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Documentation
ALLOCUTION DE SA SAINTETÉ LE PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMEOS LORS DE SA VISITE OFFICIELLE AU MUSÉE DU MÉMORIAL DE L’HOLOCAUSTE,
WASHINGTON, DC, U.S.A. 20 OCTOBRE 1997
A nos soeurs et frères bien-aimés dans le Seigneur,
A nos amis et à tous ceux qui recherchent l’amour de Dieu,
Que le Seigneur ait pitié de nous tous. Que le souvenir de ceux qui ont péri dans l’Holocauste demeure éternellement.
Nous sommes poussé à nous adresser à vous aujourd’hui, parce que notre visite de ce grand musée de la souffrance et du triomphe de l’homme nous reste présente à l’esprit. Notre modeste personne est touchée par l’extraordinaire hommage que rend ce monument à l’esprit de vérité et à la profonde affliction humaine qui a meurtri ce siècle.
Nous nous adressons à vous en ce jour avec des émotions mêlées, heureux d’être ici avec vous pour recueillir les fruits du labeur de ces juifs et chrétiens orthodoxes qui ont si inlassablement travaillé pour que nos communautés parviennent à se comprendre et que notre réflexion commune nous conduise au respect et à l’amour mutuels. Nous sommes aussi profondément bouleversé et attristé par ce que nous avons vu et éprouvé ici aujourd’hui. Nous avons vu le visage du mal, un mal dont nous prenons acte avec une immense peine. Toutefois, nous avons vu aujourd’hui ce mal hideux transformé, rédimé par le pouvoir de l’amour et de la mémoire. Ce lieu nous incite à assurer à l’humanité entière que l’horreur insondable et indicible du génocide ne pénétrera plus jamais dans le champ de l’action humaine.
L’horreur que reflètent les images de ce lieu et que nous ne faisons qu’entrevoir ici a atteint à une profondeur indicible les vivantes images de Dieu: hommes, femmes et enfants. Tenter ne serait-ce que de contempler cet abîme de souffrance humaine est presque trop nous demander. Et pourtant nous devons essayer. Nous devons comprendre que si l’agir humain s’est ainsi dépravé, c’est parce que l’esprit humain a fait défaut. En ce lieu, nous ne pouvons manquer de discerner la responsabilité particulière que doivent assumer juifs et chrétiens pour entretenir l’espérance et faire en sorte que plus jamais ce terrible mal ne prenne racine dans la psyché humaine.
C’est à nous, juifs et chrétiens, qu’incombe particulièrement le devoir de garder une mémoire commune de cet Holocauste et des autres, afin de les bannir à jamais. L’histoire de nos relations contient trop de tristes épisodes de peur et de mépris, elle qui est pourtant jalonnée de tant d’exemples de l’amour du Tout-Puissant pour nous, à titre individuel comme à titre collectif. S’il n’en était pas ainsi, le fratricide qui, nous le savons, est notre héritage, et dont nous voyons ici les funestes fruits, ne pourrait aujourd’hui être transformé en une icône d’amour et d’unité fraternelle.
L’histoire de la survie de Yolanda Willis, celle de l’évêque Chrysostome de Zakynthos, notre inoubliable frère dans le Seigneur, qui, alors qu’il était sommé par les autorités nazies de dresser la liste des juifs de l’île n’a écrit qu’un seul nom – le sien, et celle de bien d’autres citoyens de la Grèce occupée sont de vraies leçons d’amour. Ce sont des représentations de la vérité du Christ, exprimées avec courage devant les principautés et puissances obscures de ce monde (cf. Ephésiens 6,12).
Dans ce mémorial sacré de l’Holocauste, la représentation singulière des maux de notre siècle a été transformée en un instrument de renouveau spirituel. En nous repentant des crimes les plus terribles de notre espèce, nous commençons à découvrir le chemin qui mène à cet amour mutuel auquel nous nous sommes si souvent dérobés au long de notre histoire commune. Telle est la suprême réussite de ce grand musée. A travers cette évocation du pôle extrême de la dépravation humaine, le peuple américain a fait mémoire d’un mal dont les tristes échos ont résonné en trop de temps et de lieux de notre siècle finissant. En érigeant ce monument et en faisant de cette représentation du mal l’antithèse de l’humain, les créateurs du musée du Mémorial de l’Holocauste des Etats-Unis ont en même temps façonné une icône de l’espoir humain. Le musée assure la pérennité de la mémoire humaine qui n’oubliera jamais ses heures les plus sombres, afin que l’homme puisse toujours chercher à vivre ses plus hautes aspirations.
