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Se nourrissant d'une seule et même racine - Nos relations avec le judaïsme
Évêques de Hollande
Pays-Bas (1995/10)
Paroles adressées par les évêques de Hollande à leurs fidèles, la 50ème année après la Libération, 30 ans après la proclamation de "Nostra Aetate"
La religion juive a pour les chrétiens une signification essentielle et durable. Il y a trente ans, le 28 octobre 1965, le Concile Vatican II exprimait cette notion fondamentale dans la Déclaration Nostra Aetate. Cela a mis en évidence le fait que l'Eglise ne peut pas avoir une juste compréhension d'elle-même si sa relation avec le judaïsme n'est pas prise en considération.
Nostra Aetate est à l'origine d'un développement continu des relations entre l'Eglise catholique et le judaïsme. Ceci se manifeste, entre autres, dans le fait que le Saint Siège a officiellement reconnu l'Etat d'Israël en établissant des relations diplomatiques mutuelles. On s'est alors expressément engagé, du côté de l'Eglise, à combattre toute forme d'antisémitisme.
Devant un tel développement il convient aussi de réfléchir sincèrement à notre propre passé. C'est ce qui a récemment amené les évêques polonais et allemands à reconnaître que, dans le temps, ils ont été coresponsables de la persécution des juifs. Dans un esprit de sincérité, nous nous joignons à eux.
La Shoah
De même que nous sommes remplis de reconnaissance, cette année, en songeant à la fin de la guerre, nous sommes aussi remplis de honte et d'effroi quand nous repensons à la Shoah, ainsi que l'on désigne désormais le massacre des juifs dans la partie de l'Europe occupée par l'Allemagne, au cours des années 1933-1945. Dans notre pays, le pourcentage des juifs qui ont été déportés et éliminés est particulièrement élevé. Cette pensée nous hante.
Evoquant l'attitude des catholiques néerlandais durant la guerre, nous saluons l'intervention courageuse de l'Episcopat sous la conduite de l'archevêque J. de Jong. Cette attitude a été sanctionnée, de la part des occupants, par la déportation et le massacre de nombreux catholiques d'origine juive, parmi lesquels la bienheureuse Edith Stein. D'autres personnes aussi ont fait preuve d'une humanité et d'une foi chrétienne authentiques en s'opposant à la persécution des juifs.
Les fautes
Mais les catholiques néerlandais n'auraient-ils pu faire davantage? N'auraient-ils pu faire mieux? Il est impossible de répondre à ces questions de manière générale. L'histoire des vingt siècles de relations entre juifs et chrétiens est très complexe et a laissé toutes sortes de traces. Il est certain que les autorités de l'Eglise ont aussi commis des fautes.
Une tradition théologique et ecclésiale d'antijudaïsme a contribué à la naissance d'un climat dans lequel la Shoah a trouvé sa place. Une soi-disant "catéchèse des offenses" enseignait que, depuis la mort du Christ, le judaïsme en tant que peuple était condamné. Du fait de telles traditions, dans notre pays aussi certains catholiques ont eu parfois une attitude réservée, quelquefois même indifférente ou répugnante envers les juifs. Immédiatement après la guerre, on a pu encore se rendre compte de cela au retour des maquisards et des survivants des camps d'extermination.
Nous rejetons cette tradition antijudaïque et nous déplorons ses conséquences effroyables. Avec le Pape et les autres Conférences épiscopales, nous condamnons toute forme d'antisémitisme en tant que péché contre Dieu et contre l'homme.
Changement de mentalité
Au cours des trente ans qui ont suivi Nostra Aetate, un heureux changement de mentalité s'est produit dans notre Eglise. Un dialogue s'est instauré entre les représentants du judaïsme et du christianisme. Ainsi les chrétiens apprennent-ils à mieux connaître le judaïsme, tel que celui-ci se voit lui-même, dans sa tradition et dans sa situation actuelle. De même, les juifs apprennent à mieux comprendre qui est Jésus Christ pour nous, chrétiens. Nous nous réjouissons des fruits de ce rapprochement. Mais il y a encore beaucoup à faire. Des préjugés et des formes d'antisémitisme resurgissent régulièrement dans notre société. Cela requiert de la vigilance et de la fermeté. C'est pourquoi plusieurs initiatives ont été prises dans notre Eglise.
En 1951 déjà, le "Conseil Catholique pour Israël" avait été fondé, ayant pour but de renforcer dans notre Eglise la conscience de l'importance du judaïsme, et aussi d'améliorer nos relations. L'année dernière, nous avons donné à ce Conseil une position officielle en tant qu'institution ecclésiale autonome. L'an dernier, nous avons également nommé une "Commission épiscopale pour les relations avec le judaïsme" ayant pour but de soutenir la politique de la Conférence épiscopale dans ce domaine.
Nous apprécions le fait que, dans les disciplines théologiques catholiques, on porte de plus en plus d'attention au judaïsme, non seulement dans ce qui fait son importance historique, mais aussi dans sa manifestation actuelle, et à cause de l'importance que celui-ci a pour la tradition chrétienne.
Le dialogue entre les Eglises chrétiennes et le judaïsme a pris la forme, en Hollande, d'un "Organisme de Consultation des Juifs et des Chrétiens" (OJEC). Notre Eglise participe à cette Consultation à travers le Conseil Catholique.
Liés d'une manière vitale
Ce n'est pas la condamnation de l'offense, mais le respect et la modestie qui doivent caractériser notre attitude face au rôle que le judaïsme a joué dans l'histoire de Dieu parmi les hommes. Nous, chrétiens, nous ne devons jamais oublier que Jésus de Nazareth est un fils du peuple juif, enraciné dans la tradition de Moïse et des prophètes. La rencontre du judaïsme nous permet de mieux comprendre Jésus. Ce n'est pas seulement à travers les Ecritures, mais aussi à travers notre théologie et notre liturgie que nous gardons un lien vital avec la religion juive. Juifs et chrétiens se nourrissent d'une seule et même racine.
Plus nos actions seront inspirées par cette notion, plus nous contribuerons à ce "shalom" auquel aspirent tous les peuples. C'est pourquoi nous exhortons chacun à s'approprier les paroles de St Paul rappelant aux chrétiens de Rome: "Si la racine est sainte, les branches aussi. Mais si quelques-unes des branches ont été coupées tandis que toi, sauvageon d'olivier, tu as été greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de la sève de l'olivier, ne va pas te glorifier aux dépens des branches. Ou si tu veux te glorifier, ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte" (Rm 11, 16-18).
Utrecht, octobre 1995
Les membres de la Conférence épiscopale catholique de Hollande
Traduction du SIDIC