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Suggestions pour une conduite pastorale en cas de mariage entre Catholiques et Juifs
Commission pour l'Oecuménisme et les Affaires interreligieuses du diocèse de Trenton, U.S.A.
États-Unis (1981/01/18)
Le texte que nous reproduisons ci-dessous est, en fait, un appendice au DIRECTOIRE POUR LES RELATIONS OECUMENIQUES ET JUDEO-CATHOLIQUES qui vient d'être révisé par la Commission pour l'Oecuménisme et les Affaires interreligieuses du diocèse de Trenton, U.S.A., et qui a été présenté le 18 janvier 1981 par Monseigneur John C. Rein, évêque de Trenton.
Cet appendice a pour but d'aider les prêtres du diocèse qui se heurtent de plus en plus fréquemment aux difficultés inhérentes à un mariage entre juil(ve) et chrétien(ne). Après lecture de ce document, Rabbi Bernard Perelmuter, du Temple Sinaï à Trenton, a déclaré: a On traite ici d'un problème très difficile... Ces orientations sont les plus judicieuses qui j'aie jamais lues ». Certainement les orientations données ici pourront être précieuses à bien d'autres pasteurs qui, dans d'autres diocèses, se heurtent à des difficultés identiques. Nous ne reproduisons pas la bibliographie, parce qu'elle est à établir dans chaque pays.
Introduction
1 - La préparation au mariage, quand un des partenaires est catholique et l'autre juif, présente certaines difficultés que l'on ne rencontre pas dans le mariage entre un catholique et un autre chrétien. Les partenaires, catholique et juif, adressent au prêtre des questions concernant leur propre position et celle de leur entourage à l'égard d'un te/ mariage: quand et comment convient-il d'organiser la cérémonie nuptiale? quelles seront la religion et l'éducation des enfants nés de ce mariage? comment les époux seront-ils suivis pastoralement au moment du mariage et après?
2 - Les suggestions qui suivent ont pour but de répondre, dans une ligne pastorale, à ces préoccupations. Sans remplacer le « Guide pour la préparation au mariage» et sans se substituer aux « Directives pour la pratique de l'oecuménisme », ces réflexions veulent aider le prêtre dans les difficultés qu'il rencontre le plus souvent lors du mariage d'un(e) catholique avec un(e) juif(ve).
Prises de position
a) Du clergé
3 - Soucieux de préserver le judaïsme qui, au long de l'Histoire, n'a jamais approuvé le mariage de juifs avec des non-juifs, la plupart des rabbins refusent absolument de célébrer un mariage entre un(e) catholique et un(e) juif(ve). Le prêtre doit s'assurer que le couple en est bien informé. Au cas où les époux veulent trouver un rabbin qui accepte d'officier, ils doivent s'assurer qu'ils ont affaire à un vrai rabbin et ne pas accepter de payer des honoraires exorbitants. Quant au prêtre, il ne doit ni proposer, ni essayer de trouver un rabbin pour cette cérémonie.
b) Des familles
4 Pour bien des raisons, les familles tant juives que catholiques peuvent être opposées à un tel mariage. La famille juive peut ne pas accepter le mariage d'un fils ou d'une fille avec un(e) catholique dans la crainte que ne se perdent, dans la nouvelle unité familiale, la foi
et la pratique religieuses. Une famille catholique peut avoir la même crainte. Jusqu'à un certain point, l'effort que fera chacun des conjoints pour connaître les enseignements et les traditions religieuses de l'autre pourra contribuer à l'harmonie entre eux; mais le couple et le prêtre concerné doivent comprendre que le mariage mixte crée, par le fait même, une unité familiale qui n'est pas reconnue comme juive. Les juifs en concluent donc que le mariage mixte affaiblit le judaïsme en tant que tel. Sans la conversion au judaïsme du partenaire catholique, il n'est jamais vraiment possible de trouver une solution à cette objection fondamentale. En fait, au cours de la préparation d'un couple au mariage, le prêtre risque de s'apercevoir que le partenaire juif subit des pressions le contraignant à un choix entre le partenaire catholique et les liens avec sa propre famille juive. Le prêtre devra prendre le temps de discerner les motifs de l'opposition familiale du côté juif et d'y réfléchir, particulièrement lorsqu'il s'agit d'objections de nature religieuse.
c) Des couples eux-mêmes
5 - Il est fréquent que le désir de se marier soit si fort entre partenaires juif et catholique qu'ils ne prévoient pas à quel point les différences de foi et de pratiques religieuses, sans parler du milieu culturel, pourront par la suite contrecarrer leurs efforts pour maintenir la vie conjugale. Il faudra donc que la préparation comporte un examen sérieux de ces différences...