Notre humble personne est aussi ébranlée par ce qu’elle a vu en ce lieu sacré que lorsqu’elle a visité le musée Yad Vashem en Israël. Nous respectons le rôle de garant de l’existence du peuple juif que joue Israël.
Puisque tous les êtres humains, bons et méchants, bourreaux et victimes, sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Genèse 1,27), c’est à nous qu’il appartient de distinguer entre l’obéissance à la volonté de Dieu et la résistance aux commandements d’amour qu’Il a enracinés en nos coeurs.
La terrible indifférence de tant d’individus à l’égard de leurs voisins lorsque ceux-ci étaient emmenés contre leur gré est une écharde dans la chair de l’histoire du genre humain. Cette écharde est la faiblesse constante de l’humanité dans son rapport à Dieu. L’amère vérité pour tant de chrétiens de cette terrible époque a été leur inaptitude à traduire le message de leur foi en actes – à manifester leur foi par leurs oeuvres (Jacques 2, 18).
Le Patriarcat oecuménique tient à rappeler à ses enfants spirituels et à tous ceux qui professent leur amour du Divin que jamais l’on n’a eu autant besoin de croyants pour aller dans le monde témoigner des fruits authentiques de l’Esprit que sont, entre autres, l’amour, la joie, la paix (cf. Galates 5,22).
A tous, à nos enfants spirituels comme à nos frères et soeurs de tout l’Oekoumène, nous affirmons avec audace que jamais plus le silence face à l’injustice, le silence dans les ténèbres de la souffrance impuissante, le silence dans l’obscurité de l’amère nuit d’Auschwitz ne sera toléré. La foi chrétienne authentique doit se manifester envers tout peuple de foi, envers toute foi. Car il est du devoir du chrétien de sacrifier jusqu’à sa propre vie pour la sauvegarde de la vie humaine. Pour beaucoup, cela suppose un degré de foi impossible à atteindre. Pourtant, les créatures que nous sommes sont dotées du pouvoir de se comprendre. Nous sommes capables de distinguer le bien du mal. Nous pouvons nous réjouir dans le Seigneur à travers notre désir d’accomplir Sa volonté.
Ceux qui ont sauvé des juifs et d’autres êtres humains des tourments de l’enfer sur terre ont échappé au redoutable piège de la peur et du manque de foi, de l’égoïsme et de la haine. Ils ont vaincu le mal par le bien (Romains 12, 21).
Tous ceux qui ont péri dans l’Holocauste sont des martyrs, des témoins qui nous indiquent comment répondre à l’amour de Dieu.
Aionia ee mnimi afton. Que leur souvenir demeure éternellement!
ITALIE – DÉCLARATION DU SECRÉTARIAT DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE POUR L’OECUMÉNISME ET LE DIALOGUE
Au cours d’une rencontre, le 16 mars 1998 à Rome, avec le Grand Rabbin de Rome Elio Toaff et Mme Tullia Zevi, présidente de l’Union des communautés juives d’Italie, une délégation de la Conférence épiscopale italienne dont Mgr Giuseppe Chiaretti, président du Secrétariat de la conférence épiscopale italienne pour l’oecuménisme et le dialogue, a remis le texte suivant:
Notre présence en ce lieu plein de souvenirs, en tant que représentants du Secrétariat de la Conférence italienne pour l’oecuménisme et le dialogue, veut être un signe d’amitié et d’espérance: de notre amitié envers vous, nos “frères aînés”, en tant que premiers-nés dans la foi, qui avez tant de choses à nous dire en les tirant du trésor de la séculaire tradition biblique; l’espérance que la plante vénéneuse de l’antisémitisme soit à jamais éradiquée de l’histoire, à commencer par nos habitudes culturelles et linguistiques. Nous rappelons ces temps-ci le cent-cinquantième anniversaire des libertés civiles accordées par le roi Charles -Albert aux vaudois et aux juifs de son Royaume: c’est un souvenir joyeux, auquel nous prenons part. Mais nous rappelons aussi le 60e anniversaire des lois raciales, antijuives, en Italie: c’est un souvenir très douloureux, qui nous interroge et nous inquiète. “L’antisémitisme n’a aucune justification et doit être absolument condamné”, a redit à tous avec fermeté et clarté, Jean-Paul II, le 1er novembre 1997, dans son discours aux participants au Symposium qui s’est déroulé au Vatican sur les relations entre chrétiens et juifs.
