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Crimes Rituels
Elsa Pariente | M. E. Yarnitzky
Des progrès tels que ceux qui sont mentionnés ci-dessus peuvent contribuer à former des mentalités capables d'un dialogue fécond et durable, un dialogue qui, loin de négliger le passé, s'appuie sur lui pour un dépassement.
Il s'ensuit donc que les pays qui ont une vieille tradition ne peuvent lu oublier tandis qu'ils s'efforcent de réaliser un dialogue fraternel. Dans l'optique denotre recherche liturgique, nous retenons plusieurs légendes de crimes rituels qui ont donné naissance à des cultes régionaux.
L'histoire de l'Europe a été flétrie par les cruautés des chrétiens envers les juifs: les accusations de crimes rituels et de profanations d'hosties, comptent parmi les plus regrettables. On pense que le premier cas de ce genre, survint en Angleterre, au cours du 12ème siècle; la vague de superstition s'étendit progressivement à toute l'Europe, entrainant la condamnation de milliers de juifs à être brû=lés ou noyés pour les crimes qu'on leur imputait. (cf. Edward Flannery: The Anguish of the Jews, chap. 5. p. 98-121).
Un culte en l'honneur de ces pseudo-martyrs, se développa en plusieurs endroits, ou encore on établit la coutume un certain jour par an, d'organiser uneprocessior solennelle pour "réparer" le soi-disant sacrilège.
En Espagne, par exemple, l'une des plus anciennes dévotions connues, est.celle dt "petit Dominguito del Val". Certains,. livres pour enfants, comme_"Amigos", rapportent encore la légende que voici:
La scène se passe à Saragosse, en 1243, ville qui possédait un quartier réservé à de "très méchants juifs". Le grand Rabbin demande un enfant chrétien. Trois juifs, réunissant tous les caractères "diaboliques" légendaires, capturent le jeune Dominguito, et l'amènent à la Synagogue, oû le Rabbin veut le forcer à piétiner un crucifix. Le petit s'y refuse et les juifs demandent sa crucifixion. Furieux devant la profession de foi d'un enfant de 7 ans, le juif qui l'avait volé lui transperce le coeur d'une lance. Mais un miracle révèle à la fois le crime et la sainteté de Dominguito. L'évêque de Saragosse organisa alors une grande procession pour son enterrement à l'église du Saint Sauveur, oh l'on vénère encore de nos jours, le "petit martyr": Dominguito devint le patron des enfants de choeur.
Le 30 août 1965, le "Noticiero" de Saragosse publiait un article. relatant le: fêtes et processions ,organisées en l'honneur du "saint", avec force détails de sor martyre et de la diabolique méchanceté des juifs. L'Amistad Judeo-Christiana écrivit au Chanoine, auteur de l'article, et l'an dernier (1966) l'article d'usage pou] la fête du saint ne faisait plus aucune allusion aux juifs. C'est évidemment une preuve de bonne volonté du clergé de Saragosse. Il ne faut pas la minimiser,mais pouvons-nous nous contenter de cela, et laisser subsister de telles légendes? Dans l'esprit des gens simples, elles peuvent encore avoir l'effet nocif qu'elles ont eu dans le passé. Carlo Baroja nous dit ce que furent ces résultats:multiplication des crimes rituels, tortures et massacres de juifs; puis, l'expulsion des juifs d'Espagne, en 1492.
Parmi les histoires de crimes rituels examinées, et dont on n'a pas trouvé de fondement historique, figure par exemple, le cas du nSimonino de Trente" (Italie) dont le culte a été supprimé après le Concile Vatican II, par l'archevêque de Trente, Alessandro Gottardi; et la chapelle dédiée à "Simonino" a été cédée au groupe "Poccolarini", pour des travaux oecuméniques. De mème, à Lincoln, en Angleterre, le culte du "petit St Hugues" a été supprimé en grande partie.Dans une guide de Lincoln nous lisons:
"La châsse du 'petit St Hugues', au bas-côté sud de la cathédrale de Lincoln, est la tombe d'un enfant de 8 ans, dénommé Hugues, qui aurait été victime d'un crime rituel commis par des juifs. Au Moyen-Age, Chaucer, dans son 'Histoire d'une Prieure', donne 1' ancienne version de cette accusation dégradante, laquelle provoqua en 1255 des massacres de juifs, dans de nombreuses villes anglaises. Pendant longtemps figura sur la tombe du "petit St Hughes" une inscription rappelant son martyre et, son enterrement dans la cathédrale..."
En 1959, une nouvelle inscription remplaça l'ancienne, (la vieille histoire fut retirée des Guides de Lincoln vers 1930) et à présent, on lit ceci:
"La châsse du petit St Hugues: les histoires montées de 'crimes rituels' d'enfants chrétiens par des Communautés juives, furent courantes à travers toute l'Europe du Moyen-Age, et même bien plus tard. Lincoln a sa propre légende, et la prétendue victime fut enterrée dans la cathédrale. On éleva une châsse au-dessus de la tombe, et l'enfant fut dénommé 'petit St Hugues'. Une reconstitution de la châsse se trouve à, proximité. De telles histoires ne font pas honneur au christianisme, et nous prions ainsi:
'Ne te souviens pas, Seigneur, de nos offenses, ni de celles de nos pères'. "(The Landmarks of a people- Un guide des sites juifs d'Europe - Bernard Postal et Samuel H. Abrahamson).
