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Revue SIDIC XV - 1982/3
François et le Hassidisme (Pag. 32 - 34)

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Pour un programme d'enseignement du judaïsme et de la r faute juive dans les écoles secondaires catholiques
Eugene J. Fish

 

Le but de cet article est de tenter de déterminer les grandes lignes d'un tel enseignement et de souligner les sujets essentiels du judaïsme que devrait aborder l'éducation religieuse au niveau du secondaire. Ce programme diffère nettement de l'approche offerte habituellement par les manuels catholiques d'enseignement religieux.

POUR UN PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX

Attitudes du passé


Pour déterminer les buts à poursuivre, l'enseignant doit d'abord chercher à savoir quelle connaissance ses élèves ont déjà de la question et quelle est leur attitude face à ce sujet. En 1975, l'auteur de cet article terminait d'étude d'une quinzaine de manuels d'instruction religieuse catholiques, tant du primaire que du secondaire. Il y fit des découvertes étonnantes! Si des progrès remarquables ont été réalisés depuis Vatican II, il est cependant évident qu'il reste encore bien des aspects négatifs, remarquables surtout dans la manière de traiter certains thèmes ou événements du N.T. Et c'est au niveau de l'enseignement élémentaire, il est important de le constater, que l'on rencontre le plus fréquemment cette note négative.

Le professeur du secondaire ne peut donc s'attendre à ce que ses élèves aient une attitude neutre face au judaïsme. Il lui faut, par sa pédagogie, les amener à remettre en question leurs attitudes négatives et à s'interroger sur la déformation des faits tels qu'ils leur ont été enseignés dans les classes précédentes.

De nombreuses études nous l'ont appris: notre société comme notre catéchèse sont imprégnées d'un antisémitisme soit criant, soit plus subtil dans ses manifestations, cette dernière forme étant, bien sûr, la plus dangereuse. Ainsi, dans une de ses éditions récentes, le Webster définit le mot a Jewry (communauté juive) para ghetto » et le terme « pharisien » par « hypocrite ». L'image de Shylock exigeant sa livre de chair humaine plane encore sur toute la littérature anglaise. Notre art, notre langue révèlent un préjugé inconscient qu'on n'extirpera pas facilement. Comme le sexisme ou le racisme anti-noir, les préjugés anti-juifs et avec eux certaines attitudes ou habitudes de langage sont profondément inscrits dans le tissu même de notre culture occidentale. Si nous voulons lutter efficacement à l'école contre les relents de ce passé, lourd de polémiques, qui a précédé Auschwitz, il nous faut les laisser se mainfester et y être attentifs, sensibles. Il ne suffit pas d'éliminer les stéréotypes courants.

L'élève doit être amené à se confronter personnellement avec ses propres convictions. Pour cela, on devra employer, outre les méthodes traditionnelles de recherche et d'étude, d'autres moyens tels que psychodrames, mises en scène, dynamique de groupe etc... L'attitude dite d objective » prise habituellement pour les cours de religions comparées est absolument inadéquate dans le cas qui nous intéresse.

La méthode à suivre, pour un enseignement concernant les juifs et le judaïsme, doit donc être essentiellement active, son but étant d'aider l'élève (et peut-être aussi le maitre) à lutter loyalement et efficacement contre des préjugés tenaces et négatifs concernant le judaïsme. Les grandes lignes du programme proposé ci-dessous vont préciser certains des points qui font difficulté.

Nouvelles perspectives

Ce que j'ai trouvé de plus curieux, au cours de mon étude, c'est ce vide qui existe, en ce qui concerne le judaïsme, entre la fin de la période néo-testamentaire et notre temps. C'est comme si, à la fin du ler siècle, le peuple juif avait cessé d'être historique et que, soudain au 20e siècle, il renaissait miraculeusement à la manière de ces sectes religieuses typiquement américaines (mais sans aucune consistance dans l'histoire).

Et entre temps, silence total! Pourtant, pendant ces 19 siècles, ce peuple a vécu de son héritage social et religieux; pendant toute cette période, sa littérature, dont nous avons un reflet dans le Talmud et plus tard dans les écrits rabbiniques, a été riche et variée. Comme la Bible elle-même, la littérature juive post-biblique, médiévale et moderne, nous offre le témoignage d'un peuple aux prises avec un Dieu très personnel, d'un peuple appelé à vivre dans sa vie quotidienne les responsabilités et les joies de l'Alliance conclue au Sinaï.

