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D'où viendra le salut?
André Ghouraqui
Un Congrès international consacré à la Bible et l'Afrique noire s'est tenu, il y a six ans, à Jérusalem. Du 24 au 27 Avril 1972 nous avons entendu, se succédant à la tribune de l'Université du Mont Scopus les orateurs et les savants qui nous ont permis d'approfondir, sous cet angle, les problèmes soulevés par les relations judéo-chrétiennes et cette partie du Tiers-Monde dont l'importance ne cesse de grandir pour l'avenir de la civilisation.
Un grand journal annonçait nos r
éunions sous un titre évocateur: « Des Africains recherchent leur identité dans la Bible ».
Effectivement 35 intellectuels africains: prêtres, professeurs, pasteurs, étaient venus, de 17 pays africains, à Jérusalem, afin d'échanger leurs idées et leurs expériences sur cette quête dramatique de notre identité commune.
Une volonté d'authenticité caractérisait chacune de nos interventions. Authenticité africaine, authenticité chrétienne, authenticité israélienne: notre démarche était d'autant plus périlleuse que nous étions tous à la recherche de notre propre identité, de nos authenticités originelles.
Israël tout d'abord. L'Etat n'avait alors que 25 ans. Composé de Juifs venant de 102 pays du monde, une moitié venant du Tiers-Monde, l'autre des sociétés industrielles, où donc se situait l'identité véritable du Nouvel Israël? Etait-ce en Orient, sa terre et son berceau? Ou en Occident, d'où sont venus les dirigeants, les idées, les techniques qui ont permis la naissance et l'essor de l'Etat?
La Chrétienté traversait, elle aussi, la même crise d'identité: en Occident où elle subissait les effets des grandes révolutions techniques de notre temps, et en Orient où elle reprenait conscience de ses racines historiques. L'Eglise catholique prenait acte des conséquences du Concile Vatican II, notamment de la Déclaration « Nostra Aetate ». En face des Africains présents à Jérusalem, en quête de leurs valeurs propres, les représentants des Eglises étaient unanimes à reconnaître que le christianisme qui avait été introduit en Afrique était de marque occidentale et même colonialiste. Trop souvent les Africains qui embrassaient le christianisme avaient dû automatiquement renier leur patrimoine ancestral. L'un des orateurs catholiques souligna que devenir chrétien signifiait alors s'occidentaliser, s'accepter en tant que « nègre-blanc ».
Avant même que survienne l'ère de l'indépendance pour les pays africains, on pouvait observer dans le continent (où l'Islam fidèle à ses origines orientales fait les progrès que l'on sait) la naissance d'Eglises schismatiques, de sectes syncrétistes, de mouvements messianiques, autant de symptômes qui révélaient la crise de ce monde en mutation, le besoin où il était de retrouver •ses authenticités, de découvrir sa véritable identité.
La décolonisation politique entrait dans sa deuxième décennie: le Congrès de Jérusalem était donc caractérisé par le Révérend Père Englebert Mneng, du Cameroun, Africains, Chrétiens et Juifs d'Orient ou d'Occident, de voies nouvelles pour une décolonisation spirituelle et culturelle.
L'idée de la rencontre de Jérusalem avait été lancée par le Révérend Père Englebert Mneng, du Cameroun, alors secrétaire général du Mouvement des Intellectuels Chrétiens Africains (M.I.C.A.).
Le Congrès était patronné par la Société Africaine de Culture. Le Président Senghor avait tenu à être personnellement représenté à ces réunions qui se tenaient dans l'enceinte de l'Université hébraïque de Jérusalem, sous l'égide du Comité Interconfessionnel d'Israël.
Nous nous trouvions aux sources de l'univers biblique, au lieu où le Judaïsme, le Christianisme et, de manière moins directe l'Islam, avaient pris leur essor et où des représentants de ces religions se rencontraient aujourd'hui — au seuil de l'ère atomique — pour faire ensemble un examen de conscience dont il n'est pas exagéré de dire qu'il pourrait conditionner l'avenir de l'humanité.
Quelle peut donc être la réponse de Jérusalem à cette crise d'identité commune aujourd'hui à toutes les religions et spiritualités, à toutes les nations, à toutes les civilisations, et peut-être bien aussi, à chaque personne?
Son Eminence le Cardinal Zoungrana, à qui revint de clôturer le Congrès, souligna avec force « combien la Négritude, en tant que substrat commun des Noirs ... permet d'aborder la Bible avec des yeux neufs, et de la considérer comme un ferment d'unité et non de division ».
