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L'Éducateur et le Collaborateur - Hôte de Sion
Katherine MacDonald, NDS
Le 29 août 1979, j'ai fait télégraphier à toutes les Provinces de la Congrégation pour annoncer la mort du Pète Rijk, de sorte que toutes les soeurs furent immédiatement unies dans la peine et la prière. Celles qui connaissaient bien le Père perdaient un vrai ami; toutes nous perdions un frère profondément engagé dans la même tâche que notre Congrégation dans l'Église d'aujourd'hui.
Son étroite collaboration et ses relations personnelles avec les Soeurs de Sion remontent à son arrivée à Rome. Voici comment, un jour où il parlait à un groupe de nos soeurs en session à la Maison Généralice en 1976, il a décrit lui-même ces débuts:
« C'est au moment où l'Église s'est ouverte officiellement aux relations judéo-chrétiennes que j'ai fait la connaissance de Sion. Il y a une douzaine d'années de cela: En novembre 1965, eut lieu à Rome une réunion organisée par quelques évêques et théologiens pour réfléchit à la manière de met. tre en pratique les directives de l'Église formulées dans la Déclaration Nostra Aetate. Quelques Soeurs de Sion participaient à cette réunion. Ce fut pour moi le premier contact avec votre Congrégation et sa vocation spécifique dans l'Église. Depuis, je suis devenu l'hôte de Sion. Comme vous, je suis engagé à fond dans la question des relations entre chrétiens et juifs ».
Toutes ces années de collaboration avec le Père Rijk ont beaucoup apporté à la Congrégation. Sa formation biblique et théologique et sa large expérience des relations judéo-chrétiennes ont été une aide précieuse pour nous à un moment difficile de notre histoire d'institut apostolique. Que de soit pour parler à un chapitre général ou à une soeur, il ne nous a jamais refusé son aide. Celle-ci s'est manifestée surtout de quatre manières: auprès des soeurs vivant à Rome, pour notre Centre romain de relations judéo-chrétiennes (SIDIC), par ses exposés à nos sessions internationales et enfin par les voyages qu'il a faits pour répondre à l'invitation de plusieurs de nos Provinces.
Le Père Rijk habitait dans notre Maison Généralice depuis que le Cardinal Bea l'avait appelé à Rome pour lui confier l'Office des Relations avec les juifs au sein du Secrétariat pour l'Unité. Les soeurs de la Maison Généralice ont beaucoup reçu de lui, non seulement par les cours qu'il leur a donnés, mais aussi par son homélie quotidienne qui était partie intégrante de notre
Eucharistie. Sa vision biblique de Dieu à l'oeuvre dans le monde, de Dieu qui nous parle à travers l'Écriture et à travers les événements actuels, a approfondi la spiritualité biblique de la communauté. Il était aussi toujours disponible, à Rome, pour réfléchir avec le Conseil Général et lui donner son avis à propos des relations judéo-chrétiennes, envisagées selon les nouvelles perspectives de l'Église et de la Congrégation. A la suite des orientations de Vatican II, beaucoup de Congrégations ont dû chercher comment adapter leurs ministères; notre Congrégation de Sion se trouvait, de plus, aux prises avec des changements dans la théologie. La compétence et l'expérience du Père Rijk furent pour nous une aide précieuse dans les nouvelles activités apostoliques auxquelles nous conviait le Concile Vatican II.
Après la promulgation de la Déclaration Nostra Aclate, un groupe d'évêques et de théologiens intéressés demandèrent à la Congrégation de créer un Service International de Documentation sur les relations judéo-chrétiennes. Ainsi naquit SIDIC, dans notre Maison Généralice, grâce au travail d'un petit groupe de soeurs sous la direction inlassable de Soeur Edward. Si elles sont arrivées à bâtir quelque chose, c'est en grande partie grâce à l'aide, dont elles n'auraient pu se passer, et aux encouragements que le Père Rijk ne cessait de leur donner. Il faisait beaucoup plus que ce que comportait son rôle de membre du Comité de trois experts nommés par les évêques pour guider SIDIC. Je peux affirmer sans hésitation que sans lui, SIDIC ne se serait pas développé comme il l'a fait, et même probablement n'aurait pas pu exister. Quand le Père Rijk quitta son travail au Secrétariat de l'Unité à la fin de 1972, notre Conseil Général lui demanda de devenir directeur de SIDIC à plein temps. Il accepta et jusqu'à sa mort il garda cette responsabilité à laquelle il se donnait de tout son coeur.