A partir de la source biblique qui nous est commune, nous aimons rappeler à cet égard deux commandements d’usage fréquent: shema, “écoute !”, et zechor, “souviens-toi !”; et aussi un mot sans équivoque aucune: teshuva.
Il est vrai que, comme vous l’avez dit, Monsieur le Rabbin, “il y a eu en Italie un antisémitisme d’Etat et non pas du peuple”; mais ce fait n’empêche pas qu’il s’agisse d’une page sombre de l’histoire récente de notre pays. La communauté ecclésiale, parce qu’elle a pendant longtemps véhiculé sans critique “des interprétations erronées et injustes de l’Ecriture” (Jean-Paul II), n’a pas su montrer une énergie capable de dénoncer et de s’opposer avec force et opportunité à l’iniquité qui vous frappait. Cependant, c’est de manière spontanée que s’est manifestée la solidarité humaine et chrétienne du peuple, et en particulier celle de nombreux prêtres et religieux, quand on est passé de la violence des paroles à la violence contre l’homme: la charité a permis d’atténuer un peu le manque de prophétie, même si elle n’a pas réussi à arrêter la “catastrophe”.
Nous évoquons ces événements avec gêne mais aussi avec une teshuva profonde et consciente, pour dire que nous ne pouvons pas, et ne voulons pas, oublier. Et nous les rappelons pour apprendre à écouter davantage l’Eternel, Celui qui aime la vie, l’unique Seigneur de tous, afin que nos pensées et nos comportements s’ouvrent à la pleine vérité biblique, à partir de l’éminente dignité de l’homme, sur laquelle nous avons choisi de réfléchir lors de la récente journée de solidarité avec le judaïsme, le 17 janvier dernier.
Nous repensons avec plaisir à cette initiative lancée il y a dix ans par notre Secrétariat, pour une correcte présentation du judaïsme dans la prédication et la catéchèse. Elle a également été reçue au niveau européen: nous avons en effet voulu la proposer à l’Assemblée oecuménique de Graz, en juin dernier, à toutes les Eglises d’Europe, en recevant en retour une pleine adhésion. En cette occasion, notre ferme prise de position a beaucoup frappé, si bien qu’elle fut accueillie avec satisfaction par le professeur René Samuel Sirat, grand rabbin de France, qui était présent.
Après d’indicibles souffrances, la vérité l’a emporté sur le mensonge. Mais cette victoire reste encore fragile, elle nécessite une vigilance continuelle et une conversion permanente. Pour sa part, l’Eglise catholique, depuis le Concile Vatican II et grâce à la rencontre de deux hommes de foi, Jules Isaac et Jean XXIII – que sa mémoire soit tenue en bénédiction ! -, a emprunté avec décision d’autres chemins, déniant toute justification pseudo-théologique à l’accusation de déicide et de perfidie, comme aussi aux théories de la substitution, et par conséquent à “l’enseignement du mépris”, matrice de tout antisémitisme. Elle a également reconnu, avec Paul, que les dons du Seigneur sont irrévocables et que, aujourd’hui encore, Israël a une mission propre à accomplir: celle de témoigner de l’absolue seigneurie du Très Haut, auquel tout homme est tenu d’ouvrir son cœur.
Quel qu’ait été notre passé, les temps actuels nous demandent de reconnaître le vérité des faits et des responsabilités, même si elle est douloureuse. Et, en Italie aussi, l’Eglise montre très clairement qu’elle ne veut pas se soustraire à ce devoir, malgré le retard ou des voix inconsidérées qui s’attardent encore sur des préjugés à la vie dure.