Note:
Référence ici à une brève bibliographie susceptible d'aider le prêtre sur ce point, bibliographie à établir dans chaque pays.
d) De l'Eglise catholique
6 - Tout en décourageant officiellement de tels mariages, l'Eglise catholique reconnaît que le droit naturel du couple à se marier exige que nous reconnaissions le mariage entre un(e) catholique et un(e) juif(ve), à condition que les principes fondamentaux soient respectés. Pour offrir à ces couples une préparation plus efficace, il serait aidant que le prêtre soit en contact avec les rabbins locaux, soit directement, soit par l'intermédiaire des associations locales de ministres des cultes, et qu'il les rencontre de temps en temps. Si cela ne peut se faire au niveau local, le prêtre pourra s'adresser à l'Office diocésain pour l'Oecuménisme et les Affaires inter-religieuses qui l'aidera à établir le contact.
La cérémonie de mariage
7 - Puisqu'il est expressément interdit d'avoir deux célébrations distinctes, et aussi de combiner les deux en une seule, et comme on se heurtera sans doute à desoppositions familiales, le choix du lieu, de l'officiant et du genre de cérémonie devra être fait avec grand soin.
a) Lieu
8 - Suivant les conditions requises pour la validité du mariage d'un catholique, c'est le prêtre ou le diacre qui officie généralement lors d'un mariage entre juif et catholique, et la cérémonie peut avoir lieu dans l'église, dans une chapelle ou en tout autre lieu convenable dépendant de la paroisse. Un rabbin peut y participer, conformément aux Directives oecuméniques diocésaines. C'est cette option qu'on devra proposer d'abord au couple, en en soulignant les avantages. Si, en considération de la famille, il est nécessaire de célébrer le mariage en un autre lieu, les Directives diocésaines demandent que ce soit un autre lieu sacré, une synagogue ou, de préférence, une chapelle non confessionnelle (l'utilisation d'une synagogue risquant tout comme celle d'une église, de ne pas être « acceptée » et d'éloigner une partie de la famille). On peut utiliser aussi, ce qui est moins recommandable mais parfois nécessaire, la maison de l'un des époux ou une salle du palais de justice ou de la mairie, lieu où un officier d'état civil pourra être témoin du mariage. Sans nier l'attrait d'autres lieux tels que parcs, restaurants, jardins ou auditoriums, le prêtre doit aider le couple à comprendre pourquoi ils ne sont pas admis par le diocèse de Trenton: souvent, en effet, ils ne permettent pas aux époux, à leur famille et aux invités cette attention fondamentalement religieuse que requiert le mariage au sein d'une communauté de foi, communauté dont le couple attend prière et bénédiction. Enfin, si le mariage ne se célèbre pas dans le diocèse de Trenton, le prêtre doit immédiatement contacter la Chancellerie du diocèse concerné pour s'informer des directives du lieu pour les mariages entre catholiques et juifs.
b) Officiant et cérémonie
9 - Le lieu de la cérémonie peut dépendre du choix de l'officiant et du genre de cérémonie. Si c'est le prêtre catholique qui officie, le lieu le plus convenable est l'église catholique, et la cérémonie doit être celle prescrite par le rituel pour le mariage entre un(e) catholique et un(e) non-baptisé(e). Ce rituel est généralement acceptable par tous ceux que concerne un mariage mixte, et la proposition qui en est faite peut amener au choix de l'église catholique comme lieu de la cérémonie. Comme il l'a été signalé plus haut, selon les Directives diocésaines un rabbin peut y participer. Si c'est un rabbin qui doit officier, la cérémonie sera une cérémonie juive et il faut, en ce cas, avoir obtenu la dispense de la forme canonique. La synagogue serait alors le lieu préférable, mais le couple désirera probablement trouver une chapelle non confessionnelle ou tout autre lieu adéquat pour cette cérémonie. Il peut être difficile de trouver ce lieu, mais, en fait, une chapelle non confessionnelle qui se trouve dans le quartier de l'un des époux est généralement ce qui est le mieux accepté par toutes les personnes concernées, et elle a l'avantage d'offrir un espace convenable. Si c'est le rabbin qui officie, le prêtre peut, selon les Directives diocésaines pour l'Oecuménisme, participer à la cérémonie; mais, en ce cas encore, si le mariage doit se faire en dehors du diocèse de Trenton et si le rabbin a demandé au prêtre catholique d'y assister, le prêtre doit s'informer des lignes de conduite du diocèse en ce qui concerne ce gente de mariage. En pratique, quand un prêtre et un rabbin doivent être tous deux présents, que le mariage est célébré ailleurs que dans une église catholique et que c'est le prêtre qui doit, en principe, officier, on peut obtenir une dispense de la forme canonique « ad cautelam » pour éviter une gêne au cas ou le rabbin insisterait pour officier.