St Paul nous rappelle que c'est sur cette racine vivante que nous, chrétiens, avons été greffés, entrant dans l'Alliance avec Dieu par le Christ: « Souviens-toi que ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte » (Rom. 11,18). Paul écrit, bien entendu, après la Résurrection, et sesparoles, rédigées au présent et non au passé, nous interpellent directement aujourd'hui. Une déclaration des évêques américains, datée de novembre 1975, s'appuyant sur Romains Il, exhorte vivement à reconnaître « la permanence de la vocation d'Israel ».

Ce que cela signifie pour nous, enseignants chrétiens, c'est que l'étude du judaïsme est une étude radicalement différente de celle de toute autre religion au monde. Le Talmud, en tant que témoignage de la façon dont le peuple juif a vécu l'Alliance du Sinaï, est un document dont l'intérêt dépasse de beaucoup le simple intérêt historique: il nous concerne directement. L'étude des sources juives nous engage immédiatement dans la catéchèse elle-même.

Un article du Père R. F. Collins intitulé: « Le 4e commandement - Pour les enfants ou pour les adultes? », paru récemment dans un numéro de « The Living Light » (vol. 14,2 - Eté 1977) montre comment la connaissance de l'interprétation rabbinique de la Bible peut marquer, éclairer notre catéchèse. Avant d'étudier la signification catéchétique du commandement « Honore ton père et ta mère », l'auteur commence par présenter et discuter la tradition rahbinique. Après cette recherche minutieuse, il parvient à la conclusion que le commandement ordonne à l'adulte de prendre soin de ses parents et que l'idée de l'obéissance de l'enfant, qui y a été plus tard rattachée, n'en est qu'une déduction. Cette connaissance nous ouvre à tout un contexte permettant de mieux comprendre le N.T. et elle est en même temps un point de référence qui permet de critiquer la façon dont la catéchèse traditionnelle présente ce commandement. Autrement dit, les sources juives post-bibliques, étudiées avec sérieux, permettent de corriger et d'approfondir notre enseignement catéchétique. Rencontrer la religion juive c'est, pour l'élève, rencontrer, vivante et exigeante, la source de sa propre foi. L'idéal serait de pouvoir, dans le cours des études, lier inséparablement la pensée rabbinique et l'histoire juive à la catéchèse elle-même.

La plupart des manuels du secondaire traitent cependant du judaïsme dans les chapitres consacrés aux religions comparées ou aux grandes religions du monde. La ligne suivie est alors orientée selon cette perspective, Bien que ce soit un moyen terme, cela peut être bon comme introduction générale à une religion riche de contenu et aux aspects divers.

Tout en présentant le judaïsme de manière exacte et habituellement positive, les manuels courants tendent à se polariser sur deux époques: celle du judaïsme biblique et celle du judaïsme moderne, effleurant è peine, (si tant est qu'ils le fassent), le développement qu'il a connu pendant les longs siècles intermédiaires. L'élève passe de la Bible hébraïque aux temps modernes, avec une brève présentation des trois principaux courants du judaïsme (orthodoxe, réformé, conservateur) et dés fêtes juives.

I.e plan proposé ci-dessous met également en valeur, lui, toutes les périodes de l'histoire et de la tradition juive. Une telle présentation ne vient pas d'un souci d'équité ou du désir de tout dire, même si ces raisons peuvent être valables; non, pour les catéchistes, le motif réel découle de la catéchèse elle-même. L'expérience juive, en tant que rencontre avec Dieu d'une communauté vivant en relations d'alliance, nous concerne directement, et cela non seulement parce qu'elle nous permet de mieux comprendre le contexte historique dans lequel s'insère l'enseignement de Jésus rapporté dans le NT., mais parce qu'elle nous permet de mieux nous comprendre nous-mêmes en tant que communauté vivant aujourd'hui en relations d'alliance. La manière dont les juifs ont réalisé leur destin de « Peuple de Dieu » constitue un aspect essentiel de ce que, comme chrétiens, nous avons besoin de savoir si nous voulons accomplir notre propre mission de « Peuple de Dieu ». Comme le disent les Orientations et Suggestions proposées par le Vatican en 1975: « C'est en scrutant son propre mystère qu'elle (l'Eglise) est affrontée au mystère d'Israël ».

Un programme d'enseignement élaboré dans cette perspective doit nécessairement, j'y insiste, être proprement catéchétique, et cela parce que l'expérience juive a son rôle important à jouer dans la croissance et la maturation d'une foi chrétienne.