Au cours de ces dernières années, nous avons eu à Rome beaucoup de sessions internationales de Congrégation, avec le but d'aider les soeurs à unifier plus profondément leur vie apostolique et à approfondir le sens de notre vocation de Soeurs de Sion. Le Chapitre Général avait demandé d'organiser ces sessions pour qu'elles contribuent à faire avancer toute la Congrégation, comme groupe ayant son charisme propre et son histoire et, par suite, sa présence apostolique spéciale dans l'Église. Le Père Rijk a apporté sa contribution à presque toutes ces sessions, non seulement par les célébrations eucharistiques et ses homélies, mais aussi en donnant des conférences et en dirigeant des travaux de groupes. Il était toujours aidant et stimulant. Il avait en commun avec nous, par engagement personnel de sa part, la mission de rappeler constamment à l'Église que « Israël et les nations sont mystérieusement liés dans le dessein d'amour de Dieu sur le monde ». Il ne voyait jamais cela comme une vocation étroite, limitée. A ses yeux, il n'y avait pas, dans la Congrégation, de soeur dont la vie et le travail ne contribuaient pas à cette mission. Il aidait les soeurs à voir dans l'unique mouvement d'amour de Dieu vers Son peuple et vers le monde la source d'où découlent l'image que nous nous faisons de Dieu et notre manière de vivre ainsi que nos relations avec les autres. Il aidait les soeurs à creuser les questions de justice et de pauvreté, pour qu'elles saisissent comment leur vocation les amène à témoigner, par leur vie et leurs activités, de l'amour universel de Dieu pour tous. Il aidait les professeurs et les catéchistes, et en vérité il nous aidait toutes, à prendre conscience du fait que les relations judéo-chrétiennes « touchent la conscience chrétienne et la vie chrétienne dans tous ses aspects: liturgie, catéchèse, prédication, ... dans tous les pays où l'Église est établie, ce qui signifie que le champ qu'elles concernent est aussi large que l'Église elle-même ».
A plusieurs reprises, les Conseils Provinciaux de la Congrégation ont invité le Père Rijk à parler à des sessions organisées pour les soeurs ou à visiter les communautés de leurs Provinces, ce qui lui a permis de voir « sur le terrain » où en étaient les relations judéo-chrétiennes dans les Églises locales de ces pays. Les soeurs lui ménageaient des occasions de parler aux prêtres, ainsi qu'aux laïcs, sur l'importance du dialogue judéo-chrétien pour l'Église. Cependant durant ces visites, c'est aux soeurs qu'il donnait la plus grande partie de sontemps, les aidant à mettre en pratique les orientations de Vatican II pour les relations avec le judaïsme et les autres religions. On est étonné quand on réalise qu'il est allé dans toutes les Provinces de la Congrégation, excepté, à son grand regret, en Amérique Centrale; et nos onze Provinces sont dispersées dans 23 pays et 5 continents! La dernière de ces visites, a été pour l'Australie. Les impressions gardées pat beaucoup de Provinces après son passage ont été exprimées par la Provinciale d'Australie dans une lettre écrite à l'annonce de sa mort:
« Nous pouvons dire, je crois, en toute vérité que Kees (tel était le diminutif couramment employé par ses amis) a été apprécié par toutes les soeurs de la Province; il a ouvert des perspectives neuves à chacune de nous personnellement et à la Province dans son ensemble; il a renouvelé notre enthousiasme et notre compréhension pour le charisme de Sion dans l'Église et dans le monde. D'une certaine manière aussi, il me semble qu'il nous a fait prendre plus profondément conscience de la responsabilité que nous avons de vivre et de diffuser notre charisme. En lui nous perdons à la fois un ami et quelqu'un qui nous a stimulées et qui a collaboré avec nous dans notre mission ».
Au cours de la vie de la Congrégation, Dieu nous a donné des amis qui nous ont aidées à clarifier notre vision et à orienter notre service dans l'Église, par exemple: Th. Devaux, Paul Demann, Marcel Dubois, Bruno Ilussar, le Cardinal Bea, Michel de Goedt, et d'autres. Le Père Rijk était du nombre. Durant toutes ces dernières années, nos relations avec lui n'ont pas été seulement une collaboration en vue d'un but commun. Ce furent des années d'amitié et d'encouragement mutuel. Le Père Rijk nous a apporté le surcroît de lumière et de joie que l'on reçoit quand on travaille avec d'autres pour bâtir le Royaume.