Il était évident qu'une même exigence d'un regard neuf sur la Bible inspirait tous les Africains, les Européens et les Israéliens réunis à Jérusalem. Il s'agissait là d'un vrai « dialogue », d'une marche faite ensemble vers •le logos, vers la parole de vérité qui nous inspirait et nous conviait à aller ensemble vers elle.
C'est elle qui devenait source de lumière et de vie, pain vivant offert à notre soif, à notre faim. C'est elle encore qui nous permettait de dépasser nos limites religieuses, confessionnelles, raciales, nationales pour nous retrouver dans notre nudité originelle d'êtres humains réunis pour interroger le Livre des Livres et lui demander de nous dévoiler le secret de notre plus profonde identité. Le trait d'union, entre nous qui venions d'horizons différents, se trouvait être, paradoxalement, une série de livres écrits voici deux ou trois millénaires et dont le message parti de Jérusalem retentissait une fois de plus dans nos murs pour nous rappeler ses plus hautes exigences de justice et d'amour.
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Quelles sont les bases historiques et spirituelles qui permirent ce contact si profond entre l'Afrique et Israël? Quelles sont les perspectives ouvertes par la résurgence de l'Etat d'Israël au carrefour où l'Afrique et l'Asie rencontrent l'Occident et quel peut être l'apport de cette rencontre en vue du bien-être et peut-être du salut de l'humanité?
Ces questions que la plupart des orateurs du Congrès de Jérusalem posaient ont pris dans les six dernières années une acuité sans doute plus grande. Entre temps la guerre d'octobre 1973 a accéléré la détérioration de la paix au Proche-Orient et dans le monde.
Depuis la dramatique arrivée de Sadate à Jérusalem, les hommes de bonne volonté de la terre entière recherchent des raisons d'espérer. Je pense que les liens profonds qui existent entre Israël et le Tiers-Monde — plus particulièrement l'Afrique — ne sont pas étrangers à notre quête des fins dernières de l'humanité et à notre espoir de voir naître un homme nouveau sur une terre nouvelle et sous des cieux neufs.
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Il appartenait au R.P. Englebert Mveng de souligner la place importante qu'occupe l'Afrique noire dans la Bible. Il le fit en analysant les textes où il est question de Kush et des Kushim, ces « inventeurs de la civilisation ». Il évoqua quelques grandes figures des noirs de la Bible: Nemrod, fils de Kush, roi de Babel, bâtisseur de Ninive, héros de chasse; la femme noire de Moïse; Ebed Melek, le serviteur noir du roi Sédécias qui sauva le prophète Jérémie; la Sulamite du Cantique des Cantiques qui s'écrie: « Je suis noire mais je suis belle, filles de Jérusalem! »; la reine de Saba venant rendre visite au roi Salomon.
L'établissement des comptoirs phéniciens en Afrique du Nord à partir du IXe siècle avant l'ère chrétienne constitue sans aucun doute une date importante dans l'histoire de la civilisation africaine.
De 813, date de la fondation de Carthage, à l'an 143 avant •Père chrétienne, pendant 7 siècles, l'Afrique du Nord, et nous le verrons, par son canal, de nombreuses régions d'Afrique noire, furent en contact direct avec le monde sémitique. Ces influences s'exercent grâce à la langue, le punique, dont on connaît les profondes similitudes avec l'hébreu, par la religion, la culture, les techniques aussi. La sémitisation d'une notable partie de l'Afrique ancienne a été profonde et durable. Pendant les 7 siècles de la domination de Carthage la langue punique s'est diffusée en Afrique du Nord à un tel point qu'au IVe siècle, six siècles après la chute de Carthage, saint Augustin, quand il allait évangéliser les Berbères, devait se faire accompagner d'un interprète parlant le punique pour se faire comprendre de son auditoire.
Il est certain que les Phéniciens ont entraîné les Hébreux, leurs cousins, dans leurs entreprises colonisatrices, et qu'ensemble ils ont contribué à diffuser l'emploi du fer et l'utilisation du chameau comme moyen de transport. Ces deux révolutions techniques ont rénové les structures de la civilisation africaine et l'ont ouverte aux grands courants de pensée du monde méditerranéen.
Il est remarquable que les établissements juifs se situent presque tous, en Afrique, sur les grandes voies caravanières qui sillonnent le continent de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud. Les communautés juives ont trouvé en Afrique un refuge sûr contre les persécutions le l'Empire romain qui, après avoir détruit jusqu'en ses fondements le royaume de Judée, croyait avoir effacé de la carte Israël, Jérusalem, le peuple juif et avec eux toute trace de culture hébraïque, y compris la Bible.