Ce qui suit est tiré d'un reportage de "Service dldnformations religieuses",du 16 décembre 1966:
Une série du 12 peintures médiévales qu'une revue de l'Allemagne de l'Ouest décrivait récemment comme ayant
"les caractères d'une galerie d'art antisémite", est sur le point de disparaltre de l'église Catholique Romaine de Deggendorf, centre de pélerinage non loin (Regensburg -Allemagne).
Exposées au presbitère de l'église dénommée du St Sépulcre, les peintures illustrent le meurtre des 20 citoyens juifs de Deggendorf, le 30 septembre 1337, sous prétexte que des juifs auraient profané des hosties consacrées. A la suite du massacre, on construisit une église, et un pélerinage annuel de réparation, actuellement connu sous le nom de "la Grâce de Deggendorf", fut institué.
En réponse aux nombreuses pétitions et protestations du public, en général, et des diverses associations chrétiennes, les sous-titres (que portaient ces tableaux) furent dernièrement recouverts de carton noir. Les autorités locales catholiques insistèrent, cependant, sur le fait que la "Grâce" annuelle pouvait encore être considérée comme une manifestation d'antisémitisme, et qu7elle devait être supprimée. La réaction d'opposition ayant persisté, les autorités diocésaines ordonnèrent que les tableaux soient entièrement recouverts.
Hélas, malgré la nouvelle orientation donnée It la pensée chrétienne par le Concile, dans le Décret sur les religions non-chrétiennes, .il subsiste encore des exemples divers de la persistance de ces cultes.
En Espagne, le "Nirio de la Guardia" est toujours vénéré à la Guardia; et dans la cathédrale de Tolède, près de la porte oà l'enfant aurait été volé, une statue du "saint" rappelle encore le crime.
Ségovie ville qui connut une forte implantation juive au "siècle d'or", a aussi son histoire de culte, en réparation d'une légendaire profanationd'bos tie par un juif. Au début de cette année, on distribuait encore d7infâmes petites brochures relatant le sacrilège, aux visiteurs de 17 église du Corpus Christi, avec les détails et les qualificatifs que 17on peut imaginer.
John Henning, dans Judenhass - Schuld der Christen ?Y (des P. Eckert et E.L. Ehrlich) fait allusion à la procession annuelle qui a lieu le jour de la Fête-Dieu, à Bruxelles, pour expier la profanation du St Sacrement par des juifs, en 1370. En fait, l'origine de la vénération du "Sacrement de miracle" a Bruxelles est aujourd'hui peu connue du grand public. Toutefois, les vitraux, les tapisseries du XVIme siècle exposées à l'occasion de la procession, et des tableaux avec sous-titres exposés en permanence dans l'église, parlent ouvertement de la profanation du St Sacrement par les juifs, et du miracle des hosties sanglantes. Les restes supposés de ces 3 hosties, sont conservés dans un ostensoir précieux (1837), gardé dans le trésor de l'église.
L'origine de la procession annuelle, remonte au XVIme siècle.En 1530, le "Sacrement de Miracle" sauva la ville de Bruxelles d'une épidémie, et en reconnaissance, on institua une procession.
Sur tout ceci, nous renvoyons nos lecteurs au livre "Le Miracle eucharistique a Bruxelles", de Pl. P. Lefevre, dans Analecta Bollandiana 1933 t. p. 325-336; Idem, Le theme du miracle des hosties poignardées par les juifs a Bruxelles en 1370, dans le Moyen-Age, n. 3-4 (1953) p. 373-398.
En mai 1966, quelques représentants du Consistoire juif de Belgique se sont présentés chez le professeur Pl. F. Lefevre, a Louvain, pour lui demander son avis, en tant quThistorien, sur le "Sacrement de Miracle" (le professeur Lefevre est archiviste de la cathédrale de Bruxelles). Le Chanoine Lefevre leur a assuré que les sources historiques ne permettent pas de prouver la culpabilité des juifs, pour les faits de 1370. II sragit probablement dl une manifestation drantisémitisme. Le miracle tel quel nrest nullement prouvé.
Quant aux vitraux et aux tapisseries d'une grande valeur artistique, les autorités écolésiastiques de Mechelen-Bruxelles, pensent proposer au Consistoire juif, de mettre dans la cathédrale, a la disposition des touristes, un petit Guide imprimé qui explique 17origine de la légende du ”SacrementdeMiraclen, dans lequel 1TEglise admet que 17origine de la légende est a chercher dans la mentalité antisémitique de lrépoque. Les tableaux de moindre valeur peuvent être retirés de l'église. Une Communauté religieuse a été fondée dans le but spécial de réparer cette soi-disant profanation.
Le service de presse juive (Judischer Presse Dienst) duaoût 1967, rapporte que même jusqu'en cette année 1967, le bas-relief sculpté du petit garçon Werner, qui aurait été tué par des juifs, est exposé publiquement dans la chapelle-Wrner, a Oberwesel sur le Rhin, en Allemagne.
A Rome, dans l'église Santa Maria della Divina Carita, face a la grande synagogue, au Moyen-Age, les juifs étaient forcés d'écouter le dimanche une prédioaticn catholique. Actuellement encore, sur la façade de lréglise, sous la Crucifixion, les mots suivants se lisent en Hébreu et Latin:
"Je tendais les mains chaque jour vers un peuple rebelle, qui suivait une voie qui n'est pas bonne, au gré de ses fantaisies, un peuple qui me provoquait sans cesseT1. (Isale 65:2)
De nombreux chrétiens prennent, néanmoins, peu a peu conscience qu'il nTest pas possible de conserver de telles formes de priere et de culte.