Laissons aux historiens la tâche de faire de leur mieux pour reconstruire la vérité des faits encore pétris d’émotivité. Quant à vous, seul l’Eternel sait par quelles tribulations iniques et inhumaines vous êtes passés, demeurant héroïquement fidèles à votre vocation de témoins de son Nom. A nous, il est demandé d’accélérer la levée des préjugés et des injustices, et d’encourager l’estime et le respect, en ouvrant les coeurs à la fraternité qui nous unit dans l’amour de l’unique Seigneur et Père. C’est un chemin de purification des mémoires, pour lequel nous demandons confiance et bienveillance, ainsi que le pardon du Seigneur “lent à la colère et plein d’amour” (Ps 108,3). C’est un signe de pacification et nous voudrions qu’il soit partagé pour en témoigner ensemble en notre temps encore en proie aux désaccords et aux déchirements, en collaborant à la défense de la liberté et de la justice, des droits civils et religieux de tous les hommes, à commencer par notre pays, et partout entre les peuples.
Avec ces sentiments, Monsieur le Rabbin et Madame la Présidente, nous sommes ici pour vous rendre hommage, ainsi qu’aux collaborateurs, aux rabbins et aux membres des communautés juives italiennes, dans la confiance que le tournant positif de nos relations, dans un contexte renouvelé de libertés civiles et religieuses, nous amènera à nous tendre la main de l’alliance pour coopérer ensemble au bien de tous, dans la perspective du Royaume.
Rome, le 16 mars 1998
+ Giuseppe Chiaretti
Archevêque de Pérouge
Président du Secrétariat de la C.E.I. pour l’oecuménisme et le dialogue
[Traduction de La Documentation catholique, n̊ 2182, 17 mai 1998 ].
SUISSE – SOUS L’ARC DE L’ALLIANCE QUI NOUS RASSEMBLE
Sortir de l’antijudaïsme chrétien
Organisation de femmes chrétiennes, nous voulons réfléchir à notre attitude envers nos frères et soeurs juifs.
Regards vers le passé
Très tôt, des attitudes antijudaïques se firent jour dans la tradition chrétienne et dans les premiers écrits du Nouveau Testament. Elles marquaient une délimitation et protégeaient les chrétiens et les chrétiennes des premiers siècles. L’ignorance et l’arrogance accompagnées de préjugés inconscients et de présupposés théologiques débouchèrent dans le passé et jusqu’à nos jours sur des ghettos, des expulsions et des pogroms (massacres) à l’encontre du peuple juif. Elles préparèrent la voie à l’antisémitisme et aux exécutions de masse de notre siècle.
Conversion
Femmes et hommes dans la “suivance” du Christ, nous reconnaissons notre co-responsabilité dans ces abominations. Nous les nommons explicitement et demandons pardon aux juifs et aux juives. Conscient-e-s de notre co-responsabilité et en signe de compassion devant le chemin de douleurs parcouru par le peuple juif, nous nous efforçons de dépasser le contenu antijudaïque de certains passages de la Bible et de la liturgie. Nous nous engageons pour une attitude chrétienne libérée de toute arrogance et de tous préjugés envers le peuple juif.
La Bonne Nouvelle annoncée par Jésus ne saurait propager des idées antisémites.
Reconnaissance de Jésus, le Juif
Nous nous reconnaissons en Jésus de Nazareth et marchons à sa suite. Jésus est né et il est mort juif. Son message et son agir étaient marquées par sa religiosité juive. Il s’engagea pour la libération des pauvres, des opprimés et des sans-droits. L’amour de l’humanité était le moteur de son action et nous voulons y rester fidèles.
Pendant l’occupation romaine, plusieurs mouvements de libération se développèrent, dans la diversité du judaïsme de ce temps. Avec Jésus, un mouvement de libération, ancré dans la tradition juive, a pris corps; il renonçait radicalement à la violence et se mettait totalement du côté des marginalisés.
Sous le même arc d’alliance
Comme ses frères et soeurs juifs, Jésus appartenait à la communauté de l’Alliance que Dieu avait établie avec le peuple d’Israël. Dans l’Ancien Testament, nous pouvons lire que cette alliance est sans cesse renouvelée et renforcée.