Des cités comme Carthage, Kairouan, Paert, Tlemcen, Fez, Sigilmassa, Tombouctou furent des creusets où prirent racine et s'épanouirent les religions et les courants d'idées inspirés par la Bible.
L'Afrique du Nord fut très largement judaïsée avant d'être christianisée, puis islamisée.1
Sigilmassa, appuyée par les fortes communautés juives du Touat, jouie, du Ville au XVIe siècle, un rôle économique et culturel important pour la pénétration et l'approfondissement de la pensée biblique en Afrique.
Le Souss, le Drâa, le Tafilalet, le Touat, habités par des communautés juives de haute culture biblique, constituent les portes d'accès de l'Orient sémitique vers le Soudan occidental. Là transitent non seulement des marchandises et des techniques, mais aussi des idées. L'historien arabe Idrissi nous livre des documents intéressants sur lia pénétration du judaïsme en Afrique noire pour la période antérieure aux Almoravides. Cette pénétration suit les voies commerciales qui allaient du Maghreb au « pays die l'or », c'est-à-dire à travers la Mauritanie soudanaise, probablement jusqu'au Mali.
La « Description de l'Afrique et de l'Espagne » par Idrissi, date du XIIe siècle.2 L'auteur, un musulman, nous dit avoir entendu au Mali, au pays de Kamnouria, des hommes qui déclaraient être des Juifs. Le fait est d'autant plus important que lies villes dont il parle ici, Kadnouri et Medina, se trouveraient dans le Soudan occidental, près de la grande région aurifère du Mali, « les grandes montagnes d'or des Quartass d'Enom ».
La principale zone d'expansion du judaïsme en Afrique noire se situerait dans le Tainan ou dans la Gan- gaina. La présence juive aurait commandé une expansion religieuse en s'appuyant probablement sur un pouvoir politique fort. Cette thèse avancée par des historiens donnerait une cohérence à un ensemble de faits isolés et die traditions populaires constantes, telles que l'existence d'un royaume juif en Afrique, les récits d'Eldad le Danite, les vestiges hébraïques dans l'Adrar mauritanien, les traces, dans le Gourara, de juifs qui constituaient des groupements de guerriers nomades, l'existence, de noirs judaïsés dans le sillage du général Abou Baker ben Omar, chargé par les Almoravides de mater une révolte au Soudan (Xie siècle) et lia population de Noirs judaïsés, les Baffors, en Mauritanie, dispersée par lia suite sur les deux rives du Bas-Sénégal où ils exerçaient, selon Idrissi, les métiers Aigriculteurs et de pêcheurs.
Aux problèmes soulevés par les influences judaïques chez les Baffors, il convient de joindre ceux, plus hypothétiques et plus complexes des Sebebaores dont parle Charles Monteil. Notons encore l'existence de Juifs assimilés dans les populations arabes, berbères et Touaregs comme les Dagoutoun, juifs nomades dont Mardochée Séror signalait l'existence au Sahara à la fin du siècle dernier.
Au XVIIIe siècle, Mongopark signale l'existence de livres hébreux en plein pays Mandé .3 Ce fait est moins significatif que les problèmes soulevés par la situation des forgerons au Soudan Occidental. Le Coran soulignait déjà la part prise par les Hébreux dans la découverte et la promotion des techniques du fer:
« Nous avons appris à David, pour vous, la fabrication des cottes de mailles qui vous protègent contre les coups que vous vous portez les uns aux autres. Etes-vous reconnaissants? ». (Sourat 21. 80)
Et encore:
« Nous avons accordé une grâce à David ... Nous avons amolli le fer à son intention: Fabrique des cottes de mailles,Mesure attentivement les mailles ». (Sourat 34. 10-11) 4
Signalons qu'en Afrique du Nord les métiers du ter étaient concentrés dans les mains de forgerons juifs. Les traditions soudanaises font descendre ces artisans du patriarche Abraham: Nabou Nabiharna. Les forgerons juifs seraient venus au Soudan à travers l'Egypte: ils fabriquaient des instruments aratoires et des armes. La Chronique du Foula sénégalais, selon les traditions du Fouta-Djalon, fait écho en affirmant que les hommes du Diaogode, des Sémites, auraient introduit les techniques d'extraction du fer (et probablement du cuivre) au Sénégal. Notons encore que le métier de forgeron est méprisé par les Berbères et par les Touaregs. Les Touaregs Olirninden évitent actuellement encore de prononcer le mot « forgeron » par crainte du mauvais oeil. Quand ils parlent d'un forgeron, ils disent: « l'autre ».5
Là encore il est possible de supposer une origine étrangère et probablement juive, à ces techniques d'importation, confirmant les versets du Coran et de récentes découvertes archéologiques qui associent le roi David et son peuple, les Hébreux, à la diffusion des techniques du fer. Il est moins étonnant de noter que d'autres traditions africaines attribuent des origines juives aux chanteurs.