10 - Il faudra parfois, pour résoudre les questions posées par ce genre de cérémonie, faire appel à un magistrat, maire ou autre officier d'état civil, comme témoin du mariage. Même si cette éventualité suggère que la cérémonie ait lieu dans une salle du palais de justice, de la mairie ou autre lieu semblable, le prêtre doit garder à l'esprit et étudier avec le couple la possibilité, pour l'officier d'état-civil, d'être témoin du mariage dans un autre lieu jugé plus convenable et l'opportunité, pour le prêtre et même pour le rabbin, de donner une bénédiction. Bien entendu, la dispense de forme canonique devra être demandée en ce cas, même si le prêtre catholique doit être présent, car ce n'est pas lui qui recevra l'engagement du couple et il n'agira pas en tant que témoin officiel de l'Eglise.
11 - Enfin, en cherchant à préparer une célébration qui soit fidèle aux traditions religieuses des époux et qui soit vraiment un acte religieux, le prêtre et le couple se souviendront qu'il y a, selon les Directives en usage dans le diocèse de Trenton, plus d'une manière de résoudre les questions de lieu, de rite et de cérémonie. Toutes les questions à ce sujet peuvent être adressées à la Commission diocésaine pour l'Oecuménisme et les Affaires interreligieuses ou à la Chancellerie, car il est impossible de prévoir ici toutes les alternatives.
Les enfants
12 - Présumant que le couple a l'intention d'avoir des enfants, des questions vont se poser quant à leur identité religieuse et leur éducation.
a) Identité
13 - Selon la tradition juive, c'est d'après la religion de la mère qu'est établie l'identité religieuse des enfants,et c'est dans cette religion qu'ils doivent être élevés. Si la mère est catholique, les enfants ne seront ni reconnus ni acceptés comme juifs, à moins que la mère elle-même ne se convertisse au judaïsme. Si la mère est juive, il est fort probable qu'ils ne seront pas reconnus comme juifs après avoir été baptisés. Et si la mère permet le baptême, cela risque de la mettre dans une situation bien difficile vis-à-vis de sa propre famille, même si elle ne l'est pas déjà du fait de son mariage. Pour toutes ces raisons, le couple doit étudier très sérieusement la question de l'identité religieuse et de l'éducation des enfants. Les futurs époux ne peuvent habituellement prendre ces décisions sans en référer à leurs familles, et les solutions qu'on propose généralement en cas de mariage entre un(e) catholique et un(e) protestant(e) ne sont souvent ni acceptables ni applicables dans les cas de mariages entre partenaires juif et catholique.
b) Education
14 - Quand on en arrive aux « promesses » que font les catholiques pour obtenir la dispense requise en vue du mariage, ce qui parait choquant aux juifs, ce n'est pas le fait que le conjoint catholique doive faire des promesses, mais bien plutôt le fait que, si le conjoint catholique est décidé à tenir ses promesses, la famille est alors a perdue » pour le peuple juif. Les conjoints se poseront alors la question de savoir s'il faut vraiment faire ces promesses, eu égard au danger réel de se couper de la famille.