Jésus n’a pas résilié cette alliance, il l’a élargie. Par son message et son agir, Jésus l’a étendue aux hommes et aux femmes hors de la tradition juive. Dans ce sens, nous sommes tous ensemble, avec les hommes et les femmes juifs sous cet arc d’alliance qui nous relie.
Contexte historique
Jésus – ses disciples également – était imprégné de la tradition juive de son temps. Sa pratique de la Torah (les cinq livres mosaïques) et des Prophètes, le sermon sur la montagne et les paraboles étaient l’expression de sa spiritualité juive. Le regard critique que Jésus posait sur les lois et les traditions était en droite ligne avec les prophètes d’Israël. Quand il disait: “Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat.” (Mc 2, 27), il s’agissait d’une critique interne au judaïsme. Il n’était nullement question de fonder une nouvelle religion.
Ce n’est qu’après un siècle environ, que le christianisme se sépara du judaïsme.
Une origine commune
L’origine du christianisme lui fait une obligation de s’interroger sur ses racines dans le judaïsme. Il n’en va pas de même pour nos frères et soeurs juifs. Ils peuvent pratiquer leur religion sans devoir confronter leurs convictions aux convictions chrétiennes.
Alors que les chrétien-ne-s doivent prendre conscience que, en plus des textes religieux, la liturgie chrétienne et les principales fêtes de l’année religieuse trouvent leur origine dans la tradition juive. Cette origine commune a souvent été oubliée, voire contestée jusqu’à une période récente.
Cet oubli – ce rejet – a eu des conséquences dramatiques pour les juifs et ils ont, à de multiples reprises, subi un sort dramatique au sein de la chrétienté.
Sur le chemin d’une relation réconciliée
Chrétiennes et chrétiens responsables, nous jetons un regard critique et honteux sur notre comportement antijudaïque d’hier et d’aujourd’hui et nous nous engageons à surmonter cette manière d’être. Il n’est pas question d’évacuer les différences entre nos traditions, mais au contraire de les reconnaître avec respect.
Nous nous distançons des oppositions caricaturales telles que:
“Ancienne alliance – nouvelle alliance”
“Le judaïsme, religion de la loi – le christianisme, religion de l’amour”
“Le Dieu courroucé et vengeur de l’Ancien Testament – le Dieu aimant et miséricordieux du Nouveau Testament”
“Le judaïsme, ennemi des femmes – Jésus, l’ami des femmes” etc...
Nous condamnons les accusations de culpabilité collective, par exemple:
“Les juifs sont coupables des souffrances et de la mort de Jésus”
Nous nous efforçons de dépasser les clichés antisémites et des préjugés souvent inconscients
Nous apprenons de la théologie féministe – qui depuis longtemps porte un regard critique sur nous-mêmes fondé sur la lecture attentive des textes – à initier un dialogue judéo-chrétien qui montrera le chemin d’une relation réconciliée.
Nous promouvons une approche sensible et nuancée des textes bibliques et liturgiques et de leur emploi dans la pratique ecclésiale et dans la recherche théologique.
“Aujourd’hui, pourvu que vous obéissiez à sa voix” Ps 95, 7
L’affirmation “Je veux être votre Dieu, vous serez mon peuple” est valable aussi bien pour les juives et les chrétiennes que pour les juifs et les chrétiens. Ainsi nous sommes liés par notre responsabilité pour la Création et l’univers, par notre engagement pour la justice et la paix pour tous les vivants.
Cette déclaration a été élaborée par le groupe de travail “Eglise” de la Ligue suisse des femmes catholiques SKF [Schweizerischer Katholischer Frauenbund]. Et adoptée par le Comité central du SKF le 20 octobre 1997.