Un dernier fait: le T aarikh el Fatah signale dès le XVIe siècle une colonie juive établie sur le Niger à Fassi où elle avait fondé une entreprise de cultures maraîchères qui alimentait les caravanes en légumes frais. Les traditions de la coopération technique entre l'Afrique noire et Israël (dont les fruits ont été nombreux depuis la création de l'Etat d'Israël) remontent, on le voit, dans un très lointain passé qui devrait garantir son grand avenir.
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Les sources actuellement accessibles permettent de conclure de l'ancienneté de la pénétration biblique et juive en Afrique, comme de la présence de la Négritude dans la Bible elle-même.6
Avant l'Islam, et même probablement avant la naissance du Christianisme, la pensée hébraïque et biblique, véhiculée par les Judéens avait pénétré dans de vastes parties de l'Afrique, en Egypte, en Libye (ou l'on signale la présence de Rabbi Akiba dans la première partie du IIe siècle), au Maghreb, au Soudan occidental, au Mali, en Ethiopie comme en Asie, en Arabie et dans différentes régions du Proche-Orient.
L'effort de la recherche scientifique devrait d'abord se porter sur la publication des sources orales et écrites fort nombreuses qui sont actuellement inédites: elles permettraient de fixer les zones de propagation des religions monothéistes en Afrique ainsi que les sources bibliques, hébraïques, juives ou évangéliques, néo-testamentaires, chrétiennes, ou encore coraniques et haditiques de la foi, de la culture et dies traditions qu'elles ont inspirées dans l'âme africaine en son approche des mystères du sacré.
Le Cardinal Zoungrana a suggéré à Jérusalem la création d'un Institut biblique pour l'Afrique. Il faudrait réaliser ce projet qui serait bénéfique pour l'Afrique, pour la chrétienté, pour l'ensemble du Tiers-monde, comme pour Israël lui-même. Le Dr. Doudou Gueye a affirmé avec force à Jérusalem que: « le corps intermédiaire que constitue la pensée religieuse occidentale est un obstacle réel à la rencontre: Négritude-Bible ».7
Cette pensée pourrait être approfondie et appliquée à l'ensemble des peuples d'Asie et d'Afrique qui ont été tenus à l'écart des sources vives de la révélation biblique par les cadres rigides de la pensée et de,la culture gréco-latines. Mais on pourrait en dire autant des grandes masses du monde occidental, en Europe, en Russie Soviétique et en Amérique qui sont actuellement presque totalement déchristianisées. Leur néo-paganisme fondé sur un matérialisme dépourvu de toute référence transcendante constitue un danger qui pourrait bien sonner le glas de toute civilisation sur cette planète.
Le néo-paganisme matérialiste favorise la course aux armements des Etats — plus spécialement des Grands —qui risquent de conduire la planète vers un suicide atomique dont nous serions tous les victimes. Les spécialistes prévalent qu'une nouvelle guerre mondiale effacerait toute trace de vie sur lia terre. Seules certaines espèces de poissons auraient peut-être des chances de survivre dans les profondeurs océaniques. L'Apocalypse est, hélas! devenue une réalité qui risque de fondre sur nous d'un instant à l'autre: seul un miracle pourrait en annuler l'échéance prochaine.
Chacun sait qu'il existe dans les arsenaux de tous les Etats du monde suffisamment d'armements atomiques, biologiques et conventionnels pour faire sauter plusieurs fois la planète terre et y effacer toute trace de vie. Par surcroît, les Etats poursuivent leur course démente aux armements et y investissent chaque année la somme fabuleuse de 400 milliards de dollars. Il serait fou d'imaginer que ces investissements sont faits en vain, et que les armes ainsi fabriquées ne serviront jamais. Un conflit atomique semble être fatal à plus ou moins brève échéance comme conséquence d'un engrenage conflictuel ou d'un accident comme il a failli s'en produire à plusieurs reprises dans les deux dernières décennies; ou encore par le fait d'un fou dont l'espèce n'est pas rare dans la vaste famille des chefs d'Etats nantis du redoutable pouvoir de déchaîner les foudres de l'Apocalypse.
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D'où viendra le salut?