GRANDES LIGNES DU PROGRAMME

1) Les Ecritures hébraïques (la Thora)


a) Valides de plein droit pour le peuple juif en tant que révélation intégrale que la référence au Christ n'annihile pas.

b) Continuité entre la conception hébraïque de Dieu et de la morale et celle du NT., par ex. la Loi de l'amour (Dt 6,5; Lev. 19,18).

c) L'enseignement rabbinique (Thora orale) vu comme une application valable de l'enseignement biblique aux changements que connaît l'histoire juive (Exil à Babylone, destruction du Temple en 70 après J.C. etc...).

2) Le judaïsme d l'époque du N.T.

a) Richesse et diversité des mouvements religieux pendant cette période.

b) Les pharisiens comme réformateurs religieux combattant le légalisme et l'hypocrisie des Sadducéens, représentant les classes moyennes ou pauvres, hostiles à la riche aristocratie hérodienne et à ceux qui collaboraient avec les impérialistes romains.

c) L'enseignement de Jésus, essentiellement juif et fondamentalement pharisien, de forme et de contenu (ex. Le 11,37; 13,31; Jn 9,13; Ac 5,23).

3) Le premier schisme

a) Jésus, Marie et les Apôtres, juifs observants.

b) Ce qu'est au fond la rupture entre la Synagogue et l'Eglise primitive: une querelle de famille.

c) St Paul et la mission aux gentils. Romains 9-11: une relation vivante entre les Alliances.

d) Le rôle des Romains dans la mort de Jésus, et les motifs pour lesquels les auteurs du N.T. ont cherché à minimiser ce rôle et à représenter les autorités juives comme ]es premières responsables.

e) Ce qui explique chez Matthieu les attaques contre les pharisiens, et chez Jean l'emploi théologique du terme « les Juifs ».

4) Le judaïsme rabbinique et médiéval

a) L'importance prise par la Synagogue: une vision prophétique réalisée grâce aux pharisiens.

b) L'école de Jamnia et le Rabbi Yohanan ben Zakkaï.

c) Le Talmud: Michna, Ghemara et Responsa.

d) Les Commentateurs médiévaux: Saadia Gaon (10e siècle), Rachi (11e siècle), le Chulhan Arouch.

e) La philosophie juive: Ibn Gabirol, Maimonide, Juda Halevi.

f) La vie juive: les juifs à Babylone, l'Age d'Or en Espagne, le ghetto, les croisades, les expulsions et les conversions forcées.

g) La liturgie juive: les fêtes et le Chabbat.

5) De la Réforme au 20e siècle

a) L'Inquisition et les autodafés.

b) Martin Luther et le protestantisme.

c) Le siècle des Lumières: Spinoza, Mendelssohn,

d) Le Hassidisme et le mysticisme juif.

e) La philosophie et la littérature: Ileinrich Heine, Martin Buber, Franz Rosenzweig etc...

f) En Europe de l'Est: La culture du Chtettel.

6) Le judaïsme à l'âge du pluralisme

a) L'Emancipation et l'Assimilation.

b) Le judaïsme réformé, conservateur et orthodoxe.

c) La communauté juive américaine: organisations religieuses et laïques, immigration, contribution à l'histoire de l'Amérique, richesse et diversité du judaïsme.

7) L'Holocauste nazi

a) Le rôle de l'anti-judaïsme théologique et le silence des Eglises.

b) Hitler et le nationalisme née-païen.

c) Les camps de la mort et la destruction du judaïsme en Europe de l'Est.

d) Résistance chrétienne et résistance juive: * les Justes parmi les Nations », Franz Jagerstatter, Dietrich Bonhoeffer, le soulèvement du ghetto de Varsovie.

e) La littérature de l'Holocauste: Anne Frank, Die Wiesel, Victor Frankl.

8) Le Sionisme et l'Etat moderne d'Israël

a) Le sionisme de la première heure: Théodore Herzl et Ahad Haam.

b) Le Mandat britannique et la Déclaration Balfour.

c) Le sens de la renaissance d'Israël pour la communauté juive américaine.

d) L'antisémitisme moderne: en Occident et au Moyen-Orient; l'antisionisme comme antisémitisme.


1. Dr Eugene J. Fisher est le Directeur exécutif du Secrétariat pour les relations judéo-catholiques de la Conlérence épiscopale catholique des U.S.A.
2. Le Webster est l'équivalent du Larousse français.
3. D'autres brochures pouvant aider les catéchistes en ce domaine existent dans les divers pays. Pour la France, on peut se renseigner auprès de SIDIC-Paris, 73 rue N. Dame des champs, Paris 75006.

 

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