Co-signataires:
– Fédération suisse des femmes protestantes FSFP
– Forum oecuménique de femmes chrétiennes d’Europe, branche suisse
– Journée mondiale de prière JMP, Comité suisse
POLOGNE – DÉCLARATION DU CONSEIL PERMANENT DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE POLONAISE CONCERNANT LA QUESTION DES CROIX À AUSCHWITZ
1. Réunis dans le sanctuaire de Jasna Góra, devant Notre Dame de Częstochowa, nous sommes très attentifs à tous les problèmes qui se posent à l’Eglise dans notre patrie. Le douloureux conflit d’Auschwitz nous cause un grand souci à cause de la confusion qu’il suscite dans notre société. Les tensions provoquées par la croix plantée dans l’ancienne gravière révèlent les douloureuses blessures des consciences insensibles à la voix de la vérité et aux recommandations des pasteurs à qui le Christ a confié dans son Eglise le service de la réconciliation. Beaucoup de gens – pas seulement des croyants – attendent de nous une prise de position claire. Les évêques l’ont déjà exprimée à plusieurs reprises; mais leur voix a été étouffée par l’émotion que l’affaire a suscitée.
2. A genoux devant l’icône de la Vierge de Jasna Góra, nous portons notre regard sur la croix qui se trouve depuis plusieurs années dans l’ancienne gravière, et nous exprimons la conviction que cette croix restera là où elle doit être. Dans ce camp de concentration, ont péri des Polonais, des Russes et des ressortissants de beaucoup d’autres nations. Cette tragédie a frappé tout particulièrement les Juifs et les Tziganes, qu’une idéologie raciste païenne avait condamnés à l’extermination. Dans cet immense cimetière du XXe siècle, nous devons vénérer la mémoire de toutes les victimes. Le signe de croix était un signe d’espérance pour beaucoup de ceux qui mourait et qui cherchaient un sens à leurs souffrances. Nous devons respecter leurs croyances et entourer ce lieu sanctifié par le sang innocent du recueillement et du respect qu’il mérite. La croix qui se dresse à l’endroit où 152 Polonais ont été exécutés a droit au respect tout autant que les symboles religieux de tous ceux qui ont péri dans ce camp.
3. Comme pasteurs de l’Eglise, nous adressons ces paroles aux fidèles en exprimant notre reconnaissance à ceux qui ont souffert pour la croix sous le régime inique du communisme. Nous remercions tous ceux qui aujourd’hui manifestent leur attachement à la croix en vivant selon l’Evangile. Mais nous voulons en même temps affirmer catégoriquement que nul ne peut abuser du signe saint et le tourner contre l’Eglise de Pologne, en provoquant inquiétude et conflits. Nous déclarons donc que l’action de planter des croix dans l’ancienne gravière a été entreprise sans l’accord de l’évêque du diocèse et même contre sa volonté. Le Cardinal Primat de Pologne, l’évêque du lieu et d’autres évêques ont exprimé leur opposition; ils ont appelé au dialogue et au respect des croyances différentes. S’arroger le droit de planter des croix dans l’ancienne gravière prend le caractère d’une provocation et est en contradiction avec le respect dû à ce lieu particulier. Nous exprimons notre douleur de ce que certains n’ont pas reconnu cette provocation et, agissant de bonne foi, ont utilisé la croix comme instrument de division. Une action organisée de cette manière porte atteinte autant à la mémoire des victimes assassinées qu’à l’Eglise et à la nation; elle blesse douloureusement la sensibilité de nos frères juifs qui est différente de la nôtre.
La croix qui, pour nous chrétiens, est le signe suprême de l’amour et du sacrifice ne peut jamais être utilisée comme un instrument de lutte contre quiconque. C’est justement sur la croix que le Christ a aboli le mur d’inimitié qui divisait les hommes et les a réconciliés tous avec Dieu. Cela nous amène à nous poser cette question: Sommes-nous un signe visible de réconciliation et de paix? Notre conduite ne fait-elle pas, au contraire, penser aux paroles de St Paul dans l’Epître aux Hébreux: “Ils crucifient pour leur compte le Fils de Dieu et Le bafouent publiquement”? (He 6,6).
4. Nous savons, chers fidèles que vous êtes capables de défendre les symboles religieux qui nous sont chers. Mais ne le faites pas en rabaissant le sens de la croix ! N’entreprenez pas d’actions qui dépouillent l’ancienne gravière de la dignité qui lui est due, alors que le conflit grandissant nuit à l’Eglise et fait du tort à notre nation. Ecoutez la voix de vos pasteurs. Prouvez votre attachement à la croix par des actions pleines de respect indiquées par la hiérarchie de l’Eglise. Nous espérons que les croix plantées récemment trouveront la place qui leur convient dans les paroisses ou dans les églises. En exprimant ici notre soutien à l’évêque de Bielsko-Żywiec dans son souci pastoral, nous voulons dire aussi notre souffrance de ce que certains aient ignoré ses appels et participé à des actions qui ont fait de la croix un instrument de division.
