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Revue SIDIC XXXIV - 2001/1
Une Année Après (Pag. 14 - 15)

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Ce qui reste à faire
Hans Hermann Henrix

 

(…) Même après le voyage du pape en Israël, tout n’est pas réglé dans l’Église. Nous avons d’abord à admettre la nécessité, pour nous, de prendre en considération et de faire nôtre la part que le pape a prise.

Le pape a communié avec le peuple juif et lui a manifesté son estime : l’Église doit d’abord réaliser la nécessité dans laquelle elle est de faire sienne cette attitude d’ouverture. En ce qui concerne le regard à porter sur la relation de l’Église avec le peuple juif et le judaïsme, le pape Jean Paul II est, pour la communauté ecclésiale, et tous ses membres, un « exemple » et un modèle. La relation, que l’on sait délicate, a besoin dans tous les domaines d’être assainie et de prendre un nouveau départ, dans la logique de l’action du pape.

Pour la théologie chrétienne, concernant la clarification de l’attitude du pape Pie XII à l’époque du national-socialisme,(1) il s’agit d’aller plus loin dans la réflexion ainsi que dans la discussion en matière ecclésiologique : nous faut-il distinguer péché « dans l’Église » et péché « de l’Église » de telle sorte qu’il faudrait exclure l’expression « Église pécheresse », comme la commission théologique internationale semble le dire dans son rapport ?(2) Ou bien faut-il considérer le péché comme un facteur accompagnant la mission de l’Église, « réalité complexe dans laquelle élément humain et élément divin se développeraient parallèlement » (LG 8), ce dernier lui-même contaminé, gêné et comme blessé ? Dans ce cas, il faudrait parler d’Église pécheresse, et en conséquence d’une asymétrie sur laquelle Dieu veillerait, entre sainteté et péché de l’Église ?(3)

Mais il y a de plus une attente chrétienne face au peuple juif. Le pape Jean Paul II en a parlé à deux reprises lors de son voyage en Israël. Lors de la cérémonie d’accueil sur l’aéroport de Tel Aviv le 21 mars, il a évoqué la nécessité de la paix dans la relation judéo-catholique dans les termes suivants :

« Grâce à une nouvelle ouverture réciproque, les chrétiens et les juifs doivent accomplir ensemble des efforts courageux pour éliminer toute forme de préjugés. Nous devons toujours et partout nous efforcer de présenter le véritable visage des juifs et du judaïsme, de même que celui des chrétiens et du christianisme, et cela à tous les niveaux de comportements, des enseignements et de la communication».(4)

Dans son discours à Yad Vashem, il demandait ceci :

« Construisons un avenir dans lequel il n’y ait plus de sentiment antijuif parmi les chrétiens, ou antichrétien parmi les juifs, mais plutôt le respect mutuel exigé de ceux qui adorent l’unique Créateur et Seigneur et regardent Abraham comme notre père commun dans la foi ».(5)

Il y a là un appel qui s’adresse autant à la chrétienté qu’au peuple juif. Du côté chrétien, il y a comme un dû envers le peuple juif, qu’il lui faut acquitter lui-même, et du côté juif on rencontre cette herméneutique de la méfiance, qui n’est que trop compréhensible historiquement, vis à vis de l’Église et du christianisme, et qu’il s’agit de corriger. Il y aura à l’avenir dans l’Église, bien des incidents ou événements qui, du côté juif, pourront poser des questions ou conduire à quelque irritation. Les premiers ont déjà surgi, lorsque les journaux ont annoncé les préparatifs de la béatification des papes Pie IX et Pie XII. Si cela se produit, le pape Jean Paul II sera concerné personnellement. Mais ceci ne fera pas du peuple juif « ami » un « ennemi ». Il faudra certes l’art d’une communication prudente de la part de l’Église, précisant que de tels faits ne sont animés d’aucune intention anti-juive, et il faudra également, dans l’action propre de l’Église, ne pas oublier, par manque de tact, les sensibilités juives.
Le peuple juif aime Jean XXIII. On parle très souvent, entre juifs, du « Bon pape Jean ». Lors de sa visite à la synagogue de Rome, le 13 avril 1986, Jean Paul II a bien montré que sa propre estime du peuple juif était comme une prise en charge de l’héritage de Jean XXIII.6 Assumer cet héritage, il l’a voulu en exprimant sa demande de pardon, et il l’a confirmé par son voyage en Israël. L’hospitalité que les gens en Israël – aussi bien les dirigeants que la très grande majorité du peuple – ont manifestée envers Jean Paul II, et l’accueil que ses gestes et ses discours ont trouvé là-bas montrent que le peuple a adopté dans son cœur Jean Paul II, l’estime, l’honore et lui prodigue une amitié sincère.



Hans Hermann Henrix est directeur de la Bischöfliche Akademie du diocèse d’Aix la Chapelle. Il est membre du groupe de travail « juifs et chrétiens » du Comité central des catholiques allemands (ZdK) et expert de la Conférence épiscopale allemande pour les questions concernant les relations entre juifs et chrétiens. [Traduit de l’allemand par H. Cellérier].
Nous reproduisons ici avec l’accord de l’auteur et celui de l’éditeur, la conclusion d’un long article paru dans Stimmen der Zeit (Herder Verlag Freiburg, Heft 6, juin 2000), sous le titre : « Die katholische Kirche und das jüdische Volk. Neuere Entwicklungen nach der Vergebungsbitte und der Israelreise des Papstes (L’Église catholique et le peuple juif. Récents développements après la demande de pardon et le voyage en Israël du pape) ».
1 . A ce sujet, un groupe de travail officiel judéo-catholique a été crée : H. Benz, « Die Wahrheit aus den Quellen », in Rheinischer Merkur, 24. 3. 2000, 3.
2 . Mémoire et réconciliation, l’Église et les fautes du passé. III, Fondements théologiques, DC n°2222, 19 mars 2000.
3 . Voir à ce sujet la discussion ecclésiologique dans les manuels de théologie, ainsi que – à côté de l’étude qui reste importante de K. Rahner « Église de pécheurs » dans Ecrits théologiques, t. VI – les recherches actuelles de U. Ruh, « Sündige Kirche », Herkorr 51 (1997) 487-489 ou J. Werbick, « Sündige Selbstbehauptung »: id. 54 (2000) 124-129.
4 . Discours du 21 mars 2000, in DC, 16 avril 2000.
5 .DC, n° 224, 16 avril 2000.

 

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