc L'ECOUTER sur les chemins de ce pays dont les pierres crient. Vous chanterez ensuite un cantique nouveau et la Parole de Dieu se répercutera aux quatre coins de l'univers dans le printemps d'une nouvelle Pentecôte.
Si vous vous improvisez guides, ne considérez pas les sites comme des occasions de réchauffer vos conférences. Aidez plutôt les gens à rencontrer DIEU dans le LIEU ainsi que fit la patriarche Jacob:
«ET IL RENCONTRA LE LIEU » (Gn 28, 10-17)
« VaYiPhGa' BaMaQ0M
Jacob était un homme aux préoccupations ordinaires. Quand il était debout et marchait, sa pensée évoluait de préférence sur le plan horizontal. Quand il s'attardait sur le site et s'y étendait de tout son long, elle se mettait à évoluer, à son insu, dans la dimension verticale:
c'est DIEU qu'il rencontrait dans le LIEU
Est-il encore possible, pour un Chrétien d'aujourd'hui
-appelons-le Nathanaél Un 1, 51)
de trouver ce qu'il cherche d'abord et avant tout quand il vient en Israël?
Le « véritable Israélite » sait que l'échelle est partout plantée et que tout est lieu-saint dans l'existence quand on discerne la dimension verticale des choses et des événements, leur signification. Mais quel est le chrétien qui, sachant ces choses, en vit? Il faut pour cela une initiation. La meilleure est encore celle d'un pèlerinage en Terre Sainte quand on repasse les étapes de l'histoire en s'inspirant des lois de la pédagogie divine acheminant l'humanité vers la plénitude des temps. Nathanaël présuppose, pour mériter son nom, les expériences religieuses de Jacob.
Elle est bien plantée en terre cette échelle; et c'est précisément pour cela qu'elle s'élève jusqu'au ciel. Sous l'histoire sainte, pour l'ensemble de l'humanité comme pour chacun de nous, il y a aussi une GEOGRAPHIE SACRÉE. Sans elle, le Christianisme n'est plus qu'une idéologie.