5. Nous n’oublions pas que l’Eglise a des “liens étroits de parenté spirituelle avec le peuple juif” (Nous nous souvenons – Document de la Commission Vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme). Néanmoins, chrétiens et juifs ont différentes conceptions sur le sens de la souffrance: le même camp d’extermination revêt différentes significations. Pour les uns, c’est “le Golgotha des temps modernes”; pour les autres, c’est le symbole de l’extermination totale, et ils lui donnent le nom de “Shoah”. Cela exige un grand respect mutuel de notre altérité, et nous oblige à rechercher des solutions qui ne blessent pas et qui soient acceptables des deux côtés. Essayer d’imposer aux autres nos propres convictions est inconciliable avec le commandement d’amour de Dieu et du prochain, qui est commun aux juifs et aux chrétiens (Dt 6,4-6; Lv 19,18; Mc 12,30-33).
6. Le même drame de la mort a uni toutes les victimes de l’extermination d’Auschwitz. Aujourd’hui certains essaient d’obscurcir dans l’opinion publique la vérité au sujet de l’étendue de cette extermination, dont Auschwitz est devenu le symbole. C’est uniquement en nous engageant sur la voie d’un dialogue persévérant, auquel nous vous invitons, que nous arriverons à faire toute la vérité sur le génocide hitlérien exécuté dans les camps d’extermination. Le dialogue entre nous, juifs et chrétiens, nous permet d’éprouver la Shoah comme une “indicible tragédie” et “le fait majeur de l’histoire de notre siècle” (Document de la Commission Vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme). Nous sommes ouverts au dialogue sur l’avenir d’Auschwitz, ce cimetière de notre temps. Nous nous déclarons prêts à chercher des solutions qui soient acceptables pour tous. En même temps nous sommes conscients du fait que l’ancien camp de concentration se trouve sur le territoire de la IIIe République de Pologne et qu’il est, à ce titre, soumis à la loi polonaise. Il est donc compréhensible que les Polonais s’attendent à ce que cette loi soit respectée par tous ceux qui visitent le site des anciens camps.
7. Nous tournant vers nos compatriotes, nous leur adressons un appel venu du fond du cœur, en reprenant les mots du Cardinal Wyszyński, le Primat du millénaire. Il disait : “Nous avons une patrie et nous lui devons amour, service et sacrifice, même celui de notre vie, si Dieu le demande. Mais pour que nous soyons toujours prêts, il nous faut être unis dans le Christ et dans l’Eglise. C’est pourquoi nous demandons à tous ceux dont cela dépend de ne pas détruire cette unité, car cela mettrait en danger la sécurité de notre patrie et diviserait la nation en l’entraînant dans des dissensions et des querelles” (Jasna Góra, 3 mai 1973). Vivant dans cet esprit l’unité chrétienne dont la croix est le symbole, faisons, le 14 septembre, en la fête de la Croix glorieuse, le chemin de croix pour manifester notre attachement à la croix.
8. Nous nous tournons également avec une prière venant du fond du cœur vers les juifs, avec qui nous avons des liens de foi particuliers et uniques: AU NOM DU DIEU d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui pour nous, chrétiens, est aussi le Dieu de Jésus-Christ, nous vous prions avec instance de poursuivre le dialogue, afin que le sang versé en commun par nos pères, nos grands-parents, nos frères et nos soeurs nous aide à louer ensemble LE NOM DE DIEU.
Des hauteurs de Częstochowa, nous vous adressons à tous un signe d’amour et de paix. Nous espérons que Notre Dame, Reine de Pologne, renforcera en vos coeurs cette fidélité à la croix qui s’exprime par le souci de l’unité de l’Eglise et l’obéissance à vos pasteurs.
Jasna Góra, 26 août 1998
Signataires: les membres du Conseil Permanent de la Conférence Episcopale Polonaise
[Traduit du polonais par Sidic, Rome]