15 - Dans ces conditions, le couple peut vouloir choisir la solution qui semble la plus facile: promettre aux familles et à l'Eglise ce qui est nécessaire pour pouvoir se marier, mais en fait être décidés à élever les enfants sans religion précise jusqu'à ce que ceux-ci soient en âge de décider par eux-mêmes. C'est la solution qui offre le moins de difficultés, c'est aussi celle qu'il faut absolument décourager au cours de la préparation au mariage.
c) La décision
16 - La question des enfants, qui reflète à tel point l'héterogénéité culturelle et religieuse des époux, l'un juif et l'autre catholique, ne peut être ni évitée ni ajournée. Le couple doit reconnaître que, quand il prend l'engagement de faire baptiser et d'élever les enfants dans la religion catholique, le fait d'accepter de leur enseigner aussi le judaïsme ne satisfera pas les exigences de la foi juive. Plus encore que la décision de se marier, celle qui concerne l'identité religieuse et l'éducation des enfants pourra être le point crucial, exigeant d'eux qu'ils choisissent entre les liens familiaux et leur mariage. Le prêtre doit aider le couple à prendre lui-même la responsabilité de cette décions qui est la conséquence inévitable de la décision qu'ils ont prise de se marier. Le couple doit bien comprendre que l'engagement pris de faire tout son possible pour faire baptiser et éduquer les enfants dans la religion catholique n'exige pas que le conjoint catholique se sépare du conjoint juif s'il devient moralement impossible de tenir la promesse faite en toute sincérité. Le prêtre verra avec le couple dans quelle mesure le conjoint catholique permettra qu'on enseigne aux enfants l'histoire et les traditions juives. Il faut encourager chacun des époux à mieux connaître les croyances et coutumes de son conjoint et à rencontrer, si possible, un rabbin pour savoir dans quelle mesure les enfants pourraient être accueillis par la communauté juive dont le conjoint juif voudrait être membre. Des ouvrages indiqués dans une bibliographie peuvent aider le couple à prendre cette décision importante concernant l'identité religieuse et l'éducation des enfants.
Aider et suivre le couple. Souci pastoral
17 - Ce que nous avons dit plus haut relève déjà de la pastorale; mais, outre les questions posées par les diverses prises de position, par la cérémonie elle-même et par les enfants, nous devons considérer celle de la préparation du couple et de l'aide à lui apporter, particulièrement durant les premières années de mariage.
a) Education continue
18 - Derrière l'opposition à un mariage mixte, se cache aussi un préjugé qui s'est forgé au cours de siècles d'antagonisme. Ce préjugé existe des deux côtés et peut se révéler plus nuisible qu'un attachement inébranlable à sa propre conviction religieuse. Les époux ont besoin de conseil pour pouvoir continuer à étudier et mieux connaître l'héritage et les traditions de l'autre; ils y seront aidés par les ouvrages conseillés dans la bibliographie et en suivant des cours de formation religieuse pour adultes.b) Contacts familiaux
19 - Le prêtre qui se trouve engagé dans la préparation au mariage des époux doit s'efforcer d'entrer en contact avec les parents du conjoint juif et, si possible, avec son rabbin. Souvent, les parents se sentent plus à l'aise pour exposer leurs objections à un tel mariage si le prêtre se montre attentif, et cette attention portée à ce qui les soucie apaise un peu leur anxiété, ce qui peut éventuellement les aider à accepter la décision de leur enfant. Dans ses contacts avec les parents, le prêtre doit s'efforcer avant tout de comprendre ce qu'ils ressentent.
c) Comment suivre le couple
20 - C'est au moment de la préparation au mariage qu'il faut établir un programme de rencontres périodiques avec les époux après leur mariage, au moins pendant les premières années, cela afin de s'informer comment vont les choses et de pouvoir leur apporter l'aide dont ils auraient alors besoin.
d) Contacts entre le prêtre et le rabbin
21 - Avant le mariage, le prêtre se mettra en rapport avec le rabbin qui doit officier ou assister au mariage afin de discuter des détails de la cérémonie et des questions plus générales que pose la décision du couple de se marier. Les contacts du prêtre avec les responsables religieux juifs doivent être empreints d'un désir sincère de coopération fraternelle. Le prêtre doit se souvenir que, pour eux, le mariage mixte est beaucoup plus préoccupant et dangereux qu'il ne l'est habituellement pour nous. Si le couple le juge utile, des contacts réguliers peuvent être établis avec le rabbin après le mariage. Si la tentative de contact avec le rabbin n'aboutit pas, le prêtre pourra s'adresser à la Commission diocésaine pour l'Oecuménisme et les Affaires religieuses qui sera susceptible de l'aider.
(Traduit de l'anglais – Revue SIDIC Vol XV No. 1 – 1982 – p.20-23)