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Revue SIDIC XXXV - 2002/2-3
« Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route » (Ps 119, 105) (Pag. 3-4)

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La Bible, nourriture et norme de vie
Rijk, Cornelius A.

 


Dans la constitution dogmatique sur la Révélation divine, le Concile Vatican II déclare : « Il faut donc que toute la prédication ecclésiastique, comme la religion chrétienne elle-même, soit nourrie et régie par la Sainte Ecriture » (n° 21). Tout le monde sait que dans l’histoire de l’Eglise la Bible n’a pas toujours occupé une place prépondérante dans la vie et la pensée des fidèles. Tandis que l’Eglise soulignait l’importance et les richesses de la Sainte Ecriture dans des déclarations officielles et qu’elle conservait la lecture d’une grande partie de la Bible dans la liturgie et la prière officielle, l’usage de la Bible et son application dans la vie quotidienne par les fidèles ont connu beaucoup de vicissitudes. Pendant plusieurs siècles les « Histoires Saintes » remplaçaient l’emploi direct des textes bibliques.

A partir de la fin du 19e siècle on peut noter un changement considérable dans cette situation. Plusieurs éléments ont coopéré à créer un nouveau climat, à éveiller et stimuler un nouveau désir d’un contact plus profond et plus personnel avec la Bible. Dans ce mouvement, des documents et des déclarations officielles, comme par exemple les encycliques papales de 1893, 1920 et 1943, ont aidé les catholiques à apprécier la lecture de la Bible d’une manière nouvelle et fructueuse. Une collaboration croissante entre biblistes et experts catholiques et non catholiques a largement contribué à une meilleure compréhension de la Bible. Des revues et des périodiques de différents niveaux intellectuels ont une influence enrichissante sur les fidèles, qui désirent un nouveau contact avec la Bible. La théologie, l’enseignement et la prédication sont nourris de plus en plus de l’inspiration biblique.

Quoique plusieurs obstacles soient levés, ce nouveau contact pose toujours des problèmes. Pourtant, ce retour à la Bible, ou cette re-découverte de la Bible, aura et a déjà une grande influence sur la vie de beaucoup de chrétiens. Il n’est pas nécessaire de disserter ici longuement sur ce sujet.

Maintenant, je voudrais indiquer quelques conséquences de cette nouvelle conscience de la Bible comme source, nourriture et norme de vie. Celui qui cherche un contact plus familier et plus existentiel avec la Bible rencontrera nécessairement « le peuple de la Bible », comme les juifs sont parfois appelés. Il arrive encore que des chrétiens soient scandalisés quand ils prennent conscience du fait que Jésus était juif, qu’il travaillait, vivait, priait et aussi souffrait comme juif. Sans parler d’autres choses, ce seul phénomène montre clairement comment beaucoup de chrétiens sont loin de connaître leur origine. L’étude et la lecture de la Bible confrontent le lecteur chrétien constamment avec des écrivains juifs, parce que tous les auteurs de la Bible, sauf Luc, étaient des juifs. En essayant de comprendre et de réaliser ce que le Seigneur nous dit par l’esprit, les mots et les expressions littéraires de ces auteurs juifs, nous deviendrons plus profondément conscients du fait que Dieu conclut son alliance avec un peuple très concret, dans une histoire vraiment vécue, et que Jésus a ouvert la porte à toute l’humanité pour participer d’une manière unique à cette alliance. Pénétrant dans ce mystère de révélation nous serons amenés à découvrir, ou à redécouvrir - comme une surprise - que ce même peuple juif vit toujours parmi nous. Cette découverte peut être une préparation à une nouvelle rencontre, solidement basée sur la Révélation et la Sainte Ecriture.

Ensuite, la Bible parle de l’espérance humaine et des promesses divines concernant la venue du royaume d’amour universel, de paix, de justice et de vie. Dans ce contexte vivant et plein de réalités humano-divines, les livres du Nouveau Testament parlent de la relation entre ceux qui reconnaissent Jésus comme le Messie, juifs et gentils, et ces juifs qui ne l’acceptent pas comme le Messie. Selon les données du Nouveau Testament cette relation posait un vrai problème à la communauté chrétienne primitive. Luttant et cherchant pendant plusieurs années, St Paul l’appela mystère (Rm 11, 25), ce qui signifie dessein secret et caché de l’histoire divine du salut. Ainsi la Bible même, base et loi de foi, nous confronte constamment, pas seulement avec l’origine juive du christianisme, mais aussi avec la relation permanente entre l’Eglise et le judaïsme. Vivant dans l’esprit de la Bible, nous devons donc scruter ce mystère unique, dans la perspective de l’accomplissement plénier des promesses.

Et pour finir, la Bible a toujours été interprétée. Pour devenir vraiment parole vivante dans la communauté, la Parole de Dieu (voir Dt 30, 14 ; Is 55, 10-11 ; He 4, 12 ; etc.) doit être reçue dans un esprit d’ouverture, mais elle a aussi besoin de traduction, de préparation et d’interprétation. Eh bien, il existe une corrélation remarquable entre l’interprétation de la Sainte Ecriture et le contact entre chrétiens et juifs. Une compréhension ouverte et existentielle de la Bible révèlera les grandes lignes du mystère judéo-chrétien et stimulera les contacts qui existent entre juifs et chrétiens. Une vue plus « fermée » de la Bible ne découvrira même pas un problème et ne considèrera donc pas les relations judéo-chrétiennes comme une préoccupation de l’Eglise. D’autre part, là où des relations sérieuses entre juifs et chrétiens se développent, les aspects bibliques de ces relations seront soigneusement étudiés et ils deviendront une part essentielle de la pensée et de l’attitude chrétiennes. Dans l’histoire de l’Eglise l’interprétation de la Sainte Ecriture en commentaires, introductions, notes, etc. a nui gravement à la compréhension de la relation entre l’Eglise et le judaïsme, et a eu en outre des conséquences désastreuses. Une saine exégèse biblique sera aussi capable de contribuer essentiellement à une compréhension positive de cette relation.

Qu’une plus grande réceptivité à la valeur de la Bible, comme source de nourriture et norme de vie dirige enfin chrétiens et juifs vers un esprit d'ouverture, de compréhension et d’amour, dans lequel ils collaborent et aspirent à la réalisation plénière de la parole du Seigneur à Abraham : « Par toi se béniront toutes les nations de la terre » (Gn 12, 3).


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* Le Père Cornelius A. Rijk, prêtre hollandais, a été, entre 1966 et 1972, le premier responsable de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme créée après le Concile Vatican II auprès du Secrétariat pour la promotion de l’Unité des Chrétiens; puis il est devenu Directeur de SIDIC en 1973 jusqu’à l’année de sa mort prématurée en 1979.
Sidic a consacré un numéro en hommage à son activité de pionnier, d’homme de dialogue, de théologien et de formateur. Cf. Vol. XIII, n° 1, (1980).
Cet article a été publié dans Sidic Vol. I, n° 1 (1968).

 

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