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Les comportements négatifs envers le judaïsme ont leur source dans la théologie. Ils ont eu des conséquences désastreuses, comme en témoigne le sort peu enviable réservé aux communautés juives dans les pays de chrétienté: enseignement du mépris, préjugés, privation de certains droits, discrimination, obligation de vivre dans des ghettos, expulsions, pogroms... rien ne leur a été épargné. Cette longue histoire a marqué notre 20ème siècle, et a en quelque sorte permis ce mal terrible que fut la Shoa.
C'est sous le choc d'une telle catastrophe, avant tout, que l'Eglise catholique a été amenée a porter un regard nouveau sur le peuple juif et à se poser certaines questions embarrassantes sur son attitude et sa conduite envers lui. Une telle réflexion a eu de sérieuses répercussions sur la théologie chrétienne: manière nouvelle de considérer le judaïsme de l'époque du Second Temple qui fut le milieu de vie de Jésus et de l'Eglise primitive, appréciation de la vitalité religieuse du judaïsme rabbinique, rencontre de juifs de notre temps et connaissance concrète de leur manière de vivre, bouleversement de convictions théologiques jusque-là maintenues. On a pris conscience que le judaïsme était loin d'être décadent et que, au contraire, « la permanence d'Israël s'accompagne d'une créativité spirituelle continue, dans la période rabbinique, au Moyen Age et dans la période moderne... si bien que la foi et la vie religieuse du peuple juif telles qu'elles sont professées et vécues encore maintenant peuvent grandement nous aider (nous chrétiens) à mieux comprendre certains aspects de la vie de l'Eglise » (Notes vaticanes, 1985). Les juifs sont « le peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance qui n'a jamais été révoquée » (Notes). Toute prétention triomphaliste est rejetée. Le « non » des juifs aux affirmations chrétiennes concernant Jésus et la signification de la vie et de la mort du Christ est pris sérieusement en considération et met en question la compréhension que l'Eglise a d'ellemême. Bon nombre d'études théologiques ont déjà été publiées dans cette ligne.
La Congrégation de Notre Dame de Sion, lors de son Chapitre général de 1986, exprimait le désir de promouvoir cette nouvelle théologie en organisant une rencontre internationale de théologiens (clercs, laïcs, religieuses et penseurs juifs), ayant pour but d'étudier les questions posées par le tout récent dialogue entre juifs et chrétiens, et de publier les résultats d'une telle recherche. L'intention première était de tirer les conséquences, pour la vie chrétienne, des paroles du Pape Jean-Paul II à Mayence en 1980 au sujet du peuple juif: « le peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance qui n'a jamais été révoquée... » (cf. les Notes de 1985). Une première réflexion se fit au niveau local, dans les pays (Australie, Brésil, Canada et U.S.A., Costa Rica, Europe, Moyen Orient, Angleterre et Irlande) où se trouvent les communautés de Notre Dame de Sion. Après information mutuelle sur les résultats de ces recherches, deux rencontres internationales furent organisées: en 1989 et en 1991. La rencontre de 1991 a eu lieu à Ammerdown (Bath) en Angleterre, et elle a duré une semaine (6 au 13 janvier 1991). Quatre conférences d'experts y ont été présentées, suivies chacune d'un temps de réflexion personnelle, de discussions en petits groupes et de sessions plénières. Un temps avait été aussi ménagé pour la prière personnelle ou commune. Il n'est pas possible d'exprimer dans un texte écrit cette expérience de véritable rencontre (au sens bubérien du terme) qui fut la nôtre au cours de ces journées; il nous semble cependant que les lecteurs du SIDIC pourraient être intéressés par le texte des conférences données au cours de la rencontre, que nous publions ici, ainsi que par un bref compte-rendu des discussions et une liste des questions proposées pour une réflexion à venir. Puisse ce numéro de la revue contribuer, ne fût-ce que modestement, à cette réflexion qui est d'une importance vitale pour l'Eglise et pour le monde!