Je ne vois véritablement qu'unie seule chance effective, qu'une seule échappatoire à ces menaces: la réconciliation des enfants d'Abraham que sont les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans et l'établissement entre eux d'une ialliance orientée vers la redécouverte de leurs sources communes et la réalisation des fins dernières dont ils partagent l'espérance: la paix, la justice, l'amour, la naissance d'un homme nouveau qui vivrait librement sur une terre nouvelle éclairée par des cieux neufs.
Cette vision qui réaliserait la promesse faite à Abraham (Genèse 18, 18) n'est pas utopique ou du moins elle constitue une utopie dont la réalisation en termes d'histoire politique ne dépend plus que du courage de notre volonté.
Il ne faut pas être doué d'une invagination délirante pour voir k situation nouvelle qui naîtrait à k suite de la réconciliation des Etats arabes avec l'Etat d'Israël. Le Proche-Orient redeviendrait rapidement ce qu'il fut à l'époque biblique, un centre mondial de haute civilisation. Dans le bloc sémitique, qui se constituerait ainsi autour des ressources humaines, financières, économiques, pétrolières des Etats associés du Proche-Orient, nous verrions naître très rapidement une puissance nouvelle qui comprendrait la presque totalité des nations d'Afrique et d'Asie.
Le Tiers-monde prendrait alors conscience de son identité et de sa puissance d'autant plus grandes qu'elles s'appuyerarient sur les grandes forces spirituelles du monde chrétien — notamment sur les Eglises catholiques, protestantes et orthodoxes — qui n'ont ni armes à vendre, ni pétrole à acheter.
Seule k constitution de cette force morale, irrésistible parce qu'elle serait dotée de moyens démographiques, économiques, politiques et spirituels tout-puissants, pourrait convaincre — obliger au besoin — les Etats à un désarmement progressif qui libérerait les ressources nécessaires au développement du Tiers-monde.
Le dilemme proposé par Moïse au Sinaï est devenu aujourd'hui une option politique ouverte devant chacun de nous:
« J'ai placé devant toi la vie et la mort, la bénédiction et k malédiction:
choisis la vie, afin que tu vives! ».
Ces mots correspondent aujourd'hui à une situation politique concrète: d'un côté la malédiction d'un suicide planétaire; die l'autre la bénédiction des options de vie qui assureraient à l'humanité un avenir de grandeur aux dimensions du cosmos entier, une épopée inimaginable pour nos esprits.
Entre k vie et la mort se situent notre option et notre volonté de l'incarner dans l'histoire de notre temps.
Les Arabes et les Israéliens, les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans du monde entier tiennent concrètement entre leurs mains la possibilité — peut-être la dernière chance — de sauver l'humanité des cataclysmes qui la menacent.
Il ne suffirait que de le vouloir pour que ce salut cesse d'être une utopie.
Répétons-le donc avec Théodore Herzl:
« Si vous lie voulez ce ne sera pas un rêve ».
Né en Août 1917, en Algérie, André Chouraqui fit ses études à Oran, puis à Paris où il fréquenta les facultés de droit et de langues orientales à la Sorbonne et à l'Institut de France. Immigré en Israël, dès l'institution de l'Etat israélien, il prit activement part à la vie politique du pays. Ecrivain fécond, André Chouraqui est l'auteur de nombreux ouvrages politiques, sociaux et culturels concernant les juifs et Israël. Son oeuvre maîtresse reste cependant la traduction complète de la Bible, achevée en 1977.
1. MARCEL SIMON: Le judaïsme berbère dans l'Afrique ancienne, Paris, 1946.
2. IDRIS SI: Description de l'Afrique et de l'Espagne, trad. fr. par R. Dozy et de Geeje, Leyde, 1866, pp. 35-36; CHARLES MONTEIL: Problèmes du Soudan Occidental: Juifs et judaïsés, Hespéris, 1951.
3. MONGOPARK: Voyages à l'intérieur de l'Afrique en 1795, trad. Castereau, 2 vol. (cf.: II, p. 83), Paris, An VIII.
4. Le Coran, trad. Denise Masson, La Pléiade, Paris, 1967.
5. CHARLES MONTEIL: op. cit., p. 288; NICOLAS: Notes sur la Société et l'état des Touaregs du Dinnik, I.F.A.N., 1939 (pp. 580-586).
6. Le Dr. Doudou Gueye, directeur du Centre culturel africain au Sénégal et représentant personnel du Président Senghor au Congrès de Jérusalem souligna la vertu créatrice de la langue biblique au sein de la Négritude.
7. Israël-Actualités, Jérusalem, 15 Mai 1972.